Chapitre Sept // Partie Une

Alexandre, 28 Novembre

Je ferme la porte du bâtiment à clé et je m'en éloigne. Étonnement, je finis tôt aujourd'hui : la dame que je devais voir pour organiser un anniversaire a annulé à la dernière minute, alors je n'ai plus rien à faire de l'après midi.

Je réfléchis à ce que je pourrais faire, mais mon champ de possibilités est assez réduit: je n'ai aucune course à faire, et je n'ai absolument pas envie de faire une virée shopping. Ezra ne travaille pas aujourd'hui, donc je n'ai pas la possibilité d'aller le voir au bar. Je pourrais rentrer chez moi, mais je pense pouvoir faire quelque chose de plus productif que de sauter dans mon canapé et regarder Netflix. De toute façon, je n'ai pas la tête à ça.

Je continue de réfléchir, assis derrière le volant de ma voiture. Soudain, je sens mon téléphone vibrer dans la poche de mon pantalon. Lorsque je regarde, je tombe sur un message de mon frère me demandant si c'est moi qui ai son DVD du Seigneur des Anneaux.

Après une courte réflexion, je décide d'aller voir mon frère. Je ne lui ai parlé qu'au téléphone depuis son anniversaire, et c'était il y a un mois déjà. Lui rendre visite ne serait pas une mauvaise idée, même s'il sera déçu d'apprendre que je n'ai pas son DVD.

Je lui envoie un message pour le prévenir que je vais passer chez lui, puis je démarre ma voiture. Comme j'ai fini plus tôt, je ne suis pas bloqué dans le trafic, et il ne me faut qu'une dizaine de minutes pour arriver chez Charles et Denise.

Mon frère m'ouvre la porte avant même que j'aie posé mon pied sur le trottoir.

— Ah, tu es déjà là ?

Charles a l'air réellement surpris que je sois arrivé aussi rapidement

— Ouais, je répond en m'approchant de lui. Y'avait personne sur la route, c'est génial !

Lorsque j'arrive au pas de la porte, mon frère me prend dans ses bras et je lui rend son étreinte. Il me fait entrer et me demande directement:

— Alors, c'est toi qui a mon DVD ?

Je ris, puis répond :

— Non, Charlie, aux dernières nouvelles ce n'est pas moi qui ai ton DVD. Si ça se trouve, tu l'as égaré pendant ton déménagement, j'en sais rien !

Mon frère a une moue boudeuse.

— Mouais, c'est sûrement ça... Ça me saoule, je voulais le regarder ce soir, moi !

Je lui fais une tape sur l'épaule. Il a l'air réellement déçu de ne pas pouvoir regarder son film préféré ce soir.

— Tu sais quoi ?, je commence. Je vérifierai ce soir, en rentrant chez moi. Si je le trouve, je te l'apporte directement, d'accord ? Et si je ne le trouve pas, je t'aiderai à chercher ici... Au pire, s'il a réellement disparu, on ira en racheter un, tous ensemble, avec Denise.

Il a réellement l'air enthousiaste à cette idée, surtout si ça implique d'aller au magasin pour aller racheter le DVD: il sait très bien que, si je suis avec, il sera plus facile de convaincre sa femme d'acheter autre chose en plus. Au sourire qu'il me lance, je pense qu'il s'imagine déjà revenir du magasin avec l'intégrale de je-ne-sais-quelle série en DVD.

— Ouais..., il souffle. Ouais, ça me convient !

Sa main se pose sur mon épaule. Il a retrouvé le sourire, et une pointe de fierté me pique en sachant que c'est moi qui en suis là cause.

On se dirige vers le salon et on s'assied dans les fauteuils. La télévision est toujours allumée et diffuse les pubs entre deux programmes.

— Alors, débute Charles. Comment ça va, depuis la dernière fois ?

Il ne me faut que quelques minutes pour lui résumer les dernières semaines. En dehors du boulot, il ne s'est rien passé de bien passionnant. Pourtant, mon frère a l'air réellement intéressé, et me demande même des détails sur les événements que j'ai organisé - le nombre de fleurs que j'ai du commander pour l'un des mariages, par exemple. Charles me raconte sa semaine à son tour, et je constate que ses yeux pétillent toujours autant quand il parle de son métier et de ses élèves de maternelle.

Je sens mon téléphone vibrer dans ma poche, je profite que Charlie soit parti chercher à boire pour le sortir et lire mon nouveau message.

