Les cours reprirent, les habitudes quotidiennes de chacun aussi. Toujours sous le coup de l’émotion suscitée par l’apparition de ce message codé, Jana et Elliott avaient l’esprit ailleurs. Cela faisait plusieurs jours maintenant qu’ils recherchaient le moyen de décoder cette combinaison chiffrée. Ils occupaient tout leur temps libre à essayer de trouver la clé. Elliott avait appris à partager son temps entre l’élue de son cœur et sa sœur. Dès qu’ils se voyaient, ils comparaient l’état d’avancement de leurs recherches. Mais pour le moment, tous leurs efforts étaient vains. Aucune piste n’avait permis un quelconque début de décryptage. La jeune fille commençait à douter. Ces chiffres signifiaient-ils vraiment quelque chose ? Cachaient-ils réellement un message codé ? Et si finalement, tout ça n’était qu’un pur hasard et qu’une simple imagination de son esprit. Non, il y avait forcément quelque chose derrière. Elle ne pouvait pas avoir inventé tous ses signes. Son frère lui-même avait été témoin de la récurrence de la suite chiffrée.
A la fin de cette deuxième semaine de cours, Jana et son frère devaient fêter respectivement leurs quatorzième et seizième anniversaires. Enfin, c’est à cette date-ci qu’ils avaient pris l’habitude qu’on le leur fête étant donné que frappés d’amnésie, les deux enfants sans parents étaient dans l’incapacité de fournir de dates précises. Le 11 novembre, jour férié célébrant la signature de l’Armistice entre la France et l’Allemagne et donc date marquant la fin de la Première guerre mondiale, correspondait également au jour où un des gardiens du Parc de la Tête d’Or, alors qu’il effectuait sa ronde, avait retrouvé deux très jeunes enfants errants seuls vers l’enclos des éléphants. Pensant d’abord que les deux petits s’étaient égarés et que leurs parents ne tarderaient pas à venir les chercher, il avait patienté à côté d’eux. Après de longues minutes d’attente et ne voyant personne arriver, il avait alerté par radio plusieurs de ses collègues et avait accompagné les enfants au poste de secours. Très légèrement vêtus, les deux égarés transits de froid avaient été recouverts de plusieurs couvertures et des boissons chaudes leur avaient été proposées afin de leur permettre de retrouver une température corporelle à peu près correcte. La police dont un poste était situé à proximité les avait alors pris en charge. Plus tard, l’officier de la police nationale qui les avait interrogés n’était parvenu à tirer que deux informations, leur prénom, Elliott et Jana, et leur âge, 5 et 3 ans. Le garçonnet ne se souvenait de rien. Il ne savait pas dire s’ils étaient venus au parc avec leurs parents ou d’autres adultes, ni où ils habitaient. La petite, quant à elle, était restée muette. Une enquête avait alors été menée pour tenter de savoir si des enfants en bas âge avaient été déclarés perdus, disparus ou encore enlevés. Dans l’attente des résultats, les services sociaux étaient venus les chercher. L’enquête n’ayant pu aboutir et aucun parent n’ayant pu être retrouvé, la justice avait fini par les déclarer, au terme du délai légal, orphelins de père et de mère. Placés tantôt en familles d’accueil, tantôt en foyers, Jana et Elliott avaient donc pour habitude de célébrer leur anniversaire le jour où ils avaient été recueillis, seule date de référence pour eux. Après avoir été finalement adoptés par Monsieur et Madame Lefèvre, ils avaient décidé d’un commun accord de conserver cette date. En outre, elle avait un avantage certain : étant un jour férié, tous pouvaient être présents, libres de toute occupation et ainsi célébrer dignement les deux anniversaires en famille.
