Les bras tendus en arrière, les mains agrippant les bords du banc en pierre, Arimélia étira ses jambes, espérant apaiser la douleur qui tiraillait ses muscles. Sa forme draconique apportait des effets secondaires indésirables chaque fois qu'elle poussait ses limites au-delà de ce qu'elle pouvait supporter.
"J'ai vraiment été nulle aujourd'hui... Le professeur Ezekiel est tellement strict, il ne tolère aucune erreur... Je me demande comment la princesse s'en est sortie... Elwyn et Loyd semblent bien s'entendre, malgré leurs différences... Elwyn... Il a quelque chose de spécial dans le regard... Ce regard qui dit que rien au monde ne peut l'ébranler... En fait, il a le même regard que lui... Pourquoi est-ce que je pense à lui maintenant ? C'est du passé... Je dois passer à autre chose... Je dois..."
— Hé, Ari, ça va ? demanda la princesse Sylaria, fraîchement sortie de son cours de magie.
Arimélia sortit de ses pensées et tourna la tête vers Sylaria, qui s'était arrêtée à ses côtés.
— Princesse Sylaria… Votre cours s'est bien passé ? demanda Arimélia, l'esprit encore embrumé.
— Oui, le dernier n'était pas si difficile, mais celui d'avant... je l'aurais bien évité, répondit la princesse d'un ton plaintif.
— À la base, vous n’aimiez déjà pas faire d’exercice au château...
— C’est vrai, j’aime pas finir couverte de transpiration. Ça sent mauvais et les vêtements finissent par coller à la peau, rétorqua Sylaria.
— C’est sûr, mais c’est bon pour la santé, et puis vous pouvez toujours vous laver et vous changer après. Avoir un corps fort vous aidera en cas de problème, répondit Arimélia.
— Hihihi, en cas de problème, tu seras toujours là pour m’aider. Non ?
La demi-dragonne soupira d’exaspération.
— Vous n’êtes vraiment pas croyable, princesse…
— Bon, je vais devoir te laisser, Ari. Je vais prendre ma douche et me changer. À plus tard, conclut Sylaria en lui faisant un signe de la main.
— À plus tard, princesse…
Restée seule, Arimélia leva les yeux au ciel et contempla les nuages qui se déplaçaient au gré du vent.
Quelques minutes plus tard, des pas se firent entendre, et elle tourna la tête pour voir Elwyn s'approcher, un gobelet en bois à la main. Il le tendit vers elle.
— Je reviens de l’infirmerie, le guérisseur m’a donné un remède pour toi. C’est le professeur Ezekiel qui lui a demandé de le préparer.
Arimélia fixa successivement le visage du jeune garçon et le gobelet avant de finalement le prendre.
— Merci…, dit-elle, hésitante, avant de boire une gorgée. L’amertume de la boisson lui fit grimacer.
— Je suppose que ce n’est pas à ton goût, constata Elwyn, voyant son expression se déformer après une simple gorgée.
— On peut dire ça… On dit souvent que les remèdes efficaces sont rarement agréables, répondit-elle.
Le regard d’Elwyn parcourut rapidement le corps d’Arimélia. Il comprit qu’elle souffrait de douleurs musculaires, causées par son entraînement.
— Ton entraînement se passe bien ? Vu ton état, tu devrais peut-être te ménager un peu les prochains jours, suggéra-t-il.
— Je vais bien, c’est juste que… ça fait longtemps que je n’ai pas fait quelque chose d’aussi intense…
— Je vois. Dans ce cas, bon courage pour la suite et... pense à bien rendre ton gobelet à l’infirmerie. Je vais aller me laver et me changer. À plus tard.
— À plus tard, lui répondit Arimélia, le regard plongé dans le fond de son gobelet.
_________________________
Pendant ce temps, Loyd se trouvait dans le bureau de la Divinité Ogme, en compagnie du professeur Ezekiel, déjà présent à son arrivée.
— Bien, maintenant que vous êtes tous les deux ici, j’aimerais avoir votre avis sur vos disciples, expliqua la Divinité.
À cette demande, Ezekiel soupira d'exaspération.
