Chapitre un

Par Comète
Notes de l’auteur : " I forgave the world the day that I met you. "

" L'éveil au monde. "

 

Première cigarette de la journée que je consume, assise sous le porche de ma maison hantée par les fantômes du passé. Sous mes yeux endoloris, le quartier sud de Chicago se réveille sous une fin d'été qui disparait. Dernier week-end avant la rentrée, dernier week-end avant le retour de la réalité.

Mon corps fatigué traverse le salon pour rejoindre Léna, mon ainée, dans la cuisine pendant que Fred, mon petit frère, regarde la télé. Le salon est un endroit central de la maison, là où ma mère y cuve parfois. Là où l'on se retrouve pour des soirées télé mais on y fait souvent des fêtes improvisées. Les meilleures d'ailleurs.

— Ce matin ça sera flocon d'avoine et lait, pour le petit déjeuner, annonce Léna.

Une grande brune aux cheveux raides, avec des yeux marron très mystérieux qui possèdent une pointe de malice. Mon aînée a une peau clair qui ne laisse paraître presque aucune imperfection, mis à part le rouge de ses joues lorsque son nouveau mec lui fait un compliment.

— Génial..., réplique Fred, avec ironie en se levant du canapé afin de nous rejoindre.

La cuisine est un peu l'âme de notre maison, elle a été témoin des plus grandes discussions de la famille Ivywreath. Dès qu'il y a quelque chose à débattre, c'est là que tout se passe. Et le petit déjeuner y est un moment important où l'on se retrouve avant d'entamer notre journée.

— Il y a du retard pour la facture du gaz.

Le ton de Léna change, je ressens l'inquiétude dans le fond de sa voix. 

Chaque rentrée, c'est le même refrain; on angoisse de manquer d'argent, on appréhende de passer l'hiver sans chauffage, ni eau chaude. Quelques fois, on s'en sort. D'autres fois, on accepte la sentence.

— C'est pour ça qu'il a fait aussi froid cette nuit, je constate.

— Je déteste avoir froid, annonce Fred.

Comme tout le monde, je suppose.

— Normalement, ça devrait le faire, je pourrais me charger des courses du mois, affirme Léna, tentant de nous glisser un sourire rassurant.

C'est un comble que ce soit l'ainée qui tient ce foyer à bout de bras, à bout de salaire miséreux au supermarché du coin.

Je la vois sourire, les yeux brillants d'espoir, sortant la tête de l'eau. Je sais bien que ma sœur est épuisée par tout ça. Parce qu'il faut gérer ma mère, nous trois et les finances. 

— Salut les Ivywreath ! s'exclame la voix d'Evan. Qui a la dalle ? 

Avec un sac à la main, mon meilleur ami fait interruption dans notre maison.  Vieille habitude depuis trois années, maintenant.

Chez nous, c'est l'autoroute du bonheur. La maison est un vrai moulin. Tantôt les potes de Cillian qui passent à l'improviste, tantôt ceux de Fred, ou mes amitiés des plus bizarres. Nous n'aimons pas le vide de notre maison qui peut nous plonger dans l'ennui. Nous avons besoin de vie autour de nous pour ne pas se sentir mort. 

— Oh, encore des beignets, remarque Fred, mon petit frère.

— J'ai pris à la pomme cette fois-ci.

— Tu t'en es souvenu ? s'étonne-t-il.

Evan a toujours fait attention au détail.

— T'es au courant qu'on risque d'y prendre goût ? interroge ma sœur.

— Abstenez vous, j'ai perdu un pari contre Cillian ! Et en prime, j'ai du lui acheté des billets pour un match de hockey, annonce Evan.

— D'ailleurs, t'as ses billets ?, je demande.

—  Oui. Je ne parie plus avec lui.

Mon meilleur ami fouille dans les poches de sa veste pour y sortir les billets et me les remettre en mains propres. 

Mon jumeau va être enjoué d'apprendre cette nouvelle. J'ai hâte qu'il revienne chez nous. Depuis son départ pour sa pré-rentrée à l'université, un vide s'est installé en moi. Etudiant de première année à l'université de Chicago en psychologie. Au départ, c'était un pari que Léna et moi avons lancé. L'année d'après, il se verra offrir l'occasion d'intégrer l'université grâce à une bourse, car son intelligence hors normes a été remarquée. Cillian a un bel avenir devant lui et j'en suis fier.

— J'ai lu sur internet qu'on peut gagner 200 $ par mois, si on déclare à la sécu que Fred est attardé, j'énonce, avec sarcasme.

Nous éclatons de rire, j'ai même réussit à arracher un rictus à Léna. Tous, sauf Fred qui me jette un regard noir et m'adresse son magnifique majeur.

— Il nous faut 373 dollars, sinon ils ne nous remettront pas le gaz.

