Voilà bientôt quatre jours que Sirius avait quitté Spyr. Il était parti avec une légion sous son commandement afin d’aller éradiquer la rébellion du gouverneur de Mitrium. Ce dernier avait cru opportun de profiter du chaos de Novi-Fyr pour se rebeller contre l'autorité impériale, il devait maintenant en payer le prix. Sirius était toutefois surpris qu’Atrius le laisse partir si loin de la capitale à la tête d’une armée, mais la Flamme de la Foi avait encore beaucoup à faire pour rétablir l’ordre à Spyr. Et puis, il n’était pas seul, un détachement de gardes du Palais l’accompagnait et le surveillait en permanence. Officiellement pour représenter les intérêts des Adorateurs du Brasier dans le sud de l'empire. En réalité, Sirius se doutait qu’ils avaient reçu l’ordre de l’exécuter au premier geste qui leur semblerait suspect.
Ils avaient emporté le strict minimum avec eux pour avancer vite. Sirius ne connaissait pas le gouverneur, il savait seulement que c'était un vieil homme qui répondait au nom de Béranos. Il occupait déjà son poste du temps d'Aurel et s'accrochait à son titre telle une moule sur un rocher. Il régnait avec cruauté sur ses terres et les rapports étaient unanimes sur le ressenti et la haine qu'avaient les habitants de Mitrium à son égard. Pourtant, la partie était loin d'être gagnée. Mitrium était une place-forte avec de solides défenses. Tenter de l’assiéger relevait de la folie, Sirius en avait conscience. Qui plus est, la saison des pluies arrivait à grands pas et la ville ne manquerait pas d’eau potable, le siège durerait certainement des mois. C’est pourquoi il avait espoir que les défenseurs se rendent en apercevant les troupes de Spyr, mettant ainsi un terme à cette comédie.
Après plusieurs heures de marche, leur troupe finit par apercevoir la cité de Mitrium qui s’étendait devant eux. La ville était construite au sommet d’une montagne raide et imposante. Le seul chemin menant au sommet était un sentier en terre étroit et difficilement praticable pour une armée. En plus du lourd mur d’enceinte fortifié, des petits fortins en bois étaient également construits directement à flanc de falaise pour permettre aux archers d’éviter les angles morts. Ils étaient reliés entre eux par un système de ponts suspendus et d’échelles. Des oriflammes flottaient au vent en représentant l’emblème de la ville, une tête de bélier dorée sur fond vert.
Sirius donna l’ordre à ses hommes de s’arrêter et se tourna vers un garde qui ne le lâchait pas d’une semelle depuis leur départ.
— Il faut envoyer une délégation, dit-il. On peut encore espérer leur faire entendre raison.
— Les gardes du Palais vont s’occuper des négociations, répondit l'homme. Vous, vous nous accompagnerez et vous parlerez uniquement pour convaincre les plus réfractaires.
— Vous avez intérêt à être convaincant dans ce cas. Il nous sera impossible de prendre la cité si les négociations échouent.
— Si elles échouent, alors vous ferez ce pourquoi vous êtes là.
Le garde allait s’en aller, mais Sirius le retint par le bras.
— Quel est ton nom ? Demanda-t-il.
— Qu’est-ce que cela peut vous faire ? Répondit-il en se dégageant brusquement.
— Écoute, je suis un stratège, pas un prêtre. Je ne sais pas accomplir de miracles. Ces négociations sont la seule chance de prendre cette ville.
Il se montra le plus convaincant possible et le message eut l’air de passer dans les yeux du garde. Il fit quelques pas en arrière puis déclara :
— Liam.
Il s’en alla aussitôt prévenir les autres gardes qu’ils s’apprêtaient à gravir la montagne.
Sirius soupira en les regardant discuter entre eux. Liam lui lançait par moment des regards méfiants avant de reprendre sa conversation. Malheureusement, il n’avait pas revu celui qui lui avait piqué son médaillon. Il en avait bien fait la demande à plusieurs reprises, mais ses caprices étaient restés lettre morte. Il se sentait étonnamment fatigué depuis qu’il ne le portait plus, sa mine était plus terne, ses yeux cernés et il jurerait même avoir vu apparaître des cheveux blancs. Surtout, il ressentait un terrible manque, comme si on lui avait arraché une partie de son âme.
Les gardes discutèrent encore quelques minutes, puis Liam lui fit signe de les suivre et, avec une dizaine d’hommes, ils commencèrent l’ascension.
