Il fallut presque une semaine à Tanwen pour enfin atteindre Dérios. Elle avait dû être prudente, car elle se doutait que des éclaireurs Spyriens arpentaient la campagne. De plus, sans monture, elle représentait une cible facile si bien qu’elle prit l’habitude de se camoufler à chaque fois sur le bas-côté dès qu’elle entendait le bruit des sabots. Elle n’avait pas croisé l’armée de Dérios en chemin, si ce n’est quelques cavaliers qui n’avaient pas voulu la prendre avec eux. À force de remonter vers le nord et de s'approcher de la capitale, les routes devinrent de plus en plus fréquentées. Principalement par des familles de villageois qui fuyaient le sud et l'avancée des Spyriens.
Elle donna tout ce qu’il lui restait comme monnaie pour payer la traversée du lac et trépignait d’impatience au fur et à mesure que la barque s’avançait doucement vers la cité. Tanwen se demanda dans quel état elle allait retrouver sa ville, qu’était-il advenu de Finn, des Brûlés ou de Lucio ? Même l’orphelinat lui manquait et elle se promit d’y faire un tour.
Lorsque la barque la déposa enfin sur les quais de la ville, elle fut soulagée de voir que la cité grouillait de vie. Les affres de la guerre ne s’y faisaient pas sentir, le port continuait de recevoir marchandises et épices de tout le continent et les établissements des marchands ou des taverniers tournaient à plein régime. Tanwen aperçut même un jongleur ambulant animer les rues et recevoir quelques piécettes pour sa pitance du soir. Mais cette joie insouciante n’était vraie qu’en apparence, car les regards circonspects et les mines inquiètes n’étaient jamais bien loin. De plus, la tension était palpable et beaucoup d’habitants semblaient à cran, pressés dans leurs gestes comme dans leurs paroles et à l’affût de tout nouveau messager arrivant dans la cité.
Tanwen se faufila au travers des ruelles de la cité pour parvenir jusqu’à la caserne des Brûlés. Alors qu'elle en franchit le seuil avec hâte, elle la trouva entièrement vide. Aucune trace ni de Minos ni de Lux. Elle espérait d’ailleurs que cette dernière avait réussi à regagner Dérios après leur évasion rocambolesque durant Novi-Fyr. Elle questionna quelques soldats chargés de garder l’endroit et apprit qu’ils étaient partis rejoindre l’armée de Balwin. Une grande bataille avait éclaté contre les Spyriens aux environs d’Ephis. Apparemment, la situation n’était pas très bonne, car la reine elle-même avait quitté la cité pour se rendre sur place.
Les gardes furent plutôt compréhensifs et lui expliquèrent les derniers événements qui s’étaient déroulés. Ils autorisèrent même Tanwen à loger à la caserne dans son ancienne chambre. Mais cela n’arrangeait pas ses affaires, car elle n’avait aucune idée de quoi faire en leur absence. Elle avait bien envie de leur prêter main forte dans les combats, mais elle venait tout juste d’échapper aux griffes des Spyriens, ce n’était pas pour s’y rejeter tête la première. Et une personne à elle seule n’allait pas changer le cours de la guerre. Non, Tanwen s’interrogea plutôt sur qui dirigeait la cité en l’absence de la reine et qu’était-il advenu de Lucio ou d’Ignace. Mais n’ayant pas la force d’enquêter dès ce soir, elle décida de passer la nuit à la caserne et de commencer ses recherches le lendemain matin.
Le soleil était encore bas lorsqu’elle se mit à déambuler dans les rues de la cité. Elle ne savait pas exactement quoi chercher, mais espérait tomber sur quelque chose ou quelqu’un en lien avec sa quête. Tanwen commença évidemment par le quartier des Tisserands. Elle se rendit jusqu’à la maison en ruine qui leur servait d’habitat à Finn et elle. L’endroit n’avait pas été visité depuis un moment et la poussière s’accumulait à l’étage. Elle fut attristée de voir que les quelques affaires qu’ils avaient entreposées avaient été saccagées. Le mobilier était retourné dans tous les sens et une multitude de vêtements, papiers et d’ustensiles divers jonchaient le sol. Visiblement, des Kléptars à leur recherche avaient dû finir par trouver leur planque.
