La nuit était déjà bien avancée quand il entra dans le restaurant. Vêtu tout en noir Lyam avançait calmement dans cette foule de noctambules. Tout le monde était pressé de manger pour pouvoir rentrer avant le couvre feu. L'endroit était bruyant, saturé d'odeurs mêlées de plats fumants, d'alcool et de parfum. Une douce musique y était jouée sauf que personne n'y prêtait attention, pour lui c'était comme entrer dans un brouillard. Chaque sensation trop vive et chaque battement de cœur trop audible .
Il continua sa marche tranquille jusqu'à une table où une jeune femme l'attendait.
Il ne la dévisagea pas longtemps car il la connaissait et se pressa de s'asseoir.
–Non seulement ça fait deux mois qu'on ne s'est pas vus mais tu te permets de me faire attendre. Dit elle en souriant.
–Détrompe toi, j'ai exactement sept minutes de retard.
–T'es trop sérieux. Oublie ça, j'ai consulté le menu une dizaine de fois et ils n'ont plus rien de particulier, tu veux manger quoi ?
En l'invitant, il n'y avait pas vraiment pensé, et il ne pensait pas non plus qu'elle accepterait si facilement. En même temps,ils étaient voisins mais pas très proches,c'est à peine s'ils s'adressaient la parole. Il marqua un bref silence puis ajouta avec un sourire forcé qui ne laissait même pas apparaître une seule de ses dents.
–Prends ce qui te plaît. Personnellement tout me va.
Il la laissa commander pour eux, de toutes façons toute sorte de nourriture humaine lui était insupportable.
Le serveur débordé déposa brusquement leurs assiettes et se dirigea vers d'autres clients. Lyam fit semblant de s'intéresser à son plat sans vraiment y toucher, découpant machinalement sa viande. Quelques minutes plus tard, elle était complètement en tranches mais pas une seule n'avait bougé de sa place.
Valérie intriguée lui lança un regard suspicieux puis ajouta en se penchant légèrement vers lui.
–Je le savais, mais tu aurais pu me dire que tu n'aimais pas la viande, ils ont des plats végétariens.
–Non ce n'est pas ça le problème, j'étais juste perdu dans mes pensées.
–Détend toi si on est ici c'est d'abord pour prendre du beau temps. Et puis j'ai un truc à te demander.
–Ne te gêne pas, au pire je t'aurais au moins écoutée.
Un long silence suivi sa phrase et un petit sentiment de malaise s'est installé entre eux.
– D'accord je me lance ! Dit elle après avoir avalé une bouchée de son plat.
–Oui je t'écoute. Lui répondit Lyam d'un ton décontracté.
–Il y a deux mois je me suis réveillée à l'hôpital,un médecin m'a dit que je m'étais cognée contre un mur. Mes souvenirs étaient très confus mais grâce à lui je vais bien maintenant. Il y a juste une petite zone d'ombre dans ma tête, je ne me rappelle pas de ce qui s'est passé cette nuit là.
À la fin de sa phrase Lyam remarqua que sa voix tremblotait légèrement et que son rythme cardiaque s'était accéléré comme si quelque chose la troublait. Mais comme il n'était pas sensé le remarquer, il se tut pendant quelques secondes avant d'ajouter.
– Et vu que j'ai aussi survécu à la scène tu penses que j'ai vu quelque chose ?
–Exactement !
–Je suis désolé mais on m'a trouvé inconscient devant ma maison en feu du coup je suis dans la même situation que toi.
–C'est dommage, t'étais mon dernier espoir. Mais il se fait tard! S'exclama t-elle, elle faisait semblant d'être convaincu mais son expression laissait penser le contraire.
Les aiguilles de l'horloge montraient qu'il était neuf heures quarante six. Lyam fit de son mieux pour avaler son steak à la moisissure et ensemble ils ont quitté le restaurant.
En chemin elle avançait lentement et semblait préoccupée, elle s'était donnée trop de mal pour pas grand chose. Mais comme son partenaire s'était tu,elle décida de briser le silence.
– T'es devenu quoi après l'incendie ?
Toujours sans laisser paraître la moindre émotion, il lui a répondu calmement .
–J'ai perdu mon travail, alors j'envisage de rentrer chez moi pour me changer les idées. En réalité il l'avait volontairement quitté, parce qu'il n'arrivait pas à se contrôler.
–Au lieu de rentrer chez toi tu ferais mieux de te trouver autre chose. En même temps vu que j'étais à l'hôpital j'ai raté le concours d'entrée à l'université, mais j'ai quand même continué.
–Laisse moi deviner. L'interromp t-il. Tu t'es trouvée un appartement pas cher et tu va le repasser l'année prochaine ?
–C'est exactement ça et je compte le réussir.
–Sache que je l'ai passé deux fois sans succès cet examen.
Ils avancerent lentement sans rien dire jusqu'à une ruelle un peu sombre, la lumière de la pleine lune ne l'eclairait qu'à moitié. Au delà se trouvait le quartier de la nuit, comme son nom l'indique il ne s'active que la nuit et le couvre feu n'y est pas vraiment respecté. Il n'y a presque pas de garde ce qui laisse régner l'anarchie. Lyam s'était trouvé un logement près d'un bar, cet environnement nocturne lui était plus adapté, lui qui n'était actif que la nuit,lui qui avait perdu son humanité et s'affaiblissait sous le soleil.
Depuis quelques minutes Lyam sentait la présence de deux personnes qui les suivaient. Et en analysant leurs bruits de pas il conclu que c'était deux hommes. Pour lui il était tout à fait normal qu'il se dirige vers ce quartier, mais il se demandait pourquoi Valérie le suivait sans rien dire. Et d'un coup elle s'arrêta toujours sans prononcer un mot. Après quelques pas il s'arrêta à son tour et dit avec assurance.
– Tu m'as tendu un piège avoue le.
Elle n'a pas su quoi répondre alors elle sorti un couteau qu'elle avait caché sous sa manche et fonça vers son interlocuteur en l'agitant dans tous les sens.
Lyam n'avait aucun mal à esquiver les assauts de la jeune femme,mais au bout d'une minute il s'est lassé et à bloqué son geste en lui saisissant la poignée.
–Arrête ça ! Ça ne te mènera nulle part de me tuer ! Lui hurla t-il.
–Tu peux riposter ou juste te laisser tuer, mais Arrête de fuir.
La seconde d'après elle était déjà dans les airs, sa tête dépassait les bâtiments les plus hauts du quartier.Une myriade de pensées envahissait son esprit. Elle allait mourir et avait beaucoup de regrets. Elle n'avait pas revu sa mère depuis un mois et elle a tenté d'assassiner quelqu'un. Et pour calmer sa conscience elle se répétait :" c'est un monstre, ce n'est qu'un monstre. "
Quand elle avait abandonné tout espoir de survie, une mains l'attrapa en plein air et la posa lentement.
–Tu vois ce que ça fait d'être prêt de la mort? Alors tu veux toujours me tuer ?
–Je ne te permets pas de me faire la leçon espèce de monstre ! Hurla t-elle. Elle s'efforçait de masquer la peur dans sa voix en la recouvrant d'un voile de haine.
Elle ramassa son couteau et se mit debout cachant tant bien que mal ses jambes toutes tremblantes. Seul un de ses yeux trahissait sa détermination,car de celui-ci coulait une larme qu'elle n'avait pas réussi à contrôler.