Chapitre VII

Par Fidelis

Le jeune vagabond à l’esprit embrumé avait bien vite oublié la raison de cette réunion devant l’église. Ses symptômes, eux, continuaient à s’exprimer dans l’allégresse. Les arbres qui entouraient le lieu dansaient et l’un d’eux s’était saisi d’un banc public qu’il utilisait comme une viole.

C’était assez fort, mais pas trop angoissant, réalisa-t-il.

Des hommes au visage tendu accouraient, certains s’équipaient en même temps pour bien souligner l’urgence de la situation. Un cercle s’était formé. Acelin jouait des coudes pour voir ce qui s’y passait. Il entendait des réponses jaillir, aux ordres qui claquaient comme des coups de fouet.

— LES GUETTEURS QUE DISENT-ILS !

Il reconnut la voix de Gaubert, le chef de la milice, et, quand il parvint au centre, il le découvrit déjà en tenue de combat. Une majorité de ses sbires composaient le premier rang, pendant que le maire distribuait des armes aux villageois. Tous l’écoutaient avec fébrilité.

Gaubert s’agaçait, il n’était pas du genre très patient et occupait son poste de manière très rigoureuse, voir zélée.

Un homme accourut à bout de souffle avant de répondre.

— Rien chef ou si, juste Labiche mort au pied de la muraille.

— Labiche, comment est-ce arrivé ? L’interrogea Gaubert

— Il est comme une crêpe-chef il a dû glisser d’en haut.

— Hum, une bonne chose, ajouta-t-il sans cacher sa satisfaction.

Un autre milicien accouru.

— Chef le forgeron est mort lui aussi !

Gaubert, ce coup-ci grimaça.

— La poisse que lui est-il arrivé ?

— Un accident, on dirait, il aiguisait une lame de faux elle a dû lui échapper elle est plantée dans son crâne.

Une onde d’inquiétude se propagea dans la foule, ce dernier avait une place importante en cas de siège. Acelin, lui, écoutait tout cela d’une oreille distraite en grignotant son colis, jusqu’au moment où un cri de terreur traversa l’assemblée.

— C’EST LUI !

Une femme le désignait d’un doigt vengeur.

Toutes les têtes se tournèrent dans sa direction. Il prit alors son air le plus détendu pour souligner le manque de concision de cette déclaration.

— Euh… C’est lui c’est lui, ça ne veut rien dire.

Protesta Acelin avant de scruter les habitants rendus suspicieux par l’alerte, qu’il avait, lui, déjà oubliée.

— C’est l’individu qui est venu me surprendre dans mon bac à eau, j’étais nu, il a tenté de me violer !

Les visages regardèrent tour à tour la femme, puis Acelin avant de s’esclaffer d’un rire goguenard à l’unisson. Le tout assorti de commentaires qui en disaient long sur la vertu de la dame.

— Ça devait bien être le dernier du village à ne pas t’avoir vu à poil !

Ou encore

— Pour se faire violer, il faut que l’un des partis ne soit pas consentant !

Acelin se détendit aussitôt, et afficha un léger sourire aux lèvres. Cet intermède avait réussi à distraire tout le monde pour rendre l’atmosphère moins pesante.

Il avait cependant attiré l’attention de Gaubert sur sa personne.

Le chef brailla.

— TAISEZ-VOUS !

Gaubert se rapprocha d’Acelin l’air pas jouasse.

— C’est toi qui as donné l’alerte !

Acelin avala un bout de colis avec difficulté.

— Moi ?

— Oui, je te reconnais, tu es couvert de farine !

Sans même y avoir songé, ses jambes s’étaient mise en action, mais, chose étrange, il n’avançait pas. En inclinant la tête, il se rendit compte qu’il ne touchait plus terre, deux mains solides le maintenaient en lévitation.

Une autre voix puissante se fit entendre. Celle d’Eddo qui se fraya un chemin dans la foule pour s’approcher.

— C’est Acelin, poussez-vous !

Eddo d’un air horrifié sur le visage, se planta devant le garçon et lui arracha le paquet sous son coude, ou plutôt ce qu’il en restait.

— MAIS IL A BOUFFÉ LE COLIS !

Acelin haussa les épaules comme pour se défendre et lança.

— Pas du tout, j’en ai gardé un bout pour demain.

Eddo regarda Acelin puis Gaubert avant d’entonner le dernier acte, celui du désespoir.

— IL A BOUFFÉ LE COLIS !

Le chef de la milice râla un instant et lui demanda.

— Y avait quoi à l’intérieur ?

Eddo semblait stupéfié par le comportement d’Acelin.

