Dans la pagaille la plus totale, le curé attiré par le mot « relique » se rapprocha avec difficulté du vagabond. Il lui attrapa la chevelure avec fermeté et lui tira le crâne en arrière pour plonger son regard au fond du sien. Les yeux sombres du religieux fouillaient dans les entrailles de son âme et Acelin se demanda s’il ne préférait pas l’autre moine.
— Taisez-vous bon sang, je vous interdis de l’étriper il est en pleine extase sous l’effet de la molaire, ça serait un sacrilège !
L’aumônier lui relâcha la tête et se tourna vers Gaubert.
Acelin entendit un long soupir de déception résonner.
— Appelez le médecin pour le faire régurgiter.
Ni une ni deux, le chef de la milice hurla comme à son habitude.
— ALLEZ CHERCHER LE DOCTEUR !
Puis il désigna des hommes.
— Vous quatre couchez-le sur le sol, je veux connaître le détail de ses repas pour les deux derniers mois, allez bougez-vous !
Acelin n’aimait pas ce qui se préparait et proposa une alternative.
— Je peux vous le dire ce que j’ai mangé si ça vous tient à cœur, vous savez.
Il fut projeté parterre, un entonnoir placé dans sa bouche, un milicien assis sur chacun de ses membres. Le médicastre arriva en râlant, un petit tonnelet dans les bras. Il commença à le vider dans l’ustensile, plus habitué à voir passer du vin, et précisa un peu déçu.
— C’était une décoction que j’avais gardée comme répulsif en cas d’attaque, vous pouvez vous tranquilliser, il va même rendre son lait maternel avec ça.
Le cercle s’était refermé autour du supplicié qui ne pouvait plus parler, mais dont le regard en disait long sur son approbation. Tout le monde se tut pour l’observer attentif.
Au bout de quelques minutes, le médecin avertit et reposa le petit tonneau sur le sol.
— C’est bon, écartez-vous !
Personne ne paraissait comprendre jusqu’à ce qu’il se mît à vomir, et là, tous reculèrent. On aurait pu croire à un possédé. Le jet semblait doté d’une puissance surnaturelle et propagea une onde de crainte dans l’assemblée. Tous épiés le médicastre un peu inquiet, sûrement en raison de réaction assez similaire à ses remèdes.
Le condamné se positionna à genoux et se vida par spasme successif sur la place du village. L’on vit apparaître les morceaux de colis mâchouillés, la miche de pain, la confiture de Labiche et, enfin, la molaire.
La voix résonna à nouveau dans sa tête.
— HUM ! NOUS NOUS RETROUVERONS, ACELIN.
Le curé se précipita sur la relique qu’il identifia au premier coup d’œil de manière favorable, la foule se réjouit aussitôt et oublia le vagabond toujours en train de rendre ses repas du mois dernier.
Gaubert désigna deux hommes en armes.
— Vous, accompagnez-le à l’extérieur du village !
Avant de se tourner vers le profanateur.
— Et toi, si je te recroise dans le coin, je te transforme en tapisserie murale !
Les deux miliciens marchaient derrière le banni en le faisant avancer du bout de leurs épées pour éviter qu’il ne le leur vomisse dessus.
Une fois aux portes, soulagés de s’en séparer, ils lui lancèrent d’un ton chargé de menaces.
— Tu as bien compris les paroles du chef, qu’on ne te revoit plus par ici !
Acelin qui n’avait pas bien saisi les raisons de leur courroux, se sentait toujours nauséeux. Il s’engagea en direction du village voisin sans demander son reste.
— Et voilà, dépannez les gens et voilà de quelle manière on vous remercie ! Ça m’apprendra à rendre service.
Il entendit pour la dernière fois la voix dans sa tête lui répondre.
— AH QUI LE DIS-TU…
Cette mésaventure le laissa songeur. Elle mettait à jour la fragilité de son existence. Le destin qui lui avait permis de croiser Lola, ne semblait pas encline à le voir poursuivre son existence de moine défroqué dans la quiétude qu’il espérait.
C’est déçu par ce constat qu’il acceptât un compromis avec sa conscience et commençât à imaginer quels talents il pourrait bien utiliser pour pratiquer une activité, la moins pénible qui soit. Une occupation qui lui ôterait cette image de marginal, facile à bannir ou répudier.
Le pauvre... J'espère qu'il va trouver le répit après tout ça, parce qu'il en bave... (sans mauvais jeu de mot avec la régurgitation)
Un chapitre court, qui illustre la volonté du personnage à mener une vie moins déjantée.
Attention risque d'addiction je devrais mettre en avertissement.
Oui l'ambiance change, même s'il fait des efforts pour s'intégrer, c'est jamais gagné. Rassure toi après cet épisode, il va trouver un coin pour se poser, et se détendre un peu. que depuis qu'il a quitté le monastère, c'est pas facile pour lui, faut l'avouer.
Merci à toi en tous cas, ça fait très plaisir de te voir passionnée par l'histoire.
Parfois il est vrai, il faut savoir mettre ses principes de côté dans la vie... J'appréciais sa vie de vagabond convaincu, voyons ce qu'il va devenir à présent. Nouveau village, nouvelle vie et une Faucheuse qui reste là comme deux ronds de flan.
Le fond et la forme vont toujours bien l'un avec l'autre, suite au prochain épisode.
Après, je doute que ce changement de paradigme efface chez lui cette insouciance qui lui va si bien.