Le chemin était raide et la montée épuisante. N’importe quel soldat aurait eu du mal à en venir à bout. Sans monture pour le porter, Sirius fut rapidement essoufflé. Pourtant, cela ne lui arrivait que très rarement et uniquement après de longues séances d’entraînement. Les gardes, eux, continuaient d’avancer sans aucun problème et il ne comprenait pas d’où leur venait une telle force.
Il leur fallut un peu plus d’une heure depuis leur position pour arriver en face d’une des portes de la ville. Au sommet d’une barbacane fortifiée, se tenaient plusieurs archers flèches en mains. Un homme âgé avec une barbe blanche et une mine renfrognée les dévisageait depuis le haut des remparts. Sirius se dit qu’il devait sûrement s’agir du gouverneur en question. Ils s’arrêtèrent à une distance respective de la porte et Liam s’avança pour prendre la parole :
— Nous souhaiterions parler au gouverneur de cette ville !
— Et le gouverneur n’a rien à vous dire, répondit l’homme âgé. Retournez par là où vous êtes arrivées et ne mettez plus un pied ici.
— Nous représentons Spyr ! Cette cité a juré allégeance à l’Empire, respectez votre serment et ouvrez les portes !
— J’ai prêté serment à la République, certainement pas aux Adorateurs du Brasier.
— Le peuple spyrien a choisi en son âme et conscience de renverser le Sénat et a volontairement accepté de mettre un terme à la République. Que cela ne vous plaise ou non, vous vous devez de respecter leur décision en renouvelant votre allégeance à Spyr.
— Foutaises ! Vous avez peut-être manipulé les foules, mais vous ne me bernerez pas, moi. Je sais que ce sont les Adorateurs qui sont derrière ce chaos. Maintenant, prenez vos hommes et faites demi-tour !
— Imbécile ! Pyra réduira cette ville en cendres si vous osez aller contre sa volonté.
— J’en prends le risque. Je préfère encore ça que courber la tête devant votre tyran ! Allez donc dire à Atrius qu'il payera pour ses crimes et que sa déesse ne le sauvera pas.
Visiblement, les discussions étaient au point mort. Sirius admirait la détermination de ce gouverneur, mais ses hommes n’étaient peut-être pas aussi résolus. Il décida que c'était le moment pour lui d'intervenir. Il abaissa la capuche de sa cape qui lui camouflait le visage jusque-là et prit la parole :
— Défenseurs de Mitrium ! Cria-t-il. Me reconnaissez-vous ? Je suis Sirius Dometor, la Flamme de la Guerre de Spyr. Souvenez-vous des batailles que j’ai livrées à vos côtés, du sang et de la sueur versée par vos camarades. Vous étiez là quand j’ai levé le siège de Caperium ! Vous étiez là lorsqu’il a fallu arracher l’Astrie aux tribus des montagnes ! On a traversé la moitié du continent ensemble. Vous ne pouvez pas l’avoir oublié !
Son discours provoqua plusieurs signes approbateurs parmi les soldats et certains baissèrent leurs armes.
— Assez ! Cria le gouverneur. Ne l’écoutez pas ! Ce n’est plus que le chien de garde d’Atrius désormais ! Il n’a rien à voir avec le général que vous avez connu.
— Légionnaires ! Continua-t-il. Ouvrez les portes de la ville. Faites-le pour votre camarade ! Votre général ! Votre roi !
— Balivernes, Aurel est mort et qu’il y reste ! Peu importe votre sang, vous n’êtes qu’un usurpateur, Sirius. Soldats, abattez-les !
Il donna l’ordre de tirer, mais aucun archer ne décocha de flèches.
— Bande d’incapables ! Ils vous tueront si cette ville tombe, dit-il.
Il prit un arc des mains d’un archer et tira une flèche vers Sirius. Il rata son tir et le projectile passa à quelques centimètres du visage de Sirius qui ne broncha pas.
— Allez-vous en ! Cria le gouverneur. Cette cité ne vous appartient plus !
Voyant qu’il ne servait plus à rien de négocier, Sirius fit demi-tour, suivi par les gardes du Palais. Il jeta néanmoins un regard derrière lui en direction des défenseurs avant d’entamer la descente.
On établit le campement à proximité d’une rivière pour la nuit. Les hommes avaient besoin de repos et il leur fallait planifier leur stratégie. Il pouvait renvoyer un détachement de cavalerie à Spyr et demander qu’on lui envoie des armes de siège, ou bien tenter de s’infiltrer dans la ville de nuit, mais l’opération était plus qu’hasardeuse. Le mieux était encore d’attendre, il était certain que les défenseurs reviendraient vite à la raison.
