Le restant de la journée passa rapidement et ce n’est que le soir qu’une des sœurs lui apprit qu’un individu étrange souhaitait la voir. Elinora lui dit de le faire entrer dans son bureau et s’en retourna à ses papiers. Finalement, l’on frappa de nouveau à la porte et Minos entra dans la pièce. Elinora le reconnut aussitôt avec ses cicatrices sur le visage. Elle ne s’attendait pas à recevoir aussi rapidement des nouvelles des Brûlés.
— Si vous voulez des nouvelles sur Ignace, il va falloir attendre, je n’ai encore rien à vous apprendre.
— Je sais, dit-il. Je ne suis pas venu vous parler de lui.
— J’imagine que cela doit être important si vous avez pris le risque de vous montrer ici même.
— En effet, l’un des nôtres a disparu récemment et je souhaitais savoir si vous n’aviez pas des informations à son sujet.
— Et comment le saurais-je ?
— Il faisait partie de ceux qui se sont infiltrés au palais il y a deux jours.
En entendant ces aveux, son sang ne fit qu’un tour.
— Vous voulez parler de la bande de vauriens qui a profané ce temple sacré pour voler des trésors à la Couronne ? !
— Il a rejoint le groupe en question, oui.
— Vous plaisantez ! S’emporta-t-elle. Pourquoi ne pas m’en avoir parlé plus tôt ! Vous venez me demander mon aide et j’accepte de vous la donner, puis vous agissez sous mon nez sans m’en avertir ! Je n’aurais pas dû accepter votre aide, Pyrel a raison, vous n’êtes pas digne de confiance.
— Il y a eu… Un manque de coordination, soupira Minos. Kléo a souhaité agir seul en se liant à un groupe de voleurs et sans en référer à l’Ordre. J’ai essayé de l’en dissuader, bien qu’il n’ait pas voulu m’écouter. Il faut toujours qu’il n’en fasse qu’à sa tête. Je n’ai pas eu de nouvelles de lui depuis son escapade nocturne.
— Et pourquoi voulait-il à ce point se rendre au palais ?
— Il était à la recherche d’un médaillon, celui qu’aurait offert Pyrel aux premiers rois de Dérios.
— Ce n’est qu’une légende construite de toute pièce pour asseoir le prestige des Tefra et assurer leur domination sur cette cité. Vous pensez vraiment que Pyrel soutiendrait des hommes corrompus par le pouvoir ! C’était l’un des vôtres, d’ailleurs, il me semble. Décidément, votre foi en notre déesse a bien changé et vous n’avez en effet plus grand-chose à voir avec les principes défendus par les Enfants de Pyrel.
Elle connaissait l’histoire de l’Ordre, du moins le peu qu’on en disait à leur sujet. S’ils vénéraient également Pyrel autrefois, ils avaient en partie rompu avec le culte en décidant de prendre les armes, d’abord contre Ignis, puis pour propager leur foi sur les terres de l’Est. Cette violence allait contre les principes guidés par la déesse et avait toujours suscité une grande méfiance aux yeux des anciennes matriarches. Mais Elinora était différente de ses prédécesseuses, car elle les avait rencontrés avant de rejoindre les Enfants de Pyrel et elle connaissait leurs manières parfois cavalières.
— Quand bien même vous n’y croiriez pas, il nous faut ce médaillon, continua Minos. Sans ça, il n’y a aucun moyen d’arrêter Ignis.
Elle resta pensive en essayant de savoir s’il disait vrai. Elinora n’appréciait guère leurs méthodes et elle était à deux doigts de tout révéler à Théa et de les faire arrêter sur-le-champ. Mais Minos semblait sérieux et il ne broncha pas d’un cil en soutenant son regard.
— Bien, soupira-t-elle. Et c’est donc votre ami qui a ce médaillon en ce moment ?
— Si leur mission s’est bien déroulée, oui. Pour le moment, nous n’avons toujours aucune nouvelle. Je m’inquiète pour lui. C’est un guerrier accompli, mais j’ai peur qu’il ait été trahi. Il est toujours du genre à accorder sa confiance aux gens trop rapidement.
— Pourtant, vous me faites confiance pour vous venir en aide.
— Je n’ai pas d’autre choix. J’ignore où il se trouve et je ne peux pas l’abandonner à son sort. Plusieurs autres Brûlés sont déjà à sa recherche, mais la ville est grande et la ratisser prend du temps. Vous avez dit que vous souhaitiez nous aider, c’est pourquoi je me suis tourné vers vous en vous disant la vérité. Au risque que cela ne vous plaise pas d’ailleurs.
