Chapitre quinze

Par Oriane
Notes de l’auteur : Rien à voir avec le roman ou le chapitre en cours : Désolée du retard dans les chapitres. Mais novembre étant le mois du NaNo, je me suis concentrée sur celui-ci et n'est pas posté par ici. Je compte bien me rattraper rapidement

Marco suivait de près le comte. Alan marchait vite, animé par une froide colère. Deux heures plus tôt, on lui avait rapporté la présence d'Aymeric de Lucin dans sa ville. Ils engloutissaient les mètres de couloirs jusqu'à la salle des cartes de la Maison des Mères. Il semblait à l'archiviste qu’il passait plus de temps ici que dans le château Lordet. Mais, ce matin, il traînait des pieds derrière son seigneur. Il n'avait qu'à regarder la paume de sa main pour se souvenir de ce dont la Kharmesi était capable.

Il n'arrêta pas le comte pour autant lorsque celui-ci poussa sans y être invité la porte de la salle des cartes. Il attendit avant d'entrer à sa suite. Il s'étonna que rien ne se passe. Aucun cris ne parvint jusqu’à lui, aucune effusion. Il finit par faire les deux pas qui le séparer du comte de Lordet dans un silence effrayant.

Mairenn et Anneke entouraient la Kharmesi. Elles regardaient tour à tour leur protégée et le comte, ne sachant pas comment réagir. Un sourire suffisant se discernait sous la barbe blonde d'Aymeric de Lucin, installé face à elles. Personne n'osait bouger ou parler tant qu'Alara n’en donnait pas le signal. Or, elle restait de marbre. A cause de son masque, il était impossible de savoir ce qu'il se passait dans sa tête. Marco était pourtant sûr qu'elle s'amusait beaucoup. Il supposa qu'elle l'avait provoqué cette situation.

Elle le lui confirma en invitant simplement le comte à prendre le seul siège vacant de la pièce, coupant court à toute rébellion de la part des autres.

Marco se plaça derrière son seigneur, sortit son carnet et son crayon et attendit que la réunion reprenne. Il se mura dans son rôle, refusant de regarder vers elle. Elle pourrait discerner ce qu'il tentait de se cacher à lui-même.

Lorsque tous eurent pris place, Aymeric de Lucin reprit simplement là où il s'était arrêté, comme si de rien n'était :

— Que vous permettiez à Enric de Lordet de profiter de vos gardes est une chose, qu'il vienne jusqu'à mes frontières et fasse peur à mes paysans en est une autre, Kharmesi. Encore plus si la moitié de l’armée avec lui est à vous. N'êtes vous pas la Déesse Rouge pour tous ceux qui la prie ? demanda-t-il d’un ton mielleux.

Lordet grimaça aux accusations faites contre son fils. Pour y avoir été, Marco savait très bien qu'elles étaient en partie fausse. Enric n'attaquait pas les villages du comté voisin. Il chassait ceux qui importunaient les paysans, qu’ils soient d’un côté ou de l’autre de la frontière. La Kharmesi le savait aussi. Et elle ne comptait pas se laisser faire :

— Depuis le début de cette réunion, vous ne cessez de vouloir me faire porter une faute qui n'a rien à voir avec moi. C'est assez amusant. Vous êtes dans l'incapacité de défendre vos paysans sans aide contre les attaques dont votre comté et celui de Lordet sont victimes. Mais vous êtes tout autant incapable de demander de l'aide. Alors, vous vous en prenez à Enric de Lordet, à son père et comme vous savez très bien être dans le faux, vous finissez par vous en prendre à moi et à la Déesse. Vous devriez faire attention à vos paroles, Aymeric. Ma garde risque de faire plus que peur à vos paysans si vous continuez à jouer ce petit jeu-là.

Lucin se leva, la figure rouge. Les Mères firent de même, voulant sans le moindre doute protéger la Kharmesi. Alara ne bougea pas. Elle pencha un peu la tête, comme pour mieux voir les réactions du comte. Elle était parfaitement calme.

