Chapitre V : Ennemis d'hier, alliés d'aujourd'hui [réédition]

Notes de l’auteur : Hello, tous les chapitres publiés ont été réédités ! J'espère que cette nouvelle trame vous plaira ! Je vous laisse découvrir ce nouveau chapitre plus long que les précédents mais nécessaire à la pose de l'intrigue :)
A bientôt ^^

Une jambe rabattue sur l’autre, le haut de son uniforme déboutonné grossièrement, Mouz gardait les yeux clos alors que le grincement des chaises se multipliait annonçant l’arrivée des 8 capitaines. Lorsqu’il rouvrit les yeux, tous les sièges étaient occupés et sur les visages flottait un voile d’inquiétude et d’incompréhension. Seul Lohan, assis en tailleur sur son siège comme à son habitude, fumait nonchalamment. Mouz, recoiffa une mèche rebelle d’un geste maladroit et s’éclaircit la gorge

—         Je mentirais si j’affirmai ce soir devant vous ne pas avoir maudit mon rôle de chef car être un chef signifie prendre des décisions dans les pires moments et y faire face quelles que soient les conséquences, il marqua une brève pause puis reprit sur le même ton, Aragon a survécu et il survivra bien après notre mort et au-delà. Les sinistres événements qui se sont déroulés à l’Est ne doivent en aucun cas freiner nos ambitions. Il s’agit simplement d’un obstacle qu’il nous faut surmonter et que nous surmonterons. Je vous dois des excuses et j’en suis conscient. Je vous ai convoqué sans vous en donner la raison mais nous avons perdu assez de temps, si je vous ai demandé d’abandonner vos territoires et vos hommes c’est parce que nous faisons face à un moment historique, un tournant majeur dans l’Histoire d’Aragon ! Pour la première fois depuis la chute de la cité cendrée, Aragon siégera, avec l’accord de l’Ambassade, au sein du Parlement Inter seigneurial en la qualité de représentant seigneurial au même titre que les autres citées ! 

Un silence assourdissant écrasa l’assemblée qui resta muette. Sony, exprima un « oh !» d’étonnement qui plana dans l’immense salle jusqu’à atteindre les poutres du haut plafond et s’évanouir lentement. Le général reprit place au centre de la pièce et dévisagea avec dureté le visage déconfit de ses capitaines,

—          Reprenez vous, capitaines ! ordonna-t-il

—          Général, veuillez nous excuser mais cette annonce nous à tous prit de court si je puis m’exprimer ainsi. Les capitaines, hochèrent la tête en signe d’approbation et n’osèrent pas croiser le regard du général. Nourim, comprenant qu’il serait le seul à parler, reprit en souriant nerveusement, général tout ceci me semble précipité. Hier encore, l’Ambassade n’avait aucune considération pour nous et ne daignait même pas nous adresser la parole et voici que tout à coup, elle nous offre une place de représentant seigneurial au sein du Parlement qui nous a jusqu’alors toujours fermé ses portes.

—          Le capitaine Nourim a raison, s’exclama Léondro, général, j’ai bien peur que tout ceci ne soit qu’un piège tendu par l’Ambassade. Nous ne pouvons leur faire confiance, du moins pas encore.

Les capitaines hochèrent de nouveau la tête unanimement. Mouz caressa sa barbe naissante et frappa le bout de son sabre contre le marbre.

—          Seriez-vous entrain d’insinuer qu’Aragon ne mérite pas cette reconnaissance que lui accorde l’Ambassade ? Cette convocation est le fruit de tous nos sacrifices ! Soyez-en conscients !

Nous en sommes parfaitement conscients, général répondit Léondro en se redressant légèrement. Ce que nous essayons de vous dire c’est que cette convocation n’apportera rien de bénéfique à Aragon.

—          Et donc ? que proposez-vous capitaine ? Demanda le général sur un ton tranchant.

—          De la prudence, mon général. Il nous faut être prudents et décliner la convocation de l’Ambassade. Nous avons besoin de temps et je pense parler au nom de tous en affirmant cela.

