William n’avait toujours pas conscience de ce qu’il se passait, quand la fusillade redoubla d’une ardeur inouïe, au point qu’il ne pouvait plus bouger tant la tempête rugissant autour de lui pétrifiait sa conscience. C’était comme être au milieu de l’effondrement d’un bâtiment, un roulement d’explosion avant que le silence n’efface tout son, jusqu’au chant des oiseaux. Alors, ce n’est qu’après la dispersion de ce fracas dans le lointain qu’il comprit enfin ce qu’il venait de se passer, lorsque son regard se posa sur un cadavre gisant au sol. Mais il ne s’agissait pas d’Ulrich, car il entendit ce dernier se relever pour remercier le soldat qui l’avait bousculé dans un réflexe prodigieux, dès qu’il avait vu l’assaillant dégainer un pistolet en criant justice. Non, cet homme qui gisait au sol était bien un camarade de William, non loin de deux autres corps que les gardes du département fouillaient déjà.
Ce n’était pas un ami, ils s’étaient simplement rencontrés à l’occasion d’une réunion clandestine, peu de temps avant que les révolutionnaires les plus radicaux ne soient définitivement interdits en Germanie. D’ailleurs, cette mesure très forte avait été aussitôt suivie d’une sévère répression, et c’était probablement pour l’un des réprimés que ces trois hommes avaient tenté un attentat aussi fou contre le vice-directeur du RFA – et son escorte augmentée. Évidemment, pour être l’un des rares à côtoyer les deux mondes, William savait déjà que la haine entre RFA et Révolution pouvait conduire à ces actions, aussi désespérées que violentes. Et la raison de cette détestation était très simple : les réseaux socialistes étaient connus pour être les principaux acteurs du trafic de LM, notamment grâce à l’Allemand du Conseil – le disciple d’Achille, théoricien de la Révolution Nouvelle.
Car les appétits de la Cause pour le LM n’avaient pas disparu en 1871, tout comme les idéaux du Français du Premier Conseil n’avait pas été abandonnés, loin de là. Depuis la disparition du Pionnier Français, William avait fait de son mieux pour reprendre son flambeau, quels que soient les risques. Et tout comme son mentor, il était convaincu que le LM était non seulement un outil pour améliorer l’Humanité et ses sociétés, mais aussi pour préparer la Grande Révolution afin qu’elle ne finisse pas comme la Commune de Paris ou le Printemps des Peuples de 1848. A l’inverse de Maria et d’Arcturus, le serment du Graal de William n’était pas motivé par ses proches ou sa réussite personnelle, il servait la Cause et ses camarades, comme ceux qu’il avait vu mourir quelques heures avant qu’il ne repense à tout ça, tandis que sa voiture filait maintenant dans les Alpes autrichiennes.
Pour que la révolution ait une chance contre la bourgeoisie, elle allait devoir retourner le LM contre son ennemie et, à ses yeux, elle allait même faire du LM ce qu’il aurait toujours dû être : une molécule au service de toute l’Humanité - pas seulement des deux Empires de Germanie. Alors pendant toutes ces années, William avait fait fuiter des documents civils et militaires, des emplois du temps aux itinéraires de livraison, de l’identité des savants que la Cause pourrait recruter à ceux dont elle ne devait surtout pas éveiller les soupçons. Et lorsqu’Ulrich lui annonçait que cet attentat pitoyable n’était que la conséquence de la pourriture qui gangrène le département, il dut faire de son mieux pour cacher le fait qu’il en était la plaie nécrosée. En vérité, le vice-directeur avait toujours désapprouvé ses opinions politiques trop contestataires, et fut un temps où il l’avait même soupçonné d’être à l’origine de l’incident de 1874 – lorsque Solar Gleam apprit miraculeusement l’endroit exact où le RFA venait de découvrir un nouveau bassin de LM rouge. Pourtant, William pouvait se sentir soulagé, Ulrich ne semblait pas vouloir mettre en doute sa fidélité aujourd’hui, à croire que cet attentat finalement anodin pour lui l’avait mis de bonne humeur.
C’est donc dans cette ambiance particulière, faussement détendue, qu’il put enfin apercevoir la 01, à une heure tardive qui allait la sublimer plus que jamais, au point qu’il en garda le souffle coupé à la vue ce qu’était devenu le site d’extraction de toute la Germanie.
