Infinity - Jaymes Young
Léna
Je dois me résoudre à partir de cet endroit lugubre. Des personnes sont autour d'un cercueil en bois, comme dans les séries américaines. Encore et toujours cette comparaison, comme si je ne pouvais me raccrocher qu'à ça. Le cimetière est parsemé de parapluies pour empêcher les gouttes d'eau d'essuyer la tristesse qui broie le ventre de ceux qui sont venus. Je n'entends quasiment rien, je vois flou. J'entends les pleurs de ta mère et ceux plus étouffés de ton père. Tes frères sont détruits et je n'ose penser au cœur explosé de ton jumeau comme si c'était Georges quand il a perdu son Fred. (1)
Je suis un peu à l'écart. Ma famille n'est pas très loin de la tienne, mais je n'ose pas les rejoindre. Les filles sont venues, juste pour toi, pour moi. Elles ont accepté de me laisser seule, sachant que j'avais besoin d'une solitude réparatrice. Je vois aussi que ce connard de Marin est présent, il relève les yeux quand il sent mon regard et il m'offre un sourire en coin. Je ne parviens pas à savoir si c'est de la gentillesse ou juste son égo de salop qui me répond. Je soupire devant l'épreuve en le quittant des yeux. Tu m'avais parlé un jour de ce que tu aurais voulut si tu venais à trépasser, quand nous parlions de nous deux dans des dizaines d'années. Ironique non ?
— Je ne veux pas de fanfreluches, pas de trucs bizarre. Vraiment un truc très soft et surtout pas de choses en grandes pompes.
Je retiens ce petit rire nerveux qui avait faillit échapper à mes lèvres, espèce d'idiot va. Tu avais tant d'amis, tant de connaissances, comment envisager n'avoir que quelques personnes ? Je te parle alors que tu n'es même plus là, ça prouve certaines choses non ?
— Léna ?
J'émerge tout à coup, je quitte ma conversation silencieuse avec l'être aimé et je regarde le visage en face de moi de façon maladroite. Je la scrute et je ne comprends qu'après quelques secondes interminables que c'est une jeune femme inconnue qui me parle et je discerne quelque peu son visage.
— Bonjour ?
Mes sourcils se froncent, je ne la connais pas, pourtant elle a l'air de savoir qui je suis. Elle n'aurait pas traversé toute la pelouse pour venir voir une fille toute seule pour rien.
— Je suis Kim, une amie de Julien.
Kim ? Comme Kimberley ? Oh pitié on se croirait dans un film américain à la noix. Qu'est-ce qu'elle me veut l'inconnue au bataillon ?
— Oui ?
— Il t'a déjà parlé de moi ?
J'hausse un sourcil et je me retiens de lui répondre trop sèchement, j'ai pas que ça à faire de jouer aux devinettes.
— Non, pas vraiment. Pourquoi ? Tu es importante ?
Ma réponse n'a pas l'air de l'avoir choqué, heureusement parce que j'en ai en réserve si elle en veut davantage.
— Je suis son ex petite amie.
Nan mais elle se fout de moi celle-là ? Qu'est-ce que j'en ai à foutre ? Qu'elle me laisse pleurer mon copain sans venir me faire chier non ?
— Et ? Je devrais avoir quelque chose à faire de cette info ?
Il n'est pas difficile de savoir le type de regard que j'ai, je le vois dans ses yeux, il est bien noir et bien méchant. Enfin, aussi méchant que mon état le permet.
— Je voulais juste qu'on se soutienne dans cette épreuve, je ne sais pas s'il t'a aimé plus que moi donc peut-être que ça doit te faire du mal.
Un instant je suis choqué et celui d'après, ma mâchoire se crispe. Désolé la pimbêche mais j'aurais essayé de me retenir de ne pas te défoncer.
— Ah ouais ? Il t'aurait aimé plus que moi ? Dis-moi qui est celle à qui il pensait de sa plus tendre enfance jusqu'à sa mort ? Dis-moi pourquoi je n'ai jamais entendu parler de toi ? Dis-moi pourquoi c'est moi qu'il a embrassé à n'en plus avoir de souffle à la soirée juste sous tes yeux ?
Sortir tout ça me procure une joie perverse, la colère coulait dans mes veines. Je venais de me souvenir de son visage, elle faisait partie du groupe d'amis qui accompagnait Julien le jour où nous nous étions revus.
— Excuse-moi mais tu n'as pas dû être si importante que ça pour lui, donc arrête. Arrête tes sarcasmes et laisse-moi pleurer celui que j'aimais d'accord ?
Mes yeux se détournèrent d'elle, cessant la conversation. J'avais vu l'incendie qui s'était allumé derrière ses yeux. La haine que j'avais provoquée mais ceci étant, je n'aurais jamais pensé qu'elle oserait me balancer ce que j'essayais de garder loin, très loin au fond de ma tête.
— Pourtant, c'est à cause de qui qu'il est mort ?
Juste ça, juste cette phrase qui m'a fait suffoquer et fait rater un battement à mon pauvre cœur.
— MAIS CE N'EST PAS MA FAUTE PUTAIN !
La colère, pure et haineuse pour cette fille qui se faisait un malin plaisir à me briser encore un peu plus. Mais je n'avais pas comprit quelque chose en criant ça ici. Des yeux, tout pleins de regard me fixaient. Les yeux de ses parents et de ses proches me regardaient. Certains avec de la tristesse, d'autres de la confusion ou encore de... la colère ? Je ne pus m'empêcher d'étouffer un sanglot en essayant de ne pas fondre en larmes silencieuses.
— Lé...
Émilien voulut me retenir mais je ne pus me résoudre à le laisser me rejoindre. Oh Dieux, préservez ce garçon, ce Georges qui a perdu son Fred.
Je suis partie en courant, peut-être ? Je cherche ma voiture, nous sommes venus à deux voitures, où est la mienne ? Là ! J'accours vers elle, l'ouvre et m'engouffre dedans. Enfin...Enfin un endroit familier. Je me pelotonne contre mon siège et je laisse libre cours à mes sanglots. Un jour ça ira, pas maintenant, mais un jour. Nous devons y croire. Je dois y croire.
J'écris. J'écris depuis des années, tant que je ne saurais pas dire depuis quand. Mais depuis que tu n'es plus là, j'ai eu un mal fou à écrire quelque chose. Ce n'est pas facile d'écrire quand on a l'impression que nos membres sont disloqués. Pourtant c'est la peine mon moteur, mon essence, mais là je bloque. Un matin je me suis réveillé, les yeux tiraillé et je n'avais qu'une envie, qu'une pulsion. J'avais besoin de vider le trop-plein qui m'étranglait. Alors, j'ai chopé une feuille, un crayon et je me suis laissé divaguer avec une décision précise en tête. Te laisser partir, peut-être. Réaliser tes rêves, certainement.
Julien, c'est pour toi...
"J'écris. J'écris depuis des années, tant que je ne saurais pas dire depuis quand. Mais depuis que tu n'es plus là, j'ai eu un mal fou à écrire quelque chose. Ce n'est pas facile d'écrire quand on a l'impression que nos membres sont disloqués."
Peut être trop de j'écrisd' dans ce passage...
Et quelques petites maladresses dans le dialogue entre Lena et Kim. Un dialogue un peu rapide pour deux personnages qui ne se connaissent pas je pense. Elles passent vite à l'attaque. Alors soit la fameuse Kim est vraiment sans cœur soit elle elle le paraît par ce dialogue.
Mais j'ai hâte de voir la suite.
Tu reverra Kim sans problème ahah
Merci <3