Chapitre II : Une perte de temps

Le lendemain matin, Tanwen participa aux recherches, mais celles-ci furent toutes infructueuses. Les Kléptars avaient de nombreuses caches dans la cité, et même elle ne les connaissait pas toutes. Les vérifier prenait du temps, d’autant plus que certains de leurs acolytes rodaient toujours dans la nature et pouvaient vider l’endroit en amont dès qu’ils les repéraient en ville. Après avoir passé sa journée à arpenter la cité, Minos demanda à la voir avant même qu’elle n’ait eu le temps de se reposer. On l’escorta dans les couloirs sombres de la prison jusqu’à une petite salle d’interrogatoire. À l’intérieur, se trouvait Boris. Minos l’avait fait attacher à une chaise et était assis juste en face de lui. Boris avait plusieurs contusions au visage et saignait abondamment du nez, signe que l'interrogatoire durait depuis un moment. En arrivant, Minos la salua et Tanwen alla s’adosser contre le mur près de l’encadrure de la porte en croisant les bras.

— Je répète, où se trouve Lucio ? Demanda-t-il à Boris.

Pour toute réponse, Boris lui cracha à la figure. Minos s’essuya calmement le visage puis le frappa encore une fois.

— Deuxième question, où se trouve le médaillon ?

Voyant qu’il ne répondait toujours pas, il soupira :

— Écoute, cela prendra le temps qu’il faudra, mais tu finiras par parler. Il ne tient qu’à toi de rendre ça plus ou moins long. Mais si tu tardes trop, je devrai te confier à Balwin et il ne sera certainement pas aussi tendre que moi. D’autant que je ne suis pas quelqu’un de très patient.

Boris hésita, mais il finit par répondre.

— Vous ne l’attraperez jamais, Lucio est loin d’ici à l’heure qu’il est.

— Comment a-t-il été mis au courant de notre plan ?

— Ah, ah. Il sait tout ce qui se passe dans cette ville. Et il vous fera payer pour ce que vous venez de faire.

— Et l’amulette dans ce cas. Où se trouve-t-elle ?

— On l’a cachée dans une poissonnerie près des quais nord. Vous ne pouvez pas la manquer, c’est celle avec une façade verte.

Minos regarda Tanwen, mais celle-ci secoua la tête.

— Le bâtiment est piégé. Le sol à l’intérieur est censé s’effondrer sous vos pieds et vous faire tomber sur des tiges de fer acérées. C’est là que Lucio planifiait ses faux rendez-vous avec des clients un peu trop gênants dont il voulait se débarrasser.

Minos soupira et se retourna pour frapper de nouveau Boris au visage. Un filet de sang s'échappa de sa bouche tandis qu'une dent jaunâtre vola hors de sa mâchoire.

— Lucio t’appréciait réellement, articula-t-il à l’intention de Tanwen. Il voulait faire de toi son bras droit.

— Jamais je n’aurais travaillé plus longtemps pour cette vermine.

— Je sais, je lui ai dit que tu n’étais pas digne de confiance, mais il a été trop laxiste avec toi. Quand je sortirai d’ici, je m’assurerai qu’on t’attrape et que tu serves comme putain à la Coupe Pleine jusqu’au restant de tes jours.

— Tu parles beaucoup tout d’un coup. Je ne te savais pas doté d’autant de vocabulaire, est-ce que Lucio t’aurait appris des phrases toutes faites à ressortir dans n’importe quelle situation ?

— Au diable, Lucio, je vais t’étriper moi-même ! Et après cela, j'irai faire un tour à l'orphelinat, je suis certain que l'on pourra revendre les gosses à bon prix.

Tanwen n'y tenait plus. Elle dégaina sa dague et s'avança dans sa direction pour le frapper à son tour lorsque Minos lui saisit le bras.

— Assez, dit-il. Va voir à la caserne où en sont les recherches.

Elle lui jeta un regard noir, mais finit par baisser son bras.

— Quant à toi, ma patience arrive à bout, continua Minos. Tu vas me dire où se trouve ton maître et l’amulette.

Boris ne répondit pas en se contentant d'esquisser un sourire sadique à l'attention de Tanwen qui quittait la pièce sans même le regarder. Minos soupira une fois encore en faisant craquer ses phalanges.

L’interrogatoire de Boris ne donna strictement rien. Pas plus que la tentative de persuasion d’Elinora ou les méthodes plus musclées de Balwin. Tanwen continuait d’arpenter les rues, mais toujours aucune trace de Lucio ou de l’amulette. Elle n’avait pas non plus eu de nouvelles de Finn et elle espérait que son ami se portait bien. Le moral commençait à diminuer parmi les Brûlés et plusieurs proposaient d’assassiner Ignace sans plus attendre. Elle avait également surpris une conversation de Minos qui allait dans ce sens, bien qu’il restait méfiant au vu des pouvoirs de ce dernier. Après tout, durant ces quelques jours de recherches, deux des leurs avaient eu une poussée d'orgueil. Profitant de leur tour de garde devant sa cellule, ils tentèrent de le liquider dans son sommeil. Vraisemblablement, Ignis n'avait pas besoin de dormir, ou du moins il se contentait de faire semblant. Au matin, on avait retrouvé les corps des deux malheureux entièrement calcinés dans le couloir de la prison et la prêtresse qui était à leur côté traumatisée au point de ne plus pouvoir dire un mot. Pourtant, Ignis n’en avait pas profité pour s’échapper et il attendait tranquillement son heure dans sa cellule. Cette situation n’était plus tenable et Minos avait proposé d’attendre encore jusqu’à Novi-Fyr qui devait avoir lieu la semaine prochaine. Si le talisman n’était toujours pas réapparu d’ici là, alors ils passeraient à l’action.