— Eh bien, Arimélia... Elle est assez médiocre. Elle a un grand potentiel destructeur, mais elle en a plus peur qu’autre chose. Et son manque de confiance en elle ne l’aide pas. Je veux bien l’aider à maîtriser sa force et son pouvoir draconique, mais elle doit d’abord travailler sur elle-même si elle veut progresser.
Ogme acquiesça lentement.
— Je vois ce que vous voulez dire, professeur Ezekiel. Malheureusement, la situation n’est pas aussi simple. Elle est une otage donnée à Hercor par les siens de Valmuldrak. Elle a grandi dans un environnement hostile, et cela ne s’est pas amélioré avec l’incident d’Hérathis. J'espère qu'ici, les choses changeront pour elle.
— Ogme, comment avez-vous fait pour mettre la main dessus, si c’est bien une otage politique ? demanda Ezekiel, cherchant à comprendre.
— Le conflit entre Valmuldrak et Hercor dure depuis trop longtemps. Avec le réveil de Bahamut, Erzissa a décidé d’intervenir et Arimélia a été envoyée comme otage aux humains, à condition que sa vie ne soit pas menacée. Ce n’était plus le cas après l’attaque d’Hérathis, il y a trois ans. J’ai alors proposé mon aide à la famille royale et à Erzissa.
— D’accord, je comprends mieux… mais vu ce qui s’est passé aujourd’hui, je doute de la tranquillité de l’endroit pour elle.
— Je suis conscient de la situation, mais le prince Lorian est également au courant, donc il ne devrait pas causer trop de problèmes.
— J’espère pour vous. Je n’ai pas envie de voir débarquer la Divinité de la Paix s’il y a un incident avec Arimélia.
— Moi non plus. Heureusement pour nous, si un problème survient dans les quatre prochaines années, nous avons Elwyn à disposition pour limiter les dégâts. D’ailleurs, Loyd, comment ça se passe avec lui ?
Loyd, qui n’avait pas pris la parole jusque-là, se concentra enfin sur la question d’Ogme.
— Eh bien… pour un villageois, il n’est pas si mauvais. Il n’a pas été formé par un soldat, il n’est pas fait pour tuer, mais il sait bouger et s’adapter. Il est techniquement moins bon sans ses pouvoirs, mais il encaisse bien les coups et voit toujours venir les attaques, répondit Loyd.
— Très bien, je n’ai donc plus à m’inquiéter pour lui. Tu peux repartir, à moins que tu n’aies une demande particulière ?
Loyd se tourna alors vers Ezekiel.
— Professeur Ezekiel, j’aimerais m’entraîner avec vous, demanda le néphilim de la Guerre.
— Qu’espères-tu obtenir en m’affrontant, minus ? demanda Ezekiel, prenant l’air hautain.
— Je veux… Je veux pouvoir faire payer mon père pour tout le mal qu’il a causé, répondit Loyd, les poings serrés et la détermination dans le regard argenté.
— Je vois… Tu espères atteindre le sommet de ton Domaine pour lui prendre sa place ?
— Non, je veux juste qu’il paie pour tout ce qu’il m’a fait, pour tout ce qu’il a causé, répondit Loyd.
Un sourire malsain se dessina sur le visage du dhampire.
— Très bien, j’accepte de t’entraîner, mais ne me déçois pas.
Ogme observa tour à tour Loyd et Ezekiel, puis mit fin à la conversation.
— Si vous êtes d’accord pour cet entraînement, alors je vous invite à le faire hors de l’académie. Vous pouvez disposer, conclut la Divinité.
Loyd et Ezekiel saluèrent alors la Divinité avant de partir en direction de la clairière, là où les deux néphilims s’étaient entrainés plutôt.
_________________________
Une fois lavé et habillé, Elwyn retrouva Arimélia, déjà en compagnie de la princesse Sylaria, assise à ses côtés sur un banc en pierre.
— Comment s’est passé ton entraînement, princesse ? demanda Elwyn.
Sylaria se tourna vers lui avec un air plaintif.