— Vous me menacez ? s’indigna de Lucin.

— Je vous fais part des conséquences que pourrait avoir vos paroles. J'ai accepté de vous recevoir afin de vous aider. Or, depuis le début, vous n'avez que des reproches à me faire. Comme si vous souhaitez cacher quelque chose. Je pourrais en déduire que c'est bel et bien le cas. Après tout, les pilleurs passent de votre côté de la frontière dès leurs larcins accomplis.

Le comte se rassit. Il croisa les bras sur sa poitrine. Elle avait fait mouche. Quoiqu'il ait pu se passer avant leur arrivée, elle venait de rependre en main la situation. Si elle l'avait perdu une seule fois, ce dont Marco doutait. Qu'elle porte ou non son masque, elle faisait montre d'une grande arrogance et d'une intelligence tout aussi vaste. Un dangereux mélange, surtout lorsqu'elle ne se laissait pas submerger par ses émotions. Pour l'instant, elle menait le jeu d'une courte tête. Ce n'était pas encore dit que ça dure. Elle prenait des risques en l'accusant de cette manière. Il espérait vraiment qu’elle savait où elle allait.

Le silence s'éternisa. Marco en profita pour finir de prendre des notes. Alan de Lordet lui demanderait de tout revoir plus tard, comme souvent. Cela lui permettait de ne pas lever la tête vers Alara. Il s’y résolut lorsqu'elle commença à tambouriner doucement la table devant elle de ses doigts. Elle s'impatientait. Les choses sérieuses commençaient.

— Que proposez-vous, ma dame ? finit par demander de Lucin.

La Kharmesi arrêta de taper sur la table et écarta sa lourde chaise. Elle se leva et marcha jusqu'à la carte accrochée au mur du fond. Elle la parcourut des yeux avant de s'arrêter sur sa droite, là où étaient représentés Lucin et Lordet. Sa main courut d'un comté à l'autre, s'attardant sur la frontière entre les deux.

Marco sourit en la voyant faire. Les deux comtes, beaucoup moins.

— Avant toute chose, j'aimerai connaître les sentiments du seigneur de Lordet sur tout cela. C'est pour cela que vous êtes venu, n’est-ce pas ?

Alan se redressa sur son fauteuil. Toute la colère qu'il avait endigué à son arrivée ressortit. Une fois encore, Marco ne put s'empêcher de penser qu'elle l'avait fait exprès.

— Vous avez reçu les mêmes rapports que moi de la part de mon fils, ma dame. Vous devez donc savoir ce que je pense de cette demande. Les pillards ne font pas que traverser la frontière. Ils vivent de l'autre côté. En Lucin. Et voici le dernier rapport d'Enric, qui vient à peine d'arriver.

Le comte sortit une missive de la poche de sa veste et la donna à Marco. L'archiviste se leva pour l'amener à la Kharmesi. Il évita son regard lorsqu'elle prit la lettre. Elle murmura à peine un remerciement, restant aussi froide qu'elle l'était toujours. Il resta à côté d'elle tandis qu'elle lisait.

Il osa enfin lever les yeux. Cela ne dura qu'une seconde, assez pour qu'il se rende compte du trouble qui envahissait la jeune femme. Un trouble qui disparut presque aussitôt. Sous le masque, la colère pointait, une nouvelle fois.

— Vous avez cinq minutes pour m'expliquer pourquoi on a vu l'un de vos généraux avec l'une des bandes de pillards, lança-t-elle à Aymeric de Lordet.

L’intéressé ne répondit pas de suite. Ce fut suffisant.

Toujours à côté de la Kharmesi, Marco fut le premier à ressentir l’augmentation soudaine de chaleur dans la pièce. Il ouvrit la bouche sans rien dire. Il ne pouvait pas l’arrêter devant tout le monde.