—          De la prudence ? reprit Sony en ricanant, refuser la convocation de l’Ambassade revient à nous tirer une balle en plein cœur et c’est cela que vous appelez de la prudence ? Il ne s’agit pas d’une simple convocation c’est un ordre et je ne vous apprends rien en affirmant que les ordres de l’Ambassade ne peuvent être déclinés. Si l’Ambassade voulait nous détruire, nous serions déjà morts. Acceptez cette convocation ou signez l’arrêt de mort d’Aragon.

Des chuchotements de contestation émanèrent mais se dissipèrent aussi tôt à la vue du large sourire qui se dessina sur le visage satisfait du général. Il adressa un signe de tête complice à Sony et le félicita intérieurement.

—          Capitaine Sony, vous incarnez l’avenir d’Aragon, un avenir qui doit se détacher du passé et repenser sa place, il adressa ces mots à l’ensemble des capitaines mais planta son regard dans celui de Léondro qui inclina la tête en signe de résignation. Aragon se rendra donc à Alpha et siégera, au même titre que les autres délégations, au sein du Parlement Interseigneurial. La composition de notre délégation vous sera communiquée ultérieurement. Si vous n’avez pas d’autres objections, vous pouvez disposer.

La salle se vida lentement sous les bruits de pas lourds de fatigue des capitaines qui saluèrent le général avant de disparaître dans les couloirs de Centrale. Mouz, fut le dernier à quitter les lieux, en passant la porte il remarqua une silhouette qui semblait l’attendre dans la pénombre. Il sourit et avança à sa rencontre.

—          Et bien, capitaine j’ai bien peur que l’assemblée ne soit terminée vous auriez dû intervenir quand je vous en avais laissé l’occasion.

—          Je n’aime pas perdre mon temps général et cette assemblée était une perte de temps. Un simple télégramme aurait suffi. Je me trompe peut-être mais vous n’aviez nullement l’intention de prendre en considération l’avis de vos capitaines, votre décision était déjà prise. Mouz perdit son sourire, l’insolence de Lohan lui était insupportable mais il ravala sa fierté et le laissa poursuivre. Bien que vous n’ayez que faire de mes conseils, tâchez au moins de vous souvenir de celui-ci, il existe différents moyens de détruire ses ennemis et le plus évident n’est pas toujours le plus efficace. Sur ce, si vous voulez bien m’excuser général, il s’inclina et s’éloigna en direction de la jetée laissant dans son sciage un doux parfum de menthe et de tabac froid. 

 

Sur les quais du port, la capitaine Baily s’impatientait et regardait nerveusement sa montre. Les aiguilles affichaient déjà 3 :30 du matin et l’aube n’allait pas tarder à déchirer le ciel de ses premiers rayons. Elle tournait en rond et chuchoter des jurons. L’ordre lui avait été donné de quitter Centrale à l’aube pour rejoindre l’est. Le général insista pour que la capitaine se fasse escorter par une dizaine de membres de sa garde personnelle. Officiellement, ils devaient assurer sa sécurité au vu des récents événements qui ont plongé l’est dans le chaos, mais en réalité ils étaient mandatés pour la surveiller elle et ses hommes. Baily n’était pas dupe et savait que la version donnée par l’Ambassade était erronée mais Mouz jugeait l’affaire close et lui interdisait de mener sa propre enquête pour éviter de froisser l’Ambassade et de compromettre la convocation d’Aragon a siégé au Parlement Interseigneurial.

Elle se mit à tourner en rond d’impatience comme un lion en cage prêt à bondir sur le premier qui aura le malheur de s’approcher trop près de ses grilles. Elle retira ses lunettes et massa longuement ses yeux fatigués. Lorsqu’elle les rouvrit, une masse informe avançait vers elle d’un pas pressé. Paniquée, Baily tenta de reculer pour s’éloigner de cette chose qu’elle identifia comme une ombre et perdit l’équilibre puis trébucha. La masse informe la rattrapa par le poignet mais la capitaine se débattit avec force pour lui échapper.

—          Lâche-moi ! monstruosité ! elle dégaina son sabre, l’ombre recula et leva les mains en lui faisant signe de se calmer.

—          Capitaine, qu’est-ce qui vous prend ?

—          Capitaine ? demanda-t-elle surprise, mais qui es-tu ?

—          Capitaine, c’est moi le sergent-chef Lehart de la section de communication. Vous m’aviez donné rendez-vous ici, vous vous en souvenez ?