— J’aurais pu me passer des exercices physiques, mais la manipulation de l’éther était assez calme. Chacun avançait à son propre rythme.
— Je vois. C’est plutôt une bonne chose de pouvoir s’entraîner à son rythme. Moi, je dois m’adapter à celui de Loyd, et ce n’est pas du tout évident.
En parlant, il aperçut Loyd et le professeur Ezekiel qui empruntaient le chemin menant à la Grande Bibliothèque et se dirigeaient vers lui.
— Elwyn, je vais m’entraîner avec le professeur Ezekiel. À plus tard, lança Loyd en croisant son regard.
— D’accord, bon courage pour la suite, répondit Elwyn en le saluant.
— Eh bien, il en a de la ressource, celui-là, observa Sylaria.
— C’est parce qu’en s’entraînant régulièrement, on finit par améliorer son endurance, ce qui permet de s’entraîner plus longtemps, expliqua Arimélia.
— Je sais ça, mais je ne veux pas finir en un tas de muscles comme lui. Je veux pouvoir continuer à porter de belles robes après l’académie, rétorqua Sylaria.
— Princesse Sylaria, veuillez ne pas exagérer. Un minimum d’exercice physique maintiendra votre corpulence actuelle et raffermira même certaines parties de votre corps. À moins, bien sûr, que vous ne souhaitiez devenir aussi molle et flasque qu’un slime ? ajouta Elwyn.
— Non, jamais ! Plutôt mourir que de ressembler à ces trucs immondes ! s’exclama la princesse.
— Alors prenez un peu sur vous, princesse. Comme pour toute chose, c’est difficile au début et donc facilement rebutant, mais c’est valorisant de persévérer et de réussir ce que beaucoup abandonnent en cours de route, répondit Arimélia avec un sourire.
— Bouh… D’accord, je vais faire de mon mieux alors…, finit par répondre Sylaria, abandonnant tout espoir d’une solution de facilité ou d’un miracle.
Le regard d’Elwyn fut soudain attiré vers l’ouest de la Grande Bibliothèque, là où se trouvait précisément le bureau de Nalinaya. Intrigué par d’étranges mouvements dans l’éther, il activa sa vision éthérée. Il distingua alors de nombreux messagers éthérés, prenant la forme d’animaux variés, qui entraient dans le bureau, tandis que d’autres, métamorphosés en papillons, s’envolaient gracieusement dans toutes les directions.
Ce changement d’attention chez Elwyn ne manqua pas d’interpeller la princesse Sylaria.
— Quelque chose ne va pas ? demanda-t-elle.
— Non, rien d’inquiétant. Je viens juste de remarquer qu’il y a beaucoup de communication entre l’académie et le monde extérieur.
— Comment ça ? Je ne vois rien… Ah, attends, si ! Il y a un petit truc écarlate qui vient d’entrer dans le bureau. Tu as vraiment une bonne vue, Elwyn.
— Des messagers éthérés ? intervint alors Arimélia.
— Oui, il y en a beaucoup. Ils entrent et sortent du bureau de la vice-directrice Nalinaya. Je me demande d’ailleurs comment ils sont créés, répondit Elwyn, intrigué.
Arimélia sourit à cette question et se redressa légèrement pour regarder dans la même direction que lui.
— C’est une forme avancée du contrôle de l’éther. On prélève une certaine quantité d’éther et on lui donne la forme du messager, en sculptant celui-ci autour d’un message préalablement inscrit ou en le laissant vide. Ensuite, on visualise son destinataire avec la plus grande précision possible. Cette technique est réservée à ceux qui possèdent une excellente maîtrise de l’éther, car elle comporte des risques.
Sylaria croisa les bras, l’air perplexe.
— Donc, ces petites choses écarlates sont faites d’éther ? Et on peut leur confier n’importe quel message ? demanda-t-elle.
Arimélia hocha la tête.
— Exactement. Mais ils ne transmettent que ce qu’on leur donne, et leur création exige de la précision et une concentration absolue. Sinon...
— Sinon quoi ? fit Sylaria, le regard empli de curiosité.
Arimélia hésita un instant avant de répondre.
