Après qu’ils l’eurent libéré, Tanwen les guida jusqu’à l’angle d’une rue près d’une boutique d’un receleur très célèbre dans le monde de la pègre. La couronne fermait volontairement les yeux sur ses activités moyennant rétribution et bon nombre de malfrats venaient y faire leur compte ou y échanger leurs magots.
— Il nous faudra attendre encore longtemps ? Demanda Minos alors que le soleil était déjà bien avancé.
Sur les conseils de Tanwen, ils avaient troqué leurs tenues un peu trop visibles pour de simples capes brunes.
— Ça ne devrait plus être trop long, répondit-elle calmement.
Au bout de quelques minutes, de vifs éclats de voix se firent entendre et la porte d’entrée s’ouvrit avec fracas. Finn en sortit en courant, le tenancier sur les talons.
— Tu peux la garder, ta babiole ! Cria-t-il en lui balançant un gobelet en argent au visage. Et ne remets plus jamais les pieds ici, c’est bien compris !
— Je n’en avais pas l’intention, vieil abruti ! Rétorqua Finn en ramassant néanmoins le gobelet dans sa fuite.
— C’est donc ça notre sauveur, murmura Kléo.
Lorsque Finn arriva au croisement de la rue, Tanwen l’attrapa par le bras.
— Bonjour Finn, il faut qu’on parle.
— Ha Tanwen, tu tombes bien. Je ressors justement d’une négociation fructueuse et je proposais d’aller fêter ça.
— Tu viens de te faire jeter, tu veux dire ?
— Ha oui, mais cet imbécile n’a rien remarqué, dit-il en dévoilant une bourse en cuir joliment garnie. J’imagine déjà sa tête lorsqu’il s’en rendra compte. Je vois que tu es accompagnée, des hommes de Lucio ?
— Non pas cette fois, disons que ce sont des partenaires pour une mission qui devrait te plaire.
— Si c’est encore pour aller réparer des pontons au-dessus du lac, je passe mon tour. Tu sais comment ça s’est fini la dernière fois.
— Est-ce que tu as toujours cette carte du palais ?
— Précieusement conservée, pourquoi ?
— Eh bien, je crois qu’elle va pouvoir servir finalement.
Le visage de Finn passa de l’étonnement à la joie en quelques secondes.
— Non, ne me dis pas que tu t’es enfin décidée !
— Disons que l’on m’en a fait la proposition, dit-elle en désignant du regard Kléo et Minos.
— Génial ! Cela fait des mois que j’attends ton accord. J’ai déjà tout préparé ! On se retrouve ce soir à la taverne près de la porte sud le temps que j’aille chercher ce qu’il me faut.
— Très bien, à ce soir dans…
Elle n’eut pas le temps de terminer sa phrase que Finn était déjà parti à toute allure.
Ils se retrouvèrent comme convenu, quelques heures plus tard, à l’auberge. Finn arriva avec un peu de retard et il demanda directement une table à l’abri des regards. Une fois installé, il déplia une carte sur la table d’un air triomphant.
— Admirez ! Vous avez devant vous une carte du palais royal de Dérios.
— Où as-tu trouvé ça ? Lui demanda Kléo.
— C’est un secret ! Un professionnel ne dévoile jamais ces sources.
Tanwen regarda le dédale de couloirs devant ses yeux. Le site était vraiment grand et s’y repérer promettait d’être un vrai casse-tête.
— Tu as un plan pour y entrer ?
— Oui, si vous regardez attentivement, vous pouvez voir un chemin qui relie les caveaux du palais au temple de Pyrel. Les deux bâtiments devaient être réunis autrefois, mais l’entrée a été murée au niveau du temple. Il nous faudra détruire le mur durant la nuit lorsque l’endroit sera désert et, de là, on pourra rejoindre le palais. Les caveaux sont juste à côté de la chambre forte, en remontant l’escalier, on devrait tomber dessus.
— Comment s’introduit-on dans le temple dans ce cas ? Rétorqua Minos.
— Les portes sont fermées en fin de journée, en revanche, les tours du bâtiment principal ont des ouvertures et sont facilement accessibles depuis les jardins. Il devrait être possible de s’y hisser avec une corde ou un grappin.
— Et c’est faisable avec un grappin ? Demanda Kléo.
