Il n’y avait personne. Elle marcha jusqu’au bord des falaises. Le calme la dérangeait. La mer en contrebas tapait doucement contre les roches, sans bruit, sans explosion d’écumes. Le paysage était presque idyllique.
Elle n’aimait pas ça. Un peu de vent ne lui aurait pas fait de mal. Elle avait l’impression d’étouffer en cette nuit de fin d’été. Elle se retourna plusieurs fois vers les murailles de la Maison des Mères. Peut-être aurait-elle mieux fait de rester dans sa chambre.
Et s'il ne venait pas ?
Elle s'appuya contre un rocher, prête à partir à la première alerte. La main sur la poignée de sa dague, elle attendit, de plus en plus nerveuse.
Marco finit par se montrer une bonne heure plus tard. Elle s'étonna d'être rester aussi longtemps. Elle resta contre son rocher tandis qu'il reprenait son souffle, courbé en deux. Il s'excusa vaguement pour le retard, une histoire d'heures passées bien trop vite. Elle ne put s’empêcher de sourire. Une fois encore, l'archiviste était plongé dans ses livres et ses cahiers. Ils passaient avant tout, même avant elle. Une attitude qu’elle appréciait plus qu’elle ne l’aurait du. Il se releva et sourit à son tour. C'était suffisant pour qu'elle le pardonne.
Du moins, pour l'instant.
— Je n'ai pas beaucoup de temps, lui annonça-t-elle. Elvire attend que je rentre avec impatience et j'ai déjà trop attendu. Pourquoi vouliez-vous que l'on se voit ici ?
— Vous n'y allez jamais par quatre chemins, n'est-ce pas ?
— Ce qui n'est pas toujours votre cas, archiviste.
Le sourire de Marco s’agrandit, déstabilisant la jeune femme.
— Vous ne portez pas votre masque. C'est étrange de vous entendre parler comme la Kharmesi alors que j'ai en face de moi Alara Solen. Vous étiez plus sympathique à ce moment-là.
Il savait bel et bien qui elle était , comme elle s’en doutait. C’était une épine dans son pieds en moins.
N’empêche qu’il l’avait tout de même vexée.
— Je suis pourtant la même, masque ou non.
— Ce n'est pas l'impression que j'ai. Vous êtes bien moins froide sans lui. Enfin, vous l'étiez.
Alara grimaça. Elle regrettait d'être venue, surtout pour s'entendre dire ça. Elvire avait raison, elle prenait des risques pour pas grand-chose, si ce n'est en prendre un coup à sa fierté. Il était encore temps de mettre un terme à cette entrevue.
— Je suppose que vous ne m'avez pas demandé de venir juste pour me dire ça. Je vous l'ai déjà dit, je n'ai pas beaucoup de temps devant moi, encore moins pour ce genre d'enfantillage. Vous étiez plus direct quand vous ne saviez pas qui j'étais. C'était... rafraîchissant, ajouta-t-elle en un soupir.
Marco baissa la tête, un peu gêné. Il ne cherchait pas à la mettre mal à l'aise. Il regrettait réellement la jeune femme qu'il avait rencontré dans le campement. Elle était tellement plus intéressante que la Kharmesi. Il avait encore du mal à croire qu'elles étaient bien la même personne. En y réfléchissant bien, elles avaient bien des choses en commun. Le masque noir et rouge pesait peut-être trop sur elle.
— J'avais besoin de me rendre à l'évidence, répondit-il. Être sûr qu'Alara n'est pas un mirage.
La jeune femme resta bouche bée à cette annonce. Elle s'attendait à bien des choses mais pas à ça. Elle se reprit :
— Et alors ? Suis-je un mirage ?
— Vous ? Non. Vous êtes bien là, devant moi. Mais elle, je n'en suis pas si sûr.
Le silence s'installa entre eux. Lourd et pesant. Marco ressentit une désagréable sensation de chaud. Il osa regarder vers elle. Elle serrait les lèvres, prête à lui lancer une pique dont elle avait le secret. Les bras croisés contre sa poitrine, elle boudait. Il en aurait presque ri s’il n’y avait pas eu cette soudaine chaleur.
Il connaissait cette sensation pour l’avoir vécu lors de réunions à la Maison des Mères. Celles où la Kharmesi n'était pas d'accord avec son interlocuteur, celles où son avis ne semblaient pas être pris en compte. Ça commençait toujours par une augmentation de la température soudaine avant que les autres ne se radoucissent face à elle et que la chaleur ne disparaisse.