Comme chaque année depuis six ans, Lena se pliait en quatre pour organiser le meilleur anniversaire qui soit pour chacun d’eux, celui dont tous les enfants rêvent. Elle avait su adapter ses préparatifs à l’âge des enfants. Pour les trois premiers anniversaires, elle avait décoré l’appartement avec des dizaines voire des centaines de ballons de toutes les couleurs et avait payé les services de plusieurs clowns dont elle savait que les numéros comiques réjouiraient ses enfants et leurs petits invités. Chaque année, elle envoyait des cartons d’invitation à tous les camarades de classe d’Elliott et de Jana. La plupart du temps, tous répondaient présents même si ceux qui étaient dans la classe de la fillette venaient plus pour profiter de la fête que pour lui faire réellement plaisir. Son caractère discret et introverti faisait de Jana une petite fille gentille mais assez seule. Elle avait peu d’amis. La bonne humeur et le caractère drôle et optimiste de son frère le rendait au contraire extrêmement populaire. Depuis trois ans, les clowns et les ballons avaient laissé place à des anniversaires à thème : sorciers et sorcières il y a deux ans et détectives en herbe l’année dernière. Cette année, Jana et Elliott avaient souhaité changer un peu l’organisation de la fête. Ils voulaient réduire le nombre d’invités et faire quelque chose à l’extérieur. Pour le reste, liberté totale avait été laissée à leur mère adoptive. Les deux adolescents lui confiaient les rênes car ils savaient que cette préparation lui procurait beaucoup de plaisir et surtout ils se refusaient à lui faire de la peine.
Ce samedi 11 novembre, les deux célébrés du jour s’étaient levés aux aurores, non pas qu’ils aient été impatients de voir ce que leurs chers parents leur avaient réservé mais plutôt parce qu’ils désiraient se remettre à la recherche d’une clé de décodage pour ce message mystérieux. Jana s’évertuait à associer chaque chiffre à une lettre tandis qu’Elliott surfait sur différents forums consacrés aux messages codés. Après avoir travaillé vainement encore une fois pendant plusieurs heures, ils décidèrent de faire une pause. Le réveil de la chambre de Jana indiquait déjà 10h17 et ils n’avaient pas encore pris leur petit-déjeuner. Pensant que ses deux enfants s’offraient une grasse matinée dont seuls les adolescents en ont le secret, Lena ne s’était pas inquiétée de ne pas les voir descendre de l’étage qui leur était réservé. Elle avait pensé qu’ils s’étaient une fois de plus retrouvés au milieu de la nuit pour poursuivre une discussion comme ils en avaient l’habitude. Même si elle regardait l’horloge de la cuisine toutes les cinq minutes, ils avaient encore le temps avant que ne débutent les festivités.
— Ah enfin ! Vous voilà ! clama chaudement Lena Lefèvre soulagée de les voir descendre enfin de leur tanière d’adolescents.
— Bonjour m’man, répondit affectueusement Jana en embrassant sa mère.
— Bonjour mamounette, dit Elliott en serrant les deux femmes dans ses grands bras musclés.
— Bonjour, mes chéris, reprit Madame Lefèvre. Je vous ai laissé dormir mais maintenant je vais vous presser un peu. Ce matin, nous avons un programme chargé.
De peur de se voir assener une énième leçon de morale sur le besoin de sommeil chez les ados, ils n’osèrent pas contredire leur mère en lui expliquant qu’ils ne venaient pas de se lever et que cela faisait déjà un moment qu’ils étaient debout. Ils échangèrent juste un petit clin d’œil complice comme ils avaient l’habitude de s’adresser dans de pareilles circonstances.
— Ah ! Et on va où maman ? demanda Jana avec l’attitude faussement surprise de quelqu’un qui s’attend à recevoir une surprise pour son anniversaire.
— Toi, Jana tu viens avec moi au marché, répondit sa mère.
— Et moi, je peux rester ici ? interrogea Elliott avec la même attitude que sa cadette.
— Non, Elliott, rétorqua Lena Lefèvre. Tu pars à l’hôpital avec ton père chercher un dossier qu’il a oublié. Nous nous retrouverons ensuite au restaurant en bas de l’immeuble.
Comprenant que ce programme peu enviable cachait très certainement une bien meilleure surprise, ils ne s’y opposèrent aucunement, bien évidemment et décidèrent de jouer le jeu. Après s’être préparés rapidement, les quatre membres de la famille descendirent les escaliers du 32 Cours Franklin Roosevelt et se séparèrent. La mère et la fille partirent à droite en direction du marché tandis que les hommes de la famille se dirigèrent vers le parking public où était garée la voiture familiale qui ne servait la plupart du temps qu’aux trajets familiaux en dehors de la ville ou encore aux longs déplacements professionnels de monsieur Lefèvre. Quelques instants plus tard, Elliott et Jana allaient constater qu’encore une fois leur perspicacité avait fait mouche. Laurent, prétextant une envie très pressante, gara son monospace gris anthracite dans une rue relativement calme en ce jour férié. Ne voyant rien d’ouvert, il demanda à son fils de faire le tour des commerces pour l’aider. Elliott descendit de voiture et commença son porte-à-porte. En passant devant une auto-école, il vit à sa grande surprise une secrétaire assise derrière son bureau. Il appela son père pour lui signaler qu’il avait trouvé quelque chose d’ouvert. Ils entrèrent et saluèrent la secrétaire. Elle les regarda et s’adressa au lycéen.
