Le lendemain matin, alors que Sirius réfléchissait encore au moyen de soutirer des aveux à Rigas, l’on frappa à la porte. C’était Odric qui venait faire son rapport régulier, ce dernier n’ayant pas été mobilisé pour partir en mission. Sirius l’invita à rentrer et referma la porte derrière lui.
— Des hommes vous surveillent, j’en ai compté quatre dans les couloirs.
— Oui, je suis au courant. Des hommes de Laris ?
— Il semblerait, ce ne sont pas des gardes du Palais, en tout cas.
— Est-ce qu’ils t’ont vu entrer ?
— Je ne crois pas, mais il ne faut pas que je m’attarde.
Il sortit un rouleau de parchemin et le lui tendit.
— Votre père m’avait chargé de vous remettre ceci. Avec la préparation de l’expédition et les directives d’Atrius, je n’ai pas trouvé le temps de venir vous le donner plus tôt.
Son père ? Cela fit presque sourire Sirius. Même mort, il continuait à comploter. Il prit le parchemin en demandant :
— T’a-t-il dit quelque chose en te le confiant ?
— Simplement de ne jamais l’ouvrir et de vous le confier après sa mort. Ah si, il a aussi rajouté qu’il était désolé.
— Je vois, je te remercie, Odric.
Il le salua et quitta la pièce après avoir vérifié qu’aucun garde ne se trouvait dans le couloir. Sirius ne perdit pas un instant et fonça s’asseoir à une table avant d’entamer la lecture de la lettre :
Sirius, si tu lis ces lignes, c’est que je ne suis probablement plus de ce monde et que j’ai échoué. Je suis certain que cette vermine de Laris doit se réjouir en me sachant six pieds sous terre, mais je sais que tu trouveras un moyen de t’en sortir, même sans moi. J’ai confié cette lettre à Odric peu avant de mettre ce plan à exécution, car c’était le seul en qui j’avais suffisamment confiance pour ne pas l’ouvrir. Tu dois sûrement m’en vouloir, mais saches que si c’était à refaire, je ne changerai absolument rien.
Il y a de cela vingt-cinq années, après la guerre entre Spyr et Dérios, le roi Aurel Arderius a été renversé par une alliance des différents nobles de la cité. Je n’étais alors qu’un général parmi tant d’autres, combattant aux confins de l’empire et festoyant lors de mes retours à la capitale. C’est là que j’y ai rencontré ta véritable mère. C’était une esclave appartenant à un riche marchand de Stilla venu faire étape à Spyr. Elle était d’une beauté ravissante et bien des hommes la convoitaient, bien que son propriétaire ne souhaitait pour rien au monde s’en départir. Nous avons eu une relation durant quelques mois avant que sa caravane ne reparte vers le Sud. Je ne l’ai pas suivi, car je devais rester au service de Sa Majesté. À vrai dire, j’éprouvais un certain respect envers Aurel. Ne crois pas sa légende noire qui fut inventée de toute pièce durant les premiers temps de la République. Il avait bien des défauts, mais il gouvernait avant tout pour le bien de son peuple. L’ayant bien connu, car je fus l’un de ses plus proches conseillers, je dirais que c’était quelqu’un de passionné, prêt à tout pour accomplir ce qu’il jugeait juste. Cependant, il est vrai que c’était aussi un homme à femmes ayant eu de nombreuses aventures dans la cité. Comme tu le sais, peu après la guerre contre Dérios, certains nobles jugèrent ses politiques hasardeuses et critiquèrent les sacrifices et les taxes qu’il imposait à la noblesse. Ces mêmes nobles se liguèrent sous l’égide de ce perfide Laris et l’assassinèrent dans son sommeil. C’était une prise de pouvoir par la force, rien de plus. Et cette mascarade de République ne devait servir qu’à justifier son contrôle de la cité.