— Oui, il doit y avoir une dizaine de mètres, pas davantage. En plus, le temple sera désert, il faudra juste éviter l’aile des malades et les quelques prêtresses dans les bâtiments extérieurs, ce qui ne devrait pas être trop compliqué. Non, le vrai problème, c’est plutôt la porte de la salle des coffres. C’est un mécanisme très complexe bien différent des serrures que l’on trouve d’ordinaire en ville.
— Tu penses pouvoir y arriver ? Demanda-t-elle.
Un éclair de malice illumina son regard.
— Pour qui me prends-tu ? J’ai rencontré les meilleurs serruriers de cette ville et j’ai pu m’entraîner sur différents modèles. Évidemment que j’y arriverai.
— Il ne reste que les gardes dans ce cas, fit remarquer Kléo.
— Oui, et c’est là que vous entrez en scène. Il ne devrait pas y en avoir beaucoup, ils feront sûrement leurs rondes dans les couloirs. En étant discret, l'on devrait pouvoir les éviter. Et si, par malheur, on rencontrerait quelqu’un durant l’opération, je compte sur vous pour vous en occuper.
— On s’en chargera, c’est promis.
— Une fois rentré, on prend tout ce que l’on peut prendre et on ressort par le même chemin. En moins d'une heure, c'est faisable. L’affaire est déjà dans le sac.
— C’est remarquable, comment as-tu fait pour réunir autant d’informations ? Sétonna Tanwen.
— Certains gardes ont la langue bien pendante dans les tavernes comme celle-ci.
— Tout cela me semble parfait, retrouvons-nous demain soir ici même, annonça Kléo.
Lui et Minos se levèrent et les saluèrent. Finn attendit qu’ils soient sortis du bâtiment avant de lui demander.
— Tu es sûre pour eux ?
— Pas vraiment non. Mais ils ne sont pas avec Lucio et ils cherchent aussi à s’infiltrer au palais.
— Je préférais quand il n’y avait que nous deux.
— Écoute, ils rentrent avec nous, ils prennent ce qu’ils doivent prendre et après, chacun se débrouille une fois sorti.
— Mouais, j’imagine que face aux gardes, c’est toujours mieux d’avoir des bras en plus. Espérons juste qu’ils ne nous feront pas repérer, ils n’avaient pas l’air d’être habitués à faire ce genre de choses.
Finn et Tanwen finirent leur verre et ils rentrèrent ensemble dans la ruine qui leur servait de maison au sein du quartier des Tisserands.
L’heure fatidique arriva vite et Tanwen passa toute la journée à s’y préparer. Elle ressentait un peu de stress mêlé à de l’excitation lorsqu’elle arriva au point de rendez-vous. Elle n’avait pas vu Finn de la journée, et ce dernier l’attendait déjà avec impatience. Il avait apporté plein d’équipement avec lui et surtout un immense sac qui ne demandait qu’à être rempli. Kléo arriva à son tour quelques minutes plus tard :
— Nous pouvons y aller, dit-il. Minos ne viendra pas ce soir. Il est attendu autre part pour gérer une autre affaire.
Finn acquiesça et le groupe se mit en marche. Tanwen trouva cette absence quelque peu suspecte, car il était au courant de leur plan dans les moindres détails, mais elle n’eut pas le temps de s’en inquiéter outre mesure. La nuit venait tout juste de tomber et ils se dirigeaient d’un pas pressé en direction du temple. Lorsqu’ils arrivèrent au niveau de celui-ci, Finn désigna du doigt une ouverture dans l’une des tours. Ils longèrent l’aile abritant l’hôpital le plus discrètement possible, puis il sortit un grappin et le lança au travers de l’ouverture. Il lui fallut trois tentatives avant d’y parvenir. Fort heureusement, le temple se trouvait dans un endroit peu fréquenté de nuit, hormis par quelques prêtresses zélées, et aucun garde ne vint les déranger dans leur entreprise. Kléo fut le premier à grimper. Comme c’était le plus costaud du groupe, c’est également lui qui portait la masse permettant de détruire le mur. Une fois arrivé au sommet, il fit signe aux deux autres qui le rejoignirent. Ils descendirent de la tour par un escalier en bois et arrivèrent dans le hall du temple où étaient encore allumées plusieurs amas de bougies. C'était la première fois que Tanwen y mettait les pieds et elle devait reconnaître que l'endroit avait un aspect envoûtant. Mais pour le moment, elle ne pouvait se déconcentrer de leur mission. Aussi, alors que Finn allait leur indiquer la direction des caves, Tanwen le tira brusquement derrière un pilier en lui faisant signe de se taire. D’un rapide coup d’œil, elle lui fit remarquer la présence d’une femme âgée qui jetait des regards attentifs dans la pièce. La prêtresse haussa des épaules en secouant la tête et finit par se diriger vers les portes. Dès qu'elle les referma après son départ, Finn laissa échapper un soupir de soulagement.