— Vous êtes Elliott Lefèvre ? demanda la jeune secrétaire de l’auto-école en regardant le jeune homme avec un petit sourire coupable.
— Heu, oui, c’est moi, répondit Elliot très étonné par cette situation à laquelle il ne s’attendait vraiment pas à ce moment-là.
— C’est pour vous, dit la secrétaire de l’auto-école en tendant une enveloppe au jeune homme qui cueilli, mis un certain temps à réagir.
Il attrapa timidement le paquet et l’ouvrit. Il en sortit un livret d’apprentissage de la conduite et une fiche d’inscription à la conduite accompagnée. Il comprit enfin qu’il tenait entre ses mains son cadeau d’anniversaire. La joie monta enfin et sortit du corps de ce grand gaillard d’un mètre quatre-vingts dans un cri puissant. Ami d’enfance du médecin, le gérant de l’auto-école avait très exceptionnellement ouvert sa boutique pour l’occasion et sa femme avait accepté de tenir le rôle de la secrétaire. Le jeune homme maladroit sauta dans les bras de son père marquant ainsi sa profonde reconnaissance.
Au même moment, de leur côté, les filles marchaient toujours en direction du marché. Quelques centaines de mètres avant de l’atteindre, Lena attira subtilement l’attention de sa fille vers l’entrée d’une banque fermée en ce jour férié, en faisant mine de se demander si cet établissement était nouveau dans le quartier. Jana remarqua alors une grosse enveloppe scotchée au-dessus de la poignée de la porte d’entrée. Cette enveloppe lui était destinée. Intriguée mais consciente que sa mère avait une fois de plus réussi à la surprendre, Jana s’approcha et la décrocha délicatement. Alors que Lena adressait un signe à la boulangère qui avait été chargée d’accrocher et de surveiller ladite enveloppe, Jana la décacheta avec un sourire qui en disait long sur le bonheur ressenti et découvrit une carte bancaire gravée à ses nom et prénom. Son sourire s’effaça subitement et son regard se figea. Au-dessus de son nom, Jana venait d’apercevoir le numéro de sa carte : 5262 0326 8830 6687. La même mystérieuse série de chiffres venait de faire sa réapparition avec cette fois-ci quatre chiffres supplémentaires.
— Jana, cela ne te fait pas plaisir ? demanda Lena en voyant la réaction de sa fille, réaction à laquelle elle ne s’attendait pas du tout.
— Si, si maman, c’est que… balbutia Jana, encore surprise par cette nouvelle découverte.
— J’avais cru comprendre que c’était ce que tu voulais. Je me suis trompée ? continua à questionner Lena Lefèvre pour tenter de comprendre cette réaction.
— Non, pas du tout, essaya de répondre Jana qui ne voulait pas faire de peine à sa mère d’autant qu’elle était heureuse de ce cadeau et que sa réaction ne faisait pas suite à une déception mais à la surprise d’une nouvelle apparition de la combinaison chiffrée. C’est tout à fait ça. J’étais juste perdue dans mes pensées. Un grand merci ma petite maman.
Jana attrapa sa mère par le cou et l’embrassa chaudement pour finir de dissiper ses doutes. La jeune fille voulut l’entrainer vers le marché mais sa mère, pas réellement rassurée, résista et lui indiqua une nouvelle direction. En arrivant à l’angle du Boulevard des Belges, Jana aperçut son frère riant aux éclats et brandissant son cadeau d’anniversaire. Dès leurs retrouvailles devant les grilles de la porte de la Tête d’Or, Elliot montra son carnet de conduite et le programme des premières heures de cours. Se doutant qu’elle aussi avait dû recevoir son cadeau, il interrogea sa sœur.
— Alors, et toi ? demanda vite Elliot.
— J’ai reçu une carte bancaire comme toi il y a deux ans, expliqua la jeune fille.
— C’est ce que tu voulais, non ? interrogea Elliott surpris par la réaction de sa sœur concernant ce cadeau que pourtant elle souhaitait recevoir pour pouvoir être un petit peu plus autonome.