— Sinon, le messager peut devenir instable et se désintégrer en cours de route, et son message risquerait alors d’être intercepté par n’importe qui.
— Oh… Je vois, ce serait vraiment problématique, conclut Sylaria, songeuse.
Une fois qu’il eut pris connaissance de ces informations de conception, Elwyn eut une idée. Il ramassa une petite pierre au sol et tenta de reproduire ce que la Divinité Ogme avait fait le jour précédent, afin de faire venir Loyd dans son bureau. Il attira l’éther environnant autour de la pierre et l’enveloppa complètement avec, avant de lui donner la forme d’un messager.
“Quelle forme lui donner ? Je suppose que cela doit être quelque chose de parfaitement clair et net, une forme que je maîtrise à la perfection… Quelque chose de fonctionnel… Quelque chose que je connais par cœur… Un dragon… Un dragon articulé.“
Elwyn donna alors à la pierre la forme de son dragon en bois articulé, qu’il possédait depuis de nombreuses années et connaissait parfaitement. Chaque pièce, chaque articulation, chaque mouvement possible, chaque épine sur son dos et sa tête était pris en compte. Tout cela se forma, se structura et ses connaissances avancées sur la créature en question permirent de le rendre très réaliste. Un petit dragonnet prit alors vie dans le creux de sa main, un être sans conscience ni intelligence, un simple pantin se mouvant comme un dragon, attendant seulement ses ordres.
Le regard de la princesse Sylaria et celui d’Arimélia s’écarquillèrent ensemble à la vue de ce petit être venant tout juste d’apparaitre dans la main du jeune garçon.
— Mais… comment ? balbutia la princesse.
Arimélia observa alors le dragonnet avec une fascination mêlée de perplexité.
— Tu as… vraiment réussi à créer un messager ? Tu as créé un dragon…
Elwyn examina la petite créature qui se mouvait lentement dans sa main, déployant ses ailes et donnant l’air de vouloir pousser un cri, mais parfaitement inaudible.
— Je crois… Oui. Mais je ne suis pas sûr qu’il fonctionne comme il faut. C’est la première fois que je fais ça. Je ne sais pas encore s’il peut atteindre une destination.
Sylaria s’approcha, ses yeux céruléens pétillants d’un mélange d’admiration et d’envie.
— Alors, c’est un vrai dragon ! Enfin… en quelque sorte. C’est incroyable. Mais… il ne va pas me mordre, hein ?
Elwyn secoua la tête.
— Non, ne t’en fais pas. Il est inoffensif. Ce n’est qu’une projection d’éther, un pantin sans volonté.
Arimélia hocha la tête, son regard passant du dragonnet à Elwyn.
— Ce niveau de précision est impressionnant. Créer un messager qui ressemble trait pour trait à un dragon demande une maîtrise fine de l’éther et une visualisation presque parfaite d’un vrai dragon.
Elwyn haussait les épaules.
— Je n’ai pourtant rien fait d’incroyable. L’éther est beaucoup plus facilement maniable et modulable pour les Entités et j’ai simplement utilisé mon dragon en bois articulé comme modèle. Je l’ai depuis mon enfance, j’en connais chaque détail et mes connaissances sur les dragons ont aussi aidé pour les finitions.
Arimélia réfléchit un instant avant de répondre.
— Ça doit expliquer pourquoi tu as réussi. La familiarité et la précision d’exécution ont renforcé ton intention. C’est fascinant.
Pendant ce temps, Sylaria observait le dragonnet en silence, une lueur malicieuse dans les yeux.
— Et si tu le testais depuis la cantine ? Ça permettrait de voir s’il fonctionne vraiment, proposa-t-elle.
Elwyn acquiesça et se dirigea rapidement vers l’imposante entrée encadrée par ses deux colonnes. Il fixa le dragonnet dans sa main et se concentra, imaginant Arimélia, avec sa précision de physionomiste liée à son Domaine, comme destinataire.
Le dragonnet leva alors la tête, comme s’il avait compris, puis déploya ses ailes. D’un bond gracieux, il s’envola, tourbillonnant brièvement autour d’Elwyn avant de disparaître dans le ciel via un changement de Plan.
