La journée suivante passa rapidement et il fut déjà l’heure pour Sirius de recevoir Rigas. Tout avait été planifié, il avait choisi une sorte d'antichambre dans une aile peu fréquentée du palais et proche d’un balcon donnant sur des jardins pouvant servir de porte de sortie. C’était Odric qui dirigeait les patrouilles aujourd’hui et il n’avait pas à se soucier de tomber sur des gardes du Palais, leur itinéraire ayant été prévu pour éviter leur coin. Enfin, il avait demandé au capitaine rencontré la veille à la caserne de lui dépêcher quelques soldats dissimulés en tant que domestique.
Lorsque l’ambassadeur se présenta devant le palais, Sirius sortit l’accueillir. Rigas était venu escorté par quatre hommes d’armes revêtant une armure de bronze aux emblèmes de Dérios. Cela compliquait légèrement son plan, mais il ne laissa rien paraître pour autant et afficha un air qui se voulait amical.
— Je suis heureux de voir que vous avez enfin accepté de me rencontrer. Déclara Rigas.
— Pardonnez-moi, entre la mort de mon père et l’affront de votre fils, j’ai quelque peu perdu mon sang-froid.
— Je comprends et je m’excuse pour l’insolence de Claude. Croyez bien qu’il sera durement sanctionné après avoir réglé ce malheureux incident.
— Je l’espère bien. Mais je vous en prie, suivez-moi, nous parlerons de son cas à l’intérieur.
Sirius l’invita à le suivre et Rigas lui emboîta le pas. Visiblement, il n’en avait pas trop fait dans la bienséance et l’ambassadeur semblait mordre à l’appât. Il les incita à rentrer avec ses hommes dans la pièce qu’il avait préparée pour l’occasion et referma la porte derrière lui. Il avait encore repéré un homme de Laris dans les couloirs qui devait certainement attendre leur sortie. Décidément, il n’engageait que des amateurs. Sirius invita Rigas à prendre un verre de vin sur un plateau que leur tendit un faux domestique, puis ils s’assirent tous deux sur de magnifiques fauteuils en bois.
L'endroit était petit et relativement étroit. Bien qu'il s'agisse d'une salle d'attente à l'origine, elle avait été transformée en petite armurerie. Des tonnes d'armes et d'armures appartenant aux différentes peuplades d'Elanor trônaient ostensiblement le long des murs et sur des râteliers de fortunes. Des gonfalons brodés de soies venaient compléter le décor déjà bien chargé. La pièce était plus impressionnante que magnifique et l'étroitesse des lieux expliquait sans doute pourquoi personne ne l'utilisait depuis longtemps.
— Je n’avais jamais mis les pieds dans ce coin du palais, remarqua Rigas. C’est une salle magnifique qui n’a pas à rougir face au palais de Dérios.
— Je vous remercie. C’est une pièce discrète et peu fréquentée. Il faut dire que les serviteurs l’évitent, car c’est ici qu'Aurel aurait été assassiné dans son sommeil. Mais ce n’est qu’une légende sans fondements.
— Je vois, dit Rigas qui appréciait moyennement la remarque.
— Pour en venir à Claude, votre fils s’est rendu coupable devant témoins d’un crime impardonnable en s’en prenant directement à moi. Comprenez qu’un tel acte contre une Flamme de Spyr ne peut rester impuni.
— Cela fait plus de deux semaines que vous l’avez fait emprisonner. Je pense qu’il a compris la leçon et que maintenant, nous pouvons parler de sa libération.
— Pour le fils, oui, mais qu’en est-il du père ?
— Je vous demande pardon ?
— Ne me prenez pas pour un idiot. Vous saviez très bien ce qu’il arriverait à Prosper à l’issue de cette soirée.
— Je n’ai absolument rien à voir avec l’échec du plan de votre père, se défendit Rigas. Les autres Flammes ont comploté contre vous, mais je suis en dehors de tout ça.
— Vous étiez présent ce soir-là, continua Sirius. Vous avez donné votre accord pour participer et vous connaissiez tous les sénateurs impliqués dans l’affaire. Et pourtant, à aucun moment vous n’avez été inquiété. Pourtant, une telle révélation aurait provoqué un scandale entre Spyr et Dérios. À moins qu’une autre Flamme ne vous ait couvert, Laris, n’est-ce pas ?
— Bon, ça suffit ! Je ne suis pas venu pour écouter vos âneries et, visiblement, vous n’êtes pas disposés à libérer mon fils. Votre père était un arriviste qui n'a eu que le sort qu'il méritait. Et croyez bien que si vous vous entêtez à poursuivre dans la même voie, vous le rejoindrez très bientôt.
