Valère ne sent plus ses jambes. Sa main serrée sur sa tempe se détache, arrachant au passage quelques cheveux teintés de noir. Un instant, il imagine la langue de Talma rebondir sur le sol de la tombe dans un clapotement de carpe asphyxiée…
« Sélénite… Je ne peux… pas faire ça… »
Mantodore pouffe dans leur dos.
« Dix, soupire sa tante. Neuf. Huit. Sept.
— Qu’est‑ce que tu attends, feule Zébédée les nerfs à vif.
— Six, cinq…
— Bouge‑toi, Lucas ! Elle va la TUER !
— Quatre…
— Bon sang, je vais devoir le faire à ta place, c’est ça ?
— Tr… »
Mais Céleste ne peut finir son décompte. Une troisième voix, derrière elle, plus lointaine et caverneuse, emplit tout l’espace et transperce leurs tympans :
« Citoyens, ceci est une perquisition du Comité de Salut Public, résonne un mégaphone en terribles échos. Nous vous prions de quitter cette grotte les mains derrière la tête. Nous ferons usage de la force envers chaque contrevenant.
— Ils sont venus, s’esclaffe Mantodore. Je vous l’avais bien dit ! »
Frisson d’horreur.
Le CSP ! Sept ans et demi de récits d’épouvantes peuplés de guillotines, de bûchers, de gibets, d’instruments de torture, de geôles et de vivisections… Le croque‑mitaine de Céleste vient de se matérialiser.
Sa tante et lui se cherchent du regard, comme pour confirmer ce qu’ils viennent d’entendre. Les traits de Céleste s’affaissent. Elle hésite… Puis ses yeux s’abaissent vers Talma, sous sa cheville. Elle non plus n’a pas raté un mot de ce discours.
Trois secondes durant, rien ne se passe. Mais chacune des personnes en présence sent l’énergie de la pièce basculer. L’expression de la Sélénite a changé du tout au tout.
Celle‑ci retire son pied, se voûte et relève Talma d’un bras squelettique. Stupéfaits, Zébédée et Valère regardent les deux adversaires s’épauler. Céleste époussette la veste noire de sa proie et s’assure qu’elle respire sans dommage :
« Ils doivent être nombreux, il faut les occuper…
— J’ai encore la force d’exécuter un rituel, crache Talma une livre de glaviot. Si tu me couvres.
— Je me suis trop dépensée avec ces invocations, l’avertit‑elle. Je commence à voir double… Va cacher le petit, avant que… »
Elle s’interrompt. Une cavalcade de bottes et d’armes entrechoquées fait irruption dans la pièce. La trouée, leur unique sortie, vibre sous cette marée humaine. Sa tante y répond d’un mouvement circulaire de sa pipe à opium.
La fumée, épaisse, regagne aussitôt ses droits, mais cette fois‑ci plus en avant. Valère n’entrevoit qu’une rangée d’hommes casqués, en uniforme. Ils s’avancent au pas de course.
Bruits de fusils : les balles foncent vers eux.
Valère se recroqueville au premier tir. Un œil sculpté se désintègre sur la surface du mur peint… D’autres coups se succèdent, secs, plus proches. Mantodore s’égosille ; il pourrait mourir canardé par les hommes censés le libérer !
« Ils le voudront vivant, suppose Talma d’un râle terrible. Viens, Lucas ! »
L’adolescent s’exécute. À moitié avachi pour éviter la fusillade, il ne distingue guère la galerie où Talma le guide, elle aussi accroupie. Les munitions gaspillées ricochent sur les murs alentour, les criblent de motifs en dentelle…
Ils filent.
Talma lui tapote le coude : elle dégage une pierre sur le bas‑côté et révèle une crevasse où ils s’engouffrent. Quelques mètres plus loin, ils trouvent un petit sas, similaire aux salles aménagées que Valère a plus tôt traversées avec Olibée, oui, car Olibée vit encore, n’est‑ce pas ? N’est‑ce pas ? Une brume épaisse et chargée couvre déjà leur retraite.
« Il y une autre sortie, par ici ?
— Bien sûr que non », peste Talma tout en cherchant quelque chose sur une étagère de leur abri.
