Sur ce mur était dessiné un damier noir et blanc dont les carreaux se rétrécissaient quand ils se dirigeaient vers le centre. Evannah l’examina, s’attendant à un piège. Elle vit un couloir qui se prolongeait à l’infini dans ce tableau. Elle s’approcha avec prudence et regarda derrière. Il n’y avait rien, mais au dos étaient peints les mêmes motifs. Elle fit le tour pour se retrouver devant.
– Qui a bien pu faire ça ? se demanda-t-elle à haute voix.
– Aucune idée, mais c’est très inquiétant, répondit Lyzel, tout aussi troublée.
Evannah toucha la surface… et sa main traversa le dessin. Elle recula en poussant un hoquet de surprise. Ce n’était pas un mur, mais un couloir ! Elle avança timidement son pied qui se posa sur le damier.
– N’y va pas ! cria Lyzel en se précipitant vers elle.
Evannah se retira comme si elle s’était brûlée. Elle observa cette nouvelle pièce, mais ses yeux ne supportèrent pas les motifs agressifs.
– Je n’avais pas l’intention d’y entrer, dit-elle. Mais je me demande ce qu’il y a au bout. C’est peut-être quelqu’un qui l’a créé avec ses Nebulas pour se réfugier.
– Autant ne rien savoir, on risque sans doute de ne plus en ressortir.
Evannah fit demi-tour. Elle se dirigea vers l’escalier et retint son pied. Les marches se prolongeaient en colimaçon et à l’infini. Le cœur d’Evannah pulsa à une vitesse folle. Lyzel n’eut pas besoin de s’approcher pour comprendre la situation. Quelqu’un désirait vraiment les piéger.
Un grognement féroce surgit dans la pièce. Lyzel et Evannah se tournèrent d’un bond vers le couloir. Un molosse venait d’apparaître et s’avançait vers eux. Les boules lumineuses éclairèrent son corps un court instant avant de se replier derrière la damorial. La bête était couverte d’écailles vert foncé, aussi lisses que celles d’un serpent. Ses yeux entièrement noirs fixaient les deux prisonnières et ses longs crocs suintants de bave les menaçaient de les dévorer. Evannah se tourna vers les escaliers, mais d’autres monstres grimpaient les marches en aboyant. Terrorisée, elle se précipita vers Lyzel qui défiait le molosse du regard. Du mur quadrillé sortit la suite de la meute qui se plaça sur la même ligne que le premier.
Sans plus attendre, la damorial tendit la paume de sa main. Un faisceau de lumière en jaillit et forma une barrière de piques de cristal devant les chiens illusionnistes. Lyzel prit le bras de son amie et courut vers la fenêtre sous laquelle se trouvait Foudre Bleue. Le lépokyr bondit plusieurs fois jusqu’à leur hauteur tout en leur ordonnant de monter sur son dos. Les deux filles sautèrent et agrippèrent les poils à porter de mains. La chute de Foudre Bleue fut si brutale que les os d’Evannah s’entrechoquèrent. Les lumières sur son chemin, le lapin fila comme si Iuka le chevauchait, ce qui était un problème pour une damorial et une humaine. Evannah jeta un coup d’œil derrière elle et aperçut la meute surgir de la fenêtre comme une cascade de serpents. Le cœur secoué par l’effroi et la course, la jeune fille sentit ses jambes planer. Impossible de les rabattre sur les flancs. Lyzel s’agrippait si fort à sa taille qu’elle manquait d’air.
Au moment où elle était sur le point de lâcher les poils du lapin, celui-ci se cabra en criant. Lyzel emporta Evannah dans sa chute. Prise de nausée, l’humaine se releva en s’appuyant sur le lépokyr à cause de ses membres endoloris. Devant elle se tenait Iuka qui riait de leur mésaventure. Quand elle vit la meute arriver, sa joie s’intensifia et elle monta sur Foudre Bleue.
– Restez à l’arrière, ordonna-t-elle, sauf si vous pouvez servir à quelque chose !
Lyzel se redressa avec autant de difficulté qu’Evannah. Malgré tout, elle était décidée à suivre la moadrin. Elle enjoignit à son amie de chercher Saphir pour repousser l’attaque. La jeune humaine obéit et courut dans la ville, accompagnée des lumières.