— Oui mais regarde, dit-elle toujours effarée en tendant le petit porte-carte à son frère.
Il en sortit la carte et l’observa. Il ne lui fallut pas plus de deux secondes pour comprendre ce qui avait rendu sa nouvelle propriétaire si tendue. A force de travailler à sa transcription, il avait fini par connaitre par cœur la série de chiffres qui les perturbait tant. Remarquant qu’ils étaient observés par leurs parents, et pour ne pas éveiller les soupçons, il félicita sa sœur et lui rendit sa carte.
— Nous allons où maintenant ? demanda le jeune homme à ses parents pour finir de détourner les regards de ses parents sur l’attitude de sa sœur.
— Sois patient Elliott, sois patient ! répondit alors Laurent Lefèvre fier d’avoir réussi la première partie de la surprise pour ses enfants.
— Allez chéri, il est l’heure, déclara Lena encore déçue de la réaction de Jana. Attrape ta fille par le bras et avançons. Je m’occupe de notre fiston.
La petite famille pénétra tranquillement dans l’enceinte du célèbre parc lyonnais et remonta l’allée du parc aux daims jusqu’au point de rendez-vous réservé aux visites du zoo. Un homme de petite taille et de bonne corpulence tout habillé de vert les attendait sous le panneau. Son écusson doré cousu sur la partie gauche de sa veste molletonnée trahissait son appartenance aux personnels du parc zoologique. Sa barbe rousse et ses petits yeux noirs rappelaient quelque chose à Jana. Incapable de mettre un nom sur ce visage, elle lança un regard interrogateur en direction de son frère qui pour une fois ne paraissait pas comprendre ce message oculaire.
— Bonjour et bienvenue au parc zoologique de la Tête d’Or ! dit aimablement le gardien du zoo pour accueillir la petite famille.
— Bonjour et merci de nous accueillir en ce jour férié, dit Laurent Lefèvre en serrant virilement la main du gardien pour le remercier de participer à la suite de la surprise dédiée aux enfants.
— Nous nous sommes déjà vus ? demanda Jana d’un ton suspicieux au gardien qui ne les quittait pas des yeux elle et son frère.
— Oui mademoiselle, tout à fait, s’empressa-t-il de répondre. A l’époque vous ne dépassiez pas le mètre et vous étiez bien moins chaudement habillée. Vous étiez déjà avec votre grand frère qui visiblement ne m’a toujours pas reconnu.
— Bien joué sœurette, clama Elliot en regardant fièrement sa petite sœur. Là, tu as assuré. Je n’avais pas fait le lien. Quelle mémoire !
— Vos parents ont fait des pieds et des mains pour retrouver le gardien qui vous avait recueilli un 11 novembre il y a de cela onze ans, expliqua le gardien avec bienveillance. Et me voici ! Je suis heureux de constater que vous avez l’air en pleine forme et que vous avez bien grandi, ajouta l’homme en souriant aux deux ados complètement sous le choc.
— Vous êtes parvenu à obtenir ce que je vous avais demandé, questionna Laurent Lefèvre en s’adressant à l’homme trapu sur un ton qui se voulait confidentiel.
— Oui, monsieur, tout est au point, confirma ce dernier. Nous pouvons y aller.
— Allez les enfants, les surprises ne sont pas terminées, déclara Lena très enthousiaste à l’idée de ce qui allait arriver dans les minutes à venir. Nous continuerons notre discussion dans quelques instants. Monsieur sera ravi de vous en dire davantage sur les conditions dans lesquelles il vous a découverts il y a onze ans.
Avec une joie très visible et d’un pas décidé, Lena pris la tête du petit groupe accompagnée du gardien du zoo afin de revoir discrètement le programme point par point. Les deux adolescents marchaient tranquillement à côté de leur père. Ils savaient que leurs parents leur prépareraient une surprise, mais ils ne s’attendaient pas à tout ça et apparemment cette journée était encore loin d’être terminée. Ils adoraient ces parents, leurs parents. Ils n’étaient pas leurs véritables ascendants mais ils s’étaient choisis et adoptés mutuellement au fil du temps. Ils étaient fiers d’être leurs enfants. Leurs yeux brillaient. Personne ne semblait ressentir le vent froid pourtant très vif qui soufflait. Ils étaient comme protégés par une chose invisible résultant de leur état euphorique. Jana et Elliott commençaient à imaginer que Lena et Laurent Lefèvre étaient parvenus, par ils ne savaient quel miracle, à retrouver la trace de leurs parents biologiques. Ils se demandaient, si le miracle s’était réalisé, comment ils allaient réagir et surtout comment ils devaient réagir pour ne pas peiner leurs parents adoptifs. Ils ne parlaient que très rarement de la possibilité un jour de retrouver la trace de leurs parents biologiques. Ce n’était pas vraiment un sujet tabou mais comme ils n’avaient gardé aucun souvenir de leur petite enfance, il était très difficile de se remémorer quoi que ce soit.