Innsbruck-01 avait alors au moins décuplé en taille comme en effectif depuis sa dernière visite. Autrefois collée à la montagne dans laquelle étaient creusées ses quelques galeries, elle s’étendait désormais jusqu’à son sommet, surplombant par de beaux balcons les constructions qui bordaient ses parois et qui descendaient jusqu’aux pentes de la vallée, le tout cerné par une grande enceinte de béton. Innsbruck-01 n’était plus seulement un lieu d’extraction ou de raffinage, c’était également un espace de recherches, d’expérimentations, de logistiques, d’administrations et de tout ce qui faisait le RFA - jusqu’à la sécurité ou le logement du personnel bien évidemment. Tout ce creux de la vallée du Roter Kogel était donc couvert de baraquements et d’entrepôts de tôles, séparés des raffineries de béton par les toitures de verres des laboratoires, toujours actifs à toutes heures – parfois encore en travaux, ce qui contribuait à donner un aspect encore plus chaotique à ce gigantesque complexe. Car même la nuit ne pouvait entraver la marche du progrès de cette immense installation semi-troglodyte. Des lueurs jaillissaient des interstices de la falaise sur toute la paroi montagneuse qu’offrait la fenêtre de William, tandis que le sol lui-même peinait à retenir les lumières souterraines partant se perdre dans la fumée des hautes cheminées de la 01 – crachant leurs échos rouges en permanence. Et par la force du LM, ainsi que celle des ouvriers de toute la Germanie, tout cela avait été réalisé en seulement huit ans. Cette vision impressionnait William, elle l’intimidait même, tant ces lumières irradiantes dans les vallées alpines l’éblouissait, au fur et à mesure qu’il montait vers celles-ci, sans que ses chevaux ne ressentent toujours la moindre fatigue. Il se sentait comme dans un grand corridor montagneux plongé dans l’obscurité, sur le seuil de la porte trouée d’une salle illuminée, comme si un soleil était enfermé dans cette falaise percée. À cette vue, il se demandait bien jusqu’où le soleil du RFA comptait rayonner, tant ce spectacle si jeune était déjà digne de féerie, jusqu’à ce que la triste réalité d’un contrôle routier des plus banals ne vienne interrompre sa contemplation.
La voiture des deux savants franchit alors le mur d’enceinte, pour continuer sa route à travers les pentes du complexe de métal jusqu’à la vaste entrée principale des souterrains, l’accès le plus direct à la nappe qu’Emil avait offert aux deux Reich. D’ailleurs, sa grande ouverture permettait désormais le passage d’une double ligne de chemin de fer, tout en conservant largement assez d’espaces pour la circulation des voitures dans les deux sens et de chaque côté du quai. Honnêtement, William n’avait jamais vu un souterrain aussi moderne, aussi vaste et bien réalisé, fonctionnant entièrement au gaz et à l’électricité, fourmillant de galeries toutes indiquées. Pourtant, il n’était pas encore au cœur de la montagne, tel qu’Ulrich s’amusa à lui faire remarquer, car l’intérieur du Roter Kogel était déjà complètement achevé, et c’était bien ça la prouesse pour l’Humanité toute entière.
Cependant, tandis qu’il se laissait fasciner par un tel ouvrage, son vice-directeur prit soudainement la parole sur un ton grave qui le mit aussitôt sous tension.
— Je vais t’apprendre deux ou trois choses avant la réunion, des choses sur lesquelles tu pourras méditer cette nuit. » commença-t-il pour que William se rassure aussitôt – après tout, rien ne disait qu’Ulrich allait le soupçonner ou l’intimider. « Commençons par ta présence. Nous allons aborder plusieurs sujets demain, dont certains te seront révélés à ce moment-là, et dont nous déciderons du secret avec lequel tu devras les manipuler. Mais officiellement, et sans que ça soit un secret puisque le reste du RFA sera mis au courant dans les prochains jours, tu es ici pour assister à des débats techniques de première importance … en tant qu’observateur civil choisi par le directeur.
— Pourquoi moi particulièrement ? Ce n’est pas simplement parce que Maître Emil m’estime, si ? » demanda-t-il en entendant ces mots, maintenant qu’il était rassuré du fait que ça ne concernait pas ses fréquentations politiques, et avant de recevoir une réponse qui raviva ses doutes : parce tu es le mieux placé pour admettre certaines informations, et pour les expliquer à ceux qui n’y parviendraient pas.
Apparemment, le RFA avait trois problèmes difficiles à avouer, chacun pour une bonne raison selon Ulrich. Et même si ce dernier restait très évasif en détaillant tout cela, William put quand même comprendre l’ordre du jour de cette réunion spéciale.