Mon aînée affiche une mine déconfite qui disparait en une fraction de seconde. Même si nous faisons comme si de rien n'était, les problèmes d'argent nous rongent et bien plus que l'on peut le penser.

— Oli, tu viens toujours à ma soirée, ce soir ?, questionne Evan.

— Quelle question !

— Et Cillian va venir ? Il n'a pas répondu à mon message.

— J'en doute... Il risque d'être crevé.

— Tu as demandé la permission à tes parents, au moins ?

La question de Léna me fait relever les yeux sur la silhouette d'Evan et nous échangeons un regard complice.

— Bien évidemment.

Evan sourit, un sourire que je connais, qui cache bien des vérités. Mon meilleur ami est un menteur né, un charlatan, un marionnettiste.

Brusquement, ma mère entre dans la cuisine par la porte arrière qui donne sur le jardin. Elle a un sac plastique vide à la main et une feuille dans l'autre. Vingt-quatre heures après avoir quitté la maison, elle débarque dans la cuisine comme une fleur.

— Tu es de retour ? demande Léna, ne la lâchant pas du regard.

Elle vient à la rencontre de notre mère qui prend place face au frigo.

— Je voulais passer un bon moment avec ma famille qui m'adore, annonce-t-elle de sa voix ironique qui me pince le cœur.

Entre ses mains se trouve une liste de courses qu'elle ne lâche pas des yeux.

— Cool ! Alors tu peux le passer avec tes enfants, riposte mon aînée, toujours calme.

— Je peux pas, j'ai plein de trucs à faire aujourd'hui.

Un rire nerveux s'échappe de la bouche de Léna alors que ma mère fouille dans le frigo, comme si elle cherchait à dénicher le graal absolu.

— Comme quoi ?, s'étonne ma sœur en croisant les bras sur sa poitrine.

— J'ai un tas de choses à faire en combinaison pour maintenir cette famille à flot, Léna ! T'as même pas idée.

Je me plante face au plan de travail. De mon œil curieux, je fouille dans sa poche plastique, mais il n'y a rien d'intéressant, juste des médicaments et une fiole de whisky.

Alors que ma mère attrape une bouteille de lait à moitié rempli, je ne peux m'empêcher de souffler d'agacement, comprenant ses intentions, toujours aussi mauvaises.

— Pourquoi tu voles notre bouffe ? 

Ma mère vide la bouteille dans l'évier et la dirige en dessous du robinet pour la remplir d'eau.

— Ma bouffe, tu veux dire ! proteste-t-elle en remplissant la bouteille.

— Non, je veux dire notre bouffe, à nous !, ai-je pesté.

Léna lui confisque son sac en plastique, l'empêchant de dévaliser notre frigo. Ce qui m'agace le plus, c'est l'absence de mon père, nous laissant avec elle, sous nos yeux d'adolescents, de jeunes adultes en formation pour survivre. Ce n'est pas à nous d'intervenir.

— Que vous avez payé grâce à mes bons alimentaires, financé par les impôts que je paie !

Alors que ma mère s'apprête à attraper la boite de beignet, Evan la contre attaque en les chopant. 

— Et depuis quand ? réplique Evan avec ironie.

Ma mère lève les yeux vers lui, arquant un sourcil face à la silhouette qu'elle a croisé des milliers de fois.

— T'habite ici toi ?

— C'est mes beignets, soutient-il avec raillerie en levant la boîte en sa direction.

Je ne peux m'empêcher de rigoler, un rire franc, presque sans ironie. Ma mère et lui s'entendent comme chat et chien.

Autour de moi, ça vit, ça crie, ça chante. Ca n'a pas l'air de rien comme ça, ce tumulte auditif, on peut vite y prendre goût si l'on y prête trop attention. Il suffit de se prêter au jeu du chaos de notre vie, de tendre l'oreille pour se laisser bercer par l'agitation de notre famille et être emporté par l'amour inconditionnel de notre noyau. 

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UneXtoile
Posté le 26/03/2023
Wow
J'ai du mal à tout assimiler, il y a tellement d'informations ! Evan qui se dispute (ou non) avec leur mère, je trouve ça fou. Et (ce n'est pas parce qu'elle a le même nom que mon héroïne) mais clairement, j'aime Léna ! Sa force a l'air incroyable et elle me fait penser à la mienne.
J'ai terriblement hâte de lire la suite !
Comète
Posté le 27/03/2023
Arf, j'avais peur de toutes ces informations... Je pense le modifier, afin de disposer les infos quand les chapitres suivants..

Haha, quand j'ai lu que ton héroïne avait le même prénom que l'ainée, j'étais trop contente ahah!

Merci pour ton commentaire et ton retour, ça va m'aider !
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