Chapitre : Une garde à vue à l'aveugle

Par Makara
Notes de l’auteur : Bonjour à tous ! Il s'agit d'un nouveau chapitre qui a émergé lors de la réécriture :)

Arthur n’était pas serein à l’idée de laisser Carla seule à l’hôpital après les récents évènements mais qu’aurait-il pu faire ? Attendre à côté d’elle pendant des heures ? Non, le meilleur moyen de l’aider restait d’avancer dans l’enquête. Il repensa à la fureur de la jeune femme, à sa lutte acharnée avec l’homme arrêté, à ses yeux aussi fous que des trombes. Toute cette impétuosité pour protéger Justin.

Il avait pensé la sortir de son obsession mais tous ses efforts avaient été vains.

— Vous allez bien, lieutenant ? lui demanda Charlie d’une petite voix.

— Oui, oui, je réfléchis.

Il jeta un coup d’œil dans le rétroviseur à l’homme menotté à l’arrière du véhicule. Depuis son arrestation, l’inconnu n’avait pas dit un mot. Son visage arborait l’empreinte du désespoir.

Lorsqu’ils arrivèrent au commissariat. Le commissaire Saint-Di les attendait, les mains sur les hanches, avec une mine satisfaite qui donna envie à Arthur de rebrousser chemin. Son supérieur ne les quitta pas des yeux quand ils sortirent du véhicule avec l’homme appréhendé.

Alors qu’ils passaient près de lui, Saint-Di déclara :

— Amenez-le en cellule. C’est du bon travail, Jakes.

Charlie lui donna une accolade fière mais cela le fit à peine réagir tant il broyait du noir. Ils traversèrent le commissariat et firent entrer l’agresseur dans une cellule d’interrogatoire. Charlie le menotta au bureau et ils sortirent de la pièce.

Sans un mot, Arthur se dirigea vers la machine à café et se versa une immense tasse qu’il vida aussi sec. Il sentait le regard inquiet de Charlie dans son dos, ceux aussi des officiers de police de l’open space : ce n’était pas du tout agréable. Il eut soudain envie de rentrer chez lui, de s’étendre sur le canapé avec Osiris et de regarder la télévision.

— Comment on la joue, chef ? Vous menez l’interrogatoire ?

Arthur tiqua sur la qualification.

— Je vais me débrouiller, merci Charlie.

Il reposa sa tasse, s’empara de son portable et demeura un instant à fixer l’appareil en attendant qu’un message surgisse des limbes. Rien. Il envoya un texto à Carla pour lui demander comment elle allait mais n’obtint aucune réponse. Il se trouva un peu pathétique et décida qu’il était temps de comprendre l’évidence : il n’était rien pour elle.

Il revint sur ses pas, récupéra le dossier de l’enquête et ferma soigneusement la porte derrière lui. Le silence était tel qu’il douta de la présence de l’homme dans la pièce. Il s’assit face au détenu, le corps crispé, les mains un peu moites.

Celui-ci fixait la table en fer, la tête baissée, les épaules affaissées.

— Vous avez été arrêtée pour tentative flagrante d’homicide sur la personne de Justin Cruzet. Vous avez le droit à un avocat et vous pouvez garder le silence jusqu’à son arrivée.

L’homme agrippait si fort les bords de la table que ses articulations blanchirent.

— Pouvez-vous décliner votre identité ? commença Arthur.

— Amine. Amine Layhani.

— Date de naissance ? Lieu de naissance ?

— 25 Janvier 1971, à Agadir au Maroc.

L’homme n’avait pas d’accent, il devait résider dans le pays depuis longtemps.

— Depuis quand êtes-vous en France ?

— Nous sommes arrivés il y a six ans.

— Pouvez-vous me fournir vos papiers d’identité ?

L’homme se crispa et baissa les yeux. Arthur en conclut que non.

— Pouvez-vous m’expliquer votre présence à l’hôpital ?

— Je venais voir ma fille. Elle est malade.

Arthur se figea, sa mâchoire se tendit, un frisson lui remonta l’échine.

— Halima est votre fille ?

— Oui.

Est-ce un simple concours de circonstance ? Carla savait-elle qu’Halima était la fille de l’homme qui l’avait agressé ? Ce serait-elle rapprochée d’elle à dessein ? Non. Impossible.

— Pourquoi avez-vous tenté de tuer Justin Cruzet ?

L’homme resta muet un moment. Il se mit à regarder avec anxiété la caméra posée dans l’angle de la pièce.

— Je n’ai pas tenté de le tuer, finit-il par dire la voix tremblante. J’ai agi sur le coup de l’émotion ! Je… Je ne m’attendais pas à le voir dans cette chambre d’hôpital à côté de ma fille. Je voulais… J’ai besoin… Je dois savoir où est le corps de mon fils.

— Que dîtes-vous ?

— Mon fils a été enlevé par ce Justin Cruzet.

— Quand ?

— Il y a trois semaines.

— Si ce que vous racontez est vrai. Pourquoi ne pas en avoir informé les services de police ?

— Je ne pouvais pas. Mes papiers…

— Monsieur Lahyani, vous vous rendez bien compte qu’une disparition d’enfant à la priorité sur une enquête de régularisation de papier ?

Les yeux de l’homme se remplirent de larmes.

— J’avais tellement peur…

— Non, Monsieur Lahyani. La véritable raison c’est que vous étiez l’un des fournisseurs de drogue de Justin Cruzet, c’est cela ? C’est vous qui avez tenté de le rouler ? C’est surtout pour cela que vous ne vouliez pas demander de l’aide à la police.