— Mais pourquoi a-t-il mangé le colis ?

Gaubert s’agaça et hurla.

— Y AVAIT QUOI DANS CE COLIS !

Le tavernier toujours sous le choc, finit par répondre.

— Il contenait notre relique, la molaire de Saint-Edouin qui devait être déposée au monastère et célébrée après l’office.

Le jeune vagabond n’aimait pas la tournure de la discussion, les visages à son égard devenaient de plus en plus menaçants.

— Mais non c’était la fève de Radulf dans la miche, qu’est-ce que vous racontez.

La foule commença à s’agiter et à s’interroger.

— Radulf met des fèves dans ses pains ?

Ou

— Pourquoi il a mangé le colis ?

Ou encore

— Étripez-le !

Une voix résonna dans la tête d’Acelin.

— AH ENFIN.

 

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Vermeille
Posté le 26/03/2025
J'apprécie toujours autant lire les aventures du pauvre Acelin.

Là il se montre complètement désinvolte, ça contraste bien avec ce qu'il se passe autour de lui.

"Mais il a bouffé le colis !" m'a fait rire, avec son attitude du genre à dire "...bah quoi ?"

Comme Plume, je me demandais quand le fameux Manoir va faire son apparition. Mais j'aime bien quand les histoires prennent le temps d'installer leur univers.

Comment Acelin va survivre à tout ça ? Suite au prochain épisode !
Fidelis
Posté le 26/03/2025
Oui y a des dialogues cocasses dus aux circonstances, qui apparaissent tout le long.
Alors il a une bonne étoile, tout de même, malgré le fait qu'il lui arrive bien des péripéties, et c'est une forme de chemin initiatique quelque part, qui va fatalement l'amener, à ce fameux manoir de la Salamandre, mais après bien des aventures.

Tu croiseras aussi des textes plus émouvant, d'autres plus mystérieux, je varie un peu la gamme, mais ça reste toujours léger, y a rien de foncièrement malsain, même si des fois, un tombe d'une muraille ou un autre se prend la lame d'une faux dans la tête, ça fait tout de même sourire, quelque part.

Content que ça te plaise, et merci pour tes encouragements, bonne lecture !
Plume de Poney
Posté le 06/03/2025
Je commençais à me demander ce qu'il y avait dans ce colis. Je me doutais bien qu'il ne fallait pas le manger mais là...

Ambiance savoureuse, dialogues qui font plaisir.

Je n'ai pas eu spécialement de difficulté à comprendre qui parlait, mais dans le doute, et pour bien séparer la voix de la grande faucheuse de celles des villageois qui gueulent (on peut les comprendre), tu peux mettre ses lignes de dialogues en gras (oui si mes souvenirs sont bons c'était aussi l'idée dans les Annales du Disque Monde).
Pas indispensable à ce stade, mais c'est une idée que je lance comme ça.

Je commence à m'interroger sur le pourquoi du titre sinon, mais je vivrais très bien avec ce suspense.
Fidelis
Posté le 06/03/2025
J'ai tout de même pris soin de rajouter avant la réplique de la Mort...Une voix résonna dans la tête d’Acelin.... pour ne pas prendre le lecteur au dépourvu.

Le fameux manoir finira par apparaitre, avec en prime, une histoire dans l'histoire, mais au moment voulu, quand notre personnage aura suffisamment tendu son arc narratif et qu'il sera apte à l'appréhender.
Il a encore quelques épreuves à traverser, laissons le cheminer à son rythme, et bien sûr, toutes les étapes à venir sont toutes aussi divertissantes les unes que les autres, enfin je l'espère.

Content que ça te plaise, bonne lecture.
Djidji Trakos
Posté le 01/03/2025
— Radulf met des fèves dans ses pains ?

Ou

— Pourquoi il a mangé le colis ?

Ou encore

— Étripez-le !

Une voix résonna dans la tête d’Acelin.

— AH ENFIN.

C'est partie de dialogue n'est pas très claire. Tu devrais travailler un peu plus les dialogues.
Sinon l'histoire est vraiment rigolote est plaisante à lire. Acelin n'est vraiment conscient de rien... J'adore son manque d'implication.
Fidelis
Posté le 01/03/2025
Couou, oui il a un caractère particulièrement insouciant, en plus là, il est pas trop dans son assiette, la confiture je pense.
Merci en tout cas je suis heureux que ça te plaise.

(tu as oublié juste avant les remarques de la foule : La foule commença à s’agiter et à s’interroger, et le AH ENFIN, lui on se doute bien de qui il s'agit.
Vous lisez