Chapitre IV.

Retour en mai 2011, campus Paris 8. La journée de cours terminée, Camilla se balade. A ses oreilles, les Daft Punk, Modjo, Air, les Dj de la French Touch, Etienne de Crécy, Dimitri from Paris, Cassius… Bob Sinclar, son soleil.  Rêveuse, elle réfléchit à son avenir, à ce qu’elle aimerait réellement faire de sa vie. Ses années décadentes (elle les appelle ainsi), défilent dans son esprit. Les soirées électro avec les garçons, les excès, les rencontres … lui manquent, parfois. Sourire. C’était hier, mais elle a l’impression que ce tourbillon d’émotions remonte à une éternité. C’est vrai, en un claquement de doigts, à vingt-deux ans, elle décidait de se calmer et de se conformer (principalement pour rassurer ses parents). J’en ai essayé des choses... Elle avait adoré tester et sentir, ressentir, parfois, jusqu’aux limites. Aller trouver ses envies, ses désirs, côtoyer ses peurs, ses craintes. Quel apprentissage, quelle compréhension d’elle, d’autrui, du fonctionnement des Hommes. Aujourd’hui, ses deux amis de fac sont bien différents de Victor, Charles et Thibaut. C’est fou, quand même, tant d’évolution et, surtout, si rapidement … Sa jeunesse faisant, elle pensait s’être stabilisée mais ce pseudo bien-être ne serait qu’éphémère, qu’un passage, les traumatismes non résolus referaient surface, plus tard. Un anglais aux accentuations originales d’un petit groupe d’étudiants à la peau d’ébène la tire de ses pensées. Ils sont sept. Do you remember when we were on the Jambiani beach ? - Yessss, of course ! I can’t forget the thousands seahorses… I miss them… Instinctivement, Camilla se dirige vers eux. Hi guys. Where are you come from ? - Tanzania ! 

Évidence. La Tanzanie. Ça sonne bien, la Tanzanie. Ça change, c’est exotique. Elle ne connait rien de cette région du monde et ça la stimule. C’est là qu’elle irait. Camilla est comme cela, elle ne perd pas de temps. Son instinct choisit pour elle. Le sourire aux lèvres, elle rentre sur-le-champ faire des recherches. Quelques clichés du parc national de Serengeti, du Kilimandjaro et des monts Usambara ajoutés à des vidéos de son archipel exceptionnel, des hypnotiques plages de sable blanc de Kendwa, des récifs de coraux et du village de pêcheurs Nungwi. Quelle merveille, mais c’est incroyable cet endroit ! Les images défilent sur son Mac Book pro. Connexion à Facebook. Elle tombe sur la page d’une association d’aide aux tortues. Le premier post est intitulé Projet de sauvegarde des tortues marines en Tanzanie. Le programme est dédié à la conservation du sanctuaire des reptiles niché dans la luxuriante forêt de Jozani. Ni une ni deux, Camilla envoie un message. Fatou, son interlocutrice, est loquace. Pendant près d’une heure, les deux jeunes femmes échangent. Le 2 juillet, après un au revoir nourri de tendresse à Marion et Sofian (quelque peu décontenancés) Camilla monte dans le RER, direction l’aéroport Paris-Charles de Gaulle. A 17h00, elle embarque dans le Boeing 777-300ER de la compagnie Qatar Airways pour une mission de sept semaines au cœur de la mangrove.

L’eau caresse le dessous de ses seins. Elle observe ses doigts délicats bouger juste sous la surface. Des poissons multicolores vaquent à leurs occupations ; les tortues, insulaires de ce petit endroit sacré nagent, plongent, remontent respirer, paisibles, discrètes, gracieuses. Doucement, Camilla avance sur le sable fin, dans la délicieuse chaleur qui l’englobe. Chaque pas est un instant de volupté. Ses yeux se ferment, elle respire, profondément, les cris des singes colobes roux, au loin, s’invitent à son recueillement. Installée depuis trois semaines, chaque jour, la beauté des lieux l’émerveille. La grotte de Salaam avec son eau cristalline est un endroit extraordinaire. Quelle bénédiction d’être ici. Elle ne remerciera jamais assez Fatou de l’avoir si bien conseillée. Camilla profite de ce précieux moment rien qu’à elle. Malheureusement, la solitude est rare pour les huit bénévoles affairés du matin au soir. Bientôt, l’arrivée d’un groupe de touristes dont elle doit s’occuper. Pendant deux heures, Camilla leur fera découvrir les récifs coraliens, l’écosystème local et, surtout, les stars du lieu : les tortues de mer. A sa grande surprise, Camilla adore son rôle de guide. Je pourrais passer des années à faire ça, partout dans le monde, se disait-elle, hier encore. Son regard est attiré par le large chapeau fuchsia tamponné de dizaines de logos DSquared2 d’une femme à l’assurance certaine. Elle est belle. Depuis toujours, Camilla admire la beauté féminine. Vivian, attends ! Lui lance une petite brune replète, dans un équilibre précaire sur une imposante roche. Elle hésite à entrer dans l’eau. Le regard de Vivian croise celui de Camilla. Un instant passe. A ce moment précis, elles ne le savaient pas, mais elles allaient, très vite, devenir inséparables.  Allez, viens ! Arrête d’avoir peur !

