CHAPITRE VI – La Forêt d’en Bas - Partie 9

Pourtant, quelques heures après ces pensées de Jasper, lorsque le soleil commença à se dérober derrière les pics, le Conseil du Graal dut s’arrêter aux alentours de la cascade de la Lyre, sans avoir autant progressé que Maria l’aurait souhaité.

Depuis la demi-nuit de sommeil qu’elle s’était accordée, l’expédition n’avait cessé de marcher en direction des massifs de la Tour Sallière, fouillant le moindre recoin des vallées qui séparaient les Dents Blanches du pic de Tenneverge. Cependant, Maria dut bien se rendre à l’évidence, Alessia comme William n’avaient plus la force de gravir une autre montagne aujourd’hui, ni l’envie d’avaler l’un des cachets énergisants qu’Arcturus leur proposait. À force d’insister, elle parvint à obtenir de son ami anglais que Cyrus et les Autumns partent en éclaireur dans la vallée suivante, celle d’Émosson, mais cela ne suffit pas à l’apaiser. Au contraire, elle préférait rester seule, à guetter le retour des Automnes au bord du torrent de la Lyre, près de la grotte où l’expédition profita d’un maigre repas. Évidemment, Raphaël puis Alessia vinrent lui tenir compagnie à plusieurs reprises, seulement ils ne recevaient d’elle que des répliques banales, sans émotion ni envie – bien pire que tout ce à quoi elle les avait habitués. Heureusement que tout le monde n’est pas dans cet état, s’exaspérait l’Italienne, tandis qu’elle l’abandonnait à sa veille inflexible, en espérant que ses deux autres amis soient de meilleure humeur. Mais ce n’était pas vraiment le cas, William semblait discuter de choses très personnelles en compagnie de Kyril, sur le pas de la cascade qui couvrait toutes leurs paroles. Quant à Arcturus, il s’était éclipsé avec Kennocha dans un endroit que Wallace gardait, le dos tourné, l’air si gêné qu’Alessia comprit sans mal que l’Ecossaise s’employait à réconforter son amant - toujours nerveux dès que son père s’éloignait trop de lui. L’un comme l’autre, ils sont incorrigibles, se désespéra-t-elle, avant d’aller imposer sa présence au plus sérieux des deux, après tout, William ne me cacherait pas un secret qu’il partagerait avec son renégat rencontré la semaine dernière. Cependant, ce dernier fut visiblement gêné de la voir arriver dans leur conversation, si nerveux qu’elle finit par s’en retourner vers la caverne pour s’y coucher, à la fois trop épuisée pour faire la morale à ses amis, et trop dépitée par cette expédition pour réussir à s’endormir.

D’autant plus que les hurlements des mutants n’aidaient pas à trouver le sommeil, ils étaient sans cesse plus nombreux à résonner dans les montagnes au fur et à mesure que la nuit avançait. Clairement, dire que cette vallée était si tranquille quand nous y avions campés, regrettait-elle quand elle repensait à ses vacances passées auprès de ses professeurs et camarades, avant qu’un nouveau cri ne lui ramène ses inquiétudes en tête, Dieu seul sait combien de temps la Dolce Lupe sera à l’abri de ce mal. Si je venais à apprendre la mort d’une de mes sœurs ou de nos villageois, je n’aurais que des prières à leur donner en réconfort, se reprochait-elle, autant accablée par son impuissance que ses responsabilités, au point de se demander ce que Marco-Aurelio penserait de son Conseil, de son expédition ou des titres si pompeux qu’elle avait reçus du Synode. Sans nul doute, il préfèrerait s’en retourner à son coma, finit-elle par se lamenter, en commençant à glisser dans le sommeil, assez pour que ses songes parviennent à la ramener près de son mentor, attablé sur le petit bureau de son refuge romain, une main posée sur un épais livre de bois, l’autre occupée à écrire un papier que sa disciple reconnut aussitôt. Je sais que cette lettre va te faire beaucoup de mal, et ce livre encore plus, lui avoua soudainement son mentor, en lui accordant une expression qu’elle n’avait jamais vu chez lui, à la fois si larmoyante et si grave qu’elle sentit le besoin d’aller le prendre dans ses bras, avant de comprendre qu’elle ne pouvait ni bouger ni parler dans ce rêve. Je sais aussi que j’ai perdu, que j’ai causé la perte de mes amis et condamné notre monde aux horreurs que je te confie, que je suis le pire des pères et des professeurs à moi tout seul, reprit-il, entre deux silences qu’Alessia voulait tant briser, au point d’en avoir elle-aussi les larmes aux yeux. Immobile malgré tous ses efforts, même réduite à sa forme d’enfant, jusqu’à ce qu’il ne se ressaisisse d’un seul coup, mais j’ai lutté jusqu’au bout. Mieux, si je m’éteins sur cette lettre, je n’aurais ni peur ni regret, Dieu m’en est témoin, ainsi que tous mes ancêtres élevés à ses côtés. J’ai fait ce que je devais faire dans la mesure qu’Il m’a laissé, conclut-il pour qu’elle parvienne enfin à faire quelques pas vers lui, en articulant quelques mots destinés à le réconforter, à le rassurer, lorsque son professeur changea soudainement de ton. Pourquoi c’est vers moi que tu viens, et pas vers eux, n’as-tu rien d’autre à faire pendant que je meurs de mon coma ?

