Chapitre X : Premier jour Partie VII

Sans grande surprise pour Loyd, Arimélia et l’ensemble du corps enseignant sur place, ainsi qu’une bonne partie des étudiants, le duel semblait être sur le point de se terminer par la victoire, haut la main, d’Elwyn. Cependant, la stupeur fut quand même de mise, étant donné la facilité avec laquelle il avait résolu la situation, la force déployée et la brutalité dont il a fait preuve à la fin.

La princesse Sylaria et les deux compagnons de Lorian, Linhart et Sarra, furent les plus choqués par l’état et la position dans lesquels se trouvait actuellement le prince d’Hercor.

Elwyn, maintenant agenouillé sur la poitrine de son adversaire, le regardait avec hauteur, typique d’une Entité faisant face à un hérétique de son Domaine, s’apprêtant à lui donner une leçon.

Le prince Lorian, quant à lui, était plutôt mal en point. Sa poitrine et son dos lui faisaient mal à cause des divers chocs subis, sa respiration était difficile car il n'avait pas eu le temps de reprendre correctement son souffle depuis le coup de poing d’Elwyn, et son ego était en train de se faire piétiner devant un peu plus d’une centaine de personnes.

Alors, que ressens-tu à être remis à ta place, humain ? C’est douloureux ? demanda le jeune néphilim, adoptant une attitude moralisatrice.

Le prince n’arrivait pas à répondre quoi que ce soit, mais cela n’importait guère à Elwyn.

Dans la vie, il y a deux types d’êtres. Les prédateurs, qui chassent et tues, et les proies, qui sont chassées et tuées. Toi, prince Lorian, tu es ma proie.

À ces mots, Elwyn exerça plus de pression sur la poitrine du prince, sans se soucier de ses gémissements et rictus de douleur qui suivirent l’acte.

Tu aurais mieux fait d’écouter Arimélia au lieu de l’insulter. Je suis un être naturellement supérieur à toi et j’ai sûrement travaillé plus dur et plus longtemps que toi pour atteindre mes capacités actuelles. Alors, veille à ne plus provoquer quelqu’un de plus fort que toi, sinon, tu finiras dans cet état une nouvelle fois, voire même pire.

Elwyn relâcha un peu la pression, permettant à Lorian de respirer un peu, avant de conclure sa leçon.

Au fait, j’aimerais te rappeler une dernière chose importante. Ton titre, il n’a aucune valeur. Il ne te protège ni des coups de couteau, ni des empoisonnements, et encore moins d’une Entité accomplissant son devoir moral envers un Ilnolien qui se croit tout permis, termina le néphilim, avant de se relever et de se tenir à un mètre de son adversaire.

Je déclare la fin du combat et le vainqueur est Elwyn, proclama Loyd, après avoir constaté par lui-même l’incapacité de Lorian à continuer le combat.

Bien, puisque cette histoire est maintenant terminée, nous pouvons reprendre le cours, déclara Aldric par la suite.

D’un rapide tour de main, Loyd fit disparaître l'épée d'entraînement gisant au sol et se tourna ensuite vers Elwyn, avant de rejoindre ensemble Ezekiel et Arimélia pour leur cours spécial. Au même moment, Linhart et Sarra se précipitèrent vers leur prince pour le soutenir, celui-ci venant de se mettre à pleurer. Il venait tout juste de se faire battre en un coup, avait été humilié en étant dominé sur le dos et puis sermonné devant tous les étudiants de son année.

Cette vision du prince Lorian rendait la princesse Sylaria perplexe sur son ressenti et désolait Arimélia. Loyd fut alors la seule personne satisfaite de la situation, car Elwyn était déjà passé à autre chose.

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Sur le chemin menant à une forêt proche de l’académie, Loyd voulut combler le silence installé depuis leur départ.

Au fait, beau combat. T’as réussi à le neutraliser en un seul coup et fait pleurer comme un bébé. J’espère que ça le calmera un peu.

Elwyn se remémora alors rapidement la confrontation.

Il était… étrangement faible. Je m’attendais à plus de résistance de sa part, vu comment il se comportait, et je dois avouer que c’était assez… décevant.

Et pourtant, il fait partie des meilleurs éléments de votre année, répondit Ezekiel.

Il s’entraîne durement depuis qu’il a cinq ans et sait aussi utiliser la magie, même si elle n’est que monocible pour l’instant, ajouta Arimélia.

Tu as l’air de bien le connaître, même s’il n’y a aucune forme d’amitié ou de tolérance entre vous, fit remarquer Loyd.

 — Oui…, se contenta de répondre la demi-dragonne.

Le sujet de Lorian fit alors remonter une question dans l’esprit d’Elwyn.

Je me demandais, comment se fait-il qu’il soit prince et que Sylaria soit une princesse du même royaume, sans pour autant être frère et sœur ?