— Écoutez, concernant votre ami, tout ce que je peux vous affirmer, c’est que ce n’est pas la couronne qui le détient, et je n’ai pas plus d’information à son sujet. Si vous voulez, demain, j’irai étudier l’inventaire des coffres du palais afin de voir ce qui a été volé. Je vous préviendrai si je vois un quelconque bibelot d’inscrit qui pourrait être celui que vous recherchez.
— Je vous remercie sincèrement, dit-il.
— Et à l’avenir, plus de secrets, est-ce bien clair ?
Minos acquiesça, puis il s’inclina avec respect avant de quitter la pièce.
Elinora soupira. Elle ignorait où toute cette histoire allait la mener, mais elle y était liée désormais. Après tout, les Brûlés lui avaient sauvé la vie par le passé et elle leur était redevable. Elle se demandait si Pyrel accepterait qu’elle soutienne un ordre ayant bafoué ses valeurs. Le lendemain matin, elle se rendit au palais et demanda, comme promis, à étudier le registre des comptes du royaume ainsi que l’inventaire des coffres et la liste des objets disparus. Elle précisa que c’était pour enquêter sur leur disparition. Un petit homme moustachu lui tendit alors plusieurs rouleaux de parchemins.
— C’est tout ce que l’on a répertorié pour l’instant, dit-il. Beaucoup d’objets ont été déposés dans les coffres sans que personne ne prenne la peine de les répertorier. J’espère que vous trouverez ce que vous recherchez. Quand vous aurez fini, n’oubliez pas de me les rendre. Cela m’a pris un temps fou pour les rédiger.
Elinora le remercia, prit les parchemins et alla s’installer sur l’une des tables de la petite bibliothèque royale. Elle les feuilleta rapidement, sans réussir à trouver des informations convaincantes. Les objets étaient décrits de façon sommaire et un peu moins d’une dizaine de médaillons, talisman ou autre pendentif avaient disparu. Peut-être même plus si certains d’entre eux ne figuraient pas sur le registre. Elle pouvait demander à vérifier elle-même les coffres, bien que l’on trouverait cela suspect, et de toute façon, vu la quantité de richesse qu’ils renfermaient, cela lui prendrait une éternité. Elle rendit donc les manuscrits sans rien avoir pu en tirer et Elinora se mit à errer dans les couloirs du palais tout en réfléchissant. Dans tous les cas, ce médaillon n’était qu’une légende et s’il existait vraiment, il n’avait certainement pas les pouvoirs de la déesse. Peut-être devait-elle consulter des livres d’histoires faisant mention d’un tel objet, même si Elinora doutait encore d’y trouver quoi que ce soit.
Elle poursuivit sa route et déboucha dans les jardins lorsqu’un petit individu lui fonça dans les jambes en riant.
— Et bien, mon grand, regarde donc où tu vas ?
Le jeune garçon la regarda sans comprendre et lui fit un grand sourire, l’air amusé. Il s’agissait du jeune prince du royaume qui allait bientôt sur sa deuxième année. Deux domestiques accoururent paniquées.
— Pardonnez-nous, le jeune prince s’est échappé, il n’arrête pas de courir partout en ce moment.
— Il n’y a aucun mal, cela ne peut que signifier qu’il est en bonne santé. Vous n’auriez pas vu la reine Théa à tout hasard.
— Son Altesse est en pleine réunion avec son fils le roi et ne souhaite être dérangée sous aucun prétexte.
— Très bien, je vais patienter dans ce cas.
Elle salua les servantes qui se lançaient déjà à la poursuite du jeune garçon et s’installa sur un banc dans l’un des nombreux jardins du palais. Au bout de quelques minutes, l’impatience la gagna et elle se mit à errer dans l’espoir de trouver une quelconque occupation.
Au détour d’un couloir, elle surprit Daélia de nouveau en pleine conversation avec Ignace. Cette fois-ci, ils ne l’avaient pas remarqué et Elinora s’approcha discrètement pour essayer d’entendre quelque chose. Elle resta néanmoins à distance respectable derrière l’une des colonnes qui composait le cloître dans lequel ils se trouvaient.
—… C’est pourquoi ce n’est pas une bonne idée, votre plan ne marchera pas, répondit Ignace.
— Au contraire, j’ai eu vent qu’un complot se prépare à Spyr. C’est le moment d’en tirer profit en demandant leur aide.
— Et sur qui allez-vous vous appuyer ? Rigas ? Cet ambassadeur ne fait que rapporter tout ce qu’il voit à Thea, jamais il ne prendra votre parti.
— Peut-être pas lui, mais tous les ordres qu’il reçoit sont signés par le roi Éléon. Si Théa en fait rédiger la majeure partie, elle ne vérifie pas chaque messager qui quitte Dérios. Je devrais pouvoir rédiger une lettre moi-même et la faire signer par le roi.