Baily plissa les yeux et approcha son visage de celui du sergent-chef confus, qui ne comprenait plus à rien à la situation.

—      Lehart ? Je ne t’avais pas reconnu. Dis-moi, ton visage à drôlement changer en une forme sombre et dénuée de traits humains, qu’est-ce qui a bien pu t’arriver, camarade ? demanda-t-elle avec son sourire radieux habituel.

Le sergent-chef haussa les sourcils, inspira bruyamment et d’un geste ennuyé lui remit ses lunettes sur son nez. Baily s’écria de surprise,

—          Et là, mon visage a-t-il reprit son apparence habituelle, capitaine ? demanda le sergent-chef d’un ton las et amusé. Elle se remit debout en riant et en tapotant son uniforme pour le débarrasser des résidus de terre.

—          Sacré Lehart, je te demande de m’excuser, je n’ai plus toute ma tête, elle fit signe au sergent-chef de se rapprocher et posa le bout de son front contre le sien. Ecoute, camarade, Mouz m’a donnée l’ordre de quitter Centrale à l’aube ce qui veut dire qu’il ne me reste que très peu de temps. Le sergent-chef fronça les sourcils d’incompréhension mais Baily ne lui laissa pas le temps de poser ses questions et reprit aussi tôt, il me faut communiquer avec l’est avant de quitter Centrale et sans que l’état-major ne l’apprenne. Une fois que j’aurais mis les pieds dans cette embarcation, Mouz me fera surveiller moi et mes hommes par sa garde. Tu comprends l’urgence de la situation, camarade ? Lehart déglutit et voulut s’écarter de Baily qui renforça sa prise et rapprocha son visage du sein. Ils n’étaient plus qu’à quelques millimètres l’un de l’autre et Lehart pouvait sentir contre sa peau, le souffle tiède de la capitaine.

—          Eh bien capitaine, ce que vous me demandez là …

—          Camarade ! l’interrompit Baily, je suis persuadée que c’est parfaitement dans tes cordes, son sourire s’élargit de façon disproportionnée et effrayante, ou tu préfères peut-être que je prévienne l’état-major de tes petits dérapages, hein ?

—          Non, s’écrit Lehart, non, non ne faites rien ! Je trouverai un moyen de vous aider, capitaine. Oui, je ferais de mon mieux pour vous aider, capitaine !

—          A la bonne heure, s’exclama Baily, tu vois, camarade, avec un peu de volonté rien n’est impossible.

Baily le suivit dans les dédales de couloirs, de portes et de bureaux de l’administration interne de Centrale qui se trouvait sous le niveau de la mer, terrait dans des locaux délabrés et poussiéreux. Ils passèrent par une porte dérobée et continuèrent à longer des allées désertes et lugubres jonchaient de vieux documents jaunis et de fils électriques qui s’entremêlaient et escaladaient les murs et les plafonds comme une végétation sauvage. Baily sifflotait de joie alors que le sergent-chef rasait les murs par peur d’être découvert par ses supérieurs. Ils pénétrèrent sous une immense coupole divisée en plusieurs étages dans lesquels étaient entassés des bureaux séparés par de fines plaques de bois mal isolées. Des lumières jaunes et rouges clignotaient en continu sur la façade des stations de communication rattachées à un serveur central de plusieurs étages dégageant une chaleur étouffante. Le sergent-chef Lehart, pressa la capitaine qui gardait les yeux rivés sur ces incroyables machines qu’elle découvrait pour la première fois.

—          Impressionnant ! s’exclama Baily en apercevant les outils de communication dispersés sur le bureau de Lehart. Elle s’empara d’une boîte de radio qu’elle examina avec attention à la lumière d’une vieille lampe.

—          Chut ! moins fort capitaine. Personne ne doit savoir que vous êtes ici ! Lehart lui retira l’objet des mains et la fit s’asseoir en face de son bureau tout en jetant des coups d’œil furtifs pour s’assurer que personne ne les suivait.

—          Tout va bien Lehart, détend toi ! répondit Baily avec son plus beau sourire.

—          Non, tout ne va pas bien capitaine. Si on nous découvre on risque d’être limogés et pire encore, on risque d’être accusés de trahison !

—          N’exagérons rien, camarade. Tu as toujours eu le don d’être plus dramatique que la norme.