L’homme se pétrifia et ses larmes se tarirent. Il eut le bon sens de ne pas répondre.

— Pourquoi Justin Cruzet aurait-il enlevé votre enfant ?

— Je préfère attendre mon avocat.

Arthur se leva en soufflant. S’il n’obtenait que des demi-réponses, sa patience s’élimerait rapidement.

— Est-ce vous qui avez tenté de renverser Justin Cruzet au volant de votre voiture ?

— Non.

— Et Carla Cole ? Avez-vous tenté de l’assassiner ?

— Non ! Je vous jure ! Tout ce que je veux c’est retrouver le corps de mon fils pour nous puissions faire notre deuil. S’il vous plait, aidez-moi !

Arthur resta un moment dans ses pensées. Si l’homme disait vrai, il y avait une autre personne responsable de la tentative d’assassinat sur Justin et Carla. Marc Cournat peut-être ? Ou quelqu’un d’autre ?

Le lieutenant ouvrit le dossier de l’enquête et en extirpa les mails.

— Est-ce que ces mails vous disent quelque chose ?

Amine lut avec attention les messages.

— Non. Je n’ai jamais écrit ça.

— Mais c’est bien vous qui avez posé une boite à musique dans le jardin de Mme Cruzet ?

— Oui.

— C’est bien vous qui êtes revenu une seconde fois en pleine nuit dans le jardin de Mme Cruzet ?

— Oui, je pensais qu’elle était de mèche avec son mari. En fait, c’était l’autre femme.

— Carla Cole ?

— Oui, je pense, celle qui m’a attaqué tout à l’heure.

— Qui s’est interposé entre vous et Justin, vous voulez dire ?

Amine acquiesça.

La porte de la salle s’ouvrit sur Charlie.

— Lieutenant, vous pouvez venir une seconde ?

Arthur s’exécuta et suivit la brigadière.

— Madame Cruzet est là, elle veut vous voir.

— Je suis occupé.

— Elle dit que c’est urgent.

Le lieutenant soupira. Il n’avait pas de temps à accorder à Lucie. D’un pas vif, il traversa le couloir et prit la direction de son bureau. Une pensée tournait en boucle dans son esprit : une autre personne était impliquée dans cette histoire et tirait les fils depuis longtemps.

Lorsqu’il arriva à son bureau, il n’aperçut pas tout de suite Madame Cruzet. Il remarqua que son bureau n’était qu’un amoncellement de documents, de gâteaux rassis, de tasses de thé et de café. Il eut un peu honte mais le sentiment ne dura pas longtemps lorsqu’il vit Lucie en pleine lecture d’un procès-verbal.

— Madame Cruzet ! Que faîtes-vous ! Ce sont des documents confidentiels !

— Ah désolé… Ils trainaient…

Arthur lui arracha quasiment les documents des mains et aperçut aux pieds de la femme un maxi cosy avec un minuscule bébé endormi. La vision du nouveau-né lui tira un sourire ; il s’agenouilla à sa hauteur et lui chatouilla le menton.

— Qu’est-ce que tu es mignon ! Il a l’air calme !

— Oui, j’ai de la chance. Il ne fait pas de colère pour le moment.

Arthur se redressa, les yeux toujours fixé sur le nouveau-né.

— Pourquoi souhaitiez-vous me voir en urgence ?

— L’hôpital m’a appelée. Ils m’ont tout raconté. Vous détenez celui qui a tenté de tuer mon mari ?

— J’étais justement en train de l’interroger avant d’être interrompu…

— Ah. Excusez-moi. J’ai tellement envie que cette histoire soit derrière moi…

— Je comprends.

— Alors c’est bien lui qui a tenté de tuer Justin ?

— Je ne pense pas.

Le visage de Lucie s’assombrit.

— Si je comprends bien, Madame Cruzet, il n’y a pas d’urgence ?

— Non, je voulais avoir des informations…

Arthur massa ses tempes pour calmer la colère qui montait. Son téléphone se mit à sonner. Il l’extirpa de sa veste en maugréant.

— Allo ?

— Oui, bonjour lieutenant, Docteur Sarre à l’appareil.

— Bonjour Docteur, écoutez, vous tombez mal, je ne suis pas disponible pour le moment.

— Ah très bien. Je suis désolé, je vous laisse me rappeler alors… C’est assez urgent.

— Très bien, Merci, Docteur Sarre.

Arthur rangea son portable. Décidément, les urgences accourraient de partout ! Il dévisagea Lucie qui avait levé son index pour dire quelque chose.

— Oui ?

— C’est monsieur Maurice Sarre ?

— Exactement. Pourquoi ? Vous le connaissez ?

— Oui, Justin l’avait invité plusieurs fois chez nous. Il l’avait présenté comme un collègue. C’est un docteur en fait ?

Le lieutenant la dévisagea, interloqué. Il se rappelait très bien que le docteur avait nié connaître Justin Cruzet.

— Il s’agit du psychologue de Carla Cole.

Les yeux de Lucie s’agrandirent de surprise. Arthur, fébrilement, tira une feuille du dossier et lui montra les différents mails.

— Regardez la signature.

— MS, murmura-t-elle.

— Maurice Sarre, confirma-t-il.

Subitement, il récupéra les papiers, passa une tête dans le couloir et hurla :

— CHARLIE ! On part en balade !

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