D’abord, le RFA avait eu un gros incident technique sur le bassin principal du site, l’un des deux seuls qu’il exploitait encore - depuis la fermeture du tout premier bassin de LM découvert par le Conseil, désormais interdit. Et cet inconvénient allait donc poser un certain nombre de problèmes d’approvisionnement, le département civil allait peut-être devoir économiser ses stocks pour le prochain mois, puisque la section militaire et ses recherches de pointe passaient avant tout. Alors si un socialiste, comme William, pouvait avoir la gentillesse de bien vouloir l’expliquer en des termes consensuels à ses autres collègues plus modérés que lui, le directeur et son adjoint lui en seraient très reconnaissants. Mais bien qu’il ne soit pas étonné de telles méthodes, l’Allemand du Conseil resta tout de même surpris d’entendre ça, les militaires ne lui avaient jamais demandé de faire leur propagande, ils la faisaient déjà très bien eux-mêmes. Il y a forcément une autre raison qu’il me cache pour l’instant, pensa-t-il, en se retenant de trop insister auprès d’Ulrich, et en espérant que ses camarades révolutionnaires ne soient pas derrière ce fameux souci technique. Maître Emil ne m’aurait pas fait venir parce qu’il me soupçonne de savoir quelque chose à ce sujet, s’interrogea-t-il intérieurement, avec une pointe d’inquiétude, en se demandant si les militaires accepteraient d’oublier leurs soupçons si c’était bien pour cette raison qu’il était convoqué ici.
Ensuite, et dans la foulée, William découvrit que le RFA souhaitait également le voir s’adresser directement au peuple dans son ensemble, notamment à tous ceux qui doutaient encore du LM que les Reich dispensaient gracieusement à leurs citoyens. Le Département Impérial se doutait bien que faire accepter des thérapies à toute la population n’allait pas être facile, il avait déjà eu du mal à généraliser la consommation de LM dans les usines. Mais avec l’aide d’un scientifique apprécié par les classes populaires, comme celui qui se trouvait sur la banquette en face de lui, Ulrich était convaincu d’y arriver avant les prochaines réformes du Kaiser. Néanmoins, il y avait un obstacle tenace que le RFA trouvait encore sur le chemin de sa propagande : la Cause Révolutionnaire. D’autant plus que les camarades de William ne critiquaient pas seulement la dictature chimique du Kaiser, ils essayaient aussi de créer leurs propres réseaux de transformation et de distribution de la molécule, à l’abri des autorités. Seulement tout ce LM qu’ils volaient n’était donc pas systématiquement conservé, il ne servait pas qu’à préparer des insurrections potentielles, il leur offrait également la richesse et l’influence, auprès de tous ceux qu’ils pouvaient corrompre – comme Achille puis William leur avaient conseillé …
Et malgré l’attitude très diplomate que le vice-directeur avait gardée jusque-là, William - déjà fatigué - comprit très vite que l’heure de son interrogatoire était finalement arrivée, comme si le Bavarois avait attendu d’être dans les tunnels pour lâcher ses soupçons. Malheureusement pour l’Allemand du Conseil, il n’était pas aussi crédule et bienveillant que le vieux maréchal Ludwig.
— Ne joue pas à l’imbécile avec moi. Je sais qu’Achille était plus que ton professeur favori parmi les Quatre Pionniers, tout comme je sais que tu lui rends parfois visite à l’asile de Limoges où il est enfermé, dans ce nid à socialistes qu’est la France. Les révolutionnaires sont particulièrement agités dans toute la Germanie, tu as du en entendre parler, et ils en ont particulièrement après le RFA, comme tu as pu le voir ce midi. Ce n’est pas sans raison, et ce n’est pas sans cause non plus. » résuma-t-il sèchement, sûrement, sans que William ne fasse rien d’autre que jouer l’innocent choqué. « Je vais être franc avec toi, je m’inquiète du fait que tu puisses chercher à imiter ton cher professeur Achille, en participant à fomenter une insurrection de grande ampleur, pour finalement finir comme lui. Je ne veux pas que le RFA perde un chercheur talentueux et prometteur comme toi.
— Tu crois que je compte participer à une révolution ? Cet attentat t’a trop excité, Ulrich, ce n’est pas possible autrement ! » se scandalisa l’intéressé, sans que cela ait le moindre effet sur les soupçons qui revinrent à la charge.
— Pourquoi monter sur tes grands chevaux ? Je n’ai pas dit que tu y participerais volontairement, cela peut se faire malgré toi, ta gentillesse est bien connue. Tu ne caches rien, William ? Tu en es sûr ?
