Lorsque Arthur avait appris que Carla Cole le demandait, il avait été soulagé. D’une part, car cela prouvait qu’elle acceptait de coopérer et d’autre part, car cela le sauvait des dizaines de dossiers de disparitions de chats ou de chiens que le commissaire avait déposés sur son bureau ce matin. Arthur était persuadé que son supérieur voulait le saboter.
Entre sa nuit blanche de la veille, durant laquelle il avait rendu visite à son frère, et les cauchemars qui avaient suivi, il était en sérieux manque de sommeil. Dire que quelques jours auparavant, il se plaignait de s’ennuyer !
Avec tout ça, il n’avait ni pu convenir d’un rendez-vous avec la jolie blonde de Meetic avec laquelle il dialoguait depuis plusieurs semaines, ni joué une seule heure à son jeu préféré Crusader’s King.
Mais le pire dans tout ça, c’est qu’il buvait du café ! DU CAFÉ !
Cela prouvait qu’il était tombé bas. Très bas pour un Ecossais.
Il quitta son bureau en laissant la machine Nespresso préparer une nouvelle tasse et alla à la rencontre de Carla Cole.
Il la trouva assise dans le couloir B, complètement pétrifiée, échevelée et ensanglantée. Elle lui fit de la peine. Cette femme était vraiment paumée.
— Mademoiselle Cole ?
Elle leva les yeux. Il eut l’impression que sa venue la rassurait. Il lui proposa de le suivre sans faire de commentaire sur son état général. S’était-elle battue ? Tout portait à le croire.
Il l’invita dans son bureau et lui désigna un fauteuil. Elle ne se fit pas prier pour s’asseoir. Arthur récupéra le café et le lui tendit.
— Je pense que vous en avez besoin.
La jeune femme le dévisagea puis murmura un merci seulement audible des oreilles expérimentées de l’inspecteur. Arthur sourit. Elle était capable de civilités, merveilleux !
— Que se passe-t-il ? demanda-t-il en notant intérieurement que les doigts de Carla tremblaient contre l’anse de la tasse.
— On vient d’essayer de me tuer.
— Ah. En effet. C’est contrariant.
— Ce n’est pas le mot que j’aurai choisi… ajouta-t-elle une fois son café terminé. Hier, je suis rentrée à mon appart pour me doucher et finalement je me suis endormie. Quand je suis partie ce matin, une voiture a essayé de me renverser !
Arthur sonda le visage de la jeune femme, tentant de déterminer si elle lui disait la vérité.
— Il ne vous avait peut-être pas vue ? s’enquit-il. À cette heure, la lumière du soleil aveugle.
La mâchoire de Carla se contracta, ses yeux d’encre le fusillèrent.
— La voiture s’est arrêtée et a essayé une seconde fois de me rouler dessus… Vous pensez toujours que c’est un effet de la lumière ?
— Non. C’est peu probable avec ce second élément. Comment vous en êtes-vous sortie ?
— Une voisine a hurlé en voyant la scène. Je pense que l’agresseur s’est dégonflé et m’a évitée au dernier moment.
— Heureusement qu’il y avait un témoin !
— Oui.
— Nom, prénom ?
Grand silence. Arthur attendit sa réponse, le stylo levé.
— Je n’ai pas demandé…
Il soupira. Comment pouvait-il discerner le vrai du faux avec cette femme ?
— Vous ne me croyez pas ?
La question ne contenait aucune surprise. Arthur ne répondit pas tout de suite. Carla se leva brusquement, le visage fermé, les poings serrés.
— Je savais que vous me feriez perdre mon temps, déclara-t-elle sobrement en prenant la direction de la porte.
Arthur la devança avant qu’elle n’atteigne la sortie et lui barra le chemin.
— Je vous crois, je sais que vous ne seriez pas venue ici sans raison. J’aurai apprécié une preuve tangible de cet événement, car mon job c’est de mener l’enquête, d’avoir des indices et de discerner le mensonge de la vérité mais je vais faire sans. Avez-vous d’autres éléments qui me permettraient d’identifier le véhicule ou la personne au volant ?
Elle le scruta puis recula devant tant de proximité et finit par lâcher :
— La voiture était noire, l’homme brun, la quarantaine selon la témoin.
Arthur acquiesça. À cette distance, il remarqua son arcade sourcilière gonflée.
— Vous êtes blessée. Vous devriez aller voir un médecin.
— Je vais aller à l’hôpital.
— J’ai l’impression que ce ne n’est pas pour vous faire soigner.
Carla resta muette. Il avait vu juste.
— Voulez-vous porter plainte ?
— Contre qui ?
— Contre X.
— Cela ne mène jamais nulle part, ce type de plainte.
Pas faux, pensa Arthur.
— Je peux vous déposer à l’hôpital si vous le souhaitez. Je m’y rendais.