Dans sa détresse, elle bouscula des réfugiés qui l’insultèrent. Les cris et les grognements des molosses la poursuivirent. Elle les observa au-dessus de son épaule. En plus d’être rapides, les monstres sautaient avec légèreté sur les toits des maisons. Un chien atterrit sur son chemin, les dents découvertes. Evannah s’arrêta brusquement et recula sans le quitter des yeux. La bête prenait un malin plaisir à l’effrayer et l’entraînait dans une ruelle. À chaque tentative de fuite, ses crocs claquèrent avec agressivité. Son regard vira au jaune un court instant. Evannah cessa de bouger et appréhenda un mauvais coup, mais le molosse resta immobile, toujours grognant. Soudain, il se rua sur la jeune fille qui fit un pas en arrière… et tomba dans un escalier.
Evannah roula jusqu’à glisser sur le bord, les deux pieds dans le vide. Elle remonta, malgré ses muscles meurtris par la chute. Tout en reprenant son souffle, elle examina les marches d’en bas. Elles ne formaient qu’un carré. Evannah constata avec désespoir que celles du haut les imitaient. Il lui fallut plusieurs secondes pour calmer ses tremblements et mettre ses idées au clair.
Evannah connaissait ce genre d’illusion. Elle en avait visionné des semblables dans un film. S’échapper était une autre affaire, mais si elle était tombée, il devait forcément y avoir une fin. Elle gravit l’escalier, mais dut faire plusieurs pauses à cause de ses jambes douloureuses. Elle réalisa bien vite qu’elle tournait en rond et leva de nouveau les yeux. La sortie était toujours là, ce seul point qui conservait un peu de courage en elle dans son âme désespérée.
L’unique solution qui lui permettait de quitter cette illusion était ses Nebulas. Elle les avait déjà sollicitées dans un moment de panique comme celui-ci, mais elle ignorait comment elle avait réussi à se téléporter. Evannah se concentra pour repérer le parc où se situait l’âne mécanique. Ou alors, la maison de Meïlaa. Saphir s’y trouvait peut-être encore. Et elle devait absolument le rejoindre si elle désirait sauver les damorials et Lyzel. Et que devait faire celle-ci en cet instant ? N’avait-elle pas trop de difficultés à repousser les chiens ?
Bordel ! Concentre-toi !
Le parc. Cet endroit qu’elle pouvait repérer sans mal grâce à sa flore foisonnante. Elle s’imprégna de la sensation de bois et d’herbes des végétaux. Evannah sentit une tempête brûlante se lever en elle. Pour une fois, elle était rassurée de retrouver cette sensation. Mais l’idée de découvrir des monstres dans la cour l’angoissait. Elle repensa à celui qui l’avait piégée et ce qui l’attendait dans cette ruelle.
Evannah fut submergée par un vent froid. Elle ouvrit les yeux et réalisa qu’elle se tenait derrière le molosse. La bête montrait les crocs à deux damorials recroquevillés près de l’illusion. Tremblants de peur, ils avaient du mal à relever leurs ailes percées de morsures. D’ailleurs, beaucoup de réfugiés se faisaient attraper au vol. Prise de vertiges, Evannah courut dans la ville et s’arrêta quand elle aperçut Saphir.
Changé en loup, il se ruait sur des monstres qui fondirent sur lui en un bond léger. Malgré leur nombre, le guerrier les chassait comme de vulgaires guêpes. Ses ennemis gémirent sous ses puissants coups de patte qui tailladaient leur peau écailleuse. Tels des poignards, ses crocs broyaient et transperçaient leur corps. D’un coup de gueule, Saphir jeta les vaincus qui n’étaient que des cadavres de lapin. Mais les restants ne se replièrent pas et foncèrent vers leur propre mort.
Après sa victoire, le yotora se tourna vers Evannah, le pelage souillé de sang noir.
– Saphir ! Lyzel et Iuka ont besoin de vous ! l’informa la jeune fille, haletante et un peu plus rassurée.
– Je le sais. Je nettoyais la ville avant ton arrivée.
– Où est le Marionnettiste ?
– Aucune idée. Il était parti rendre visite à Ééda, tout à l’heure. J’espère qu’il est à l’abri. D’ailleurs, tu devrais faire de même.
– Je pourrais faire quelque chose !
– Non, tu ne peux rien faire. Va te mettre en sécurité.