— Qu’est-ce qu’elle faisait ici si tard ? Elle a failli tout faire rater.
— Il ne faut pas qu’on traîne, où se trouve le tunnel ? Insista Kléo.
Finn les conduisit dans les caves du temple et leur indiqua un mur en particulier. Tanwen et Kléo donnèrent des coups de masse à tour de rôle sous ses encouragements et, au bout d’une dizaine de minutes, ils dégagèrent une ouverture suffisamment grande pour s’y faufiler. Le tunnel était long, plus long que ce que ne laissait imaginer la carte, et après quelques minutes, le groupe finit par arriver dans une pièce éclairée dont l’accès avait été barré par une grille cadenassée.
— Je m’en occupe, dit Finn qui déverrouilla la porte en quelques secondes.
Comme prévu, ils arrivèrent dans un caveau où se trouvaient alignées les tombes des anciens rois de la dynastie des Tefra. Ils avancèrent sans faire de bruit et remontèrent un escalier avant d’arriver dans un couloir large et richement décoré. Droit devant eux se trouvaient de lourdes portes en bronze. Finn s’agenouilla devant la serrure, c’était un mécanisme complexe qui nécessitait trois clefs pour être déverrouillé. Il commença à les crocheter et demanda l’aide de Tanwen pendant que Kléo montait la garde. L’endroit était dangereux et se trouvait à une intersection entre plusieurs couloirs. À tout moment, un garde pouvait débouler sans qu’ils n’aient le temps de se dissimuler. Un crochet se brisa et Finn poussa un grognement. Tanwen vit qu’il tremblait de plus en plus et elle lui posa une main sur l’épaule.
— Tu vas y arriver, lui dit-elle d’un ton rassurant.
Finn sembla se calmer légèrement et parvint à déverrouiller l’une des serrures dans un cliquetis retentissant. Quelques secondes plus tard, il déverrouilla la deuxième. L’opération se déroulait bien quand des bruits de pas et des voix se firent entendre.
— Dépêchez-vous, murmura Kléo.
Celui-ci avait sorti un couteau de jet et regardait avec inquiétude le couloir sur sa droite d’où provenaient les voix. Finn s’activa de son mieux et parvint à déverrouiller la dernière serrure. Ils rentrèrent dans la pièce et refermèrent la porte quelques secondes à peine avant l’arrivée d’un groupe de garde.
La salle était gigantesque et remplie de coffres débordant de richesses en tous genres. Des vases et des colliers en or et en argent côtoyaient des armures de cérémonies aux multiples ornements et des boucliers incrustés de perles rares. Finn était aux anges, il ouvrit grand son sac et commença à le remplir avec tout ce qui lui passait sous la main. Tanwen récolta aussi le plus de choses possible en prenant avant tout des objets faciles à transporter. Une fois son sac plein, il alla vers Kléo pour lui demander :
— Tu as trouvé ce que tu étais venu chercher ?
— Je le pense, répondit-il en dévoilant une amulette en or. Elle représentait deux épées qui s’entrecroisaient sur un brasero. En son centre, se trouvait un rubis magnifique.
— Et tu ne prends rien d’autre ?
— Ce n’est pas nécessaire, j’ai tout ce qu’il me faut.
Décidément, elle n'arrivait pas à comprendre la logique de cet homme. Mais bon, cela ne la regardait pas.
— D’accord, dans ce cas, allons-nous en. Finn ? Es-tu prêt ?
— Je regrette de ne pouvoir rien prendre de plus.
Son sac et ses poches étaient pleins à craquer. Il avait enfilé plusieurs colliers de perles autour du cou et portait un casque doré bien trop grand pour lui.
Ils ouvrirent doucement la porte et se dirigèrent vers le tunnel en vitesse. Personne en vue, tout semblait presque trop facile. C’est alors qu’au moment de pénétrer dans les cryptes, Finn tomba nez à nez avec un garde remontant l’escalier. Il dégaina son arme et recula d’un pas en criant :
— Halte ! Arrêtez-vous !
Tanwen prit un bol doré qui dépassait du sac de Finn et lui lança au visage. L’homme fut surpris et elle le plaqua contre le mur en évitant sa lame. Elle sortit alors sa dague et le menaça en lui faisant signe de se taire.