Tient… c’est vrai ça… Comment ça se fait ? se demanda à son tour Loyd.

Il y a bien longtemps, le roi d’Hercor eut de parfait jumeaux et ne voulut donc pas décider d’un héritier unique. Ainsi, ils sont tous deux devenus rois, chacun créant sa propre lignée, rendant le royaume dyarchique, répondit Ezekiel.

Pourquoi un tel changement pour juste des jumeaux ? demanda Loyd.

— Car, s’ils étaient parfaitement identiques, il aurait été très probable de les confondre. Comment mettre un roi sur le trône alors qu'il pourrait être confondu avec son frère ? Cela aurait causé trop de problèmes entre eux et aurait pu mal se terminer. Sans parler des quiproquos qu’ils pourraient avoir avec les nobles et autres individus d'autorité, croyant parler au roi ou à son frère, répondit Ezekiel.

Arimélia acquiesça à la réponse du professeur.

Dit comme ça… c’est plutôt logique. Mais ça reste un gros changement pour pas grand-chose.

Après quelques minutes de marche, ils s’arrêtèrent finalement au centre d’une clairière isolée.

Professeur, qu’avez-vous prévu pour le cours ? demanda Elwyn.

Loyd et toi allez-vous affronter, avec et sans vos pouvoirs, pendant que je m’occuperais d’Arimélia ailleurs.

La demi-dragonne prit cette déclaration pour elle comme une sorte de reproche.

“Je suis trop différente des autres… je dois donc être isolée pour que l’on puisse s’occuper de moi…”

Le professeur Ezekiel alla ensuite sous son long manteau noir et en sortit deux sortes de bracelets de menottes ouverts, en métal poli, et en tendit un à chacun des néphilims.

C’est quoi ? demanda Loyd.

Ce sont des bracelets de restriction. Une fois mis en place, ils empêchent les manipulateurs et utilisateurs d'éther de pouvoir y recourir.

Elwyn examina attentivement son bracelet et remarqua une gravure magique au deux caractéristiques distinctes. Tout d'abord, il observa que la gravure était divisée en deux, au niveau de l'attache, ce qui impliquait que lorsque le bracelet était fermé, le sort devenait fonctionnel. Ensuite, il constata que la gravure était différente de celles qu'il avait rencontrées auparavant.

En règle générale, on réalise une gravure magique en projetant de l’éther sous pression pour former un cercle complet qui attire l’éther vers lui. À l’intérieur de ce cercle, un sort est inscrit en suivant son tracé. Pour les bracelets de restriction, la légère séparation du cercle en deux au niveau de la fermeture indique que l’éther est repoussé et chaque moitié du cercle contient un sort distinct. Le premier, à l’intérieur, désorganise l’éther interne, tandis que le second, à l’extérieur, repousse l’éther autour de l’objet.

"Vu le temps que les Entités ont passé parmi les Ilnoliens, il est normal que ces derniers aient trouvé des moyens de restriction adaptés à nous... Combien de demi-Entités ont causé du tort avec leurs pouvoirs ? Combien de victimes ? Après, vu ses effets, cet objet devrait aussi fonctionner contre les magiciens..."

C’est pas un peu exagérer d’utiliser c’genre de truc pour un entraînement ? demanda Loyd.

Hum ! Quelle belle preuve de naïveté de ta part. Cet objet vous forcera à retenir vos coups et à esquiver sans avoir recours à votre déplacement extraplanaire. Car, si tu l’ignores encore, il existe des lieux où il est impossible d'user de vos pouvoirs ou de l'éther. Apprenez donc à vous battre comme tout le monde, si vous voulez éviter de mauvaises surprises plus tard, répondit Ezekiel, avec une légère condescendance.

Le regard de Loyd se durcit devant le ton et les propos que tenait le professeur Ezekiel, mais il ne tenta rien à son encontre. Il savait que ça ne servirait à rien contre lui.

Voulant tester les capacités de l’objet, Elwyn mit alors le bracelet à son poignet gauche et le ferma.

Soudainement, il sentit son corps s’alourdir d’un coup, comme s'il devait utiliser plus d'énergie pour le moindre mouvement. Il remarqua aussi que son flux d’énergie interne ne circulait plus et qu’il était incapable de le modifier pour renforcer son corps. Quant à l’utilisation de l’éther, il tenta de faire léviter un petit morceau de bois au sol, mais sans le moindre résultat. L’éther environnant ne venait pas à lui.

C’est vraiment impressionnant comme objet. Je crois vraiment qu’avec ça, il est possible devenir plus fort. Enfin, si Loyd ne me tue pas entre temps.

Tu te sent comment avec cet objet ? demanda ce dernier.

Lourd et lent... J’ai l’impression de porter un poids répartit sur l’ensemble de mon corps.