Après quelques minutes de marche, ils arrivèrent devant le poste de secours, celui-là même dans lequel les enfants avaient été réchauffés par des couvertures de survie et dans lequel ils avaient bu un énorme chocolat chaud, il y a onze ans. Une certaine nostalgie commençait à s’emparer des deux adolescents. S’attendant à voir surgir la prochaine surprise du poste de secours, ils furent presque déçus lorsqu’ils ne virent rien en sortir. Le gardien, dont ils ignoraient toujours l’identité, pénétra à l’intérieur et en ressortit avec un grand panier en osier garni de différentes victuailles plus appétissantes les unes que les autres. Le gardien indiqua à la petite troupe la direction à suivre pour pénétrer dans l’enceinte du zoo par une voie réservée au personnel. Arrivés près de l’ancien enclos des éléphants, aujourd’hui désert, il leur montra une tente abritant plusieurs tables de pique-nique et montée spécialement pour eux avec l’accord des responsables du parc zoologique. Tout le monde s’afféra à déballer le contenu du panier. L’ambiance bienveillante et chaleureuse tranchait avec la température extérieure. Allan, le gardien leur expliqua ensuite en détails les conditions dans lesquelles ils avaient été retrouvés.
Pris dans leur discussion, Jana et Elliott ne firent pas attention à l’attroupement qui s’était créé non loin de la tente et sursautèrent lorsqu’ils entendirent de nombreuses voix entonner le célèbre Happy birthday de circonstances. Ils bondirent au dehors et virent tous leurs amis. Ils se sautèrent tous dans les bras en criant leur joie de se retrouver. Ava embrassa longuement Elliott qui ne parvint pas à cacher son émoi tant il était rouge. Jana rigola et sourit à Ava. Madame Lefèvre était extrêmement heureuse de voir ses enfants si joyeux. En préparant cette merveilleuse surprise, elle avait souhaité rassembler le passé et le présent de ses enfants en leur permettant de retourner sur les traces de leur passé tout en étant entourés de leurs amis d’aujourd’hui. En regardant tout ce petit monde, elle savait qu’elle était parvenue à ses fins.
Cette magnifique rencontre s’acheva vers 17 heures. La famille Lefèvre au complet remercia chaudement l’ensemble des invités et en particulier Allan qui avait contribué à donner à ce jour une saveur toute particulière. Chacun repartit de son côté avec le cœur emplit d’un merveilleux moment passé entre amis. En rentrant dans leur duplex, Jana et Elliott avaient complètement oublié ce qui les tracassait depuis des jours. Ils n’avaient plus repensé à cette combinaison de chiffres figurant aussi bien sur les livres que la carte de transport ou encore la carte bancaire de Jana. Cette dernière avait même réussi à chasser de sa tête les cauchemars ainsi que les souvenirs étranges récents qui la hantaient chaque nuit. Elle était tout simplement heureuse.
Alors qu’ils étaient en train de faire le bilan de la journée devant un très joli et appétissant gâteau d’anniversaire confectionné le matin même par Lena, Laurent apporta deux paquets. Il déposa le premier de taille moyenne emballé dans un papier vert et jaune devant Elliott, et le second plus petit de couleur rouge devant Jana. Encore une fois, les enfants furent surpris car ils ne s’attendaient pas à recevoir cet énième cadeau. Ils étaient vraiment gâtés. Comme de jeunes enfants au pied du sapin le matin de noël, ils déchirèrent le papier cadeau pour s’empresser de découvrir la surprise. Elliot sortit de l’emballage un nouvel ordinateur portable dernier cri et commença à lire les documents qui l’accompagnaient. Quant à elle, Jana découvrit, ébahie, un magnifique téléphone portable, son premier téléphone.
— Ça vous plait les enfants ? demanda Lena toujours aussi ravie de voir leurs yeux s’émerveiller.
