Chapitre VII : Longue vie au Roi

Les troupes entrèrent dans la ville sans le moindre incident. Les défenseurs n’avaient pas envie de se battre et reconnaissaient unanimement l’autorité de Sirius en tant que nouveau souverain de Spyr. Autorité que Liam et les autres gardes voyaient d’un très mauvais œil. Ils restèrent à peine une nuit sur place avant de prendre le chemin du retour. Un conseil provisoire fut créé pour diriger la ville dans l’attente de la nomination d’un nouveau gouverneur par Spyr. Il ne faisait aucun doute que ce dernier serait un sympathisant d’Atrius, peut-être même qu’il serait directement choisi parmi les Adorateurs du Brasier.

Mais cela ne le concernait plus. Ayant accompli sa mission, la troupe de Sirius rentra à Spyr en prenant soin de laisser derrière elle quelques soldats dirigés par des Gardes afin de s'assurer que la ville ne se rebelle pas à nouveau.

À son arrivée, il se rendit directement au palais pour faire son compte-rendu. La Flamme de la Foi le convoqua dans la salle du trône. Là où autrefois se trouvaient les trois chaises des Flammes ne figurait plus qu’un trône en marbre massif. Derrière, étaient suspendus des étendards aux emblèmes de la ville et des Adorateurs du Brasier. Atrius l’y attendait en contemplant les bras dans le dos son installation.

— Magnifique, n’est-ce pas ? Tout est prêt pour la cérémonie.

— Quelle cérémonie ? Demanda Sirius.

— Celle de ton sacre, voyons ! Atrius se retourna. Ton couronnement officiel aura lieu demain, et il fallait bien un présent digne des dieux pour annoncer le début de ton règne.

La Flamme de la Foi était de bonne humeur. Visiblement, la situation n’avait pas empiré en son absence.

— Mitrium est repassée sous notre contrôle. La ville s’est rendue sans combattre, il vous faudra nommer un nouveau gouverneur pour remplacer Béranos.

— Fantastique, je m’occuperai de trouver quelqu’un de compétent.

— Comment se passe la situation dans les autres régions de l’Empire ? Demanda-t-il.

— De mieux en mieux. Les démarches entreprises par Ansis pour rejoindre la ligue Akeane ont été stoppées. J’ai également eu un retour de Gladius comme quoi la situation en Astrie était sous contrôle.

— Et Dérios ?

Atrius fit la moue.

— C’est là qu’il y a un problème. Le royaume de Dérios a commencé à masser des troupes à la frontière. Ils nous accusent de vouloir annexer la Brysie et veulent que l’on relâche leur ambassadeur sur le champ.

— Ce dernier point risque d’être compliqué à satisfaire si vous l’avez fait exécuter.

— Très perspicace comme toujours. En effet, mais cela ne fait rien, je n’ai pas l’intention de négocier.

— Une guerre entre nos deux pays serait désastreuse, vous le savez pourtant.

— Il ne peut en être autrement ! Cria Atrius, avant de reprendre son calme aussitôt. La reine Théa a décidé de s’allier avec ce maudit Ordre et de persécuter tous les adeptes de Pyra sur son territoire. Plusieurs prêtres ainsi que le légat des Adorateurs du Brasier ont été arrêtés et croupissent en prison depuis plusieurs jours. C’est notre devoir d’intervenir ! 

— Dérios dispose d’une puissante armée, cela nous impose de rappeler l’ensemble de nos légions réparties dans l’empire.

— C’est pour cela que tu es là, Sirius, pour nous apporter la victoire. J’ai eu confirmation que ni le royaume de Lysandre ni la ligue Akeane n’interviendront. Tu auras le champ libre pour t’occuper d’eux.

— Comment comptez-vous l’annoncer à la population ? Beaucoup critiquent encore votre prise de pouvoir.

— Notre prise de pouvoir, le corrigea Atrius. N’oublie pas que dès demain, tu apparaîtras aux yeux du peuple comme le seul dirigeant. Je ne serais pour ma part qu’un conseiller chargé de t’assurer que tu respectes bien les principes du Culte du Brasier. Et quant à cette guerre, ils comprendront que c’est pour leur bien, car Dérios menace notre empire depuis trop longtemps. Si nous revenons victorieux, ils ne pourront que reconnaître notre règne et celui de Pyra sur cette cité.