Il la fusilla longuement du regard avant de se pencher sur sa radio de communication qu’il configurera soigneusement. Pendant de longues minutes, Lehart absorbé par son travail ne preta plus aucune attention à Baily qui était devenue étrangement calme et silencieuse. La pièce était de nouveau plongée dans un silence absolu, lorsque Lehart releva la tête vers la capitaine qui avait disparu. A la place, une chaise vide lui faisait face et derrière dans l’entrebâillement de la porte de son bureau se trouvait son supérieur qui l’observait depuis un moment déjà. Affolé, Lehart se releva brusquement et fit tomber son équipement.

—          Mes respects, major !

—          Sergent-chef Lehart, que faites vous ici ? Vous n’êtes pas de garde, il me semble ?

—          Non, en effet major je suis simplement venu m’assurer que le changement des fréquences avait bien été effectué par les équipes de relais car le cabinet de l’administration supérieure m’a fait remonter des dysfonctionnements. Le major fronça les sourcils et entra dans le petit bureau mal agencé.

—          Je n’ai pas été informé de ces dysfonctionnements. Qui vous a donné l’ordre de vérifier les fréquences ? De fines gouttes de sueur s’accumulèrent sur le front du sergent-chef qui se mit à bégayer en tremblant.

            —     Sergent-chef, qui vous a donné l’ordre de vérifier les fréquences ? répéta le major d’un ton devenu menaçant.

Le sergent-chef finit par lui tendre maladroitement un papier à la couleur jaune ce qui signifiait qu’il s’agissait d’un ordre officiel d’exécution. Le major, le saisit brutalement, le déplia et lut son contenu « veuillez procéder à une vérification des fréquences. Dysfonctionnements remarqués au niveau de la réception des messages. Ordre émis par le capitaine de la garde Léondro ».      

—          Remettez-vous au travail, dit-il sur un ton plus calme, et à l’avenir tâchez de me tenir informé de tous les ordres que vous recevrez de l’administration supérieure.

—          A vos ordres, major.

Lehart, inclina respectueusement la tête et attendit de ne plus entendre les bruits de pas du major qui se perdaient dans l’immensité des couloirs pour la relever. Il s’affala sur sa chaise et hurla dans ses mains pour en étouffer le bruit. Il voulut prendre quelques instants pour se remettre de ses émotions mais la capitaine Baily ne lui laissa aucune seconde de répit. Elle ouvrit d’un grand geste la porte de l’armoire, dans laquelle elle s’était cachée, qui s’écrasa contre le mur dans un grand frac et bondit sauvagement dans le bureau de Lehart qui tomba à la renverse de surprise.

—          C’était moins une, dit-elle en reboutonnant les manches de son uniforme, j’ai failli étouffer dans cette fournaise. Tu devrais penser à aérer ton bureau, camarade.

—          Premièrement, répondit Lehart en se relevant, je vous ai déjà demandé de faire moins de bruit pour l’amour du ciel et deuxièmement comment voulez-vous que j’aère un bureau qui se trouve au sous-sol ?! Baily lui tapota gentiment l’épaule en ricanant et vint se replacer en face de lui. Elle lui désigna le papier jaune encore posé devant lui et lui demanda d’un air malicieux,

—          Je ne te pensais pas capable d’un tel mensonge.

—          Je n’ai pas menti, je n’aurais jamais pris un tel risque. Le capitaine Léondro m’a réellement chargé de vérifier le changement de fréquence des communications. Et maintenant assez perdu de temps, il alluma les écrans géants de son ordinateur et rebrancha sa radio de communication. J’ai réussi à établir une communication privée avec l’est, vous disposerez de 3 minutes, après quoi la communication sera automatiquement interrompue et effacée de nos serveurs.

Un sourire de satisfaction se dessina sur les lèvres de la capitaine qui prit place sur le poste de communication. Lehart finit de configurer la fréquence et s’écarta de son bureau pour se diriger vers la porte. Avant qu’il ne disparaisse, Baily lui adressa un clin d’œil complice auquel il répondit par petit un hochement de tête.