Evannah n’insista pas. Elle n’avait pas besoin de la réponse de Saphir pour confirmer son inutilité. Elle regarda le yotora s’engouffrer dans les ténèbres de la ville puis se dirigea vers la maison de Meïlaa. La guérisseuse l’invita à rentrer vite et l’installa sur le lit. Dehors, des cris et des grognements faisaient rage. À vrai dire, plus rien ne l’inquiétait maintenant. Elle savait que pour les guerriers, tuer des chiens sauvages était comme piétiner des fourmis.
Depuis qu’elle était sur Ibyulis, elle avait l’impression d’être un boulet. De sa vie, on ne lui avait jamais accordé autant d’aide. Elle était perturbée par ces parfaits inconnus qui avaient accepté de trouver une solution à son problème. Rien de tout cela n’était mauvais, mais elle se sentait comme un être fragile qui pouvait se briser au moindre choc. Evannah rêvait de se joindre au groupe pour protéger la ville. Elle admirait la puissance indestructible de Saphir, le caractère violent d’Iuka et le courage exemplaire de Lyzel. Depuis tout à l’heure, elle se tenait derrière les autres qui affrontaient ses propres problèmes. Elle se voyait semblable à ces demoiselles en détresse qu’elle haïssait tant dans les romans ou dans les films qu’on lui avait servis lorsqu’elle était enfant. Oui, c’était ce qu’elle était : une pauvre fille qui, pour se sortir du guêpier, dépendait des plus forts.
Même le Marionnettiste, qui ne cessait de geindre, se débrouillait mieux qu’elle. Fluvien et envahi par un tas d’objets, il avait sans doute déjà survécu à de nombreuses situations périlleuses au cours de ses voyages. Lui aussi l’avait sauvée. Et son imagination extraordinaire pouvait participer à la bataille qui grondait.
Evannah s’allongea et s’enfonça dans ses pensées moroses.
Iuka et Foudre Bleue fondaient sur la meute qui s’épaississait dans l’obscurité. Les jambes liées au flanc du lépokyr par des filaments, la moadrin agitait fièrement ses deux kasyars pour intimider ses ennemis. Mais les molosses ne se laissèrent pas impressionner et bondirent, la gueule prête à la démembrer.
Iuka trancha l’abdomen d’un premier chien qui était passé au-dessus d’elle et en décapita deux autres sur chaque côté. Foudre Bleue n’avait pas besoin d’ordres pour savoir ce qu’il devait faire. Liée à celle de sa sœur, sa Nebula de l’Empreinte pulsait comme ses veines et lui indiquait les décisions de sa maîtresse. Le lépokyr sauta et plongea dans cette mer d’écailles et de crocs, écrasant des monstres lors de sa chute. Libéré par les rapides coups d’Iuka, le sang coulait à flots et giclait sur son pelage.
- Dansons sur la lune ! rugit la moadrin.
La devise d’Adandris prononcée, le lapin bondit et zigzagua. Les gueules manquèrent leur prise. Iuka se détacha de son compagnon d'âme et atterrit sur le sol avec grâce. Les monstres se ruèrent sur elle, mais la guerrière tournoya sur elle-même et les têtes volèrent. Dans une mare de sang, évitant les crocs et les griffes, elle exécuta une chorégraphie assassine. Sa Nebula de l’Empreinte communiqua la joie de son frère et un vent chaud se leva dans son corps. Comme une feuille, elle se laissa porter par son euphorie. Ses lames chantaient et les cris du lépokyr les accompagnaient. Les quatre pattes de Foudre Bleue assommaient les monstres et sa folle course donnait l’illusion qu’elles quittaient le sol. Iuka remonta sur son dos et poursuivit le reste de la meute qui s’enfonçait dans la ville.
Sur leur chemin, des damorials tentaient de se débarrasser des molosses. Mais à quoi bon ? Ils n’étaient que des réfugiés, pas des guerriers. D’autres, plus sages, s’écartaient et s’abritaient. De fines lames de cristal transperçaient les cadavres de chiens. L’Enfant-Cristal avait fait le ménage dans quelques coins de la cité. Iuka ignorait où était Lyzel, mais elle ne se faisait pas de souci pour elle. Une damorial comme elle ne risquait rien face à des ennemis aussi faibles, même si elle n’était pas solide. En tout cas, ses boules lumineuses l’aidaient à se repérer et rassuraient Foudre Bleue qui détestait les ténèbres.