— Non, je ne cache rien, et je ne crois pas que refaire la Commune de Paris soit une bonne idée pour être franc moi aussi. Ce n’est pas parce que j’adhère à des thèses économiques ou morales que j’adhère à un mode d’action, je n’ai rien à voir avec les révolutionnaires violents ou clandestins, tu le sais déjà. Et pour finir sur le fond de mes opinions, comme j’ai déjà du te le dire d’ailleurs, je suis convaincu que le Kaiser ou son successeur seront amenés à faire le nécessaire pour les droits du prolétariat à un moment ou à un autre. Des grèves et une contestation pacifique convertiront le prince-héritier, ou ceux qui viendront après lui, je préfère laisser aux Français leurs bains de sang chéris.
— Hm ! Malheureusement, je ne te croirai pleinement que lorsque tu rejoindras notre Cause, tu n’es pas des gens qui attendent de voir ou qui laissent faire le temps, c’est aussi quelque chose que j’apprécie chez toi … » lui asséna-t-il en souriant nerveusement, avant de reprendre sur un ton plus apaisé et conciliateur. « Cependant, tu sembles effectivement honnête dans tes propos. Je pense que tu tiens réellement au sort des petites gens de notre peuple, que tu crois fermement au progrès par le LM, et je t’apprécie beaucoup pour ça aussi, je te l’ai déjà dit. Je sais que tu ne précipiterais pas une insurrection sanglante irréfléchie, ou que tu ne risquerais pas le destin de notre pays comme ton professeur, tout comme je te crois aussi lorsque tu me dis que tu conserves simplement de l’amitié pour lui … Mais prends garde à ne pas te retrouver emporté dans quelque chose qui te dépasse, voilà où je veux en venir, je ne suis pas venu te chercher pour t’accuser. » finit-il par conclure, en espérant toucher le bon cœur de son collègue par sa sincérité et son sens des responsabilités – comme si le disciple d’Achille avait l’envie ou le besoin de telles leçons …
— Merci du conseil, mais je suis un grand garçon, je sais surveiller mes fréquentations. En revanche, puis-je te demander depuis quand le RFA m’espionne dans mes moindres faits et gestes ? » répliqua-t-il, sans perdre cet air outré qu’il jouait si bien, tandis que leur voiture tournait dans un autre de ces tunnels tout éclairés de la 01 - abandonnant ainsi la voie principale dont la voiture avait longé les rails.
À vrai dire, si William se permettait cette réplique, c’était pour améliorer son jeu d’acteur, mais aussi pour en découvrir plus sur les filatures dont il avait visiblement fait l’objet - puisqu’il n’avait jamais parlé de ses visites auprès de son mentor à quiconque hormis le Conseil. Et il ne pouvait s’agir d’une trahison d’un des trois autres, le Saxon avait forcément été suivi et surveillé directement par le RFA, ce qui ne manquait pas de l’inquiéter. Qu’Ulrich apprenne ses visites auprès d’Achille était une chose, c’était encore gérable, qu’il apprenne l’existence du Conseil en était une bien plus grave, c’était la fin de tout, c’était une condamnation à mort sans appel. Maître Emil a lui-aussi dû être informé de ça, réfléchissait-il en écoutant les quelques justifications et révélations du vice-directeur.
Et malheureusement pour le Kaiser, la duplicité de l’Allemand du Conseil tenait toujours, comme si la fortune le protégeait. Cela faisait apparemment depuis 1874 que William était surveillé, de temps à autre, sur des périodes plus ou moins longues, sans qu’il n’ait jamais réussi à s’en rendre compte malgré sa vigilance presque paranoïaque. Ainsi, le RFA avait pu découvrir qu’il rendait parfois visite à Achille, mais également à Maria quand il passait à Paris, ou Alessia quand il partait pour l’Italie. Cependant, Ulrich ne soupçonnait rien de l’existence du Conseil du Graal, la seule idée d’une telle organisation secrète aussi réduite qu’efficace ne lui traversait même pas l’esprit, et ses agents avaient eu la malchance de ne jamais croisé William aux côtés d’Arcturus – le méprisable président du très haï Solar Gleam. Bien sûr, il aurait pu l’accuser de collaborer avec des savantes étrangères au détriment du RFA, sauf qu’il n’avait aucune preuve à opposer aux très bonnes explications du Saxon : il venait à Paris pour s’enquérir de l’état de son professeur Marco-Aurelio plongé dans le coma. Et c’était aussi pour cela qu’il retrouvait parfois ses anciennes camarades de tutorat, afin que l’expert du RFA en Neurologie Nouvelle puisse participer à la guérison du Pionnier Italien. Après tout, il n’y avait rien de plus normal pour un ancien élève, et le Bavarois fut même le premier à le lui concéder, en lui souriant très sincèrement, sur un ton empreint de respect. Le très patriote Ulrich était certes strict et suspicieux, il avait surtout un sens de la droiture et de la valeur humaine, ce qui le rendait fatalement manipulable par quelqu’un comme l’Allemand du Conseil – si bon, si juste et si brave dans ses paroles …
Cependant, la traversée souterraine n’était pas encore terminée, et le vice-directeur semblait avoir gardé ses soupçons les plus graves pour la fin, des inquiétudes qui mirent William mal à l’aise jusqu’à ce que le cœur du problème ne soit prononcé : Emil.