Ezra, 17:56

Yo. Ça va ?

Sans que je ne puisse réellement me contrôler, un sourire apparaît sur mon visage. C'est à ce moment là que mon frère revient, et il me dit:

— Oh oh, quelqu'un est content, on dirait !

Il s'assied face à moi avec les boissons et continue.

— Alors, qui c'est qui arrive à te faire sourire comme ça ?

Je pourrais lui mentir, lui dire que c'est Tom qui m'a envoyé une connerie, mais je n'en ai pas envie. Alors je lui dit la vérité, je lui raconte qu'Ezra et moi on parle par message depuis quelques temps, qu'on s'entend super bien, puis qu'on avait passé un bon moment au café. Qu'au final, on s'était fait des idées, et que ce n'était pas un rencard. Je décide de ne pas lui dire qu'après nous avons dîné ensemble: je ne veux pas qu'il se fasse des idées sur quelque chose qui, si ça se trouve, n'existera pas.

Pendant un court instant, une expression étrange apparaît sur son visage, une expression que je suis incapable de déchiffrer. J'ai envie de l'interroger à ce sujet, mais c'est passé tellement vite que je commence à penser que je l'ai imaginé.

— Ah ! C'est génial que vous commenciez à bien vous entendre. Je suis content pour toi, et Denise sera plus que ravie de l'apprendre.

Il se penche vers moi, comme pour me faire une confidence, alors que nous sommes seuls dans la maison. D'une voix plus sérieuse qu'avant, il déclare :

— Tu le sais déjà, mais ça lui tenait vraiment à cœur que vous vous entendiez bien, ne serait-ce que pendant les repas de famille. Je lui ai dit qu'il ne fallait pas vous forcer, hein, mais tu la connais: la famille, c'est la chose la plus importante pour elle.

Avec un sourire compréhensif, je lui répond :

— Ouais, j'avais remarqué qu'elle voulait qu'on s'entende bien. Pendant un moment, j'avais même cru qu'elle voulait qu'on soit en couple. J'en ai parlé à Ezra, et il m'a garanti que Denise n'est pas comme ça, qu'elle ne serait pas du genre à faire ça.

Encore une fois, le visage de mon frère change pour l'expression de toute à l'heure. Mais cette fois, je n'hésite pas une seconde avant de l'interroger.

— Charlie, pourquoi tu fais cette tête ? Tu l'as déjà faite toute à l'heure, et tu viens de la refaire. Qu'est ce qu'il se passe ?

Je vois bien qu'il hésite, mais il finit par me répondre, tout en gardant la même expression bizarre.

— C'est rien du tout... Le problème vient de moi, je le sais, mais je ne pense pas que ce soit une bonne idée, ou en tout cas une bonne chose, qu'Ezra et toi soyez devenus aussi proches aussi rapidement.

Je m'apprête à parler, mais je n'en ai pas l'occasion car il continue.

— Il y a presque trois mois, tu me disais qu'il te faudrait énormément de temps pour lui pardonner ce qu'il a fait au mariage. Maintenant, tu lui parles de choses pour lesquelles tu serais venu me voir, moi, pour en parler.

Il se recule au fond de son siège et passe ses mains sur son visage.

— Je sais qu'on dirait que je suis jaloux. Mais ce n'est pas ça. Je suis juste réellement inquiet pour toi, Alex.

Pour moi, ça ressemble effectivement à de la jalousie, même s'il est réellement inquiet. Après un instant, je prends la parole.

— Ecoutes, Charlie... Je suis content que tu t'inquiètes pour moi, c'est une façon de montrer que tu tiens à moi, mais tu ne peux pas continuer comme ça indéfiniment. J'avais aussi mes doutes par rapport à Ezra, mais il m'a montré, lui aussi, qu'il tenait à moi. Je suis désolé que tu te sois senti délaissé ces derniers temps... Je pensais que j'allais t'embêter avec tout ça, qu'il fallait que je te laisse faire ta vie avec Denise maintenant que vous avez envie de commencer votre propre famille.

Mon frère sourit à la dernière phrase, puis affiche une expression surprise Je m'empresse de lui expliquer que c'est Ezra qui me l'a dit, qui lui-même l'avait appris de Denise.

— Ah..., dit mon frère ; C'est vrai que je ne t'en avais pas encore parlé. Je suis désolé, Alex. Je ne voyais pas comment aborder le sujet.