Sirius était penché sur une carte dans sa tente de commandement lorsque Liam entra. Il ne prit même pas la peine de s’annoncer et vint directement s’asseoir sur une chaise en bois en face de lui.
— Alors, est-ce que le brillant général a trouvé un plan ? Demanda-t-il.
— Pas encore, mais laissons la nuit faire son œuvre, je suis certain que les choses évolueront.
— C’est une belle façon de dire que vous n’avez aucune idée.
Sirius attrapa un pichet de vin et servit un verre à Liam qui le refusa. Il ne l’appréciait pas particulièrement, mais il en avait marre d’être seul et n’avait pas meilleure compagnie.
— Peut-être as-tu quelque chose à proposer, dit-il en pointant du doigt la carte de la ville sous ses yeux.
Liam fixa attentivement la carte avant de déclarer :
— Une diversion. Le plus gros de nos forces empruntera le chemin de terre tandis qu’une escouade escaladera la ville par le flanc ouest.
— Pas bête, mais s’ils se font repérer par les sentinelles postées dans les fortins en bois, ils n’auront aucune chance.
— On lancera l’assaut de nuit.
— Bonne chance pour escalader une pente aussi raide en n’y voyant rien.
— J’ai l’impression que vous ne souhaitez pas vraiment prendre cette ville.
— Et moi que vous ne réalisez pas l’ampleur de la tâche que vous me demandez de faire.
— Pyra est de notre côté. Elle protégera nos hommes dans la bataille.
Sirius ne put s’empêcher de laisser échapper un rire.
— Cette déesse n’en fait qu’à sa tête, croyez-moi. Il est impossible de savoir ce qu’elle attend de nous.
— Je suis certain que si on nous a envoyés ici, c’est qu’elle le veut, répondit-il.
— Nous savons tous les deux qui nous envoie réellement. Atrius compte sur ma renommée pour lui donner la cité. Et il doit te faire suffisamment confiance pour t’ordonner de me trancher la gorge si cette même renommée me monte un peu trop à la tête. N’ai-je pas raison ?
Liam ne répondit pas, mais Sirius vit qu'il avait vu juste.
— Je parie que tu auras une belle promotion à ton retour, continua-t-il.
— Je serai promu capitaine.
— Si jeune. Tu me ressembles, moi aussi, je suis passé par là à mes débuts.
— Je n'ai rien à voir avec vous, s'empressa de rectifier Liam. Je sers les intérêts de Pyra, pas les miens.
— Et pourtant, toi comme moi sommes ici sans que nous l’ayons voulu. Nous sommes tous l’esclave de quelqu’un. Liam. Certains d’entre nous ne font que changer de maître.
— J’ai choisi d’être là pour servir Pyra.
— En es-tu vraiment sûr ? As-tu réellement eu le choix ? Pensais-tu vraiment qu’en rejoignant une garde censée protéger la République, tu te retrouverais à renverser cette même République et à servir les desseins d’une déesse ?
Sa remarque sembla l’irriter.
— Je reviendrai demain dès l’aube, fit savoir Liam. Inutile de vous rappeler de ne pas quitter votre tente durant la nuit.
— Que souhaites-tu réellement, Liam ? Dit-il alors que le garde sortait déjà de la tente.
La nuit fut d'un calme remarquable et seul le bruit du vent se faufilant entre les tentes vint troubler la quiétude du campement. Dans la matinée, il se réunit avec les autres gardes pour discuter du plan. Liam souhaitait encercler la montagne et commencer le siège, Sirius allait proposer de fortifier leur base en attendant des renforts lorsqu’une demi-douzaine de cavaliers se présenta aux abords du camp. Ils tenaient avec eux une lourde malle qu’ils déposèrent juste devant l’entrée. Sirius partit les accueillir avec ses soldats.
— Que venez-vous faire ici de si bonne heure ? Leur demanda Sirius.
— Nous souhaitons vous offrir un cadeau de la part des habitants de Mitrium, répondit l’un des cavaliers.
Sirius ouvrit le coffre et découvrit la tête du gouverneur de la veille. À ses côtés, se trouvait une grande clef en fer forgée, celle des portes de la ville.
Sirius esquissa un sourire et lança un regard triomphateur vers Liam.
Dans ce passage Sirius a donc réellement abdiqué. Même s'il tente dans faire revenir certains à la raison. Les gardes de la cité de Mitrium semblait ne pas trop aimer leur gouverneur ahaa
A voir ce que donne la suite, voir si un petit acte de rébellion se profile. Ou même une apparition de Pyra :)
Juste ta petite erreur habituelle aha :
"Quel est ton nom ? Demanda-t-il ?" :)
Je continue :)
je corrige ça :)