Et ce changement fut alors si brutal qu’Alessia se réveilla en trombe, presque en sueur tant ce cauchemar l’avait marquée. Si profondément qu’elle pouvait revoir son professeur lui prononcer chacun de ses mots, jusqu’à cette conclusion cinglante, si réaliste qu’il aurait vraiment pu la prononcer, s’il la voyait ici, épuisée et désespérée au fond d’une caverne. Non, je dois continuer à me battre, pour tous les autres, se résolut-elle en serrant son petit médaillon, avant de jeter un regard autour d’elle sans trouver un seul de ses trois amis. Ils se sont déjà relevés, je dois aller leur parler, décida-t-elle sans plus attendre, en prenant tout juste le temps de renfiler ses chaussures sans déranger les chasseurs endormis, afin de sortir de cette grotte si fraiche pour un mois d’été.

Devant, Lysander, Théo et Appolonio discutaient calmement en français, assis sur une grosse pierre juste devant l’entrée de la caverne, à quelques mètres de la cascade où Maria trempait ses pieds en laissant divaguer ses pensées.

— Tout va bien, Madame ? Vous devriez prendre un peu de sommeil avant que le jour se lève, s’enquerra son chevalier, inquiet pour la santé de sa seigneuresse que des jours de travail avait déjà épuisée avant le voyage, même si elle se contenta de le remercier poliment pour lui demander où se trouvaient ses autres camarades.

— Sir Seafox discute avec William juste là-bas, Eluned, Caolan et l’un des Mongols surveillent plus bas, vous pouvez aller les voir sans crainte, lui répondit le chef des Springs en désignant deux silhouettes, assises sur un tronc de l’autre côté du ruisseau, légèrement en aval de celle vers laquelle Alessia commença à s’avancer, avant de se retourner vers Théo pour savoir comment allait sa chère Maria.

— Elle … réfléchit, je suppose. J’ai bien essayé de lui demander si elle avait besoin de quelque chose, mais elle a insisté pour rester seule, même Raphaël en a du mal à dormir. Seulement, je suppose que vous devez faire exception, non ? lui sourit celui qu’elle appréciait le plus parmi les mercenaires français, ne serait-ce que pour la compassion sincère qu’il semblait éprouver.

Après lui avoir rendu son sourire et l’avoir remercié, Alessia se dirigea calmement vers sa petite sœur de cœur, en espérant ne pas la tirer hors de ses pensées trop brusquement.

D’autant plus qu’il était si rare de la voir rêvasser ainsi, la religieuse ne pouvait rester insensible au spectacle qu’elle donnait pour une autre personne qu’Anastasia. Assise à même le sol, Maria caressait l’onde de cette eau à l’éclat bien trop scintillant pour n’être dû qu’à celui de la lune, comme si elle se perdait dans les minuscules étoiles qui y défilaient à toute vitesse. Bien sûr, Alessia se doutait que ce n’était pas la science qui avait amené sa collègue jusqu’ici, ou qu’il n’était pas l’heure d’une leçon de morale, au contraire.

Mais l’accueil qu’elle reçut au pied de cette cascade était loin de ce à quoi elle s’attendait, même de la part de sa meilleure amie.

— Tu es prête à partir ou c’est ta pitié qui t’empêche de dormir ? lança la Française du Conseil sans se retourner.