— Oh oui, maman ! Vachement ! L’autre ramait de plus en plus, répondit Elliott la tête penchée sur la notice.
— Trop gé-nial ! Je vais enfin pouvoir envoyer plein de sms, dit fièrement la jeune fille tout en enfilant la carte SIM sans même remarquer que la série de chiffres ne lui était pas inconnue.
— Attention tout de même à ne pas abuser de vos nouveaux jouets ! N’est-ce-pas ? rajouta Lena, toujours aussi protectrice envers ses enfants.
Pressée, Jana voulut l’essayer en appelant immédiatement son frère. Elle voulait qu’il soit son tout premier appel. Au moment où elle allait composer le numéro, un déclic se produisit. Comment n’y avait-elle pas pensé avant ? C’était pourtant sous ses yeux depuis toujours. Finalement, au lieu de l’appeler, elle lui envoya le message suivant : Bon anniversaire grand frère. Au fait, j’ai trouvé la clé ! Lorsque son téléphone sonna, Elliott absorbé par son cadeau, mis un certain temps à le tirer de sa poche pour en lire le message. Après sa lecture et un regard complice, les deux adolescents demandèrent à leurs parents s’ils pouvaient monter dans leur chambre pour profiter de leur cadeau respectif tranquillement. Ils se levèrent de table, embrassèrent à plusieurs reprises Lena et Laurent et montèrent rapidement dans la chambre de Jana.
— Alors ? C’est quoi ? Comment as-tu fait ? Dis-moi tout ! bombarda Elliott très impatient de connaitre la découverte faite par sa sœur.
— Pour ça, il faudrait que tu me laisses en placer une ! l’interrompit l’adolescente ironiquement.
— Ne me fais pas languir. Vas-y…
— Prends ton téléphone portable et regarde-le, ordonna Jana à Elliott devant son regard hébété.
— Quoi ? Hein…
— Regarde ton clavier numérique tactile, l’aida-t-elle.
— Oh ! dit-il avec des yeux trahissant à la fois sa surprise et sa fierté à l’égard de Jana. Les lettres ! Incroyable ! Tu es géniale petite sœur ! ajouta Elliott pour exprimer à nouveau son admiration devant la perspicacité de l’adolescente.
— Bon, ce n’est pas encore gagné, l’interrompit Jana pour couper court à l’éloge qu’Elliott était en train de lui adresser et surtout pour recentrer la discussion sur la priorité du moment. Nous avons trouvé la clé mais il reste encore à décoder le message. Tu m’aides ?
— Non, j’ai des trucs à faire…, ironisa Elliott en faisant mine de quitter la pièce comme il aimait le faire pour embêter sa petite sœur. Mais non, je plaisante, reprit le jeune homme. Bien sûr que je vais t’aider.
Sur un bout de papier, ils disposèrent tous les chiffres en faisant correspondre les différentes lettres pouvant être représentées par chacun d’eux. Ainsi, au 2 pouvaient correspondre les lettres A, B ou C, au 3, les lettres D, E et F, au 4, les lettres G, H et I, au 5, les lettres J, K et L, au 6, les lettres M, N et O, au 7, les lettres P, Q, R et S, au 8, les lettres T, U et V, au 9, les lettres W, X, Y et Z. Le 0 symbolisant un espace. Couchés sur le tapis à carreaux acheté juste avant la rentrée, Jana et Elliott, chacun de leur côté, essayèrent de décoder la série de chiffres 5262032688306687 en se référant à cette clé.
Au bout de nombreuses tentatives, ils parvinrent à obtenir un message pour le moins cohérent : Jana, écoute-nous. Ils n’en revenaient pas. Ils avaient enfin réussi. Leurs sentiments étaient pour autant étrangement mêlés. Ils étaient contents de cette réussite mais en même temps leur inquiétude s’était amplifiée car le mystère restait entier et revêtait désormais une figure plus angoissante. Tout cela devenait concret. Qui pouvait bien envoyer un tel message à Jana ? Pour quelles raisons ? Que signifiait-il ? Tout cela avait-il un lien avec leur enfance, celle dont ils ne se souvenaient plus ? Dans ce cas, pourquoi seule Jana avait reçu ce message ? Ils se couchèrent épuisés, épuisés par cette journée très riche en émotions et en surprises, épuisés par tant d’interrogations sur leur passé et sur leur avenir.