Loyd mit alors son bracelet et constata la même sensation, ignorant que son ressenti était moins intense que celui d'Elwyn. En effet, ce dernier bénéficie habituellement d'un avantage passif de bien-être et de légèreté grâce au Domaine de la Vie.

— Bien, maintenant que vous avez compris les effets de vos bracelets, commencez par vous affronter une heure sans, puis vous les remettrez pour la deuxième heure, expliqua Ezekiel avant de faire un signe de tête à Arimélia pour qu’elle le suive, laissant ainsi les deux néphilims seuls.

Elwyn et Loyd ôtèrent alors leurs bracelets et les déposèrent sur le sol, se faisant face. Loyd fit apparaître deux épées courtes d’entraînement et en lança une à Elwyn. Ils adoptèrent ensuite tous deux une posture de combat avant de s’élancer l’un contre l’autre.

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Pendant ce temps-là, le professeur Ezekiel et Arimélia accélérèrent le mouvement et quittèrent la forêt pour se retrouver dans une plaine, non loin d'une zone rocheuse. La demi-dragonne observa les alentours et remarqua une pile d'épées d'entraînement préalablement entassées devant un rocher.

Bien, ici nous serons tranquilles. Alors, comme il semble que tu aies du mal à contrôler ta force, nous allons passer une heure à nous affronter à l'épée, avec comme objectif de ne pas détruire les lames. Pour la seconde heure, tu prendras ta forme draconique, et nous nous affronterons à nouveau pour que tu puisses maîtriser cette transformation, expliqua Ezekiel.

Mais… professeur, je risque de vous blesser gravement si je me transforme, rétorqua Arimélia avec appréhension.

Arrête de geindre, gamine. Tu es à des siècles de pouvoir me faire quoi que ce soit de grave. Je suis chargé de m'occuper des individus hors-norme et potentiellement dangereux. Ne crois donc pas un seul instant que tu me fasses peur, surtout avec ton attitude aussi renfermée et peu sûre de toi, répondit sèchement le professeur.

Très bien…, capitula la demi-dragonne, la boule au ventre.

Le professeur Ezekiel alla chercher deux épées d'entraînement et en donna une à la demi-dragonne, qui la prit mollement.

Un peu de nerf, gamine ! Si tu veux être respectée, il va falloir faire un sacré travail sur toi-même. Allez, mets-toi en garde, gronda Ezekiel, exaspéré par le comportement d'Arimélia.

La demi-dragonne obéit à l'injonction par peur et se mit en garde face au professeur.

Bien. Je vais initier le combat, alors prépare-toi. Et n'oublie pas, évite de détruire les lames, réexpliqua le professeur, avant de lancer son offensive.

Arimélia para l’assaut d’un simple coup de sa lame, mais ébrécha les deux armes sous la force d’impact. Ezekiel lança une autre offensive de coups légers, que la demi-dragonne para ou dévia. Cependant, à chaque impacte, les lames commencèrent doucement à se transformer en dents de scie, témoignant de la force qu’elle imprimait dans ses mouvements.

Vas-y doucement avec tes parades, respire et observe bien mes mouvements. N’aie pas peur de ma lame, elle n’est pas dangereuse, expliqua le professeur pendant l’échange de coups.

Arimélia, anxieuse, allégea sa prise sur son épée, suivant les conseils du professeur, ce qui entraîna un désarmement presque immédiat.

Trop léger. Tiens ton arme plus fermement quand même et pense aussi à contre-attaquer.

Oui…, répondit Arimélia d’une voix faible.

Le regard du professeur s’intensifia.

Tu as peur, n’est-ce pas ?

Oui…

Tu crains de me blesser si tu contre-attaques ?

Oui…

Ezekiel décida alors de remonter la manche de son bras gauche, puis posa sa lame ébréchée sur son avant-bras exposé.

Regarde bien, ordonna-t-il.

Arimélia fixa le bras pâle du professeur, qui fut profondément entaillé par la lame dentelée. La terreur s’empara d’elle alors qu’une gerbe de sang jaillit de la blessure, après qu’Ezekiel eut retiré sa lame.

Professeur ! s’exclama Arimélia, effrayée.

Ça va aller, ne t’en fais pas, répondit Ezekiel calmement, tandis que sa blessure auto-infligée se referma en quelques secondes, sans laisser de cicatrice ou de trace de sang.

La stupéfaction et l’étonnement prirent le dessus chez la demi-dragonne.

Tu vois, tu ne peux pas me blesser facilement. Mets y donc un peu plus du tien maintenant. Si tu veux t’améliorer, arrête d’avoir peur inutilement, ajouta-t-il.

D’accord…, répondit-elle, toujours abasourdie par ce qui venait de se passer.

