Il faisait totalement jour lorsqu’un détachement de cavaliers se présenta aux abords du fort encore fumant. Elinora était toujours en train de dispenser des soins aux blessés, mais elle était à bout d’énergie et peinait à tenir debout. Elle releva la tête en entendant le bruit des sabots d’un groupe de cavaliers qui s’approchait du fort. En se dirigeant vers l’entrée, elle reconnut Balwin accompagné d’une dizaine d’hommes qui allaient à leur rencontre. Derrière lui, elle pouvait distinguer au loin les traces du campement Spyrien dont il ne restait que des tentes éventrées. Balwin s’arrêta à quelques mètres de l’édifice devant une ligne de Brûlés qui s’étaient mis en position défensive derrière une barricade en bois qui semblait sur le point de s'effondrer au moindre contact.
— J’aimerais parler à Lux ! Cria Balwin du haut de sa monture.
Minos sortit des rangs et vint se poster face au général. Balwin scrutait le fort du regard et jugeait les mines épuisées et morbides des hommes et des femmes qui se tenaient devant lui.
— Malheureusement, elle n’est pas ici. Les Spyriens l’ont enlevée durant la bataille.
— Je vois, répondit Balwin en se caressant la barbe. J’en suis navré, un détachement est à la poursuite des fuyards, je vous tiendrai informé si nous la retrouvons.
— Je vous remercie.
Il reporta son attention sur le fort. Elinora remarqua qu’il avait l’air hésitant, comme s’il rechignait à leur annoncer une mauvaise nouvelle.
— Malheureusement, vous ne pouvez pas rester ici, lâcha-t-il. C’est un lieu sacré pour les habitants d’Ortie.
Au vu de l’état du fort, ce n’est plus qu’un champ de ruines, pensa-t-elle.
— Oui, nous n’en avons pas l’intention. Dès que nos hommes seront remis sur pied, nous repartirons vers Dérios.
Balwin secoua la tête.
— Je vais être direct, avant mon départ, la reine Théa m’a explicitement ordonné de vous éliminer. Par conséquent, vous ne pouvez pas y retourner.
— Je croyais que vous nous aviez fait allégeance, répondit Minos méfiant en serrant la poignée de son arme.
— Je n’ai juré allégeance qu’à sa Majesté la reine. L’aide que je vous octroie ne tient que tant que ses intérêts convergent avec les vôtres. Mais je ne compte pas oublier les services que vous nous avez rendus. C’est pourquoi, une fois vos blessés rétablis, je vous propose de quitter le pays immédiatement.
— Cela équivaudrait à sceller le destin de Dérios et de votre reine que vous servez avec tant de zèle.
— Je m’assurerai de faire en sorte qu'Ignace soit renvoyé, soyez-en certain.
— Ce n’est pas ça qui l’arrêtera et vous le savez ! S’emporta Minos.
Les chevaux commençaient à s’impatienter et l’ambiance était pesante. Si un affrontement devait avoir lieu, les Brûlés n’avaient aucune chance de l'emporter. Minos devait en avoir conscience, car il regardait avec méfiance les troupes positionnées en bas de la colline qui terminaient de saccager le campement spyriens.
Voyant que la situation risquait de dégénérer, Elinora décida d’intervenir.
— Il reste une autre solution, déclara-t-elle.
Son intervention effraya plusieurs des gardes du corps du général qui tressaillirent. Balwin lui-même eut un léger mouvement de recul. Elle ne savait pas très bien de quoi elle avait l’air, mais sa toge blanche couverte de sang et de poussière ainsi que son visage creusé par la fatigue devaient décontenancer même le guerrier le plus aguerri.
— Dame Elinora, que faites-vous ici ?! S’exclama le général avec surprise.
— Escortez-nous jusqu’à Dérios, continua-t-elle sans répondre à sa question. Organisons une entrevue avec la reine. Après nous avoir entendus, elle décidera si oui ou non les Brûlés constituent réellement une menace pour son royaume.
— Et vous comptez lui raconter l’histoire d’Ignis ? Jamais elle ne croira à pareille légende. Thea les fera exécuter sur-le-champ, puis elle nous condamnera vous et moi pour avoir conspiré à leurs côtés.
