Chapitre Neuf // Partie Deux

Alexandre, 14h15

Je suis désolé, pour la nuit dernière. J'aurais pas dû.

Alexandre, 14h26

Tu peux juste me dire si tu vas bien? Même si tu as toutes les raisons de m'ignorer, j'ai besoin de savoir si tu vas bien

Alexandre, 14h39

Je ne savais pas ce que je disais, j'étais bourré. Tu ne voudrais pas juste oublier? S'il te plait?

Alexandre, 14h45

En fait, je ne regrette pas du tout. Maintenant que j'y repense, j'ai dis la vérité, et je n'ai pas à m'excuser, en fait?

Alexandre, 15h30

Je pense que j'ai compris. Je ne te dérangerai plus. Au revoir, Ezra. Je suppose qu'on se reverra à Noël chez Denise et Charles.

Alexandre, 15h45

En fait, tu sais quoi? Je vais pas abandonner. Parce que je t'aime bien, et que même si tu m'apprécie pas comme ça, j'ose penser qu'on était au moins amis. Je tiens à toi en tant qu'ami, et je serai un mauvais pote si j'essayais pas de voir comment tu vas.

Alexandre, 15h51

S'il te plaît, répond moi.

*

*                      *

Alexandre, 3 Décembre, 8h45.

Je sonne à la porte sans même prendre le temps de réfléchir. Si ça se trouve, il est toujours entrain de dormir, et je vais le réveiller, mais c'est pas grave.

La porte s'ouvre sur lui. Ses cheveux blonds son ébouriffés, et ses lunettes sont de travers sur le bout de son nez. Son peignoir, enfilé à la va-vite, laisse voir son torse nu. J'ose espérer qu'il porte un short en dessous, et qu'il n'est pas complètement nu ou, en un coup de vent, je pourrais perdre tout innocence.

— Alex? Mais qu'est-ce que tu fais là?

Mon frère étouffe un bâillement, et se met sur le côté pour me laisser passer. J'entre, en déclarant:

— En fait, Charlie, ce n'est pas toi que je viens voir. C'est ta chère épouse.

— Denise? Elle dort encore... Je vais voir ce que je peux faire.

Alors qu'il se dirige vers les escaliers, il me souffle:

— Si dans dix minutes je ne redescends pas, c'est soit que je me suis rendormi, soit qu'elle m'a tué.

J'attends patiemment dans le couloir. Même si je suis chez mon frangin, je n'ose pas trop m'aventurer dans la maison en étant seul. Puis bon, depuis que Charles m'a dit que l'un des anciens propriétaires est décédé dans la maison, j'ai un peu trop les chocottes que pour me balader.

Après quelques minutes, j'entends des pas marteler le sol à l'étage, puis les escaliers. Denise descend les marches à toute vitesse, les cheveu ébouriffés, et en train de nouer son peignoir.

— Alex? Qu'est ce qu'il se passe?

Elle a l'air extrêmement inquiète, et je réalise que, peut-être, débarquer à l'aube un dimanche matin alors que je devrais toujours être dans mon lit n'est pas très rassurant.

— Personne n'est mort!, je déclare, en mettant mes mains devant moi. Enfin, je crois. Je viens te parler d'Ezra, en fait.

— Oh. Vient dans la cuisine, faut que je fasse du café. Beaucoup, si tu viens me parler de mon frère.

Elle traîne des pieds jusqu'à la cuisine, et Charlie et moi la suivons. Mon frère a déjà l'air d'être mieux réveiller que lorsqu'il m'a ouvert la porte. C'est l'un des trucs que j'admire, chez lui: il se réveille rapidement, et n'a pas besoin de végéter dans son lit avant d'attaquer sa journée.

Le soleil inonde la cuisine, grâce aux grandes fenêtres. Une odeur de café monte à mes narines lorsque Denise ouvre la boîte de café moulu. Je n'ose pas parler avant que ma belle-soeur n'aie une tasse à moitié vide dans les mains.

— Alors, qu'est-ce qu'il se passe?

Je m'appuie sur le plan de travail et commence à tout lui raconter.

— En fait je suis allé en soirée vendredi soir. Je n'étais pas censé boire, mais j'ai fini mort bourré. Assez pour que je me réveille sans aucun souvenir de la soirée. Apparemment j'ai vu ton frère là-bas, il serait probablement la cause de mon bourrage de gueule. Et en partant, je lui aurais avoué que j'ai un crush sur lui. Et depuis il me répond pas, et j'ai peur qu'il lui soit arrivé un truc, du coup je voulais savoir si toi tu as des nouvelles de lui.