Elle pensa aux autres et eut un sourire en coin. Ils ne devaient pas faire grand-chose dans ces moments-là. Elle n’avait pas aperçu l’humain au chapeau depuis l’attaque. Sans doute se cachait-il. S’il avait décidé de se battre, il n’aurait fait qu’aggraver la situation. Tout l’effrayait. Il était mieux pour lui – et pour tout le monde – de se mettre à l’abri. Quant à la gamine, elle désirait se rendre utile en cherchant le yotora. Son comportement amusait Iuka qui avait peu d’estime pour les humaines. Selon les dires de son peuple, elles n’étaient que de piteuses pleurnichardes. La fillette devait se trouver dans une mauvaise passe. Depuis tout ce temps, un molosse l’avait sans doute croquée.
Ses pensées se tournèrent vers le yotora. Même si elle ne savait où il était, elle avait la sale impression qu’elle se battait avec lui. Cette idée la couvrait de souillures. Si elle s’était lancée dans la bataille, c’était pour se défouler, vivre à travers le sang de ses ennemis. Lui, il massacrait les molosses par bonne conscience. Le fléau de Maciurim avait écorché son ego et Iuka voyait bien qu’il essayait de se racheter par tous les moyens. En accompagnant la gamine dans sa quête, par exemple. Elle fronça les sourcils au souvenir de ses paroles. Les suivre dans Leïvron ? Elle y croyait sérieusement ? Et pourtant, oui. Comment se faisait-il qu’elle soit si stupide et naïve ? Une personne sensée n’aurait jamais pensé allier un moadrin et un yotora. Tout le monde connaissait leur haine réciproque et profonde. Elle devait retourner dans Adandris et avertir son peuple du danger. Ensemble, ils sauraient régler le problème. Et elle pourrait réparer ses erreurs, elle aussi.
Mais ici, elle était au milieu de nulle part et elle ne pouvait se rendre dans Adandris. Un portail vagabond pourrait s’ouvrir et elle n’aurait plus qu’à le traverser, mais le chemin serait trop long. De plus, discuter avec son peuple serait inutile. Il ne se souciait pas des problèmes des voisins. Les moadrins penseraient que Leïvron se débrouillerait très bien seul. Et là, il serait trop tard pour agir. On reprochait souvent à Iuka de s’occuper trop des autres mondes et cela la crispait. Sa mère, son modèle, l’avait beaucoup sermonnée sur son attitude. L’union des races leïvroniennes anéantirait Mosdrem et Adandris serait épargné du danger avant son arrivée.
Mais Ora ? Ora était piégé de ce mal. Il l’attendait et espérait sa libération. Le cœur d’Iuka se serra lorsqu’elle pensa aux êtres qui hurlaient et pleuraient comme s’ils brûlaient vifs. Ora était fort, mais il souffrait en ce moment même. Il souffrait depuis que Mosdrem l’avait englouti. Il ne voyait rien et était perdu. Iuka était prête à lui porter secours, mais seule ? Elle n’avait pas le choix et refusait de fuir devant un ennemi. Si elle revenait dans leur monde, Iuka ne pourrait plus entendre le nom d’Ora sans être remplie de honte et de chagrin.
Alors que ses pensées la harcelaient, l’euphorie de la bataille s’évapora. Foudre Bleue le sentit et cria, intrigué. Son hurlement l’avertit d’un danger. Iuka chassa ses réflexions et leva la tête. Un molosse tombait droit sur elle, la gueule ouverte. Son lépokyr l’esquiva de justesse et la moadrin transperça le monstre. Leur joie meurtrière ressuscita et extermina les derniers ennemis.
Son frère jubila et bondit dans tous les sens. Les damorials sortirent de leurs maisons et les acclamèrent. Le yotora les rejoignit. Sans doute pour être flatté. L’Enfant-Cristal surgit à son tour de la foule et la guérisseuse qui l’avait soignée l’enlaça et la submergea d'éloges. Iuka sauta du dos de Foudre Bleue qui était désormais calme.
Une vénérable damorial s’avança.
– Nous vous remercions pour ce que vous avez fait. Vous serez toujours les bienvenus.
– C’est normal, répondit le yotora avec un sourire. Nous n’allions pas laisser ces monstres vous déchiqueter. De plus, il y a des enfants, dans cette cité.