Mais ce qui lui fendit le cœur fut l'orphelinat. Alors qu'elle avait décidé de rendre visite à tante Marta, elle trouva la bâtisse en ruine sans aucun signe de la vieille femme ni des enfants. Il ne restait rien d'autre que des débris et quelques peluches et bouts de tissus qui dépassaient par endroit des gravats. Cette vision lui provoqua une tristesse immense, mais également une rage incommensurable. Depuis la vingtaine d'années qu'elle avait vécues à Dérios, jamais l’on n’avait osé s'en prendre à l'orphelinat. L'endroit était connu et respecté de tous comme une zone neutre et inviolable. Tanwen ne connaissait qu'une seule personne qui se serait permis de bafouer cette règle tacite en s’en prenant à ce lieu.
— Lucio ! Vociféra-t-elle.
Elle se remit en route bien plus déterminée que jamais à enfin mettre la main sur cette vermine. Après plusieurs heures à arpenter les ruelles en se faisant la plus discrète possible, elle finit par apercevoir un visage qu’elle détestait. Quelques mètres plus loin, devant la porte d'un entrepôt, Boris était en pleine discussion avec des Kléptars. Que faisait-il dehors ? Lors de son départ, il croupissait encore en prison où il y subissait les interrogatoires musclés de Minos et Balwin. Tanwen se cacha en vitesse derrière l’étal d’une échoppe pour observer la scène. L’un des hommes avec lesquels il parlait portait une longue toge rouge ainsi que des colliers d’ambre. Nul doute, il s’agissait d’un Adorateur du Brasier. Boris ne semblait pas spécialement satisfait d’être à ses côtés, mais il l’écoutait sans broncher. Tanwen allait essayer de se rapprocher pour entendre leur conversation lorsqu’elle sentit une main se poser sur son épaule.
— Pas maintenant.
Elle se retourna brusquement et aperçut Finn qui se tenait juste derrière elle. Il réussit à lui couvrir la bouche de justesse avant que Tanwen ne crie son nom. Elle aurait voulu le prendre dans ses bras, mais Finn se contenta de lui faire un brief sourire avant de se reconcentrer sur les Kléptars. Ces derniers parlèrent encore quelques minutes avant de s’en aller. Finn lui fit alors signe de le suivre et se dirigea vers l’entrepôt. Il le contourna et s’arrêta contre le mur. Il y avait une petite ouverture en hauteur. Un homme adulte aurait du mal à y passer à moins qu’il ne soit du même gabarit que Finn.
— Fait-moi monter, dit-il. Je t’ouvrirai depuis l’intérieur.
Tanwen ne put s’empêcher de sourire, elle avait l’impression d’être revenue à l’époque où ils enchaînaient les coups fourrés tous les deux. Elle l’aida à monter et Finn apparut devant la porte de l’entrepôt quelques secondes plus tard.
— Il faut que tu viennes voir ça, lui dit-il.
— Qu’est-ce que tu cherches ? Si c’est aussi un médaillon, ça m’étonnerait que les Kléptars le cachent dans un entrepôt en plein centre-ville.
Finn ne répondit pas et Tanwen se contenta de le suivre jusqu’à un pilier qui se trouvait au centre du bâtiment. Dessus, elle vit un signe étrange qui avait été comme marqué au fer rouge directement sur le bois. Un arc de cercle horizontal surmonté d’un cercle et de trois traits ondulés.
— Qu’est-ce que c’est que ça ? Demanda Tanwen qui n’arrivait pas à détacher ses yeux du symbole ésotérique.
— Je l’ignore, ces signes ont commencé à apparaître un peu partout dans la cité dernièrement. Mais c’est la première fois que je vois les Kléptars y prendre part directement.
— Ils étaient avec un Adorateur ! S’exclama-t-elle. C’est forcément lié à Ignace. Il faut en avertir les prêtresses, je suis certaine qu’ils sauront trouver un moyen de joindre les Brûlés.