Elle hésita. Arthur sembla percevoir son conflit intérieur sur ses traits.
— OK. Ça m’arrange car ma voiture est en panne.
— Mademoiselle Cole ! Vous acceptez l’aide de quelqu’un ? C’est un progrès ! remarqua le lieutenant ironiquement.
Elle soupira. Arthur lui fit signe d’attendre et récupéra dans un tiroir son matériel d’investigation et le téléphone portable de la jeune femme. Il le lui rendit. Celle-ci l’empocha avec un sourire.
La veille, il avait imprimé et épluché toutes les conversations entre la jeune femme et Justin. Les messages étaient globalement plutôt étranges. Aucune marque d’affection de l’un comme de l’autre, mais on sentait une connivence, une complicité comme on en trouvait peu ; ce qui ne l’avait pas rassuré.
Le lieutenant ouvrit la porte, fit une courbette à la jeune femme pour l’inviter à sortir. Carla Cole ne bougea pas. Arthur redressa la tête, étonné. En face de lui, le commissaire Saint-Di le toisait avec condescendance. Les joues du lieutenant chauffèrent.
— Jakes, ne dépassez pas les limites ? C'est entendu ?
Le commissaire disparut lourdement dans le couloir. Les oreilles du Lieutenant sifflèrent et il vira au rouge cramoisi. Il n'aimait pas du tout les sous-entendus.
Carla Cole ne dit mot alors qu' Arthur fulminait intérieurement. Il lui fit signe de le suivre. La jeune femme lui emboîta le pas avec flegme.
Oui, il avait merdé une fois. Une fois ! Est-ce que c’était nécessaire qu’on le rabaisse ou qu’on le lui rappelle éternellement ? En étant muté, il pensait repartir sur de bonnes bases mais son chef n’avait vraiment aucune estime pour lui et cette dernière remarque n’était absolument pas professionnel. Il allait avoir une sérieuse discussion avec Saint-Di en rentrant de l’hôpital. Ils traversèrent le commissariat et il les mena jusqu’à sa voiture de fonction. Carla Cole resta un moment immobile à fixer le véhicule comme s’il s’agissait d’un engin diabolique puis décida de s’installer à l’arrière. Elle posa sa tête contre la vitre, ferma les yeux et resta ainsi tout le long du trajet. Cela ne dérangea pas Arthur, il n’était pas d’humeur à parler. Il préparait mentalement l’affrontement avec son chef. Il marmonnait des tissus de phrases et tout son visage s’animait dans ce dialogue intérieur.
Lorsqu’ils arrivèrent à l’hôpital, Carla sortit en trombe du véhicule. Elle semblait soudain avoir retrouvé toute sa vélocité durant sa brève sieste. Arthur eut du mal à la rattraper dans les couloirs. En arrivant à la chambre 204, la jeune femme s’arrêta brutalement.
— Qu’est ce qui se passe ? questionna-t-il inquiet.
— C’est quoi ça ?
Le lieutenant jeta un coup d’œil dans la chambre. Il remarqua la présence d’une deuxième personne dans la pièce allongée sur un deuxième lit.
Un rideau partiellement tiré séparait les deux malades.
— Ah oui. Alors, communément on appelle ça un patient.
— Putain ! Je leur avais dit que je voulais personne d’autre dans cette chambre !
— Mademoiselle Cole, c’est un hôpital ici, pas un hôtel qui exécute tous vos caprices.
Elle porta ses mains à son visage puis les passa dans ses cheveux.
— Ne vous inquiétez pas, il se peut que le patient soit dans le coma et qu’il ne vous parle pas du tout…
— Pfff…
Elle donna un coup de poing rageur dans le mur.
— En plus, il est horrible ce patient, il est tout maigre et tout petit…
— C’est normal, c’est un enfant. Même une enfant vu la longueur de ses cheveux.
— Oh non. Mon pire cauchemar… Vous croyez qu’elle va rester là longtemps ?
— Je ne sais pas. À vous de vous renseigner…
La petite fille dormait profondément. Arthur s’approcha et lut l’ardoise sur laquelle un soignant avait écrit le nom de l’enfant : Halima Layani, neuf ans. Il jeta un coup d’œil à Carla Cole. Elle était obnubilée par Justin Cruzet et lui tenait tendrement la main.
Son portable se mit à vibrer. Il décrocha et reconnut la voix de son collègue Antonin. « On a enfin reçu le casier judiciaire de Carla Cole… C’est du lourd, mec. Fait gaffe, le chef dit que… »
— Je ne veux même pas savoir ce que le chef pense ou dit. Je reviens dans une demi-heure. Dépose-moi le dossier sur mon bureau.
Son interlocuteur accepta sa demande et la communication fut coupée.