Pendant ce temps-là, assise sur le banc, la princesse Sylaria haussa un sourcil en croisant les bras.
— Si ça marche, il devra m’apprendre. J’ai toujours voulu avoir un familier aussi mignon.
Arimélia rit doucement.
— Ce n’est pas un familier, princesse. Mais s’il maîtrise la technique, il pourra peut-être vous montrer un jour. Après tout, c’est aussi à ça que servent les étudiants de la classe spéciale.
— Parfait. Je lui demanderai de me l’apprendre dès que possible.
— Doucement, princesse. Peut-être faudrait-il d’abord qu’Elwyn confirme que son dragonnet a bien rempli sa mission avant de penser à en former d’autres.
Quelques minutes plus tard, le dragonnet réapparut depuis le Plan Éthéré. Il tourna autour d’Arimélia avant de se poser dans le creux de sa main droite. Là, il se dissipa en un nuage de fumée écarlate, qui s’évanouit rapidement, ne laissant derrière lui qu’une petite pierre.
Arimélia sourit en tenant l’objet en question.
— Mission accomplie, on dirait.
Elwyn, de retour près du banc, remarqua alors sa petite pierre en possession de la demi-dragonne.
— Au moins, maintenant, je sais que ça fonctionne.
Sylaria esquissa un sourire satisfait.
— Ce qui veut dire…, commença-t-elle.
— Ce qui veut dire que je dois faire un nouveau test, cette fois-ci grandeur nature. Comme j’aimerais pouvoir envoyer des lettres jusqu’à chez moi, je vais en rédiger une pour voir si cela fonctionne vraiment.
— Tu veux rédiger une lettre maintenant ? demanda Sylaria, curieuse.
— Non, je le ferai ce soir dans ma chambre. J’ai tout ce qu’il me faut pour écrire là-bas, répondit Elwyn.
— Oh… Je vois, murmura la princesse, visiblement un peu déçue.
Arimélia se leva alors du banc et tourna son regard vers la Grande Bibliothèque.
— Bon, si cette histoire est réglée pour l’instant, je vais aller faire un tour à la bibliothèque. Il y a tant de choses que j’aimerais apprendre.
Sylaria, soudainement enthousiaste, attrapa le bras d’Arimélia.
— Dans ce cas, je viens avec toi ! s’exclama-t-elle.
Elwyn, quant à lui, se passa une main dans les cheveux et recula de quelques pas.
— Et moi, je vais vous laisser, mesdemoiselles. J’ai encore des choses à régler de mon côté, expliqua-t-il avant de changer de Plan.
La soudaine disparition du jeune garçon fit sursauter les deux jeunes filles, qui échangèrent un regard surpris.
— Il pourrait au moins prévenir avant de faire ça, grommela Sylaria en croisant les bras.
— Il apprend encore, répondit Arimélia avec un sourire indulgent. Allez, allons-y.
Elles se mirent en route, discutant joyeusement, tandis qu’Elwyn, désormais seul, se mit dans un lieu calme et dégagé, parfait pour l’entraînement.
Il serra les poings, déterminé, et laissa l’éther s’écouler autour de lui.
“Si ce lutin a pu se déplacer avec une telle agilité en hauteur, je peux y arriver aussi. Maîtriser l’éther pour voyager ainsi serait incroyablement utile, que ce soit en combat, pour fuir ou simplement pour explorer.”
Il ferma les yeux, se concentrant sur la sensation de l’éther qui circulait autour de lui et fit ensuite rejaillir lentement ses souvenirs du Lutin taquin dans son esprit. Inspirant profondément, Elwyn fit appel à cette image comme source d’inspiration et, le regard empli de détermination, il entama ses exercices, bien décidé à maîtriser cette technique, peu importe le temps que cela lui prendrait.
Les heures s’écoulaient, et chacun était absorbé par ses propres occupations. Elwyn continuait à s’entraîner en solitaire, tandis que Loyd travaillait avec le professeur Ezekiel. De leur côté, Arimélia et Sylaria étaient plongées dans leurs lectures, confortablement installées à la bibliothèque. Peu à peu, le crépuscule enveloppa l’académie, annonçant l’heure du repas du soir. Un à un, les élèves se préparèrent à rejoindre la cantine, certains passant d'abord par une douche bien méritée.