— Et si vous échouez, votre tête sera plantée au bout d’une pique aux portes de la ville.

— Et la tienne à mes côtés, c’est pourquoi tu n’as pas le droit à l’erreur, Sirius.

Il lui fit signe de partir d’un geste de la main et deux gardes l’accompagnèrent jusqu’à ses quartiers.

Comme convenu le lendemain, se déroula le sacre de Sirius. Le sacrement eut lieu en petit comité dans l’enceinte même du temple des Adorateurs et Sirius constata que c’était la première fois qu’il y mettait les pieds. L’endroit était plutôt austère et il y faisait une chaleur suffocante, mais cela n’était pas de nature à entamer le prestige de l’événement. Atrius avait convié bon nombre d'invités venus de tout l'empire et au-delà ainsi que tout un cortège de prêtres et de gardes. Un Adorateur dirigea la cérémonie à l'issue de laquelle Sirius fut couronné et consacré en tant que fervent défenseur de Pyra. Le roi pieux, tel devait être son titre. Par la suite, la procession défila sur la grande place où s’était tenu le discours des Flammes. Atrius y avait entamé la construction d’une imposante statue en marbre à l’effigie de sa déesse. Ils progressèrent dans les rues de la cité jusqu’au palais sous les applaudissements des habitants. Là, tout le faste dont Spyr pouvait faire preuve avait été déployé. Dans la plus grande salle où Aurel organisait autrefois ses banquets, de longues tables furent disposées et remplies de mets raffinés. Une armée de serviteurs et de domestiques courrait dans tous les sens pour satisfaire les plus insignifiants besoins de chaque convive. Le seul point noir fut peut-être que la seule musique autorisée était des chants religieux à la gloire de Pyra interprétés par un groupe d'Adorateurs. Cela, et bien sûr, le fait que Sirius ne lâcha pas un mot de toute la cérémonie. Malgré le luxe, l'ambiance était morose, forcée, et hormis Atrius, aucun convive n'affichait de sourire sincère. La soirée se termina rapidement et Sirius put, avec soulagement, regagner ses quartiers pour mettre fin à cette mascarade.

Il s’allongea sur son lit en soupirant. Voilà, il avait sa couronne, mais il se sentait encore moins libre que lorsque Prosper manigançait pour lui. Peut-être était-ce là son destin après tout ? Tout comme celui de Spyr était de se jeter dans une guerre meurtrière avec son voisin. Leur sort à tous ne serait réglé qu’après une joyeuse boucherie dont les vainqueurs dicteront leur loi. Il aurait aimé parler à Odric pour le remercier pour ses loyaux services. Son père avait échoué tout comme lui et Sirius ne se sentait plus en droit de le mettre en danger en lui demandant de travailler pour lui. De toute façon, il ne pouvait ni quitter ses appartements, ni parler aux gardes ou aux légionnaires. L’instructeur n’avait aucun moyen de le contacter.

Sirius s’arracha la couronne dorée qu’il portait depuis qu’il avait quitté le temple et la lança en criant de rage. Mais il ne reconnut pas le son attendu du choc de l’objet sur les dalles en pierre. En relevant la tête, il vit Pyra qui se tenait devant lui, la couronne dans sa main droite.

— Je dérange, peut-être ? Dit-elle en posant délicatement l’objet sur la table.

— Allez-vous en, je n’ai rien à vous dire.

— C’est fort dommage, moi qui pensais pouvoir passer un bon moment en ta compagnie.

— Allez retrouver Atrius, je suis sûr qu’il sera ravi de vous voir.

— Les prêtres sont d’un ennui. Atrius m’est juste utile pour rassembler des adeptes.

— Alors pourquoi l’avez-vous guidé jusqu’au pouvoir ? Je ne peux pas croire qu’il soit parvenu jusque-là sans votre aide.

— Serait-ce de la jalousie, mon cher Sirius ?

Il se leva de son lit et s’approcha d’elle en criant :

— Vous m’avez trompé ! Vous m’avez parlé de gloire, de destin et d’autres foutaises et au final, regardez où je me trouve. À servir l’un de vos stupides Adorateurs.