Peu après sa mort, l’on élimina tous ses potentiels héritiers afin de faire table rase du passé. J’ai alors fait ce qu’il fallait pour rester en vie en me ralliant à leur cause. Mes hommes traquèrent et exécutèrent la moindre personne suspectée d’avoir eu une quelconque relation avec l’ancien roi. C’est ainsi que le scénario que je voulais à tout prix éviter arriva. Laris eut vent d’une caravane abritant une jeune femme à la beauté sublime et à laquelle Aurel ne serait pas resté insensible. Il dépêcha une bande de mercenaires pour s’en débarrasser, les Coeursang de Kalar. Une des pires bandes de voyous vivant sur ce continent, réputés pour leur cruauté sans pareil, mais leur efficacité indéniable. Dès que j’ai appris la nouvelle, j’ai tout de suite pris une monture et galopé vers eux en espérant les avertir à temps. Malheureusement, je suis arrivé trop tard. La caravane avait été anéantie et il ne restait plus que des tentes saccagées et des cadavres mutilés. C’est dans l’une d’elles que j’ai trouvé ta mère. Elle était là, gisant sur le sol. Je n’oublierai jamais son visage si paisible perdu dans l’abîme. Même morte elle resplendissait de beauté. Alors que je laissais éclater ma rage et ma tristesse, je vis qu'elle serrait quelque chose contre elle. C’est en m’approchant que je t’aperçus. Tu n’étais alors qu’un nouveau-né emmailloté, et pourtant j’ai tout de suite compris qui était le père. Tu avais les mêmes yeux qu’Aurel, la même lueur de vivacité et de fourberie. Aveuglé par le désespoir, une pensée noire me traversa l’esprit, celle de mettre fin à ta courte vie ici et maintenant. Après tout, c’était à cause d’Aurel et de ses extravagances qu’elle avait connu un tel sort. J’ai levé mon glaive au-dessus de ta tête et c'est à ce moment-là que tu t’es mis à pleurer. Une barrière de flammes blanches s'est alors formée autour de toi et de ta mère comme pour vous protéger de ma lame. J'ai alors compris que tu étais spécial et que jamais je n'aurais le courage de passer à l'acte. Pour une raison que j'ignore encore aujourd'hui il semble que les dieux aient décidé de t'épargner ce jour-là.
Par la suite, je t’ai élevé comme mon propre fils en t’apprenant tout ce que je savais et tout ce que tu avais besoin de connaître sur ce monde. Mais plus tu grandissais et plus le teint blond de tes cheveux venait me rappeler ceux d’Aurel. Ton regard et ta droiture étaient la sienne et ton aversion envers les querelles politiques était le même défaut qui avait entraîné sa perte. Évidemment, Miria n’a pas apprécié et elle ne t’aura témoigné aucune affection de son vivant. Pour ma part, cela n’a pas d’importance, tu étais devenu un Domitor à mes yeux. Bien sûr, je ne pouvais pas entièrement renier de qui tu descendais vraiment. J’ai donc mis en place un long plan afin de te voir à la tête de Spyr, un moyen pour moi de me faire pardonner du sort tragique qu’avait connu ton père. Je voulais qu’un Domitor devienne roi, et qui de mieux que le fils de l’ancien roi pour y parvenir ?
Malheureusement, il semblerait que mes ambitions n’aient causé ma perte. J’ignore si l’on m’a trahi et si j’ai accordé ma confiance trop naïvement, et cela n’a plus d’importance maintenant. Ce qui importe, c’est que tu fasses valoir ton titre de roi. Tu deviendras l’ennemi juré du Sénat, mais le peuple sera derrière toi. Aucun d’entre eux n’apprécie réellement la République et ils jugent tous les sénateurs corrompus et incompétents. Tu as entre tes mains le pouvoir de redresser cette cité et je sais que tu feras les bons choix. Tu es un Domitor après tout.
Prosper Domitor
Sirius resta sans voix. Il dut relire la lettre à plusieurs reprises jusqu’à être totalement sûr de bien en avoir saisi le contenu. Il aura fallu sa mort pour qu’enfin Prosper ose lui dire la vérité. Non seulement, il n’était pas son vrai père, et en plus, il était le fils d’Aurel. Et se pourrait-il que Pyra l’ait protégé dès sa naissance ? Cela expliquerait pourquoi elle lui rendait régulièrement visite. Mais ce qui l’énervait par-dessus tout, c’était la froideur de sa lettre. Pas un seul mot d’amour, pas une seule touche de consolation ou de regret. Juste des faits exprimés froidement et logiquement, comme Prosper l’avait toujours fait. Sirius froissa le papier avec rage et le jeta dans les flammes de sa cheminée en criant :
— Imbécile !
Il avait besoin de prendre l’air et sortit sur son balcon d’un pas lourd. La lettre commença doucement à brûler dans la cheminée, mais celle-ci s’enflamma ligne par ligne. Comme si les flammes qui la parcouraient en lisaient son contenu. Lorsqu’elles arrivèrent à la dernière ligne, la lettre prit entièrement feu et fut réduite à l’état de cendres. Un visage féminin se forma alors un bref instant dans les flammes en affichant un rictus froid et malsain avant de disparaître.
Eh beh je pourrais dire la même chose que la révélation avec Elira qui est la mère d'Aelia :')
Je pensais juste le fils d'une esclave mais du dernier roi, surprise ! ahaa
très bien amené avec la lettre du père que bizarrement j'ai quand même trouver touchante.
Etait-ce vraiment Pyra qui l'avait protégé ? ;) A voir :)
les retours de formes :
"exécutèrent la moindre personne suspectée d’avoir eu quelconque relation avec l’ancien roi" -- "eu une quelconque"
"J’ai levé mon glaive au-dessus de ta tête et à ce moment-là que tu t’es mis à pleurer" -- "tu t'es mis à pleurer" ou "et c'est à ce moment que tu t'es mis à pleurer"
"Comment si les flammes qui la parcouraient en lisaient son contenu" -- "Comme"
A la suite :)