Le repas du soir était bien plus chaleureux et animé que les deux précédents. L’atmosphère décontractée semblait effacer les barrières habituelles entre professeurs et élèves. Tous se mêlaient dans une joyeuse cacophonie, discutant de tout et de rien, comme de simples individus partageant un moment de convivialité. Les rires fusaient, les conversations se croisaient, et l’on en oubliait presque qu’il s’agissait d’une académie stricte où hiérarchie et discipline régnaient en maîtres le reste du temps.
Elwyn fut surpris de constater la bonne réputation et l’appréciation dont jouissait le professeur Ezekiel auprès des étudiants plus âgés. Tous les professeurs de l’académie étaient présents, hormis la Divinité Ogme, qui préférait largement le silence de son bureau. Durant toute la soirée, la vice-directrice Nalinaya avait réussi à éviter le moindre contact visuel avec Elwyn, tandis que ce dernier avait eu l'occasion de rencontrer d'autres étudiants plus âgés, ainsi que ses trois camarades. Même parmi les étudiants plus anciens, la barrière de l’âge, de l’espèce ou de l’origine semblait presque inexistante pour la majorité d’entre eux.
Le néphilim de la Vie avait ainsi fait la rencontre d’individus venant du sud du continent, ayant pour particularité une peau sombre, un peu comme celle d’Arimélia, et d’autres venant du nord, dont la peau était plus claire que la sienne.
« Des individus d’une même espèce peuvent donc être très différents physiquement, uniquement à cause du climat très différent de leur lieu d’origine… Une évolution adaptative, en somme… Je me demande à quel point ils peuvent être différents et ce que ces changements impliquent exactement… »
Le repas se poursuivit dans une ambiance détendue, mais une étrange sensation commença à envahir Elwyn. Ses pensées tourbillonnaient, hantées par la diversité des individus qu’il avait rencontrés et par ses réflexions sur l’évolution adaptative. Le monde qui l’entourait semblait soudainement plus vaste et plus complexe qu’il ne l’avait imaginé.
Alors que la soirée avançait, les conversations s’intensifiaient autour de lui. Sylaria discutait avec des étudiants originaires de son royaume, tout en attirant quelques sourires amusés. La même chose se produisit avec son cousin Lorian et ses deux compères mais, de temps en temps, ils lançaient un regard assassin à l’encontre d’Elwyn ou d’Arimélia. Et cette dernière, bien plus réservée, écoutait attentivement les conversations des autres, tout en restant un peu dans ses pensées. Loyd, lui, discutait de tactique et de stratégie militaire avec tous ceux qui étaient intéressés par son Domaine. Quant à Elwyn, il était plongé dans ses réflexions, son regard se perdant dans la lumière tamisée de la grande salle.
Les discussions se poursuivirent pendant un long moment, jusqu’à ce que la fatigue commence à se faire sentir chez chacun d’eux. Finalement, alors que les derniers convives se levaient pour quitter la salle, Elwyn se leva à son tour, sentant le poids de la journée sur ses épaules. Il était temps de se retirer. La journée avait été riche, mais il y avait encore tant de questions sans réponses. En sortant de la grande salle, il croisa la vice-directrice Nalinaya. Elle le regarda un instant, puis détourna les yeux rapidement.
— Bonne soirée, Elwyn, dit-elle, un peu gênée.
— Bonne soirée à vous aussi, vice-directrice, répondit-il en hochant la tête, avant de se diriger vers son dortoir.
Après avoir salué Loyd, il s'installa à son bureau, rédigea sa lettre de test, puis l'envoya à Ophélia avant de se coucher, épuisé par cette longue journée.
Chère Mère-Ophélia,
Cette lettre a pour but de vérifier que j’arrive bien à utiliser mon messager éthéré. Veuillez me confirmer la réception de ce message, afin que je puisse vous envoyer mes lettres.
Elwyn