Un pistolet, sans doute. Talma vient de l’entraîner dans une autre sainte‑barbe. Moins d’armes à feu, ici, que baril de poudre sur baril de poudre… Si sa tante fume ici, ils vont tous y rester. Sans plus de souci pour leur sécurité, Talma se résigne à préparer une carabine antique.
Valère réajuste la position de ses doigts sur les ciseaux ; peut‑être pourrait‑il aider sa tante à jeter un sort, si celle‑ci l’appelait… Il ferait tout pour sauver quiconque. Les lames pèsent lourds : il doit cesser de trembler, malmort ! Il faudrait qu’il cache sur lui l’athamé et se saisisse d’une arme, lui aussi… alors il s’oblige à parler, pour ne pas devenir fou :
« Olibée ne va pas bien du tout. Je crois qu’il…
— Tu le pleureras plus tard, l’arrête Talma d’une expression agacée. De toute façon, Hoir venait de nous trahir. J’ai commis une erreur en le recrutant… je croyais que la réputation de son grand‑père m’aiderait à trouver plus de monde. Je l’ai bien regretté, tiens ! »
Un tumulte de hurlements mi‑humains, mi‑bestiaux retentit en sourdine. Les yeux de Valère se brouillent de larmes. Talma réprime un juron : elle ne trouve pas de munitions.
« Ne parle pas de lui comme ça ! Il est mort en protégeant quelqu’un, s’indigne‑t‑il en repassant à l’ondéen sans s’en rendre compte.
— Si tu tenais autant à la vie de tes coéquipiers, tu pouvais apprendre des sorts de guérison, le défie‑t‑elle. C’était un dissident, Lucas, il connaissait les risques ! “Résister, c’est apprendre à mourir.” »
Elle les appelle toujours par leurs pseudonymes… Olibée et Valère n’existent pas, seules comptent pour elle Hoir et Lucas. Des atouts à jouer lors d’une partie de Déduite, dans une indifférence froide. Pourtant elle a affirmé croire à la destinée, à l’union de leurs âmes, aux liens invisibles qui soutiennent leur amitié. Les astres, les esprits ont voulu qu’ils œuvrent ensemble. Leurs chemins n’ont cessé de se croiser. Quelques décades avant de la trouver sur le boulevard Jaccottet, il avait déjà aidé la Dissidence en sauvant Alphée, un de ses membres, aux manufactures Morveau‑Bachelard.
Soudain Valère éprouve un étrange vertige.
Le destin ? Vraiment ?
C’est dans cette usine en flammes qu’il avait révélé ses pouvoirs magiques… devant Alphée, un homme que Talma connaissait déjà à l’époque. Le Diamisse brûlé l’avait couvert face à la police… mais qui l’aurait empêché de parler à la Dissidence ? Personne. Si un membre de l’organisation l’avait vu, le jour de sa visite à l’hôpital, et suivi jusqu’à chez lui… Traqué… Alors…
« Tu savais que j’étais un mage, hoquette Valère. Le jour de l’émeute… tu savais ! Toi et les autres n’étiez là que pour m’embrigader !
— Je fais toujours mes devoirs, maugrée‑t‑elle. Recruteuse, c’est un boulot difficile. C’est vraiment le moment de discuter de ça, Lucas ? »
Talma, dans une caisse, finit par trouver quelques cartouches. Cet éclair de lucidité l’a prise de court. Mais sous ses sourcils froncés, Valère ne distingue ni peur, ni colère… Rien que la tristesse d’un travail gâché, faute de temps et de moyens. Elle marmonne des formules en manipulant son arme, peut‑être pour l’enchanter.
Le crâne de l’adolescent bourdonne d’interrogations. Ino a‑t‑elle fait une scène le jour de l’émeute pour pousser Valère à prendre parti ? Olibée a‑t‑il amené cette poupée maudite à leur réunion pour forcer Valère à révéler ces pouvoirs ? Nélée l’a‑t‑il insulté pour renforcer son désir de plaire à la Dissidence ? Et surtout… Talma leur a‑t‑elle ordonné de faire tout cela ? Pour façonner en lui l’apprenti idéal ?