— Lucio et Ignace prévoient de l’assassiner, lâcha Elinora. Si elle ne croit pas à l’histoire d’Ignis, je sais qu’elle m’écoutera en apprenant que sa vie est en danger. J’en prends l’entière responsabilité et vous et vos hommes ne serez pas inquiétés.
— Et quelles preuves avez-vous à l’appui ?
— Des témoignages. Leurs agissements ne sont pas restés sans conséquences. Vous-même, vous avez aperçu Ignace se lier d’amitié avec les Kléptars. Qu’est-ce qu’un légat des Adorateurs du Brasier irait faire chez un groupe de bandits ? Soutenez notre cause, témoignez avec nous et la reine n’aura d’autre choix que de voir la vérité en face.
Balwin réfléchissait sans avoir l’air d’être convaincu lorsqu’une voix se fit entendre dans le camp des Brûlés.
— Elle a raison. Ignace n’est sûrement pas celui qu’il prétend être.
— Et je peux savoir qui es-tu, jeune homme ? Demanda Balwin, l’air contrarié qu’on ose ainsi interrompre sa réflexion.
— Je me prénomme Luke et j’étais encore un garde du Palais de Spyr il y a peu.
Balwin fronça les sourcils.
— Depuis quand l’Ordre accueille-t-il les traîtres ?
— Laissez-le parler. Il s’est battu à nos côtés durant la nuit et a risqué sa vie en défendant les nôtres, dit Minos.
— Les gardes du Palais ne sont pas des soldats comme les autres, continua Luke. Sous l’influence de la Flamme de la Foi, ils sont devenus une bande de fanatiques prêts à tout pour propager la gloire de Pyra et défendre son culte. Avant que la situation n’empire, j’ai fait partie de ceux envoyés en Brysie pour retrouver la trace de deux des nôtres qui y avaient disparu en escortant le nouveau légat du Culte du Brasier. On a retrouvé trois corps carbonisés cette nuit-là. Deux d’entre eux étaient ceux des gardes du Palais, on a pu les reconnaître aisément grâce à leur armement. Le dernier, en revanche, était méconnaissable et on l’a laissé sur place. Je me suis longtemps interrogé sur l’identité de cet homme, mais si l’histoire des Brûlés est vraie et qu’Ignis est bien un usurpateur, alors le dernier corps devait être celui du véritable prêtre envoyé par Spyr.
Il eut de nouveau un long silence qui suivit ces déclarations. Chacun essayant de se reconstituer une image du puzzle dans sa tête.
— Et ce corps, vous saurez m’y conduire ? Demanda Elinora.
— Oui, si vous le désirez, mais je ne sais pas dans quel état il est depuis tout ce temps.
— Ce n’est pas grave, je saurais le reconnaître.
Tous les regards se tournèrent vers Balwin. Le vieux général continua de se caresser la barbe, puis il soupira avant d’accepter.
— Très bien, de toute façon, c’est sur la route qu’ont empruntée les Spyriens. Vous pouvez venir avec moi. Espérons que cette preuve sera suffisante pour convaincre la reine.
— Et pour les blessés ? Demanda Minos. Ils ont besoin de repos et de soins.
— Si cela ne dérange pas la Matriarche, alors vous pouvez rester en ce lieu. Une partie de mes hommes va veiller à prendre soin d’eux et les escortera jusqu’à Dérios dès qu’ils seront en état d’entreprendre le voyage.
— Vos prisonniers en somme.
— Je regrette, mais ce point n’est pas négociable.
Cette fois, ce fut Minos qui fut contraint d’accepter. Ils échangèrent encore quelques instants, puis Balwin partit rejoindre le restant de ses troupes qui l’attendaient en bas de la colline.
Ils étaient tous bien trop fatigués pour partir tout de suite et Balwin leur avait accordé un jour de repos.
— Une partie de ses hommes est déjà lancée à leur trousse, mais de toute façon, je doute que l’on parvienne à les rattraper, avait-il répondu en maugréant lorsque Minos lui en avait fait la demande.