Il a l'air embarrassé. Je le rassure rapidement, pour ne pas qu'il s'auto-flagelle plus longtemps. Nous passons à un autre sujet de conversations, après que je l'aie félicité une nouvelle fois.

Plus d'une heure passe ainsi, dans une conversation pleine de bonne humeur. Je finis par regarder l'heure, et je m'exclame:

— Wow, il est déjà si tard? Ça fait des heures que je suis là, Charles, je vais rentrer chez moi. Tu sais, chercher ton DVD, tout ça tout ça. Puis je dois m'occuper un peu de Ronron, aussi. Tu passeras le bonjour à Denise de ma part?

J'attrape mon manteau, et après avoir salué mon frère une dernière fois, je quitte la petite maison et rejoins ma voiture. Le soleil est déjà bas dans le ciel, prêt à se coucher pour la nuit. J'arrive très rapidement chez moi, comme il y a toujours peu de monde sur les routes. Je monte dans mon appartement sans croiser personne, ce qui est assez normal vu l'heure assez tardive. Ronron m'accueille dès que j'entre dans l'appartement, et réclame une tonne de caresses, que je m'empresse de lui donner. Après tout, c'est assez rare qu'il en réclame autant, et qu'il me laisse le toucher sans me faire mordre après seulement dix secondes.

Je me pose dans mon canapé, et Ronron vient me rejoindre et se frotte à moi. D'une main, je caresse le pelage de mon chat, et de l'autre, je sors mon téléphone de la poche de mon pantalon. Depuis ma discussion avec Charlie, je n'ai pas eu le temps de répondre à Ezra, ce qui veut dire qu'il attend une réponse depuis plusieurs heures maintenant. J'essaie de ne pas me laisser abattre par la culpabilité, et envoie:

Alexandre, 19:05

Je suis vraiment désolé de ne pas avoir répondu, j'étais chez mon frère et j'ai pas pu répondre. Je vais bien, et toi? Comment tu vas?

Je fixe l'écran de mon téléphone pendant ce qui semble être plusieurs heures, alors qu'en vérité, seules cinq petites minutes sont passées. Ronron est toujours sur mes genoux, et rien n'a changé. Une partie de mon esprit se dit que mon ami est fâché contre moi, que j'aurais quand même dû répondre lorsque j'étais chez Charles, et je me sens vraiment très coupable. Mais une autre partie, plus sympathique, me dit qu'il est juste occupé, qu'il me répondra lorsqu'il en aura le temps. Que rester sur mon téléphone comme ça, ça ne sert à rien.

Alors je me lève, au grand désespoir de mon chat. Il s'en remet rapidement, cependant: il se met directement à faire sa toilette, comme si je n'avais jamais été là. Je glisse mon téléphone dans la poche de mon pantalon, et je vais dans ma cuisine. Je regarde ce qu'il y a dans mon frigo, et sors de quoi manger:c e soir, ça sera donc du cordon-bleu et des pâtes à la sauce tomate. Rapide, simple, efficace. En ouvrant le bocal de sauce, je ne peux m'empêcher à celle que j'avais improvisé chez Ezra, il y a quelques jours seulement. Malheureusement pour moi, je n'ai plus de légumes frais dans mon frigo, donc je ne peux pas l'améliorer comme ce soir là. C'est vraiment dommage, car ça change totalement le goût de la sauce. Mais bon, je fais avec ce que j'ai!

Bien que j'aie l'habitude de manger seul depuis des années, je dois reconnaître que le faire en la compagnie d'Ezra me manque déjà. Ca me fait le même effet que lorsque je vais chez Denise et Charles: pendant les jours qui suivent, je me sens extrêmement seul. Mais je sais que ça va passer, alors je me contente de manger mes pâtes en regardant une série. Les blagues du policier me font rire de temps en temps, même si je ne suis pas concentré sur ce qui se passe.

Alors que le Capitaine de l'équipe de police s'apprête à faire une blague douteuse, mon téléphone vibre contre ma jambe.

Ezra, 19:48

Ça va. Je dois dire que je m'inquiétais un peu quand t'as pas répondu :') Alors, quoi de neuf?

Un sourire porte mes lèvres, et je lui écris une réponse.

Alexandre, 19:49

Oh, pas grand chose. Je suis rentré chez moi y'a, genre, une heure, et là je mange! Et de ton côté, quelque chose d'intéressant?