Au grand étonnement d’Alessia qui lui demanda comment elle l’avait sentie arriver.

— Le LM affûte mes sens, et je t’ai entendu parler à la sortie de la grotte … J’étais sûre que tu viendrais, ajouta-t-elle pour que la religieuse ne lui demande si la lune lui avait porté conseil.

— Non. Enfin, pas sur ce que je veux. Pourquoi tu ne dors pas ? Je ne compte pas faire de pause tant que nous n’aurons pas puni ces dégénérés, lui annonça Maria.

— Je sais, je sais … Mais un petit oiseau est venu me réveiller pour une mission importante. Il m’a dit que tu restais toute seule alors je suis venue te voir. J’ai du mal à dormir, de toute façon et j’étais toute seule aussi. Maintenant, on est deux et on n’est plus toutes seules ! lui confia-t-elle d’un air tellement enfantin que Maria ne put s’empêcher de clarifier les faits.

Elle s’était levée pour lui tenir compagnie, ça n’avait rien à voir avec le vrai sentiment de solitude.

— Ah … Maria. Ça doit faire cinq ou six ans que tu ne m’as pas confié tes angoisses, il est peut-être temps de vider ton sac… C’est le sort de Jasper qui t’inquiètes à ce point, n’est-ce pas ? reprit-elle.

Maria ne se priva pas de lui répondre qu’elles n’avaient plus l’âge pour ça.

— Tu as dit ça la dernière fois aussi, mais tu as fini par te lancer au bout du compte, tout ça n’est pas une question d’âge, c’est juste de l’égo. Enfin, nous ferions mieux de passer directement au concret, tu ne penses pas ? Surtout toi, qui n’aimes pas perdre du temps… continua-t-elle d’insister, avec assez de conviction pour que sa camarade en reste pensive, jusqu’à ce qu’elle ne finisse par déballer tout ce qu’elle avait au fond du cœur.

En revanche, si c’était effectivement la disparition de Jasper qui avait plongé la Lune Pâle dans cet état, ce n’était pas pour les raisons qu’Alessia supposait, ni aussi simple qu’elle l’aurait espéré – ça n’avait rien à voir avec un chagrin d’amitié ou d’amour en fait…

J’ai presque peur de le retrouver, peut-être vaudrait-il mieux qu’il disparaisse, lâcha-t-elle, avec tout le sérieux du monde, au point qu’Alessia en restait interloquée, je crains de rêver d’un avenir à ses côtés, d’un fardeau supplémentaire à garder dans mon cœur. En bref, le problème n’était pas l’amour, c’était la peur de le perdre. Et seul ton dieu sait que je déteste perdre, que j’ai la rage envers ces chiens qui s’en sont pris à ceux que j’aime plutôt qu’à moi, conclut-elle pour que la religieuse soupire à ce dernier détail, après avoir déjà entendu son amie annoncer tous les malheurs qu’elle souhaitait infliger au Vol de Jais. Par chance, Maria restait lucide dans sa mélancolie, elle savait que ce désir de vengeance qui la rongeait était déraisonnable, qu’elle serait incapable de supporter les frustrations d’un couple ou les séquelles d’un véritable amour. Si sûrement que l’Italienne put en venir au vif du sujet : cette peur de perdre tellement dévorante qu’elle empiétait sur tout, qu’elle l’empêchait d’accepter la paix ou même l’amour. Car ton souci va jusque-là ; dans ton orgueil, tu vois le moindre échec comme une défaite, je parie même que tu rêves d’un mari qui soit ton trophée, ironisa-t-elle sans en sourire. Sachant mieux que quiconque à quel point son amie chérissait son propre égo, puisque c’est cette rage de gagner qui t’a permis de traverser l’adolescence, d’en arriver là où tu en es depuis Cracovie.

D’ailleurs, Alessia n’avait jamais souhaité lui enlever cette force qui l’avait tant construite, ce vice qui la rendait si malade au point de fermer son cœur, jusqu’à cette nuit où elle ne pouvait qu’en constater les revers.