Rigas se leva furieux et Sirius renversa son verre qui se brisa avec fracas sur le sol. Aussitôt, une porte dérobée dissimulée derrière les gonfalons s’ouvrit. Plusieurs hommes en sortirent équipés de manubalistes à répétition. Ils décochèrent une pluie de carreaux sur les quatre gardes de l’ambassadeur qui n’eurent pas le temps de réagir et furent criblés de toute part. Rigas voulut crier à l’aide, mais Sirius se leva d’un bond et lui plaqua une main sur la bouche en lui indiquant de se taire. Les hommes ouvrirent la fenêtre donnant sur les jardins où les attendait une autre équipe en contrebas. Ils bâillonnèrent et ligotèrent Rigas puis le jetèrent par la fenêtre où il fut réceptionné, puis descendirent à leur tour à l’aide d’une corde. Sirius contempla un instant l’efficacité avec laquelle les carreaux avaient percé les armures de bronze. En plus d'être redoutable, chaque arme pouvait tirer plusieurs projectiles à la suite grâce à un système de levier. Le travail de ses ingénieurs avait fini par payer finalement. Il salua le faux domestique qui devait rester pour nettoyer la scène, puis il descendit en rappel pour rejoindre ses hommes.
La nuit n’était pas encore tombée, mais ils réussirent à sortir discrètement des jardins et à rejoindre les prisons de Spyr où d’autres soldats attendaient leur arrivée. Une cellule avait été préparée pour l’occasion, elle contenait deux chaises et une simple table en bois sur laquelle était disposé un pot d’encre, une plume et du papier. Rigas fut poussé sans ménagement à l’intérieur et Sirius ordonna qu’on ne les dérange sous aucun prétexte avant de le rejoindre.
— Nous allons pouvoir poursuivre notre conversation plus sérieusement, dit-il en lui retirant le bâillon et en coupant ses liens.
— Pauvre fou ! Avez-vous la moindre idée de ce que vous venez de faire ! Je suis un représentant de Dérios et que croyez-vous qu’il arrivera lorsque l’on se rendra compte de mon absence ? Vous souhaitez guider nos deux pays vers la guerre ?
— Je m’en fiche de ce que peut bien penser votre reine ! J’en ai plus qu’assez d’être le pantin d’abord de Prosper, puis de vous et de Laris ! Alors maintenant, vous allez payer pour votre traîtrise.
— Vous avez complètement perdu l’esprit ! Le plan de Prosper était voué à l’échec et Dérios n’avait rien à y gagner à le soutenir. Je ne peux rien faire pour vous si votre père s’est fait avoir à son propre jeu.
— Asseyez-vous.
Rigas obtempéra devant le regard glacial que lui lançait Sirius.
— Voilà ce qu’il va se passer. Vous allez prendre cette plume et raconter absolument tout. Que vous conspiriez avec Laris et que ce dernier souhaitait se débarrasser des autres Flammes. N’hésitez pas à grossir un peu le trait. Novi-Fyr est dans quelques jours et je me servirai de ce document et de votre témoignage pour inculper Laris.
— Je veux voir mon fils ! Protesta-t-il.
— Je le libérerai après les festivités si tout se passe bien.
— Quelle preuve ai-je qu’il soit encore en vie ?
— Écrivez cette lettre et je vous laisserai le voir.
Rigas prit la plume à contrecœur. Dès qu’il eut terminé, Sirius relut la lettre plusieurs fois, puis, satisfait, il ordonna aux soldats d’aller chercher Claude. Dès que le jeune homme arriva dans la cellule, il s’écria :
— Père !
Puis, il se précipita dans ses bras.
— N’oubliez pas notre accord, Rigas. Je veux vous voir à Novi-Fyr prêt à témoigner contre Laris. La vie de votre fils en dépend.
Rigas ne répondit pas. Voyant que le message était passé, Sirius sortit de la cellule. Tout était en place, il ne lui restait plus qu’à attendre le jour fatidique qui scellerait sûrement son destin et celui de cette cité.
Super scène :) Je sentais que Rigas allait pas passer un bon quart d'heure mais là Sirius s'est surpassé. Les gardes tués, la menace pour le fils. Mais toujours ce rôle de Pyra vraiment étrange. Pourquoi aide-t-elle Atrius mais aussi Sirius ? A voir dans la suite :)
Juste une erreur :
"Lorsque que l’ambassadeur" -- un "que " en trop aha
A plus !