— Comment ça, il t’inquiète ? Emil a toujours été quelqu’un d’assez mystérieux et forte tête, ils étaient tous comme ça à vrai dire. » lui confia-t-il, avant de voir une expression qu’il n’avait peut-être jamais vu sur le visage d’Ulrich, de la lassitude.
— Oui, je le sais depuis longtemps, et je m’y suis habitué. Mais le problème s’est aggravé depuis quelques temps, c’est pour ça que j’espérais que tu m’en apprennes un peu … » soupira Ulrich en grattant sa courte barbe impeccablement taillée, tout l’inverse de celle de William qui l’écoutait s’expliquer. « Ceux sont surtout ses déplacements soudains et inexpliqués qui m’ennuient, sa tendance à s’opposer aux objectifs fixés par le Kaiser, ou ses propres travaux qu’il cache avec un talent et un aplomb … déconcertants. La relation entre le Directeur et le reste du Département est de plus en plus … mauvaise. » résuma-t-il, entre quelques soupirs de lassitude plus que de colère envers le comportement du meilleur scientifique de Germanie - qu’il estimait profondément.
— J’aurais bien aimé pouvoir t’aider, mais nos professeurs ne nous laissaient participer qu’à une maigre partie de leurs recherches. Je n’ai aucune idée de ce qu’il peut étudier actuellement. C’est si important que ça ?
— Assez pour que je t’en parle alors que tu ne devrais pas le savoir ... Enfin ! Continue à servir notre peuple comme tu l’as toujours fait, William, et réfléchis aussi à toutes les propositions du RFA militaire. » conclut-il lorsque les chevaux de leur voiture commencèrent enfin à ralentir leur course folle - qui faisait auparavant défiler la paroi des tunnels presque aussi vite qu’un train. « Te voilà arrivé. » lâcha simplement le Bavarois, en tournant son regard vers sa droite et un corridor s’enfonçant dans la montagne, précédé par quelques marches de bétons. À côté de la galerie, trois soldats attendaient sous une grande inscription de peinture rouge, indiquant l’entrée F-4 qui menait aux dortoirs. L’un des gardes vint alors ouvrir la portière à William qui écoutait impassiblement les dernières indications de son vice-directeur. « Il va te guider jusqu’à ta chambre, nous nous reverrons demain. Quelqu’un viendra te chercher aux alentours de 08h15 pour la réunion à 09h00. Dors bien et réfléchis à ce que je t’ai dit, les chambres de la 01 sont parfaites pour ce genre d’introspection. » lança-t-il à William, sans quitter la voiture, qui en descendait pour s’adresser aux soldats.
Puis, après avoir salué Ulrich, son guide et lui s’enfoncèrent dans les tunnels sinueux du Roter Kogel, laissant la voiture reprendre sa route vers les profondeurs de cette montagne. Et William fut bien heureux d’avoir un guide pour arpenter ce dédale, un simple soldat qui ne comptait même pas lui adresser la parole plus que par politesse – le meilleur cadeau qu’il pouvait faire à son invité épuisé.
On en apprends effectivement plus sur William. Le double jeu du personnage est très intéressant. Bien qu'animé de grands idéaux, il n'a aucune difficulté à servir de jolis mensonges à Ulrich^^ Son double jeu semble tenir pour l'instant mais vacille déjà un peu. Je sens qu'il va se faire démasquer tôt ou tard...
Au fur et à mesure de l'histoire, c'est intéressant de mieux en mieux sentir et comprendre les rapports de puissance entre les différentes nations et organisations. La géopolitique étant au coeur de ton histoire, c'est important !
Mes remarques :
"tu as du en entendre parler," -> dû
"en était une bien plus grave" -> en serait ? (vu que ce n'est à priori pas encore le cas)
"avaient eu la malchance de ne jamais croisé William" -> croiser
"voir une expression qu’il n’avait peut-être jamais vu" -> vue
"sur le visage d’Ulrich, de la lassitude." je mettrais plutôt deux points ici
Bien à toi !
J'espère que la suite des aventures de William te plaira, les questions de confiance et de mensonge reviendront souvent avec lui.
Bonne lecture !