Chapitre V : Rejet et désarroi

Le lendemain, Aydan effectua ses exercices de routine avec les autres gardes, puis déjeuna en leur compagnie. Il se sentait étrangement fatigué, comme lorsqu’il revenait de mission alors qu’il n’avait pas quitté Spyr depuis des jours. On lui accorda son après-midi de libre, mais Aydan ne voulait pas rester en plan à ne rien faire. Il décida donc de se diriger vers la prison dans l’optique d’y recroiser la Brûlée qu’il avait pourchassé dans la ville.

Il faisait une chaleur effroyable à l’intérieur du bâtiment, signe que les fours des cellules tournaient à plein régime. Visiblement, certains gardes prenaient un malin plaisir à torturer leurs prisonniers, et au vu des récents événements, celles-ci étaient pleines à craquer. Il passa devant plusieurs cellules en les inspectant brièvement. Elles contenaient quelques sénateurs et notables de la cité, mais le plus souvent de simples roturiers s’en étant pris à des prêtres ou qui avaient eu le malheur de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment. Aydan reconnut même quelques agitateurs qu’Atrius avait soudoyés pour haranguer les foules. Ces derniers avaient dû faire preuve d’un peu trop de zèle pour se retrouver derrière les barreaux.

En même temps qu’il progressait dans la prison, Aydan se demanda comment la Flamme de la Foi avait pu être au courant de ce qu’il allait se passer. Comment savait-il que les deux autres Flammes profiteraient de Novi-Fyr pour s’accuser mutuellement ? De toute évidence, Atrius avait des connaissances qui lui échappaient. Peut-être que Pyra elle-même lui avait ordonné d’agir ? Il s’arrêta au niveau d’une cellule quasiment vide. À l’intérieur, il reconnut recroquevillé dans un coin la Brûlée qu’ils avaient attrapée. Aydan allait s’approcher pour essayer de lui parler lorsqu’un autre garde assit sur une chaise en bois s’écria :

— Ça ne sert à rien, elle ne dira rien, même pas son nom.

— Je veux quand même essayer, répliqua-t-il.

L’homme se contenta de hausser les épaules tandis qu’Aydan se rapprocha des barreaux.

— Qui es-tu ? Demanda-t-il.

N’obtenant aucune réponse, il réessaya.

— Comment avez-vous fait pour vous infiltrer à la cérémonie ?

Toujours rien. Aydan tenta une autre approche.

— Si tu ne parles pas, on sera obligé d’interroger ton amie. Tu sais la femme au visage calciné.

— Vous mentez, je sais qu’elle a réussi à s’échapper.

— Nos hommes ont réussi à l’attraper avant qu’elle ne quitte Spyr, répondit-il.

— Mais bien sûr. Je ne vous crois pas. Et quand bien même, c'était vrai, je sais qu'elle non plus ne dirait rien.

Aydan grinça des dents. En effet, il mentait. Les gardes n'avaient pas réussi à mettre la main sur les autres membres de son groupe. Elle était leur seule prisonnière, c’est pourquoi il tenait tant à l’interroger.

— Écoute, pour l’instant, Atrius est trop occupé à gérer le bazar dehors. Mais dès que les choses se seront un peu calmées, tu peux être sûre qu’il viendra te rendre visite pour savoir où se trouve le reste de tes semblables. 

— Qu’il vienne. Ce n’est pas un prêtre débile qui va me faire peur.

Aydan essaya de conserver son calme. Elle croupissait dans les prisons de Spyr et serait sûrement torturée longuement avant d’être exécutée dans les jours à venir. Il était clair que Pyra n’était pas de son côté et sa fausse déesse, pour laquelle elle se battait, l’avait abandonné. Pourtant, recroquevillée sur elle-même, elle continuait de lui lancer des regards noirs. On aurait dit une bête sauvage dont les chaînes étaient la seule chose qui l’empêchait de se jeter sur lui. Il voulait comprendre pourquoi elle continuait de lutter et d’où lui venait cette volonté de fer.

— Je crois que tu ne réalises pas bien la situation dans laquelle tu te trouves. Il va te torturer, longuement jusqu’à ce qu’il ait obtenu ce qu’il veut de toi. Peut-être, s’il est clément, il t’offrira le choix de te repentir en rejoignant le Culte de Pyra, mais j’en doute.

— Plutôt mourir que de finir comme vous. Gardez votre déesse, je garderai mon honneur.

— Remarquable, j’avais un ami qui disait ça aussi autrefois. Son honneur l’aura poussé à trahir les siens et conduit vers sa perte. Au final, il aura été misérable jusqu’au bout.

À ces mots, elle hurla de rage et se leva d’un bond pour s’élancer vers les barreaux. Bien qu’Aydan était à une distance raisonnable, il fit tout de même un pas en arrière.

— Comment peux-tu parler de lui comme ça ? Il aura tout fait pour vous aider jusqu’au bout !

— Il est mort, car il a choisi le mauvais camp.