Après une énième journée de recherche infructueuse, Tanwen rentra à la caserne pour partager un repas en compagnie de plusieurs autres Brûlés. Minos n’était pas là, il devait certainement continuer d’interroger vainement Boris ou bien s’entretenir avec Balwin. Elle discuta avec Luke et les autres, et même quelques soldats de Dérios curieux d’entendre leurs histoires. Inévitablement, la conversation s’arrêta sur Ignis et l’insoutenable attente que Minos leur imposait.

— Lux serait déjà passée à l’action, elle, dit une femme un peu plus âgée que Tanwen tout en aiguisant son arme.

— Quand je pense qu’elle doit croupir entre les mains des Spyriens à l’heure qu’il est. Que va-t-il lui arriver ? Demanda un autre.

— Ils vont la torturer, ça ne fait aucun doute, répondit Luke en baissant la tête. Atrius vous considère comme des hérétiques, et il ne recule devant aucune méthode face aux ennemis de Pyra.

— Je refuse de la laisser subir cela ! Si Minos ne se décide pas, j’irai à Spyr la sauver moi-même, s’indigna la première.

— Ne dis pas n’importe quoi, répondit son camarade. Spyr est bien gardé et l’on ne sait même pas où elle se trouve.

— En réalité, il y a peut-être un moyen, déclara Luke. Connaissant Atrius, il n’hésitera pas à se servir de Novi-Fyr pour faire sa mise en scène. Je pense que s'il souhaite l'exécuter, il le fera à la vue de tous pour montrer le sort qu'il réserve aux ennemis de sa déesse. Beaucoup de monde sera présent dans la cité ce jour-là, il sera facile d’échapper à l’attention des gardes.

— Il faudra agir vite, dit un autre. Couper ses liens, neutraliser les gardes sur notre route et prévoir une porte de sortie. Tu saurais faire ça ?

— La Cérémonie se tiendra sûrement sur la grande place de Spyr, en face du Temple des Adorateurs. Je sais comment s’y rendre et en sortir rapidement. J'ai encore ma tenue de garde du palais et l'on devrait pouvoir en trouver d'autres dans la caserne. Par contre, Novi-Fyr est dans une semaine, cela nous laisse tout juste le temps de parcourir la distance entre Spyr et Dérios à condition de partir dès maintenant.

Ils se regardèrent tous un à un et Tanwen eut un moment d’hésitation. Spyr était loin et cela venait à agir dans le dos de Minos. En plus, elle aurait aimé mettre définitivement la main sur Lucio, le savoir encore en liberté l’irritait au plus haut point. Mais la situation était bloquée et elle se sentait inutile ici. Elle avait déjà expliqué tout ce qu’elle savait aux Brûlés et exploré toutes les planques qu’elle connaissait. Surtout, elle en avait plus qu'assez de la manière dont Minos la traitait. Elle n'était pas une enfant qu'il pouvait commander à sa guise. S’ils parvenaient à libérer Lux, peut-être qu'il la reconnaîtrait enfin comme telle et arrêterait de la prendre de haut. Bien sûr, le plan était risqué, mais elle faisait confiance à Luke.

— Je suis partante ! Lâcha-t-elle.

Les autres Brûlés hochèrent la tête, ils étaient une douzaine au total à participer au projet. Ils passèrent le restant de la soirée à planifier leur expédition et quittèrent discrètement leur caserne peu avant l’aube.

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Talharr
Posté le 04/08/2025
Re,
Ahh Tanwen, Tanwen dans quoi tu t'embarques :')
Une pile électrique par moment. Même si je comprends son envie d'aller sauver Lux, qu'on a pas envie de voir mourir et surtout qu'on veut comprendre le demi déesse ahaa

Le moment avec Boris était bien fait aussi, je suppose que Tanwen a été sollicité pour la véracité de ses propos :)

Je l'ai pas dit dans mes autres commentaires mais c'est beaucoup plus agréable à lire que dans la première partie (ce qui est normal) mais je tenais à le souligner :)

les retours :
"Les vérifier prenait du temps, d’autant plus que certains de leurs acolytes rodaient toujours dans la nature et pouvant vider l’endroit en amont dès qu’ils les repéraient en ville" -- dans la phrase j'aurais plutôt mis "pouvaient"

"Vous ne l’attrapez jamais" -- "ne l'attraperez"

"et même quelque soldat de Dérios curieux" -- "quelques soldats"

A plus !
Scribilix
Posté le 05/08/2025
Salut, oui c'est totalement ça. Tanwen ayant fait partie des Kléptars, elle peut les renseigner à leur sujet. Merci pour ta remarque. Ayant écrit toute l'histoire d'une traite, je pense également que les chapitres du T2 sont mieux écrits que ceux du premier. Question d'habitude car je débutais l'écriture.

Merci encore et à la prochaine ^^

Scrib.
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