Ils passèrent la journée à rassembler leurs morts et à dresser un bûcher funéraire. Au crépuscule, ils procédèrent à la cérémonie. Elinora jugea bon de dire quelques mots pour honorer leur mémoire avant que Minos n’allume le brasier géant. Elle contempla tous ces visages inertes être dévorés par les flammes et s’arrêta un peu plus longuement sur celui d’Hilda dont elle avait assisté à la mort tragique. Beaucoup étaient tombés durant cette horrible nuit. Beaucoup trop. Ils restèrent tous là pendant quelques minutes dans un silence de marbre, puis ils partagèrent un repas frugal avant que chacun n’aille se coucher. Alors qu’Elinora se dirigeait vers sa tente pour enfin pouvoir dormir un peu, elle surprit Minos en pleine discussion agitée avec la jeune fille rousse qu’elle avait croisée dans la mêlée.
— Non, c’est bien trop risqué.
— Vous savez quel sort ils vont lui faire subir ! Demandez à Luke, vous ne pouvez pas l’abandonner.
— Tanwen, je t’ai dit non !
— D’autres Brûlés sont d’accord avec moi, ils proposent d’agir dès maintenant.
— Et tu n’es pas une Brûlée !
Ses mots résonnèrent lourdement dans l’enceinte du fort. Tanwen le dévisagea furibonde et s'en alla en serrant les poings. Minos soupira puis croisa le regard d’Elinora avant de s’en aller à son tour. Elle comprit qu’ils devaient parler de Lux. Elle n’avait pas vu ce qui lui était arrivé dans la bataille, mais la seule trace que l’on avait retrouvée de la cheffe des Brûlés était son arme gisante entre les gravats. Si elle avait été enlevée par les Spyriens, alors Elinora ne pouvait qu’imaginer le terrible sort qui l’attendait. Malheureusement, pour l’instant, elle ne pouvait rien pour la cheffe des Brûlés. Incapable de rester éveillée plus longtemps, Elinora regagna sa tente et s’allongea sur sa paillasse avant de s’endormir aussitôt.
Elle faillit ne pas se lever à temps le lendemain. Le soleil était déjà haut lorsqu’Elinora attrapa le peu d’affaire qu’elle avait avant de se diriger vers la sortie du fort en compagnie de Luke qu’elle rencontra en chemin. Minos avait donné des instructions aux Brûlés pour s’occuper des blessés en leur absence et il avait pris les quelques guerriers en état de combattre pour l’accompagner. Malgré l’insistance et les protestations de Tanwen, celle-ci n’en faisait pas partie. Une fois que tout le monde fut fin prêt, le groupe se mit en route vers Brys.
Le voyage se passa rapidement et sans embûche. Les fuyards de Spyr avaient pris trop d’avance et avaient déjà passé la frontière bien avant que les hommes de Balwin n’aient une chance de les rattraper. Elinora avait pu se reposer durant le trajet et elle se sentait en bien meilleure forme et l’esprit reposé. Mais plus elle s’approchait de leur destination et plus l’inquiétude grandissait. Allait-elle vraiment trouver des preuves pour inculper Ignace ? Et surtout, est-ce qu’elles seraient suffisantes pour convaincre la reine et la faire pardonner de lui avoir dissimulé son implication dans l’Ordre.
À peine furent-ils arrivés à proximité de Brys que Luke les guida directement vers un petit bois en bordure du village. Suivant leur guide, ils débouchèrent sur une clairière qui semblait parfaitement banale au premier abord, mais Luke s’arrêta et commença à inspecter les environs.
— C’est quelque part par-là, déclara-t-il. Il faisait sombre, alors je ne saurais dire où exactement.
Balwin soupira et donna aussitôt l’ordre à ses hommes de ratisser la zone et de se mettre à creuser. Il leur fallut de longues heures de recherche jusqu’à ce que l’un d’entre eux finisse par trouver des ossements. Ils déblayèrent la terre tout autour avec précaution et exhumèrent un corps dans un stade avancé de décomposition.
— Il n’y a plus grand-chose à en tirer, se contenta de déclarer Balwin. Cela pourrait être n’importe quel pauvre bougre des environs.
Le cadavre était, en effet, méconnaissable. Pourtant, Elinora s’agenouilla et leva les mains au-dessus de celui-ci.