— Heureusement, tu as déjà compris le problème, comme toujours, et je suis sûre que tu saisis la réponse. Il suffit que tu lâches un peu de ton orgueil, tout simplement, ça ne te fera que du bien. Si tu ressens de l’amour pour Jasper, tu dois te faire à l’idée qu’il puisse lui arriver malheur, sans devenir folle de rage, ni t’en sentir responsable, ni même chercher un coupable. Et tu sais déjà qu’il est puéril de refuser d’aimer, même si ça comporte des risques et des sacrifices qui ne sont pas prévisibles. Mais comme ça, tu seras réellement heureuse, tu seras sereine, tu ne chercheras plus à compenser chaque frustration, à vouloir toujours plus pour rassurer ton égo rongé par le moindre échec. Bref, soit tu acceptes d’abandonner un peu de ton orgueil pour vivre ce bonheur, pour t’ouvrir à lui, soit tu acceptes de le laisser passer mais tu ne pourras pas te plaindre de ne pas avoir été prévenu, et tu sais ce que j’en pense… D’autant plus que tu auras bientôt trente ans, il serait tant de te décider si tu comptes fonder une famille. Ne serait-ce que pour ne pas être prise par le temps, si tu souhaites une longue descendance pour Madame de Hautlys. Sauf si tu veux me rejoindre au couvent, on pourrait y partager une chambre comme au bon vieux temps ! finit-elle par plaisanter.

Afin de l’apaisait, elle proposait un choix très binaire à son amie, toujours perplexe. Tout en sachant pertinemment que c’était souvent de cette façon-là que raisonnait Maria – quoi qu’elle en dise.

— C’est vrai, tout ça n’est qu’une perte de temps et une illusion, expédia-t-elle volontiers, l’air d’avoir balayé ses doutes.

— Tout le monde n'est pas fait pour connaître l’amour et son bonheur facile. C’est ainsi. J’ai au moins la chance d’avoir pu trouver d’autres forces et d’autres plaisirs, que ce soit le Conseil du Graal, mes recherches, même le Déméne, j’en suis déjà fière, poursuivit, encore, Maria

— Maria… Ne réfléchis-tu que sous le prisme de la fierté ? Tu es trop intelligente pour ne pas comprendre où cela va te mener. Alors pourquoi t’obstiner à vouloir garder ce fardeau ? C’est seulement parce que tu es sûre de ne pas pouvoir perdre cette force ?

— … Oui, l’égo, c’est la seule chose qui ne m’ait jamais fait défaut. Si j’ai sauvé ma sœur, si j’ai rejoint le Conseil, si j’ai réussi à en arriver là où j’en suis, ce n’est pas grâce à l’amour. Sinon je serais restée en Pologne, mariée au premier parvenu qui aurait pu nous entretenir. Non, quand je traversais l’Allemagne comme une pouilleuse, j’avais la rage au cœur, la promesse faite à ma mère en tête, et l’envie de leur prouver à tous que je triompherais au bout du compte. J’ai eu besoin de cette force tous les matins pour y parvenir et, maintenant… Je ne veux plus l’abandonner. Je préfère la quête de grandeur, tant pis pour la vie paisible, ou la vie de famille, ce sera pour Anastasia, ça lui convient bien mieux d’ailleurs, conclut-elle.

Alessia insista pour la faire changer d’avis, en s’épuisant à lui expliquer que la sérénité était le vrai bonheur, jusqu’à ce que Maria ne s’agace de leur dialogue de sourds.

— Parfois, on pourrait se demander pourquoi nous sommes amies.

— Parce que nous aimons passer du temps ensemble ou que nous avons pleins de choses en commun, et je ne parle pas de notre serment du Conseil. L’affection, ça n’est pas qu’une question de point de vue, ni de buts semblables, ce sont aussi des souvenirs, des traits de caractère, des goûts. Et, surtout, les amis peuvent eux-aussi pousser de l’avant, je suis convaincue qu’on ne les perd jamais vraiment. Tu te souviens de ton chagrin d’amour avec William ? lui lâcha-t-elle si soudainement.

Maria se contenta de hocher la tête d’un air gêné.

— C’était une vraie épreuve pour vous deux, pourtant vous êtes toujours bons amis et je suis encore là cette nuit pour te redonner du courage. Tu vois bien que ton égo ne te sert à rien, ce n’est pas ça qui vient à ton secours ce soir, termina la religieuse.

Puis d’ajouter que ce jour-là, ses deux amis avaient reçus ses conseils pour que tout se déroule au mieux, si bien que sa collègue en paraissait presque convaincue.