– Que faisaient ces bêtes ici ? demanda Lyzel. Je ne pensais pas croiser une si grande meute.
– Ces uxyares sont peut-être tombés ici par hasard, à cause de l’art des kirnels. D’habitude, ils sont amicaux, mais la faim les a rendus agressifs. Et comme nous sommes la seule chair comestible, ils étaient décidés à nous dévorer.
– J’espère que la meute entière a été décimée, dit la vieille damorial. Maintenant que vous vous êtes débarrassés du danger, vous devez vous reposer. Les bannis vous en sont très reconnaissants et vous doivent la vie. La nourriture sera gratuite pour vous !
C’était une maigre récompense, mais pour des réfugiés, elle était immense. Les combattants les remercièrent et allèrent s’installer dans le parc. Iuka n’avait pas tellement envie de rester avec le yotora, mais Foudre Bleue s’était pris d’amitié pour l’humaine et l’Enfant-Cristal.
Quelques damorials allèrent à leur rencontre. L’un d’eux apporta des paquets à Evannah. À l’odeur qu’ils dégageaient, le lépokyr s’excita. Il sauta vers les visiteurs et renifla chaque présent. Impressionnés, les plus jeunes reculèrent.
– Il ne mord pas, assura Iuka. Vous pouvez le toucher.
Une petite damorial tendit sa main vers Foudre Bleue qui se laissa faire. Comme ils étaient maintenant sûrs qu’ils ne risquaient rien, les autres enfants l’imitèrent. Son frère les huma un par un, une attitude qui, selon lui, permettait de détecter les intentions d’un inconnu.
Lyzel aida Evannah à porter les paquets. Malgré la générosité dont les exilés avaient fait preuve, l’expression de l’humaine était sombre. Elle déclara qu’elle ne voulait pas manger et s’éloigna dans l’ombre.
Bien qu’elle soit restée de longues minutes seule, Evannah avait encore besoin de s’isoler. L’ambiance festive l’agaçait et lui rappelait à quel point elle avait été misérable et ses amis merveilleux. C’en était trop. Elle désirait vraiment partir d’ici. Le feu de ses Nebulas se ranima. Elle tenta de se concentrer sur les paroles de Lyzel, mais ses pensées la renvoyèrent vers ses échecs. Elle s’arrêta lorsqu’elle vit le Marionnettiste, seul et assis sur les marches de sa machine. Il manipulait tristement une petite poupée.
– Vous… vous n’êtes pas non plus avec les autres, constata Evannah.
– Non, je n’ai pas le cœur à faire la fête.
Sans doute était-il rongé par les mêmes sentiments qu’elle. Lui aussi avait été absent pendant la bataille.
– Ééda est morte, déclara-t-il. Je n’ai pas pu la sauver.
La nouvelle lui fit l’effet d’une gifle. Evannah s’aperçut que la poupée était identique à l’enfant orange. Sa gorge et son cœur se serrèrent. Elle ne voulait pas pleurer devant lui, mais le Marionnettiste était si engouffré dans son mal qu’il ne vit pas ses joues humides. La jeune fille tourna les talons et tomba nez à nez avec Saphir.
Evannah sanglota dans le cou du yotora, pris au dépourvu. Il se ressaisit et l’emmena doucement dans un coin désert. Encore sous sa forme de loup depuis la bataille, il l’invita à s’asseoir et attendit que ses larmes tarissent. L’humaine inspira profondément et ne trouva rien à dire. Ses mauvaises pensées s’accumulèrent.
– Saphir, réussit-elle à dire entre deux hoquets, je veux partir d’ici.
– Moi aussi, déclara-t-il, la lumière du jour me manque.
Evannah désirait remonter à la surface, oui. Les grottes et leurs ténèbres devenaient oppressantes.
– J’ai… j’ai toujours eu l’impression que les choses auraient été mieux sans moi. Même là, on m’a prouvé encore une fois que je n’avais rien à faire dans cette situation.
Saphir sursauta, choqué.
– Non, c’est faux, la contredit-il. Evannah, tu n’avais rien à faire dans cette bataille, mais je sais que tu peux te battre. Tu as une arme que nous autres n’avons pas.
La jeune fille lui sourit, mais en réalité, elle ne croyait pas à ses paroles. Quand quelqu’un la consolait, il ne le pensait pas et finissait par oublier ce qu’il lui avait dit.