Elle froissa le papier qui s'embrasa dans sa main. Elle jeta les cendres au sol devant un Aymeric de Lucin médusé. Personne ne réagit. Elle se pencha, posa un doigt sur la poitrine du comte, menaçante :

— Vous venez ici, dans la Maison des Mères, afin de me demander une aide dont vous n'avez pas besoin. Vous insultez la Déesse Rouge. Vous insultez le comte de Lordet. Vous m'insultez moi. Votre seule chance de regagner votre château en un seul morceau repose sur le traité de non-agression qui règne sur chaque visiteur de la Maison des Mères. Profitez-en. Rentrez chez vous et prenez la mesure de ce que vous faites. Faites-le en votre âme et conscience. Prenez une décision, celle qui vous semblera la bonne. Mais surtout, ne mettez plus jamais les pieds ici.

— Vous n'avez aucun droit de me traiter de la sorte, s'indigna-t-il.

— J'ai absolument tous les droits. N'oubliez jamais qui je suis.

La peur se dessina sur le visage de Lucin tout comme sur celui des deux Mères. Tous perdaient le contrôle sur la Kharmesi. A cet instant précis, elle pouvait tuer le comte sans qu'aucun ne l’en empêche.

Elle n'en fit rien. Elle s'éloigna d'Aymeric de Lucin et se dirigea vers la porte, comme si de rien n'était. Elle regarda l'assemblé un instant avant de déclarer :

— Seigneur de Lordet, vous laisserez le seigneur Aymeric et sa garde passer la frontière. Il ne sera pas dit que je ne respecte pas les vieux accords. Après, je vous laisse juge de vos décisions.

Alan hocha la tête. Satisfaite, la Kharmesi sortir de la salle des cartes, laissant les autres seuls. Il leur fallut plusieurs minutes pour comprendre les implications des agissement de la jeune femme. Aymeric de Lucin fut le premier à réagir. Il se leva à son tour, lança un regard noir vers les Mères et s'en fut. Elles le suivirent de près.

— Vous saviez ce qui allait se passer ? demanda Marco au comte lorsqu'ils furent seuls.

Alan de Lordet souriait toujours. Il prit son temps pour se lever. Tout cela l’amusait beaucoup.

— J'en avais une petite idée. J'ai reçu le rapport d'Enric en même temps que l'annonce de la présence de Lucin. Je ne crois pas aux coïncidences. Surtout pas quand elles ont pour sujet la Kharmesi. Cette femme est redoutable.

Il marqua une pause. Les cendres du rapport d'Enric couvraient le sol là où se tenait de Lucin quelque temps plus tôt. Il s'avança pour les épousseter, faisant disparaître la seule preuve des pouvoirs de la femme au masque.

— Nous devons faire attention, reprit-il. Elle est redoutable. Et dangereuse.

Marco ne put qu'opiner du chef. Sa paume droite le démangeait toujours.

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Ella Palace
Posté le 05/01/2022
Hello Oriane,

A nouveau un peu d’action et l’histoire qui avance mais cela me semble encore trop lent. Je trouve que cela manque d’informations nouvelles, d’action et de danger, comme je l’ai déjà dit au chapitre précédent. Mis à part cela, toujours une écriture fluide pour un chapitre qui se lit facilement.

Remarques :

-« Aucun cris », cri.
-« Il finit par faire les deux pas qui le séparer du comte », qui le séparait.
-« A cause de son masque, il était impossible de savoir ce qu'il se passait dans sa tête », je crois que même sans un masque, on ne sait pas ce qui se passe dans la tête de quelqu’un.
-« Il supposa qu'elle l'avait provoqué cette situation », elle avait provoqué.
-« Avant toute chose, j'aimerai connaître les sentiments du seigneur de Lordet sur tout cela », j’aimerais.
-« Il osa enfin lever les yeux. Cela ne dura qu'une seconde, assez pour qu'il se rende compte du trouble qui envahissait la jeune femme », comment fait-il pour percevoir le trouble, en levant les yeux vers elle ? pas cohérent avec l’affirmation de tout à l’heure, aussi.

Avec tous mes encouragements,
Ella
Oriane
Posté le 27/01/2022
Encore merci de ton passage.
Je suis lente à mettre les choses en place, je crois :)
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