— Pyrel, j’implore ton aide. Montre-moi la vérité au milieu des mensonges.
Le corps fut aussitôt enveloppé d’une douce lumière pâle et commença à se reformer progressivement. La chair retrouva sa place et son teint rose, les habits en lambeaux se recousirent tandis que le tissu noirci reprit sa teinte initiale. Dès que le processus fut entièrement terminé, l’on pouvait clairement reconnaître un homme dans la cinquantaine portant une longue robe pourprée ornée de filaments dorés, celle des Adorateurs du Brasier.
— Vous disiez vrai, reconnut Balwin, le regard impressionné par le miracle qui se produisait sous leurs yeux.
Lorsqu’elle eut fini de l’observer, Elinora baissa les bras et le cadavre recouvrit aussitôt son aspect putréfié.
— C’est bien un prêtre du Brasier, déclara-t-elle. Je l’avais déjà rencontré auparavant. Pourquoi ne pas avoir emporté le corps lorsque vous êtes venus à Brys ?
— Notre capitaine nous a dit que cela n’était pas nécessaire et qu’il fallait simplement rapporter ceux des nôtres.
— Visiblement, quelqu’un à Spyr complote avec Ignace pour le couvrir et s’assurer qu’il conserve son poste, énonça Minos. Quel est le nom de la Flamme de la Foi déjà ?
— Atrius, répondit Luke.
— Et c’est lui qui vous a envoyé en mission ici ?
— En effet, normalement, les gardes servent la République de Spyr, mais il s’en est peu à peu attribué le contrôle.
Elinora voulut se relever lorsqu'elle fut subitement prise de vertige. Elle se rattrapa avec une main et manqua de peu de s’écrouler dans l’herbe.
— Aidez-la ! Cria Balwin à ses hommes.
On l’aida à se relever, mais Elinora avait toujours du mal à tenir debout et elle alla s’asseoir contre un arbre à proximité.
— Ça ira, dit-elle. Je suis encore épuisée de la bataille, voilà tout.
— Ne vous surmenez pas, répondit Minos. Votre présence nous est d’une grande aide et il ne faut surtout pas qu’il vous arrive malheur.
— Nous en savons assez, déclara Balwin. Rentrons à Dérios pour en informer la reine Théa. Il me tarde de voir tous ses conspirateurs démasqués et pendus au bout d’une corde.
Ils ne s’attardèrent pas à Brys et repartirent en vitesse en direction de la capitale. Durant tout le trajet, Elinora ne cessa de ruminer sur les paroles qu’elle devrait dire pour convaincre Thea. Bien que Balwin ait accepté de témoigner avec eux, le comportement de la reine restait incertain et ses réactions imprévisibles.
Ils finirent par arriver sur l’un des nombreux petits villages bordant le Soleil bleu et prirent une embarcation qui les déposa jusqu’aux quais de la cité. Il n’avait pas fait deux pas sur les pontons en bois qu’une troupe de soldats vint à leur rencontre.
— Sire Balwin, dame Elinora, Son Altesse royale souhaite vous voir immédiatement. Déclara le commandant de la troupe. Aussi, je vous prie de bien vouloir nous suivre sans opposer aucune résistance.
— Cela tombe bien, nous allions justement à sa rencontre, répondit Elinora.
— Je regrette, mais la reine souhaite vous voir seul et les hommes en arme ne sont pas autorisés à l’intérieur, dit la sentinelle en jetant des regards méfiants en direction des Brûlés.
— Ils sont avec nous, répliqua Balwin. Et vous pensez bien que jamais je ne laisserai des assassins approcher Son Altesse.
— La reine n’en est pas aussi sûre et nourrit quelques doutes quant à votre allégeance. Aussi, vous connaissez les règles, pas d’armes à l’intérieur du palais.
— Je dois les accompagner, protesta Minos. Il me faut une audience avec Sa Majesté.
— Laissez-les passer, ce sont les premiers concernés dans toute cette histoire, plaida Elinora en leur faveur.
— Les armes, répéta implacablement la sentinelle.
Balwin soupira et fit signe à Minos et ses acolytes de donner leurs armes. Il hésita un instant avant de finir par obtempérer et tous les Brûlés l’accompagnant remirent également leurs armes.