La tasse de Denise se pose violemment sur la table à ses côtés.

— Quoi?, crie-t-elle. Répète ce que tu viens de dire!

J'ai peur qu'elle me saute dessus, mais elle reste assise. Cependant, je garde un oeil sur ses poings crispés sur ses genoux.

— Je..., je commence. Je voulais savoir si ton frère va bien?

— Non! Avant ça!

— Ah... J'ai des sentiments pour lui, apparemment. Je suppose que je m'en suis rendu compte à la soirée, mais je m'en souviens pas. Et je pense que ton frère me hait à cause de ça.

Ma gorge se sert lorsque je repense à la crise que j'ai eu hier. Je n'ose pas me tourner vers Charlie, car il comprendrait directement que quelque chose ne va pas. Il lit en moi comme dans un livre ouvert, et je n'ai pas envie qu'il tourne les pages pour le moment.

Denise se lève et m'enlace, sans que je ne comprenne trop pourquoi.

— Il ne te hait pas, Alex. Je doute que qui que ce soit en soit capable. A mon avis il est juste très chamboulé. Je vais voir ce que je peux faire, d'accord?

Elle se détache de moi et quitte la pièce. Mon frère se tourne vers moi, et me regarde droit dans les yeux. Dans les siens, je vois beaucoup de choses: de la déception, de la tristesse, de la douleur. Un peu de joie, aussi, je suppose. Il me sourit, et me prend à son tour dans ses bras.

— Denise a raison, tu sais. Il est très peu probable qu'il te haïsse. A mon avis, il est juste sous le choc.

— Ça fait deux jours, Charles... On se parlait constamment, avant ça.

— Oui, mais c'est quand même une grande nouvelle à digérer. Mais je ne doute pas une seconde du fait qu'il tient à toi.

Il me relâche, mais pas complètement. Ses mains restent accrochées à mes épaules, comme s'il avait peur que je m'envole dès qu'il détournerait le regard.

— Et ne commence pas à t'en vouloir de ne pas m'en avoir parlé, d'accord? J'ai parlé avec Tom, il m'a raconté certains trucs. Je t'aime, et je t'assure que tu n'as pas à me raconter tout ce qui se passe à chaque minute de ta vie. Tu as droit à une vie privée, Alex.

— Je sais, mais... J'ai l'impression de garder des secrets, et je déteste ça. Que je vous blesse si je ne vous raconte pas ce qu'il m'arrive. C'est systématique, même si je me dis constamment que je ne fais rien de mal. J'y travaille, crois moi!

Mon frère me ressert rapidement contre lui, puis me libère complètement. Denise revient dans la cuisine, son téléphone à l'oreille, mais après quelques secondes elle l'écarte et souffle.

— Il ne me répond pas non plus. Et maintenant que j'y pense, je ne lui ai pas parlé depuis vendredi matin... Je commence à m'inquiéter aussi, Alex. Un de vous deux a une idée de ce qu'on pourrait faire?

Charlie se gratte la tête. Il fait toujours ça, lorsqu'il réfléchit.

— On pourrait... Aller voir chez lui?, suggère-t-il.

Denise se tourne vers lui et le pointe du doigt.

— Mais oui! On va le confronter!

Mon frère abaisse son doigt, et lui souffle:

— Dis, je pense qu'Alex devrait y aller seul. On ne devrait pas se mêler de leurs affaires.

— Écoute, lui répond-t-elle. On s'est déjà investis, tu le sais aussi bien que moi. Mais tu as raison.

Elle se tourne vers moi:

— Je vais te donner son adresse, il habite à quelques rues d'ici. Fait attention, cependant. On est dimanche, et il est encore tôt. Il est probable qu'Ez' soit entrain de dormir, ou de se réveiller. Il risque d'être ronchon.

— Oh, ne t'inquiète pas, je sais où il habite. Je ne devrais pas avoir trop de problèmes pour y aller.

Denise me regarde avec interrogation, et je réalise ma boulette: je ne leur avais pas raconté pour le dîner, et j'en déduis qu'Ezra ne leur en a pas parlé non plus.

— Il est possible qu'on aie dîné chez lui, un soir. Vous savez, le jour où on devait aller boire un café ensemble. On a fini tard, donc on est allés chez lui. Je voulais d'abord passer ici pour voir si tu avais eu de ses nouvelles, avant d'aller le voir en personne, mais je n'ai plus le choix, à présent.

Ma belle-soeur a l'air d'être sous le choc de mon annonce, pour une raison obscure. Charlie s'approche d'elle et me souffle de m'en aller, donc je les salue et quitte la pièce, puis la maison.