— C’est trop tôt, tout n’est pas encore prêt et il me faut plus de temps.
— Au contraire, c’est le moment idéal, Ignace. Si je demande à Rigas de se joindre à la conspiration, le nouveau souverain de Spyr me sera redevable. Dans ce cas, si Théa venait à mourir et que des généraux comme Balwin contesteraient mon règne, je pourrais compter sur le soutien de l’armée Spyrienne pour ramener l’ordre.
— C’est un plan très risqué, le peuple et l’armée ne risquent pas d’apprécier et, si cela s’évente, l’on vous accusera de complaisance vis-à-vis de Spyr. Vous êtes peut-être la femme du roi, mais vous n’êtes pas la reine pour autant.
Daélia grimaça en entendant cette remarque.
— Théa ne peut me faire exécuter sans s’attirer les foudres des autres nobles. Nombreux sont ceux qui trouvent qu’elle est au pouvoir depuis trop longtemps et elle le sait. Elle fera son possible pour ménager ma peine de peur de provoquer une révolte et de perdre sa couronne.
— Je maintiens que ce n’est pas une bonne idée. Il faut attendre.
— Réfléchissez, Ignace, ne voyez-vous pas que…
— Je vous ai dit d’attendre !
Ignace avait crié tellement fort qu’Elinora avait senti la colonne derrière laquelle elle se cachait trembler. De plus, le timbre de sa voix avait également changé, devenant pendant un bref instant beaucoup plus profond et plus… féminin ? Elle-même n’en était pas bien sûr.
— Je vous ai dit d’attendre, répéta-t-il calmement devant le regard terrifié que lui lançait Daélia. Je dois encore m’entretenir avec Lucio. Prenez soin du roi Éléon et veillez à ce qu’il vous apprécie plus que sa mère. C’est le meilleur atout que vous ayez pour l’instant si vous souhaitez réellement devenir reine un jour. Et surtout, ne faites rien avant que je ne sois revenu vous voir.
Ignace la salua puis s’en alla d’un pas rapide en quittant le cloître.
— Quel prêtre stupide, pensa Daélia à voix haute. C’est pourtant l’occasion rêvée.
Elinora se fit toute petite derrière son pilier lorsque Daélia passa près d’elle avant de quitter le cloître à son tour. Si elle comprenait sa frustration, ce qu’elle venait d’entendre constituait à ses yeux une trahison pure et simple. Elle n’était pas au courant de cette histoire de conspiration à Spyr et la politique entre pays n’était pas vraiment de son domaine. Cependant, elle avait le pressentiment qu’une implication de Dérios ne pouvait être que néfaste et mettre inutilement en danger la cité.
Elle attendit encore de longues minutes dans l’un des jardins jusqu’à ce que Théa daigne bien la recevoir.
Je finis ce chapitre. Ahh donc Minos a juste été laissé de côté aha
Kléo voulait prouver ? :,)
J'ai bien aimé le moment de conspiration vu par Elinora. Attention Daélia.
Quelques remarques :
"Vous plaisantez ! S’emporta-t-elle ?" plutôt un point après "s'emporta-t-elle".
"Vous venez me demander mon aide et j’accepte de vous la donner, puis vous agissez sous mon nez sans m’en avertir !" -- peut-être mieux : "Vous venez me demander mon aide, j'accepte de vous la donner, puis vous agissez sous mon nez sans m'en avertir !"
"Le lendemain matin, elle se rendit au palais et demanda comme promis à étudier le registre des comptes du royaume ainsi que l’inventaire des coffres et la liste des objets disparus." -- peut-être plus : "Le lendemain matin, elle se rendit au palais et demanda, comme promis, à étudier le registre des comptes du royaume, l'inventaire des coffres et la liste des objets disparus."
"Vous n’auriez pas vu la reine Théa à tout hasard." -- "Vous n'auriez pas vu la reine Théa, à tous hasard ?"
A la suite :)
Concernant Minos, il était à la réunion avec Lux, Balwin et Elinora. C'est à ce moment qu'il donne la broche à Balwin subtilisée à Tanwen. Au meme moment, Finn, Tanwen et Kléo s'infiltraient au palais en passant par le temple ( c'est pour cela qu'Elinora entend un bruit avant de fermer les portes du batiment (c'est Finn). Minos ne leur faisait pas confiance car pour eux ce sont des cambrioleurs sans honneurs tandis que Kléo accepta sans prévenir son camarade au préalable. J'imagine que cela gagnerait à etre dit de manière plus explicite.
Pour ma phrase sur Kléo, c'était pour rire, on aurait pu se dire qu'il voulait réussir seul ahaa