— Luke est mort parce qu’il n’a pas pu se résoudre à vous tuer. Mais rassure-toi, Aydan, je ne commettrai pas la même erreur.

Aydan fut légèrement décontenancé en l’entendant prononcer son nom.

— Comment ? C’est Luke qui te l’a donné ?

Voyant qu’elle avait visée juste, la Brûlée fit un sourire malicieux.

— Je sais tout de vous. Luke m’a tout raconté. Il a rejoint l’Ordre pour vous sauver, tu sais ? Mais vous n’en valiez pas la peine.

— Ne dis pas n’importe quoi ! Il vous a rejoint, car c’est un traître, rien de plus. Tout ça parce qu’il ne trouvait pas sa place au sein de la Garde, il a tenté de la détruire de l’extérieur.

— Au contraire, Aydan ! Mais tu n’as pas voulu l’écouter et il est mort par ta faute !

— C’est faux ! Tais-toi !

Il s’approcha et passa sa main au travers des barreaux pour la saisir par le col.

— C’est faux ! Répéta-t-il. C’est un traître envers Pyra et il a eu ce qu’il méritait !

En même temps qu’il criait, Aydan sentit un liquide chaud couler le long de ses joues. Il mit quelques secondes à réaliser qu’il s’agissait de ses larmes. La Brûlée le remarqua et lui jeta un regard moqueur.

— Voyez-vous ça ? On se met à avoir des regrets maintenant ?

— La Ferme !

Aydan la repoussa violemment en arrière et essuya ses joues en vitesse avec ses mains. La Brûlée laissa échapper un léger ricanement.

— Tu es vraiment pathétique, Aydan, dit-elle. Et dire que Luke est mort pour ça.

Il ne répondit pas, encore sous le choc. Il ne comprenait pas ce qu’il venait de lui arriver, et surtout, il avait fallu que cela se produise devant elle. Que penserait Pyra de lui s’il montrait des signes de faiblesse devant l’ennemi ? Après avoir repris son calme, il déclara :

— Je m’assurerai que l’on s’occupe bien de toi, sois en certaine. Tu ne quitteras jamais cette prison en vie.

Sur ce, il se dirigea vers la sortie du bâtiment sans prêter attention au torrent d’insultes que lui lançait la Brûlée dans son dos. Il était profondément énervé et la bouffée d’air frais qu’il reçut en sortant de la prison ne suffit pas à lui calmer l’esprit. Il prit la direction de la caserne en bousculant les passants sur sa route.

Il passa le restant de l’après-midi à tourner en rond. Aydan attendit avec impatience que le soir tombe pour se rendre au grand temple des Adorateurs. Les gardes attendaient en file indienne dans le hall du bâtiment, pendant que les prêtres se mettaient en position pour procéder à leur rituel traditionnel. Aydan se sentait toujours extrêmement tendu par sa journée et surtout par l’incident dans la prison. Il avait hâte de ressentir la fumée l’envelopper et le soulager, comme à chaque fois. Les prêtres se mirent en place et la queue avança vite. Lorsque ce fut autour d’Aydan, ce dernier ferma les yeux et aspira à pleins poumons la fumée qui sortait du coffret. Mais alors qu’il s’attendait à ressortir cette chaleur réconfortante, il fut pris d’une violente quinte de toux. Il tomba à genoux et continua de tousser sous les regards inquiets des autres hommes. Dès qu’il réussit enfin à reprendre son souffle, Liam l’aida à se relever.

— Est-ce que ça va ? Lui demanda-t-il.

— Je crois que oui, répondit Aydan encore essoufflé.

— Tu as l’air bizarre ces derniers temps. Tu devrais demander à prendre quelques jours de repos.

Aydan acquiesça et demanda à son ami de le conduire à l’extérieur. En jetant un coup d’œil derrière lui, il vit que les prêtres étaient outrés par sa réaction et le dévisageaient avec un mélange d’incompréhension et de méfiance. Une fois, dehors, il respira l’air frais de la nuit qui lui fit le plus grand bien.

— Je vais te laisser ici, dit Liam. Je dois encore achever le rituel. Rentre à la caserne, on se retrouve plus tard.

Liam fit demi-tour avant même qu’Aydan n’ait le temps de le remercier. Il se sentait épuisé et il ne savait pas pourquoi. Cela faisait longtemps qu’il n’avait pas ressenti une telle fatigue, la magie des prêtres ayant toujours fonctionné jusque-là. Après une bonne nuit de repos, les choses devraient aller mieux, pensa-t-il tout se dirigeant d’un pas lourd vers sa caserne.

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Talharr
Posté le 07/08/2025
Re :)
Chapitre intéressant. Aydan qui va rendre visite à Tanwen. On se rend vraiment compte de son insensibilité lorsque Luke fut tué.
Et là les émotions reviennent progressivement en lui. La potion magique ne fonctionne plus sur lui.
Le pendentif ?
A voir la suite :)
Scribilix
Posté le 07/08/2025
Et oui, le zombie Aydan commence à revivre. Le reveil sera brutal
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