Ezekiel prit alors l’épée d’Arimélia et déposa les deux armes non loin du tas d’épée, dont il en prit deux nouvelles en remplacement.

Aller, on reprend.

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Au même moment, dans la clairière, les deux néphilims continuèrent d’échanger des assauts sans ménagement. Cependant, c’était Loyd qui menait la danse et Elwyn ne pouvait que subir, même s’il avait l’avantage de pouvoir faire des déplacement extraplanaire plus rapidement que son adversaire et ainsi le surprendre de temps à autre.

Alors, tu as pu avoir ce que tu voulais ? demanda Loyd entre deux échanges de coup.

C’est-à-dire ?

Tu as pris ton temps pour venir manger, alors je suppose que c’était pour demander quelque chose au professeure Sylvia.

Ah, c’était donc de ça que tu parlais. Oui, j’ai eu des informations, répondit-il avec en enchainement de plusieurs coups perforant diriger vers la poitrine de son adversaire.

Alors, tu as appris quoi ? demanda-t-il, tout en déviant chacun des coups sans la moindre difficulté et avec le moins de mouvements possible.

Mon père était le descendant d’un Héros humain de la deuxième génération, donc je n’ai pas hérité de son pouvoir, et que de son vivant, il était le Gardien le plus puissant.

Sur le coup, Loyd fut décontenancer par cette révélation inattendue, mais s’en remis rapidement après avoir constaté que cela n’avait pas de valeur pour leur objectif.

Les deux néphilims firent alors une pause pour continuer leur discussion.

Tu sais, les néphilims ont une croissance et développement de puissance équivalant à celui d’un descendant de Héros de deuxième génération. La seule différence que nous avons avec ton père, avant qu’il ne devienne un Gardien, c’est que nous ne pouvons pas utiliser la magie.

Tu veux dire qu’ensemble, nous pouvons avoir une force équivalant à la sienne avant sa mort ?

Pas vraiment, la force de deux personnes ne s’additionne pas bêtement. Chacun a ses aptitudes physiques propres et son style de combat, mais si nous arrivons à nous coordonner et à comprendre ce que l’autre veut faire durant un combat, alors nous pouvons être bien plus dangereux que lui.

Du deux contre un, ce n’est pas considéré comme de la triche dans ton Domaine ?

Si c’est un duel réglementaire, c’est que la personne seule est d’accord avec cette situation. Lors de ses duels, Asagar s’est toujours rabaisser au même niveaux de puissance que son adversaire, même s’il s’agit de plusieurs individus.

En même temps, s’il se battait en permanence à pleine puissance, la guerre ou le moindre combat n’aurait plus aucun sens avec lui sur le champ de bataille.

Sur le champs de bataille, il renforce l’armée dont il a la charge avec son aura, donne la stratégie à suivre et veille à ce que les règles soient bien appliquées par tous les camps. Il ne se bat que contre des adversaires ayant un vrai potentiel en tant que guerrier, pour son propre plaisir, avec un accord en cas de défaite de sa part.

Je vois. Il n’est donc pas uniquement un guerrier, il est un chef de guerre, un stratège et un arbitre… Ça promet.

Suite à cette conclusion, les deux néphilims reprirent leur combat avec plus d’ardeur, histoire de compenser la courte pause venant d’être prise.

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Pendant ce temps, à l’académie, l’entraînement des premières années se poursuivait sans accroc.

Le professeur Aldric marquait le rythme de la course autour de l’arène, prodiguant encouragements et motivations aux moins athlétiques, tout en réprimandant ceux qui traînaient délibérément la patte.

De son côté, le professeur Luth était très actif. Il montrait l’exemple pour chaque exercice de musculation avant de corriger les postures des étudiants.

Enfin, l’exercice dirigé par la professeure Sylvia se déroulait à merveille, du moins pour elle. Les étudiants devaient esquiver des salves de sphères d’eau tombant du ciel à vitesses variables et à la fin de l’exercice, la professeure séchait ses étudiants pour éviter qu’ils ne tombent malades.

C’est donc dans cet environnement que la princesse Sylaria fut laissée par ses camarades pour leur cours spécial. Ses capacités physiques étant un peu plus basses que la moyenne, elle eut du mal à garder le rythme de chaque exercice, mais finit quand même par survivre au cours, monnayant des courbatures pour le reste de la journée.

Contrairement à elle, le prince Lorian avait un handicap suite à son combat. Chaque action et chaque mouvement étaient une souffrance pour lui. Sa poitrine était marquée d’un gros hématome là où il avait reçu de plein fouet le coup d’Elwyn, rendant sa respiration difficile. Cependant, même affaibli, il faisait en sorte de tenir bon. Il voulait réussir. Il refusait de perdre à nouveau. C’était inenvisageable pour lui et pour tous les efforts qu’il avait fait depuis qu’il était enfant.

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