Tanwen réfléchissait à mille à l’heure et commença à faire les cent pas à l’intérieur de l’entrepôt. Elle imaginait déjà pleins de scénarios possibles sur la suite des événements lorsque la voix de Finn l’arrêta.
— Si c’est vraiment ce que tu veux, je te suivrai, mais ne trouves-tu pas que tout cela va trop loin.
— Que veux-tu dire ?
— Un prêtre pyromane, une puissante organisation de bandits et maintenant une guerre contre l’une des plus fortes armées du continent. Ne trouves-tu pas que cela commence à faire beaucoup ?
— Et alors, tu comptes le laisser gagner ? Demanda-t-elle. Je comprendrais, tu n’as pas rejoint l’Ordre après tout.
— Ce n’est pas ça, dit-il. Mais pourquoi aller jusqu’à risquer ta vie pour sauver une cité qui n’en a jamais rien eu à faire de nous ? Regarde où nous avons grandi et où nous en sommes aujourd’hui. Qu’est-ce que cette ville nous a donné exactement ? Absolument rien.
— Tu as vu l'orphelinat ?
Un voile de tristesse passa dans les yeux de Finn.
— Oui, soupira-t-il. C'est arrivé il y a trois jours. Depuis que la reine est partie à Éphis pour stopper les Spyriens, les Kléptars font de nouveau la loi en ville. Ils ont même libéré plusieurs des leurs, qui étaient retenus prisonniers.
C'est donc pour cela que Boris était dehors. Elle n'aurait pas dû écouter Minos et le tuer lorsqu'elle en avait l'occasion. Pensa-t-elle.
— Est-ce que tu trouves cela juste ? ! S'emporta Tanwen. Ces gosses n'ont même pas eu l'occasion de vivre ! Temps que cette raclure vivra, rien ne changera et les habitants continueront de vivre dans la peur.
— Ce sont les Brûlés qui ont mis en toi ce caractère aussi noble ? Le fais-tu vraiment pour les habitants de Dérios ou bien souhaites-tu encore venger la mort de Kléo ?
Tanwen ne répondit pas, se contentant de fixer Fin droit dans les yeux.
— Franchement, je préférais lorsque les choses étaient comme avant, continua-t-il. Quand on n’avait à se soucier que de vivre au jour le jour. On aurait pu tout recommencer dans une autre ville, tu sais ? Loin de Lucio et de ses sbires.
— Non. Lucio doit mourir. Je ne saurais vivre loin d’ici en sachant cette ordure en vie.
Finn soupira avant d’acquiescer.
— Soit. Allons donc au temple, les prêtresses sauront nous renseigner et je suis certain qu’Elinora sera ravie de me revoir...
Ah on retrouve Tanwen. Tout était déjà prévu en amont apparemment vu que les kléptars et les adorateurs du brasier sont déjà dehors à tout saccager... le pauvre orphelinat..
Dérios est fini.
Content de tout de même retrouver Finn. Le duo reformer.
Un peu peur pour les adoratrices de Pyrel du coup maintenant.
Quelques retours de forme :
Il y a deux fois où tu mets Fin au lieu de Finn.
"Elle donna tout ce qu’elle lui restait comme monnaie pour payer la traversée du lac et trépignait d’impatience au fur" -- "qu'il lui restait"
"Mais pourquoi aller jusqu’à risquer ta vie pour sauver une cité qui n’en a jamais rien eu faire de nous " -- "rien eu à faire de nous"
"C'est donc pour cela que Boris était dehors, elle n'aurait pas dû écouter Minos et le tuer lorsqu'elle en avait l'occasion. Pensa-t-elle" -- je crois que c'est un pensée interne mais la phrase est comme si elle parlait de quelqu'un d'autre.
A la suite :)
Quand le chat n'est pas là, les souris dansent. Comme ils savent que Théa est partie en Brysie, ils profitent de l'absence de la couronne pour se montrer moins prudents.
Merci pour tes corrections, je modifie ça ^^