De longues minutes s’écoulèrent depuis que Lehart l’avait quittée et Baily commençait à se sentir mal à l’aise dans ce bureau trop étroit pour elle. Le silence devenait pesant, alors elle tripota au hasard un bouton pour tuer son ennui mais une lumière se mit à clignoter anormalement. Elle voulut l’éteindre lorsqu’un bruit aigu lui transperça violemment les tympans et la fit sursauter. Le bruit diminua lentement et s’éclaircit jusqu’à prendre les traits d’une voix humaine.

—          Ici le sergent-chef Blust des factions de l’Est, quel est votre message ?

—          Blust ! Ici la capitaine Baily ! heureuse d’entendre que tu vas bien !

—          Capitaine ! s’enjoua la voix de Blust, capitaine j’ai essayé de vous joindre à plusieurs reprises sans succès.

—          Ecoute camarade, nous avons très peu de temps mais je compte sur toi pour me résumer le plus rapidement possible ce qui s’est passé en mon absence.

—          Tout est allé trop vite capitaine, nous n’avons rien pu faire. Les mineurs étaient hors de contrôle, ils avaient prévu, j’ignore comment, que Louis Arame viendrait ce jour-là et l’ont enlevés. Ses hommes ont décidé de punir les mineurs et ont voulu exécuter une partie de la population en représailles. Thomas ne les a pas laissés faire et a abattu leur chef. L’affrontement était inévitable. Nous les avons tous tués puis Thomas et Hans ont laissé les mineurs s’enfuir et nous ont demandé de rejoindre la ville. Ils n’ont pas trahi Aragon, ils ont fait ce qui était nécessaire pour nous sauver et sauver l’honneur d’Aragon, Blust se tut, sa respiration agitée trahissait sa frustration.  

—          Continue, lui ordonna Baily

—          Les salamandres sont ensuite intervenues et ont emmené Thomas et Hans. Un représentant de l’Ambassade est également venu nous voir.

—          Comment les mineurs auraient pu prévoir la venue de Louis ?

—          Je l’ignore capitaine, tout ce que je peux vous dire c’est que l’un des leaders des mineurs a parlé d’informations qu’ils auraient reçues de Sourire d’Argent. Je l’ai entendu alors qu’il s’entretenait à l’écart avec Thomas.

—          Sourire d’Argent ?! Baily écarquilla les yeux de stupéfaction et pressa Blust de lui donner plus d’informations.

—          D’après les dires de ce mineur du moins ce que j’ai réussi à comprendre, Sourire d’Argent leur aurait communiqué les informations sur la venue de Louis Arame, il aurait également infiltré notre réseau de communication pour intercepter des informations relatives à votre convocation par Centrale mais je n’en sais pas plus, capitaine, Baily frappa du poing sur le bureau qui trembla légèrement et crispa la mâchoire.

—          Comment de simplement mineurs auraient pu se payer les services de Sourire d’Argent ? Quelqu’un nous manipule depuis le début et on s’est fait avoir en beauté marmonna-t-elle entre ses dents serrées. Ecoute moi bien camarade, l’état-major me fera surveillée dès que j’aurais quitté Centrale et je mettrais ma main à couper que notre faction est déjà sur écoute. Pour l’instant, nous allons nous en tenir à la version officielle et nous plier à la volonté du général. Continuez de jouer aux ignorants et ne faites rien qui pourrait nous trahir.

—          A vos ordres capitaine.

—          A bientôt camarade !

Baily se débarrassa du casque de communication et éteignit la radio et les écrans. Elle renversa sa tête en arrière et expira tout l’air qu’elle avait accumulé sous la pression. Elle voulut remettre de l’ordre dans ses idées brouillées et resta un instant immobile. La situation était bien plus grave que ce qu’elle aurait pu imaginer pourtant, elle avait déjà envisagé le pire. Lehart s’approcha silencieusement d’elle et la regarda timidement. Le bleu des tatouages qui recouvrait une partie de son visage et de son crâne rasé se mariait parfaitement avec le brun foncé de sa peau et faisait dans un sens tout son charme. Il lui tapota doucement l’épaule pour attirer son attention

—          Capitaine, il nous faut partir maintenant quelqu’un pourrait vous voir et le soleil s’est déjà levé.