— Qu’est-ce que tu fais ?! Lui cria Kléo.
— Je suis une voleuse, pas une meurtrière !
— On n’a pas le temps, les gardes vont arriver !
L’on entendait déjà des cris alarmés et des bruits de pas se rapprocher. L’homme profita de son instant d’hésitation pour repousser Tanwen qui trébucha sur les marches. Il allait abattre son épée sur elle, mais Kléo para son coup avec la sienne et le désarma. Il s’avança et assomma le garde en le frappant avec le pommeau de son arme.
— Merci, souffla-t-elle alors qu’il l’aidait à se relever.
Ils eurent à peine le temps de descendre les escaliers quand de nouveaux gardes arrivèrent en haut des marches.
— Attrapez-les ! Cria celui qui devait être leur chef.
Finn lança alors une petite fiole qui se brisa contre le mur. Un écran de fumée brun commença à apparaître et à se propager rapidement.
Profitant de la distraction, ils foncèrent vers la sortie. Finn prit soin de refermer la grille en fer, puis le groupe courut jusqu’à en perdre haleine dans le tunnel et regagna le temple de Pyrel. Finn avait fait tomber son casque et quelques objets dans sa fuite, et cela lui permit sûrement d’éviter d’être rattrapé par les gardes. Ils montèrent dans la tour du temple, balancèrent leurs sacs par la fenêtre et descendirent en rappel jusqu’à se retrouver dans la rue. Ils s’arrêtèrent quelques instants pour reprendre leur souffle et Taiwan laissa partir un rire de soulagement. Ils n’étaient pas encore tirés d’affaire, les gardes devaient être dans le tunnel en ce moment même et plusieurs patrouilles seraient sûrement dépêchées en ville, mais ils l’avaient fait. Son moment d’euphorie fut partagé par Finn et Kléo qui rirent à leur tour.
Cet instant ne dura que quelques secondes. Quelques secondes où ils relâchèrent leur attention, mais c’était plus que suffisant pour commettre une erreur. Aussi, Tanwen fut-elle surprise lorsqu’elle sentit la froideur d’une dague sous sa gorge.
En un éclair, plusieurs personnes fondirent sur eux et les désarmèrent. Tanwen regarda Finn essayer de se débattre en vain avant d’être plaqué au sol par un adversaire bien plus costaud. C’est alors qu’elle entendit une voix qu’elle connaissait.
— La nuit a été bonne à ce que je vois ?
C’était Boris. Cette brute épaisse était encore en vie. Il se dirigea tout droit vers Kléo en déclarant :
— Je ne savais pas que tu avais changé de camp pour rejoindre cette ordure.
Il asséna un violent coup de poing dans le ventre de Kléo qui se courba en poussant un grognement de douleur.
— J’aurais souhaité plus m’amuser avec vous, mais Lucio vous veut vivant. L’on réglera ça plus tard, je vous le promets, dit-il en ricanant.
Il fit signe à ces hommes de se mettre en route et Tanwen fut violemment poussée en avant. Elle n’eut d’autre choix que de suivre le groupe qui se dirigeait rapidement vers les profondeurs de la cité.
On continue avec Tanwen et c'est sympa. Le passage du vol est bien fait. On se demande où est Minos dans ce moment où il aurait été utile aha
Boris est donc encore envie et Tanwen dans la panade à présent...
A voir comment ils vont s'en sortir :)
Quelques retours :
"Il nous faudra attendre encore longtemps, demanda Minos alors que le soleil était déjà bien avancé" -- je pense que c'est une question, juste ajouter le "?"
Pareil pour cette phrase : "C’est remarquable, comment as-tu fait pour réunir autant d’informations"
"Il ne devrait pas en avoir beaucoup" -- "y en avoir" me parait plus beau.
"Finn en sortit en courant le tenancier sur les talons." -- ça fait bizarre sans une virgule après courant.
"Il lui asséna un violent coup de poing dans son ventre et Kléo se courba en poussant un grognement de douleur." -- Il assène un coup de poing à Kléo ? si oui peut-être juste mettre "un violent coup de poing de le ventre de Kléo qui se courba".
"J’aimerais plus m’amuser avec vous, mais Lucio vous veut vivant. L’on réglera ça plus tard, je vous le promets, dit-il en ricanant" -- plus une question de style pour celle-ci, j'aurais peut-être mis "J'aurais bien pris le temps de m'amuser avec vous, mais"
Je continue :)