– Je n’aurais pas dû te mentir. À propos de Mosdrem, confessa Saphir.
– Je ne vous en veux pas. Je comprends que vous ayez peur de décevoir votre meute. Vous avez un gros problème sur la conscience.
– Oui. J’ai été idéalisé par mon tuteur, mes amis, ma meute. Depuis tout petit, on me destinait à de grandes choses. Une pression énorme est sur mes épaules à cause de mon rang. C’est étrange, mais il n’y a que dans des moments comme celui-ci que nous le remarquons.
– Vous êtes satisfait de votre place ?
– Evannah, j’adore ma place. Je fais partie des plus hauts gradés. Je suis respecté, mais je sens ma position menacée par ma faute.
– Mais ils devraient comprendre, non ? Vous avez fui pour rester en vie.
– J’ai mené une dimension à sa mort.
– Vous n’aviez pas eu le choix.
Saphir fixa la lumière des flammes qui ondulait sur l’âne mécanique.
– Et qu’est-ce que vous craignez ? demanda Evannah.
– Tout le monde craint de finir chez les Oméga, plus particulièrement les Souffre-Douleurs. Ce sont des criminels maltraités et soumis. Ils ne sont plus rien.
– Et je suppose que les meutes ont une solution s’ils pensent à fuir.
– Bien sûr. Ils ont un casque sur la tête et ne peuvent l’enlever. S’ils tentent quoi que ce soit, il rétrécit. Les fugitifs ont le crâne explosé. Mais quand un yotora commet un crime et peut défaire ce casque, il est envoyé à Uvrenel.
– Et comme ça, vous êtes un Adamantin ?
– Oui, je fais partie des Bêta. J’ai une place très prestigieuse, comme tu l’as compris.
– Je vois… et n’importe qui peut finir chez les Souffre-Douleurs. Même les Alpha ?
– Oui, même les Alpha.
Parler des châtiments ibyuliens rendait Saphir mal à l’aise. Consolée, elle tourna la conversation vers la bataille. Saphir lui raconta ses exploits sans exagération.
Ils discutèrent de longues heures de tout et de rien, sans s’étaler sur des sujets personnels. Ils mangèrent et, quand la fatigue se fit sentir, Evannah quitta le guerrier et alla dans l’atelier ambulant. Ses pensées fusèrent vers le funeste sort d’Ééda. Pauvre petite qui ne connaissait même pas son monde natal ! Le chagrin submergea de nouveau la jeune fille. Sous les draps, elle contrôlait avec peine ses Nebulas indomptables. Elles mouraient d’envie d’arriver à destination.
Mais belles scènes d’action quand même ! Ca provoque une rupture dans l’histoire, et ça permet de bien amener la décision d’Evannah de partir sans plus tarder.
J’avoue que j’ai un peu de mal à visualiser les escaliers carrés dans lesquels elle se retrouve piégée… Mais c’est très sympa de la voir apprendre à utiliser ses pouvoirs :)
Quelques erreurs repérées :
- « Autant ne rien savoir, on risque sans doute de ne plus y ressortir. » → « en ressortir »
- « à porter de mains » → « portée »
- « l’humaine se releva en s’appuyant sur lépokyr » → il manque un « le »
- « ses membres endolories » → « endoloris »
- « Et que devait faire celle-ci faire en cet instant ? » → un « faire » clandestin, je crois ;)
- « La sortie était toujours là, seul point qui conservait un peu de courage en elle dans son âme désespérée. » → je ne comprends pas très bien le sens de cette phrase…
- « et rassuraient Foudre Bleue qui détestaient les ténèbres » → « détestait »
- « Elle savait que pour eux, tuer des chiens sauvages était comme piétiner des fourmis. » → c’est qui, eux ? Les damorials ? Il faudrait le préciser, je pense, parce que tu ne le dis pas dans ton paragraphe ;)
- « Il ne souciait pas des problèmes des voisins » → « il ne se souciait pas »
- « Quand quelqu’un la consolait, il ne le pensait pas et finissait par oublier ce qu’il lui avait dit. » → est-ce qu’il ne faudrait pas ajouter un « elle » avant « finissait par oublier ce qu’il lui avait dit » ?
A part ça, la devise d’Adandris me plaît bien ;)
C'est dingue, même après des heures de correction, il y a toujours des trucs qui m'échappent. Merci d'avoir pris le temps de tout citer ^^