— Satisfait ? Demanda Balwin froidement.
Les gardes les escortèrent dans la ville sous les regards étonnés des villageois. Une fois au palais, on les conduisit directement dans un grand hall richement décoré. Au centre, se trouvait un trône d’un blanc éclatant en forme de cygne, l’emblème de Dérios. Théa était assise sur celui-ci et les attendait en tapotant nerveusement du doigt les accoudoirs de son siège. Dès qu'ils entrèrent, elle les dévisagea avec méfiance, en particulier Minos qui portait toujours son armure de Brûlé. Le roi Éléon était là également, assis à ses côtés dans son fauteuil en bois habituel. On referma les lourdes portes de la salle du trône derrière eux et Théa se leva en descendant les quelques marches de son promontoire.
— Que Daélia complote à la cour passe encore, cette gamine n’arrivera jamais à rien. Que Lucio fasse des siennes, c’est presque une habitude, et quelques coups sur les doigts peuvent le remettre à sa place. Mais que mes deux plus proches conseillers complotent contre moi en laissant entrer des hommes en arme dans ma cité. Cela m’est inacceptable ! Je croyais pourtant avoir été clair et vous avoir ordonné de vous débarrasser d’eux.
— Ma reine ! S’exclama Balwin. La victoire est notre, les spyriens ont été repoussés comme vous l’aviez…
— Silence ! Lorsque tu t’adresses à ta reine, tu t’agenouilles !
Balwin obtempéra et posa un genou à terre, suivi par le reste de l’assemblée.
— Ma reine ! Jamais je ne vous trahirais ! J’ai dédié ma vie et mon honneur à vous servir. Si j’ai pris la décision de ramener ces gens ici, c’est parce que je pense sincèrement que ce qu’ils ont à dire peut vous être utile.
Théa regarda Minos et les Brûlés l’air sceptique avant de leur demander :
— Qui parmi vous est le commandant de ce fameux ordre.
— C’est moi, Votre Altesse, répondit Minos en se relevant.
— Tu as intérêt à me donner une raison convaincante de votre présence ici, sinon, toi et tous tes collègues finirez au fond du lac avant ce soir.
— Votre honneur, l’Ordre des Brûlés est un ordre très ancien. Notre but est de traquer Ignis et de l’éliminer avant qu’il ne réduise d’autres cités en cendre. Ses pas nous ont menés jusqu’ici et nous pensons qu’il s’agit ni plus ni moins qu’Ignace, le légat des Adorateurs du Brasier envoyé par Spyr…
Minos continua d’expliquer la raison d’être de son Ordre et la menace que représentait Ignis sans rentrer trop dans les détails. Il fit tout pour se montrer convaincant et Elinora se dit qu’il serait sûrement parvenu à faire douter n’importe qui, mais pas Théa. Celle-ci n’accordait aucun crédit aux légendes passées, seul l’intéressait les querelles du présent. Dès que Minos eut terminé son monologue, un grand silence raisonna dans la salle du trône jusqu’à ce que Théa, furieuse, ne tourne son regard vers Balwin.
— C’est une plaisanterie ?
— Votre Altesse ! Elle dit vrai ! S’exclama Elinora.
— Toi ! Tu as abusé de ma confiance en faisant semblant de ne pas connaître cet ordre alors que tu œuvrais dans l’ombre à leur côté. Dire que cette garce de Daélia avait raison, tout ce que tu souhaites réellement, c’est te débarrasser des Adorateurs du Brasier !
— Ma reine, jamais je ne vous mentirai pour une chose pareille. Je comprends que vous soyez déçue à mon égard, mais je vous en conjure, écoutez-les ! Ignace prévoit de s’allier aux Kléptars et de vous exécuter !
— Pourquoi ferait-il une chose pareille ?
— Parce que c’est un imposteur, répliqua Minos. Le cadavre du véritable légat envoyé par Spyr a été retrouvé à Brys.
— Et Ignace a été aperçu plusieurs fois en compagnie des Kléptars, ajouta Balwin.