Ezra, 19:50

Nope, je le crains. J'ai pour ainsi dire rien fait de la journée... En tout cas, rien de productif.

Alors que je cherche une réponse, il m'envoie:

Ezra, 19:50

Tu fais quoi, ce soir?

Alexandre, 19:52

Je n'ai rien de prévu, je comptais regarder une série sur Netflix. Pourquoi, tu veux un autre rencard imprévu? ;)

J'envoie sans prendre le temps de réfléchir, mais je m'en mord directement les doigts. Je ne suis jamais aussi... Provocateur? Je ne sais pas si c'est le bon mot, mais ça ne me ressemble quand même pas.

Ezra, 19:52

Ahah, pas cette fois, non :') Madame Ramiro deviendrait folle!

Ezra, 19:52

Je peux te demander ce que tu regardes? Je sais pas quoi mettre, mais je m'ennuie :')

Alexandre, 19:53

Finalement, je pense plutôt regarder un film au lieux d'une série! Mais du coup je sais pas quoi!

Ezra, 19:54

Mmmh, peut être que je peux t'aider? Tu aimes quoi, comme style de film?

Alexandre, 19:55

Tout, je dirais. Je crois que c'est ça qui complique les autres. Mais je crois que pour ce soir, ça sera un film comique! J'ai pas envie de voir du sang, ou de finir en larmes, ce genre de trucs :')

Nous échangeons encore une vingtaine de messages, pendant lesquels Ezra m'aide à choisir quoi regarder ce soir. Au final, on choisit un film comique, bien qu'un peu dramatique sur les bords. Ezra le regarde aussi, chez lui, et il s'amuse à m'envoyer des commentaires au fur et à mesure. C'est un film que j'avais déjà vu par le passé, mais lui, c'est son premier visionnage, et je remarque qu'il a les mêmes impressions que moi, la première fois.

Lorsque le film se fini, je suis en larmes. Mon téléphone vibre intensément dans ma poche, et lorsque je regarde l'écran, j'apprends que c'est Ezra qui est entrain de m'appeler. Chose qu'on n'avait encore jamais fait auparavant.

— Allo?, je déclare lorsque je décroche, tout en reniflant.

— Ah, toi aussi tu pleures alors?

Sa voix est vraiment différente au téléphone, mais je ne sais pas dire si c'est le son qui est déformé ou si c'est parce que son nez est bouché par ses pleurs.

— Ouais. J'avais oublié à quel point la fin était triste, en fait. Sinon j'aurais pas voulu qu'on regarde ça. Je suis désolé.

— Attend, tu l'avais déjà vu? Mais il fallait me le dire, on aurait pris autre chose! En tout cas, pour moi, c'était une sacrée découverte. Il est vraiment cool, comme film!

— Je ne me souvenais pas trop de ce qui s'y passait, pour être honnête. Alors c'est un peu comme si je le découvrais, mais en sachant quand même ce qui allait arriver! C'est une impression difficile à décrire, désolé si j'arrive pas à me faire comprendre...

— T'inquiète, je comprends parfaitement! Ecoutes, je crois que là, je vais aller me coucher. D'ailleurs, tu devrais aussi. On se reparle plus tard?

— Ouais, bien sûr! A demain, Ezra, passe une bonne nuit!

— Bonne nuit Alex!

Et il raccroche. C'était la première fois qu'on se parle au téléphone, d'habitude on se parle soit face à face, soit par messages, donc c'est totalement différent. Sa voix était bien plus difficile à analyser, et pourtant, j'étais capable de dire qu'il est vraiment très fatigué ce soir. C'est une bonne chose qu'il aille dormir, il en a clairement besoin!

J'éteins la télévision, et réveille Ronron en me levant. Il n'est pas encore si tard que ça, et je n'ai pas eu une journée fatigante, et pourtant je suis épuisé. Je m'étire et pars dans ma chambre, où je retire mes vêtements et enfile un bas de pyjama. S'il avait fait un peu plus froid dans la chambre, j'aurais probablement mis un haut, mais la température est assez haute pour que ma couverture soit suffisante. Je branche mon téléphone et le pose sur ma table de chevet, puis me glisse sous mes draps. Pour l'énième fois ce soir, mon chat vient me rejoindre et se love contre moi. Je sens les vibrations de ses ronronnements au travers de la couverture, pendant que je le caresse. J'éteins la lampe de chevet et, lentement, alors que mes doigts jouent toujours avec les poils de Ronron, je m'endors.

 

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