— J’ai dit que tu avais un rôle important à jouer pour cette cité et je maintiens ce que j’ai dit. Ton heure n’est pas encore arrivée.

— Quand ?! Cria-t-il. Je suis le fils d’Aurel, le trône me revient de droit. Pendant combien de temps encore vais-je devoir supporter cette comédie ?!

— Jusqu’à ce que j’en aie décidé autrement ! Cria Pyra qui commençait elle aussi à s’énerver. Une guerre va avoir lieu, Sirius ! Elle se fera avec ou sans toi !

— Vous êtes une déesse ! Qu’attendez-vous pour la faire vous-même ?!

— J’ai besoin des Hommes pour cela, tout comme les Hommes ont besoin de moi.

— Dites-moi la Vérité ! Cria-t-il en se rapprochant d’elle. Qu’attendez-vous de moi !

Leurs visages n’étaient maintenant plus qu’à quelques centimètres. Sirius fixait Pyra droit dans ses yeux rouges étincelants. Il se sentait se perdre peu à peu dans son regard.

— J’attends tout de toi… Sirius, répondit-elle d’une voix suave.

Pour toute réponse, il se pencha en avant et l’embrassa fougueusement. C’était soudain et brutal, mais Pyra lui rendit son baiser avec encore plus de passion. Ils se séparèrent un instant, Sirius était légèrement sous le choc de ce qu’il venait de se produire.

— Vaincs les armées de Dérios pour moi et je te promets que ton nom rentrera dans l’histoire, Sirius. Susurra Pyra en posant une main sur son visage.

Cette fois, ce fut elle qui se pencha pour l’embrasser. Elle déposa délicatement ses lèvres sur les siennes, puis la déesse le poussa brutalement sur le lit. Elle fit tomber sur le sol sa robe en lin, dévoilant un corps magnifique sans la moindre imperfection. Sa longue chevelure rousse lui descendait jusqu'au bas du dos telle une cascade de flammes. Sirius s’empressa d’enlever sa tunique et s’abandonna totalement à son étreinte. Ils passèrent une nuit torride et pleine de passion.

Il faisait jour depuis longtemps lorsque Sirius se réveilla. Il avait l’esprit embrumé, mais se souvenait très bien de la nuit qu’il venait de passer. Il se retourna dans l'espoir d'apercevoir Pyra, mais la déesse n'était pas là. En jetant un coup d’œil aux alentours, il vit qu’il était seul dans sa chambre. Il s’habilla en vitesse et fit savoir aux gardes devant sa porte qu’il se rendait aux ateliers. Évidemment, ces derniers ont tenu à l’escorter sur le trajet.

Lorsqu’il pénétra à l’intérieur, Sirius trouva plusieurs établis poussiéreux sur lesquels étaient disposées toutes sortes d’armes plus ou moins achevées. Malgré les fonds versés au compte-goutte, ses ingénieurs ne s’étaient pas tourné les pouces. Il s’approcha d’une fiole en verre qui l’intriguait. Le bocal était fermé et à l’intérieur se trouvait un liquide visqueux. Alors que Sirius allait essayer d’en retirer le couvercle, une voix l’arrêta :

— Je ne ferais pas cela si j’étais vous.

Sirius se retourna et aperçut l’ingénieur en chef derrière lui.

— Le dosage n'est pas encore parfait, mais ce bocal est déjà capable de réduire cet endroit en cendres, dit le petit homme moustachu. Que me vaut la visite de la Flamme de la… Pardon, de Son Altesse, dans mon modeste atelier ?

— Je ne sais plus si je peux réellement porter ce titre, soupira Sirius en redéposant délicatement le bocal.

— Entre nous, je suis content que vous soyez encore là. Je ne pense pas qu’Atrius accepterait de continuer à financer nos projets sans vous.

— Ne vous inquiétez pas, vos inventions ont encore de beaux jours devant elles. Nous partons en guerre.

— Contre Dérios ? Demanda l’ingénieur.

Sirius acquiesça.

— J’étais sûr que ce jour finirait par arriver, mais ne vous en faites pas, j’ai bien avancé malgré toute l’agitation de ces derniers jours.