Elle lui sourit faiblement et lui tendit la main pour le remercier. Lehart insista pour la raccompagner jusqu’au port, Baily ne broncha pas et le suivit docilement de nouveau à travers le labyrinthe de couloirs et d’allées du sous-sol. La capitaine ne sifflotait plus et semblait plongée dans une intense conversation silencieuse avec elle-même. Lehart la regardait à la dérobée, elle souriait toujours mais son sourire était maintenant froid et absent. L’air marin de la surface lui fouetta le visage alors qu’un oiseau effleurait les fines vagues de ses ailes. Une embarcation entourée d’une dizaine d’hommes dont le visage lui était inconnu l’attendait sur le quai. Lehart se retourna une dernière fois pour la saluer mais il ne parvenait pas à trouver les mots justes pour un aurevoir aussi bref que le leur alors il se contenta d’agiter sa main dans le vide en regardant la silhouette de la capitaine s’éloigner à toute allure dans l’immensité de la mer.

 

La lourde coque grinçait au rythme des vagues et le pont s’agitait sous les pas pressés des matelots qui se préparaient à lever l’ancre. Dan, contemplait les premières lueurs du soleil, il avait passé toute la nuit sur le pont à attendre la venue de la capitaine. Le nouveau navire prêté par le capitaine Sony, n’était pas aussi beau et impressionnant que celui qui les avait conduits à Centrale et Dans pensa qu’il n’était qu’un reflet de son état d’âme car il se sentait aussi petit et vulnérable que ce vieux navire. Baily, suivie d’une dizaine d’hommes dont il ignorait l’identité se hissèrent sur le pont et vinrent à sa rencontre. La capitaine arborée son sourire habituel et lui frappa l’épaule pour le saluer.

—          Mes respects, capitaine.

—          Dan, je te présente une partie des membres de la garde personnelle du général qui ont généreusement acceptés de nous accompagner à l’Est pour nous prêter main-forte. Les 10 hommes le saluèrent en posant leur sabre sur leur poitrine et Dan fit de même. Il adressa plusieurs signes discrets pour tenter d’attirer l’attention de la capitaine mais elle l’ignora volontairement.

—          Camarades, je suis persuadée que vous vous plairez à l’est et Dan sera ravi de vous faire découvrir nos spécialités issues de notre majestueuse Forêt d’Opale qui je le rappelle sont les meilleures des 6 territoires, Dan fit semblant de sourire et marmonna un oui inaudible, et maintenant si vous voulez bien m’excuser mais je n’ai pas fermé l’œil de la nuit et je souhaiterais me reposer.

Baily les quitta en fredonnant un air populaire et ne remarqua pas la déception qui se dessinait sur le visage de son second qui attendait son retour avec impatience. Pour ne pas froisser ses invités, Dan resta quelques instants parmi eux, à échanger des banalités sans importance. Il n’avait aucune confiance en ces hommes même s’ils portaient le même uniforme que lui. Prétextant une migraine due au manque de sommeil, il s’éclipsa à son tour et rejoignit sa cabine. Il se débarrassa  de son uniforme et s’allongea sur le dos sur le fin matelas usé. Le regard perdu dans le vide et dirigeait vers le plafond taché par l’humidité et l’usure, il s’endormit avant même de réaliser qu’il était fatigué. Des visions de flammes et de mort troublaient son sommeil agité et le faisaient se réveiller en sueur haletant. En proie à une forte fièvre et à des hallucinations, il ne parvenait plus à dinguer ses rêves de la réalité. La soif le fit se réveiller et il mit du temps à comprendre où il était. La pièce, plongée dans l’obscurité lui était totalement étrangère. Il tendit le bras dans l’espoir de saisir le verre d’eau posé près de son lit mais il se figea lorsqu’une main sorti des ténèbres se plaqua subitement sur sa bouche. Un souffle lui effleura l’oreille et une voix familière prononça ces mots

            —            Rejoins-moi dans la salle des machines dans 5 minutes.

Il enfila le bas de son uniforme et se précipita à l’extérieur de la cabine. Le navire tanguait fortement sous les rafales de vent et il eut du mal à atteindre l’étage inférieur. Il fit de son mieux pour ne pas réveiller l’équipage qui dormait près des soultes et se faufila dans une trappe qui donnait accès à la salle des machines. La capitaine Baily l’attendait, assise sur un énorme tuyau en cuivre, elle lui adressa un sourire et haussa les sourcils d’amusement en l’apercevant,

—          Qui l’aurait cru mais il y avait bel et bien du muscle sous cet uniforme. Dan, embarrassé regarda son torse et s’aperçut qu’il ne portait aucun vêtement pour le couvrir. Son visage s’enflamma de honte il cafouilla des mots d’excuse. Baily ne put s’empêcher d’étouffer un rire et lui fit signe de s’assoir à ses côtés.