Alara était bien plus proche de la déesse Rouge que de la jeune femme qu'elle aurait du être. Savait-elle seulement ce qu'elle était en train de faire ? C'était peu probable. Elle semblait ne jamais se rendre compte de la chaleur, des flammes des bougies soudain plus lumineuses et plus hautes. Il devait désamorcer la situation avant que tout cela n'empire.
— Vous n'êtes pas si loin d'être celle qui m'a entraîné de force dans une chevauchée folle pour couvrir la distance entre le campement et ici en moins d'une journée. Et j'ai envie de croire que, non, vous n'êtes pas un mirage.
Ce fut à peine suffisant. Elle ne desserra pas les poings mais la chaleur disparut un peu. Assez pour qu'il n'ait plus l'impression qu'elle pourrait mettre le feu aux rochers derrière elle. Il savait avoir éviter le pire à cet instant. A lui de faire en sorte que cela ne se reproduise pas avant qu'elle ne retourne chez elle. Elle pouvait éclater à tout instant.
— Peut-être que si nous avions l'occasion de discuter tranquillement, tous les deux, comme au campement...
— N'y comptez pas, archiviste, le coupa-t-elle.
La tristesse dans la voix de la jeune femme le prit de court. La colère était toujours là, larvée dans son coin. Elle n'était plus dirigée contre lui, mais contre elle-même, ou contre les Mères.
— Je dois rentrer. Je n'ai été que trop longtemps dehors.
Elle se détacha des rochers sur lesquels elle était appuyée. Son visage ne montrait pas la moindre expression. Elle aurait pu porter son masque que cela aurait été pareil. Il fut incapable de dire ce qu’il se passait dans sa tête à cet instant.
Elle passa à côté de lui sans un mot. Il la regarda partir, le cœur lourd. Il s'était montré particulièrement idiot. Ce n'était pas pour se brouiller avec elle qu'il était là. Il n'avait pas réussit à percer les murailles que son rôle lui faisait dresser.
— Eh merde, murmura-t-il alors qu'elle s'éloignait un peu plus.
Il lui courut après. Il tendit la main, accrocha son coude et la fit se tourner vers lui. Deux yeux pâles le clouèrent sur place. Elle ne tenta pas de s'échapper, elle ne s'offusqua pas. Elle le regarda, un peu surprise.
Elle dévia son regard vers sa main. Soudain, Marco sentit une brûlure dans sa paume. La douleur irradia dans tous son bras. L’odeur de brûler monta à ses narines. Il relâcha la jeune femme brusquement. Aucune flamme n’’apparut entre eux. Rien. Seule une marque rouge prouvait qu'il ne venait pas de rêver.
Alara profita de son étonnement pour s'enfuir. Il ne lui courut pas après cette fois. Il la laissa partir vers la Maison des Mères. Il lui sembla l'entendre grommeler quelque chose sans en être sûr, juste avant qu'elle ne jette un coup d’œil en l'arrière. Cela ne dura que quelques secondes avant qu'elle ne disparaisse dans un virage.
Marco resta immobile, regardant la paume de sa main droite, pendant de longues minutes. La brûlure le démangeait, lui rappelant à quel point la jeune femme pouvait être dangereuse.
Et à quel point elle l'attirait.
nous savons enfin qu'elle était la raison de ce rendez-vous et je dois bien avouer que je m'attendais à une révélation ou quelque chose de cet ordre.
A mon avis, ce chapitre n'apporte rien de nouveau, aucune information donnée n'était pas déjà connue. Je trouve alors que les derniers chapitres sont assez lourds et longs. L'histoire n'avance pas à ce stade. Je retravaillerais cela de façon à réduire ces chapitres, à enlever l'inutile et à créer une réelle "surprise". Je me permets cette franchise car mon but est d'être honnête dans l'espoir d'aider un peu, à mon niveau. Ceci dit, c'est ton histoire, tu en es le seul maître, bien évidemment ;-)
A bientôt!
Pas de soucis pour la franchise. Je poste ici aussi pour ce genre de commentaire. Ce sont eux qui nous font avancer.
Je vois ce que tu veux dire, j'ai tendance à m'étaler sur des choses parfois moins importantes. Je garde ça dans un coin du coup pour revoir un peu le tout.