Arthur quitta la chambre en saluant Carla Cole, qui ne lui répondit même pas, puis informa le personnel hospitalier qu’elle avait besoin de soin d’urgence.
Ça fait longtemps mais ton histoire me trottait dans la tête bien des mois après, et j'ai décidé de reprendre ma lecture (car ça fait un moment que je n'étais plus active sur PA).
Néanmoins, je suis de retour et je viens de reprendre le fil de L'Obsession du papillon. Le personnage d'Arthur, le flic enthousiaste m'avait manqué. Concernant Carla, elle est toujours aussi volcanique : à exploser dès que les choses ne vont pas dans son sens (la petite dans la chambre d'hôpital). J'aime leurs interactions, Arthur est vraiment un personnage en contrepied de Carla.
J'ai hâte de voir quels seront les échanges entre la petite et Cole. Je me demande si cette enfant va aider à élucider l'affaire, et si son histoire est liée à celle de Carla.
Oh Halima… c’est son anorexie, peut-être. J’ai hâte de voir comment ça va se passer entre elle et Carla.
Détails :
« il n’avait ni pu convenir d’un rendez-vous avec la jolie blonde de Meetic avec laquelle il dialoguait depuis plusieurs semaines, ni joué une seule heure » : jouer (j’ai adoré cette phrase au passage hahaha)
« Il ne vous avait peut-être pas vu ? » : vue
« je sais que vous ne seriez pas venu ici sans raison » : venue
« Vous êtes blessés » : blessée
Tu verras qu'Arthur est loin d'être parfait, il essaie de se donner un genre plutôt.
"J’ai été un peu choquée que son supérieur évoque des coucheries devant Carla haha, c’est si gênant ! Ça fait pas très pro, non ?" => Oui, tu n'es pas la première à être choquée par ce dialogue, je vais le changer et affiner le caractère du commisaire.
" J’ai hâte de voir comment ça va se passer entre elle et Carla." => Elles ne vont pas s'ennuyer ;)
Merci pour les coquilles, je vais les corriger :D
J'espère que la suite va te plaire !
pleins de bisous volants
Pauvre Halima, je ne sais pas comment elle est arrivée là et si ça a à voir avec l'enquête, mais la pauvre petite.
La réaction de Carla est étonnante en la voyant. Est-ce que ça lui rappelle des souvenirs ? Est-ce qu'elle a trop fréquenté les hôpitaux étant enfant ?
Le mystère est grand, et est renforcé par la phrase du collègue d'Arthur "C'est du lourd". J'aurais hésité à la laisser seule dans la chambre, moi, après ça.
L'histoire est passionnante. J'enchaîne avec le chapitre suivant.
Je ne peux pas répondre à tes questions mais tu auras des réponses assez vite !
J'avoue que c'est risqué de laisser une femme "dangereuse" dans la même chambre qu'une enfant mais bon, Arthur ne sait pas encore de quoi elle est accusée^^
Bref, j'ai rien remarqué de dérangeant dans ce chapitre, après comme je me plonge très bien dans l'histoire, j'ai tendance à juste laisser glisser et savourer les rebondissements hahaha désolée donc, je risque de ne pas être hyper utile en commentatrice
Oui, le commissaire n'est pas très subtile ! Arthur et lui s'entendent si bien ! XD
Super si tu te plonges facilement dans l'histoire, le but c'est qu'on soit embarqué direct et qu'on ait hâte de continuer l'histoire :p
Pleins de bisous volants !
J'ai hâte que tu lises la rencontre Halima/Carla !
Me revoici par ici !
J'ai bien aimé ce chapitre où on en apprend un peu plus sur Arthur grâce à ses réflexions et la maladresse (voulue ? ) de son chef. J'aime beaucoup l'humour d'Arthur ;)
Et sinon, voici le lien avec Halima ! Elle se retrouve donc ici.... Affaire à suivre !
Très hâte de découvrir ce que contient le dossier de Carla d'ailleurs ;)
À très vite !
Merci de ton commentaire !
Oui, je pense qu'on peut parler de maladresse voulue de la part de son chef mais de souhait de sabotage ! :p
Oui, Halima se retrouve donc dans la même chambre que Justin, ça ne va pas être de tout repos pour elle ! (et pour carla aussi d'ailleurs :D)
A très vite aussi <3
Bisous volants !
Excellent chapitre avec beaucoup d’humours que j’ai bien apprécié, je te remercie encore pour l’info sur les tirets des dialogues que j’ai modifié.
A la prochaine.
A bientôt !
Oui, on va apprendre beaucoup de choses sur Carla bientôt, on verra si cela fera peur à Arthur^^ Ahaha.
La cohabitation de Carla et Halima est l'élément le plus intéressant du récit! Je note pour la coquille, merci :p
A bientôt ! <3