— … Alors, c’est bon ? Tu veux que nous discutions de mes solutions ?

— Non, c’est bon. Tu as déjà réussi à le régler, j’ai simplement du mal à me résoudre à une solution, se contenta-t-elle de lui répondre en renfilant ses bottes pour se relever, sous les insistances d’Alessia qui ne comptait pas la laisser s’en tirer si facilement, pas avant que sa collègue n’ait avoué à quelle solution elle faisait allusion.

Mais, de là où Arcturus regardait la scène, la religieuse donnait plutôt l’impression de prêcher dans le vide, ou plutôt face à un mur, tout comme lui.

Visiblement, ça ne se passe pas mieux de leur côté, Maria doit encore faire des siennes, soupira-t-il, l’air nerveux et préoccupé sur le tronc abattu qu’il partageait avec son meilleur ami, encore plus silencieux que lui, occupé à fumer sa pipe comme l’aurait fait Achille, ah… ces français et ces allemands, de vrais emmerdeurs

— Tu sais, William… Je n’en ai pas parlé devant les autres, car ça ne sert à rien d’agiter le Conseil avec ça, nous avons déjà tellement de problèmes que c’est difficile de s’y retrouver… Mais je sais ce qui occupe tes pensées quand tu restes plusieurs secondes sans rien dire comme ça… lui confia-t-il.

Le Saxon continua à jouer les innocents, jusqu’à ironiser en disant que, d’habitude, c’est Alessia qui a ce genre d’intuitions sorti de derrière les fagots.

— Hm ! C’est vrai, tu as raison. Mais ce n’est pas une intuition dans mon cas, plutôt des soupçons intenses, très intenses même... précisa-t-il, sans obtenir de réponse.

— Ah… William, dis-le-moi vraiment, que prépare ta si belle Cause ? La Russie va tomber, et l’Allemagne doit suivre en profitant du chaos causé par les Français ? C’est bien ça ?

— Je n’en sais rien, je ne tiens de rôle dans aucune autre révolution que la nôtre, s’obstina-t-il, au grand désespoir de son collègue qui s’apprêtait à lui mettre sous le nez des preuves irréfutables.

Car William avait beau se croire plus malin que tout le monde, Arcturus était loin d’être un imbécile, en plus d’être son meilleur ami et le disciple d’August.

Il se doutait bien que le Saxon n’était pas étranger aux révoltes qui éclataient un peu partout en Europe, que le trio de kazakhs n’était pas des renégats turcs du RFA, ou qu’Emil n’avait pas agi contre son ancien élève sans une bonne raison. En vérité, il l’avait toujours un peu soupçonné, notamment lorsqu’il l’entendait parler de ses visites si régulières à l’asile de Limoges. Bien sûr, il savait que son camarade avait toujours été très proche de son professeur, ne serait-ce que pour leur passion commune des échos de LM ou des fourmis. Il n’y avait rien de suspect en soi, et William paraissait sincère quand il résumait ces passages à l’asile comme de simples bains de nostalgie. Seulement les derniers évènements l’avaient fait changer d’avis. Arcturus était, désormais, convaincu qu’Achille n’avait pas qu’un disciple attentionné, mais surtout un héritier spirituel et politique. Si ses enquêteurs ne pouvaient pas grand-chose contre David, il n’en allait pas de même avec les agents révolutionnaires dont l’activité redoublait chaque mois – particulièrement dans les Arthuries Suisses qu’il quittait tout juste. Et les coïncidences troublantes ne manquaient pas. Comme ce jour où William fut identifié à la Valdôtaine, à la fenêtre d’une voiture aux côtés de Massimo, prenant la direction d’un quartier populaire des plus banals, dans lequel fut également aperçu le directeur adjoint des bassins d’Indochine, Dien. Pire, les services de Semper Peace confisquèrent plusieurs documents étranges lors de leurs perquisitions, des synthèses scientifiques si savantes qu’elles furent envoyées à Light Hill pour être étudiées. Et pour une raison simple, il s’agissait des toutes dernières découvertes de la firme. Parfois de procédés du RFA que le président n’avait découvert qu’au printemps dernier, lorsque son ami vint lui rendre visite à Amsterdam. Cela ne pouvait être une autre coïncidence, mais le véritable soupçon n’était pas là, ni dans les savoirs confidentiels du RFA qu’il retrouva parfois dans ces mêmes documents.

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