Le soir même, Camilla, Vivian et son amie, Ursula, se retrouvent pour boire un cocktail au Hi Skybar. Camilla y a déjà ses habitudes. Three Piña Colada Mahdi, please ! Depuis la terrasse maculée de blanc, la vue est imprenable ; le coucher du soleil sur l’océan indien est à couper le souffle. A 21h, Charly, le DJ résident à la longue chevelure blonde et aux tatouages mangas colorés débute son set. Verres à la main, éclats de rire, regards lumineux, les nouvelles amies bavardent, rient, se découvrent. Camilla et Vivian, auras liées, se lèvent, animées par l’effervescence d’un groupe de touristes américains déjà en train de danser. Elles se mêlent à eux. Les effluves emprunts de monoï des longues chevelures féminines, les parfums ambrés des hommes et l’odeur des peaux moites laissent des sillions parfumés. Les sens sont animés. Ces tourbillons suaves alimentés par le doux enivrement accentué par la chaleur de l’air et des corps les aident à s’évader. Les tracks des Daft Punk, de Michael Gray, de John Daklback, de Justice ou encore de Martin Solveig samplées à des percussions, des sons afro et des morceaux vintages les accompagnent, tout au long de la nuit et les unissent, à tout jamais. Que l’amitié est belle.

Un ami est celui qui vous laisse l'entière liberté d'être vous-même - Jim Morrisson

Elles se voient, chaque soir, et ce, jusqu’au départ de Vivian. Pique-nique sur la plage de Nungwi, au nord de l’île ; bain de minuit, nues, dans l’eau délicieuse de Bwejuu ; pool party improvisée dans le AirBnb de Monica,  expatriée colombienne ; exploration des marchés de Stone Town jusqu’à la tombée de la nuit puis escale au Mercury's Bar ; dîner sur la terrasse du célèbre restaurant The Rock, perché sur son rocher. Camilla et Vivian se comprennent et se complètent. C’est simple, évident. Elles se sont reconnues.

Le vendredi 29, au petit matin, la Mini Moke rose louée par Vivian fille vers l’aéroport Abeid Amani Karume. Tendresses échangées. Elles savent qu’elles se reverront, c’est une évidence.  

Vivian : Camilla, tu me promets. Dès que tu es de retour à Paris, tu m’appelles !

Camilla : C’est promis Vivian. Je t’aime <3

Trois semaines plus tard, Camilla termine sa mission. Le samedi 20 août, elle atterrît sur le tarmac de Charles de Gaulle. RER B puis métro ligne 2. Direction l’appartement de Sofian, place de Clichy. Ses parents, en voyage pour six mois, lui ont confié les clés. Marion s’est installée chez lui. Les retrouvailles sont douces. Le soir-même, Camilla leur raconte son expérience, incroyable. Depuis le cosy divan parisien, elle les convie au voyage. Néanmoins, Marion et Sofian préparent déjà leur rentrée en Master, prévue à la mi-septembre. Ils l’écoutent, ravis pour son bonheur, mais n’ont pas réellement la tête à cela. Terre-à-terre, leur objectif est de valider leur année avec mention. Le décalage avec Camilla est certain mais ils acceptent les choix de leur amie.  

Camilla : Début octobre, je pars dix semaines en Argentine ! C’est Fatou qui m’a parlé du programme de préservation des pumas. Ça a l’air top. J’ai tellement aimé la Tanzanie que je ne me vois pas faire autre chose.

Marion et Sofian sont dubitatifs.

En chœur : Et comment tu vas gagner ta vie ?

Camilla : Ah j’ai vu avec Vivian. Je ne vous ai pas dit ! Elle travaille chez LVMH et elle me met sur le coup pour un job de rédactrice free-lance pour plusieurs de leurs sites internet. Elle voit ça semaine pro. Elle aime bien mon style. Je ne pouvais pas espérer mieux je crois !

Sofian : Bon, c’est super Cam’ ! On est contents pour toi. T’as une bonne étoile !

Camilla écrit, voyage et donne. Elle peaufine sa plume grâce aux univers de la beauté, de la mode et de la décoration via ses textes ; elle offre aux autres son cœur, son temps, son sourire, lors de ses missions humanitaires. Cinq années durant, pêle-mêle, elle enseigne l’anglais aux écoliers à Hua Hin, en Thaïlande ; elle aide à la préservation des rhinocéros à Port-Elisabeth, en Afrique du Sud ; au développement d’un écovillage à Sólheimar, en Islande ; à la conservation de la grande barrière de corail à Cairn, en Australie… A trente ans, son tour du monde est bouclé. Repue, Camilla peut reprendre haleine et se poser. Enfin, essayer. Je reste un peu à Paris maintenant. J’ai envie de me concentrer sur moi et de trouver un poste. Avance-t-elle à Vivian, lors de son retour du Cambodge. Alors, elle fait le nécessaire. Très vite, elle trouve une place en tant que journaliste lifestyle et voyages chez GQ. Son profile tape dans l’œil du rédacteur en chef. Il lui propose de signer un CDD d’un an renouvelable, et ce, grâce à la force de persuasion de Camilla, déterminée à avoir ce qu’elle mérite. A savoir que nous sommes en 2016 et que GQ est ultra tendance. Elle le sait, les portes vont continuer à s’ouvrir pour elle.

 

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