Il lui fit signe de le suivre au travers d’un dédale de machines et de prototypes jusqu’à une petite salle où trônait fièrement une baliste en bois.

— Parfaitement opérationnelle cette fois-ci. Les tests ont été effectués avec succès.

— C’est du beau travail, dit Sirius en caressant le cadre en bois de sa main. Combien en possédons-nous ?

— Une dizaine pour l’instant, mais la production est en augmentation. J’ai également quelque chose d’autre à vous montrer.

Les yeux du petit homme pétillaient d’excitation alors qu’il le conduisait dans une salle adjacente.

— J’ai travaillé sur le modèle miniature pendant de longs mois, mais je n’arrivais pas à rendre le mécanisme suffisamment puissant. Finalement, à la suite d’efforts et d’acharnements, je suis parvenu à ceci.

Il tendit à Sirius une petite arbalète à répétition.

— Oui, j’ai pu voir leur efficacité à l’œuvre, dit Sirius en repensant au piège qu’il avait tendu à Rigas et à la facilité déconcertante avec laquelle ses hommes s’étaient débarrassés des gardes.

— J’ai amélioré le réservoir de carreaux, ils peuvent tirer une dizaine de projectiles avant d’être rechargés désormais.

— Quand seront-elles fin prêtes ?

— Votre Honneur, elles le sont déjà. J’ai de quoi armer toute une légion si vous le voulez.

— Excellent, continuez la production. Si nous devons affronter Dérios sur le champ de bataille, il faudra mettre toutes les chances de notre côté.

— Bien entendu.

Sirius le salua et il quitta les ateliers toujours sous bonne escorte. Les choses se présentaient peut-être mieux que prévues finalement. Il repensa à la nuit qu’il avait passée avec Pyra. Cette déesse l’envoûtait, il revoyait son visage dès qu’il n’avait pas l’esprit occupé par ses obligations militaires. Et surtout, elle comptait sur lui. Sirius respira un grand coup et fit savoir aux gardes qu’il souhaitait changer de direction. Il allait annoncer la nouvelle à Atrius. Sa décision était prise, Spyr partirait en guerre.

 

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Talharr
Posté le 08/08/2025
Je sentais l'heure de Pyra arriver ahaa
Pas de rébellion. Sirius est envoûtée par la charmante déesse :)
Il vient de devenir roi, mais contrôlé (ça me rappel quelqu'un :') )
En tout cas c'était fluide et bien écrit. J'ai bien aimé la façon dont tu as mis la scène avec Pyra. Il réagit avec colère (logique) puis retombe sous le charme. Et tu ne fais pas duré la scène au lit inutilement donc c'est chouette :)

Hâte de lire la suite et où va se mener Sirius.

A très vite ! ^^
Talharr
Posté le 08/08/2025
J'ai oublié les retours aha :
"je n’ai pas l’attention de négocier" -- "intention"

"Une guerre contre nos deux pays serait désastreuse," -- "entre nos deux pays"

Et la spéciale aha : "Contre Dérios ? Demanda l’ingénieur ?"

A plus ^^
Scribilix
Posté le 09/08/2025
Salut. Oui Sirius a fini par tomber sous le charme. Je t'avoue que c'était compliqué à écricre. Je ne voulais pas tomber dans le grossier ni faire quelque chose qui soit cliché (ca l'est peut-etre un peu). Mais bon je ne suis pas vraiment doué pour écrire des romances c'est d'ailleurs pour cela que tu en as aucune dans le texte (hormis Sirius/ Pyra et peut-etre Ignis/Pyrel). Pour la ponctuation décidément c'est vraiment ma bete noire, faut croire qu'on a tous nos tics d'écriture.
Talharr
Posté le 09/08/2025
Je trouve que la scène avec pyra fonctionne bien. T'as pas besoin de faire un chapitre entier sur ça surtout que dans la 1ere partie on voit déjà les prémices 😁

Dans mon monde je voulais mettre toutes les phases d'une vie humaine c'est pour ça que j'ai aussi quelques amourettes mais je veux pas de scène érotiques par exemple.
Donc déjà ton histoire ne se prête pas forcément à cette partie romantique mais ça ajoute quand même une petite touche 🙃
Aha oui, j'aime bien les phrases doubles moi 🤣
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