— Je vous en supplie, ma reine poursuivit Elinora. Vous devez les croire. Un assassinat a été planifié contre votre personne et si nous n’agissons pas dès maintenant, ils vous tueront…
Théa leva la main pour lui ordonner de se taire. Elle fit quelques pas dans un silence aussi magistral qu’angoissant avant d'aller se rasseoir sur son trône et de se prendre la tête entre les mains. Elinora savait qu’elle réfléchissait au sort qu’elle allait leur réserver et leur quête pouvait très bien prendre fin dans les secondes qui suivent. La reine afficha subitement une expression déterminée et se releva. Elle s’avança et commença à ouvrir la bouche pour asséner sa sentence lorsqu’une voix retentit derrière elle.
— Je… Je suis d’a… d’accord !
Tous les regards stupéfaits se tournèrent vers le roi Éléon qui, toujours assis sur son fauteuil en bois, n’avait pas manqué une miette de la conversation.
— Qu’as-tu dit ? Demanda Théa hésitante.
— Je suis d’a… d’accord ! Répéta-t-il avec peine.
La reine Théa s’approcha doucement de lui puis le saisit dans ses bras. Balwin voulut dire quelques mots, mais Elinora le fit taire du regard. Il fallait à tout prix ne pas gâcher ce moment qui venait sans doute de leur sauver la vie. La reine et son fils s’étreignirent de longues secondes avant que Théa ne s’écarte et ne s’adresse de nouveau à son auditoire.
— C’est d’accord, dit-elle. De toute façon, je trouve le comportement de ce prêtre étrange depuis son arrivée ici et j’en ai plus qu’assez de Lucio et de sa clique. Général, je vous laisse planifier les opérations. Et trouvez un logement pour ces hommes. Ils partiront une fois toute cette histoire terminée.
— Merci, Votre Altesse, répondit Minos en s’inclinant.
— Maintenant, allez-vous-en ! Déclara Théa qui ne l’avait même pas entendu, le regard posé sur Éléon. Et faites en sorte de ne plus me causer le moindre tourment !
On les escorta jusqu’à la sortie du palais. Elinora était ravie de ce dénouement inattendu. Théa leur avait donné l’autorisation de se débarrasser d’Ignace et les Brûlés étaient libres d’agir à leur guise. Mais surtout, Elinora était stupéfaite, c’était la première fois qu’elle entendait Éléon prononcer quelques mots. Ce dernier avait arrêté de parler durant l’enfance et tous les médecins du royaume s’étaient accordés pour dire que le mal dont il souffrait était irréversible. Même les interventions des Adorateurs du Brasier ou des prêtresses de Pyrel n’y avaient rien changé.
— Avouez, c’est encore un tour de votre déesse ? Lui demanda Balwin une fois à l’extérieur de l’imposant bâtiment de marbre. Quel genre de miracle avez-vous demandé ?
— Pyrel n’y est pour rien, répondit-elle. Il a réussi tout seul à prendre la parole.
— Eh bien, dans ce cas, il est des miracles que même les dieux ne peuvent expliquer.
Le général les quitta pour regagner sa caserne afin de retrouver ses hommes. Luke et Minos ainsi que les autres Brûlés lui emboîtèrent le pas. Elinora quant à elle, prit le chemin du temple. Elle savait Anna parfaitement capable de gérer la situation en son absence, mais l’odeur d’encens et le cadre calme et réconfortant du sanctuaire lui avaient terriblement manqué durant ces quelques jours passés loin de sa cité.
Très bon chapitre. L'enquête est rapide, pas de fioritures aha
Le moment dans la salle du trône est vraiment chouette.
Théa réagit comme je l'attendais et que ce soit Eleon qui parle est génial. Surtout que dans la partie 1 on voyait qu'il savait pour Ignace. Là le jeune roi prend toute sa place.
A voir la suite des évènements :)
deux retours de forme :
"et en alla en serrant les poings" -- "s'en alla"
"Ses pas nous ont menés jusqu’ici et nous pensons qu’il s’agit n’y plus ni moins qu’Ignace" -- je crois "ni plus ni moins"
A plus !
Oui je souhaitais donner un role un peu plus important à Eléon bien que sont sort ne soit pas enviable.
merci pour les coquilles et à la prochaine ^^