Chapitre ving-cinq

Par Oriane

— Ce n’est pas un jeu, Alara ! Tu risques ta vie !

— Parce que toi, non, peut-être ? s’écria-t-elle.

Les deux jeunes gens se toisaient. Seuls en haut des décombres de la tour de Nézia, ils donnaient libre cours à leurs sentiments. Ce n’était pas vraiment les retrouvailles qu’ils avaient espérées, autant l’un que l’autre.

Marco n’en revenait toujours pas qu’elle soit bien là. Il se trouvait partagé entre l’envie de la prendre dans ses bras et celle de la remettre en selle direction la Maison des Mères. La voir les poings sur les hanches, le masque à la ceinture et avec un air de défi sur le visage, le faisait pencher vers la seconde option. Elle n’avait rien à faire là. Elle avait agi en gamine gâtée. Qu’elle lui hurle dessus parce qu’il avait suivi Enric n’en était qu’une autre preuve.

— Ce n’est pas la question. Je ne suis pas aussi important que toi. Rentre à la Maison des Mères. Ta place est là-bas, soupira-t-il.

Elle ouvrit la bouche sans prononcer le moindre mot. Ses yeux s’embuèrent. Il savait qu’il se montrait trop dur avec elle. Il fallait bien que quelqu’un le fasse. Il aurait juste voulu que ce ne soit pas lui. Pourquoi donc aucune Mère ne l’avait empêché de faire ça ? Il connaissait déjà la réponse. Elle ne leur avait pas demandé leur avis. C’était du Alara tout craché.

— C’est vraiment ce que tu veux, Marco ? Que je rentre gentiment à la Maison des Mères ? Que je laisse Enric gérer la guerre que j’ai déclenchée ? Que j’aille me cacher alors que tu vas peut-être…

Elle ne finit pas sa phrase. Un sanglot étouffé l’en empêcha. Elle baissait la garde face à lui. La Kharmesi était bien loin. Ne restait que la jeune femme qu’elle était réellement. Cela ne dura pas. Elle cligna plusieurs fois des paupières avant de plonger son regard dans le sien. Il n’y avait plus la moindre trace de faiblesse dedans. Elle ne pouvait pas se le permettre. Or lui, non plus. Pas s’il voulait la mettre en sécurité.

— Je ne partirais pas. Tu pourras dire ce que tu veux, je ne partirais pas.

Elle le mettait au défi de la contredire. Que se passerait-il s’il le faisait ? Il redoutait trop sa réaction pour entrer dans son jeu.

— Je le sais, finit-il par répondre. Et c’est une mauvaise idée. Tu mets ta vie en danger.

— Et alors ? En quoi cela te regarde ?

— Je n’ai pas la moindre envie de te voir te mettre en danger juste parce que tu es trop fière pour te rendre compte que tu fais erreur !

Ils comblaient petit à petit l’espace libre entre eux. La tension s’accumulait à nouveau et avec elle, la chaleur autour de la jeune femme. Marco savait qu’il allait trop loin, qu’elle pouvait exploser à tout moment. Il fallait pourtant que quelqu’un lui ouvre les yeux.

— À la place, tu préfères le faire toi, c’est ça ?

— Ce n’est pas la même chose ! Ma vie n’est pas importante.

Il ne vit pas le poing d’Alara avant qu’il ne s’abatte sur lui. Il recula sous le choc. Sa joue le brûla. Il posa la main dessus, aucune marque. Au moins, elle n’avait pas utilisé ses pouvoirs. Des larmes silencieuses coulaient sur les joues de la jeune femme.

— Elle l’est pour moi, souffla-t-elle.

Marco oublia sa joue meurtrie et ses bonnes résolutions. Il prit la jeune femme dans ses bras. Elle se blottit contre lui, posant sa tête contre sa poitrine. Il enfonça son nez dans l’épaisse chevelure d’Alara. Il inspira profondément, autant pour s’enivrer de son parfum, étrange mélange de rose et d’iode, que pour se calmer.

— Tu n’es qu’un idiot, l’entendit-il murmurer.

Il lui releva doucement le menton. Il suivit le sillon tracé par ses larmes du pouce. Ses yeux pâles fixèrent les siens. Ils gardaient toujours cette lueur de défi malgré les pleurs.

— Je n’ai pas envie qu’il t’arrive quoique se soit, Alara. Pas si je peux l’empêcher.

— Alors ne cherche pas à m’éloigner de Nézia, et de toi.

— Je suppose que je n’ai pas le choix.

Un petit sourire vint illuminer le visage de la jeune femme. Elle avait gagné. Il se maudit de ne pas réussir à lui tenir tête.

— Tu ne l’as pas, confirma-t-elle.

Elle se leva sur la pointe des pieds et l’embrassa. Il répondit à son baiser, la serra encore plus contre lui. Il n’y avait plus la moindre trace de colère en elle. La chaleur qu’elle irradiait les enveloppait tous les deux doucement. Marco oublia le futur siège, les travaux qui n’avançaient pas, la bataille proche et tout ce qu’elle impliquait. Ne comptait pour lui que le moment présent et la jeune femme dans ses bras.

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