—          Considère-moi comme ta mère.

—          Vous être trop jeune pour être ma mère, capitaine.

—          Tu as raison, je suis bien trop jeune. Dan, dit-elle en posant sa main sur son genou, ce que je m’apprête à te demander est dangereux tu pourrais y perdre ta place à Aragon et même ta vie.

—          Je vous écoute, capitaine.

—          Tu as déjà entendu parlé de Sourire d’Argent ?

—          Oui, comment pourrais-je ignorer qui il est. Sourire d’Argent est le criminel le plus recherché par nos services et il demeure encore aujourd’hui introuvable malgré nos efforts.

—          Ce n’est pas tout à fait vrai, si Sourire d’Argent reste introuvable c’est parce que personne n’a réellement cherché à le trouver.

—          Je ne comprends pas, capitaine.

—          Sourire d’Argent opère de la manière suivante il vend des informations qui sont censées être secrètes au plus offrant. Nous ignorons encore la façon dont il se procure ces informations mais une chose est sûr aucun secret ne peut lui échapper. Ces informations ne lui rapportent pas seulement de l’argent mais elles assurent également sa liberté car personne n’ose se frotter à lui de peur de voir ses secrets les plus sombres révélés au monde. Tu me suis ? Dan hésita un instant mais il n’osa pas interrompre la capitaine qui reprit ses explications. Aragon ne cherche pas à arrêter Sourire d’Argent car la dernière chose que l’état-major souhaiterait c’est qu’un homme tel que lui mette son nez dans leurs affaires.

—          Mais capitaine pourquoi parler de Sourire d’Argent maintenant ?

—          Nous avons été manipulés, la révolte des mineurs, la venue d’Arame tout ça a été orchestré par Sourire d’Argon, Dan resta bouche bée et mit du temps à digérer toutes les informations que venaient de lui révéler Baily. Il se leva et fit les cent pas devant la capitaine en répétant ce qu’il venait d’entendre.

—          Capitaine, j’ai beau réfléchir je ne comprends pas, pourquoi Sourire d’Argon aurait fait ça ? quel intérêt pour lui ?

—          Aucun, répondit Baily, mais celui qui lui a acheté ces informations et lui a demandé de les transmettre aux mineurs devait avoir un intérêt certain de voir Aragon s’enflammer et Arame endeuiller. J’ai bien peur que ce ne soit que le début et c’est pour cela qu’il nous faut rentrer en contact avec Sourire d’Argon et le convaincre de nous révéler l’identité de la personne derrière tout ça. Tu dois trouver le moyen d’entrer en contact avec lui et le convaincre de nous vendre cette information. Mais tu devras être très prudent si Sourire d’Argent te suspecte ou découvre ton identité il pourra s’en servir pour nuire à Aragon.

—          Rentrer en contact avec lui ne sera pas un problème, je n’aurais qu’à me présenter comme un client ordinaire mais le convaincre, ça c’est une autre histoire, répondit Dan en jouant avec une boucle qui lui tombait sur les yeux.

—     Tu ne peux pas te présenter à lui comme un client Dan, ou il découvrit ton identité et te fera tuer si tu tentes de la dissimuler. J’ignore encore comment l’approcher, mais il doit sûrement  bien y avoir un autre moyen. Sourire d’Argent, aussi puissant soit-il, ne peut pas être infaillible. 

Baily souffla de fatigue et enleva ses lunettes pour en nettoyer les verres. Ce petit geste, pourtant d’une grande banalité, avait le don de l’apaiser. Elle se tourna enfin vers Dan et vit son regard s’enflammer tel un brasier,  

—          Infaillible ou pas, je traquerai Sourire d’Argent capitaine et je l’obligerai à révéler qui est l’ordure qui a fait de mes amis des traîtres aux yeux d’Aragon et du moment.

 

 

 

 

 

 

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