« Bon sang, croasse‑t‑il. Talma, sur quoi d’autre m’as‑tu menti ? La ferme de ta famille… L’expropriation… Toute cette histoire, c’était FAUX ?
— Tu t’es engagé de ton plein gré, le sermonne‑t‑elle. Tes convictions envers la Diamisse sont bien ancrées, tu nous aurais rejoints un jour ou l’autre… Du moment que l’objectif est atteint, tout le monde est content.
— Tu parles comme Mantodore », s’époumone Valère, loin d’être content.
Le visage de la Diamisse s’est métamorphosé : un masque de rage. Quelle erreur ! Il a quitté Céleste depuis trop longtemps : il a oublié ce qui se produit lorsqu’on appelle un monstre par son nom.
Talma lui décoche un gnon dans l’abdomen.
Valère se recourbe sur lui‑même, meurtri. Ses bras se blottissent sur son ventre…
« Tu crois que ça m’a fait plaisir, de me coltiner un μάλθων [1] pourri gâté comme toi du matin au soir ? Pauvre gosse geignard ! Te voir bosser dans ce salon me faisait vomir, rugit‑elle. Pourriture de briqueux ! »
L’adolescent s’étrangle ; un litre de bile remonte dans sa bouche. Il voudrait mourir. Excédée par sa douleur, Talma se saisit de lui une nouvelle fois et le force à se remettre sur pied :
« Talma, arrête, tu me fais m… »
Torgnole.
« Mal ? Tu ne sais pas que ça fait d’avoir mal, gueule‑t‑elle. Quoi, le fils d’Estelle Sceau, le camarade de Brice Noy, l’héritier du Grand Convent de Virgade ose se plaindre ? Je suis réveillée, là ? Tu es né avec une cuillère d’argent dans la bouche, et tu n’as même pas su t’en servir ! Je te MÉPRISE. »
Elle se met à le secouer, si fort que les coutures de sa chemise se déchirent.
« Tu croyais quoi ? Qu’on allait sympathiser avec tes jérémiades ? Que tu pouvais comparer nos souffrances, tout ça parce que Tantine te filait une bonne correction de temps à autres ? Imbécile, lui projette‑t‑elle son haleine à la figure. Tu peux te cacher à la face du monde autant que tu veux, toi ! Moi, je n’ai jamais eu ce choix ! Ma différence, on la voit sur ma peau !
— Lâche‑moi…
— Tu ne sais RIEN de ce que j’ai enduré pour survivre, hurle‑elle. Tu devrais me lécher les pieds pour t’avoir laissé la chance de te rendre utile, espèce de DÉCHET ! C’est À CAUSE DE TOI qu’Olibée est mort !!! »
Alors Valère, pour l’arrêter, tente de la frapper, là où tête et corps se rejoignent…
« “Ta feinte, ta faute !” Si tu n’avais pas quitté ta cellule, il n’aurait…
— TAIS‑TOI », éructe‑t‑il dans une déflagration de colère.
Il abat son poing.
Le coup fait mouche sur la jugulaire : la jeune fille s’immobilise. Étonné de ce silence, Valère sent sous son poignet gauche une sensation de résistance : ses doigts n’ont pas touché leur cible directement. Ceux‑ci sont précédés, en effet, de deux ciseaux, désormais enfoncés dans une matière souple et filandreuse…
Il aperçoit alors ce qui reste des deux lames, clouées dans l’épaisseur du cou de Talma. Parallèles. Sa peau se perce à la vitesse d’une outre. Un filet de sang gicle à la verticale sur la rétine de Valère…
« AAAH ! »
En reculant d’horreur, l’adolescent lâche le manche des ciseaux. Ceux‑ci glissent alors vers la ligne de l’épaule et la tranchent un peu plus au passage. La vanne déborde en coulées rouges. Talma a la présence d’esprit de rattraper ce qui lui pendouille à la gorge, mais son mouvement de bras ne réussit qu’à déchirer la plaie davantage.
« Non, s’affole Valère. Pardon, je ne voulais pas… »
La jeune fille reste debout, mains comprimées sur ce corps étranger qui l’écharpe. Ses jambes flageolent. Les convulsions s’accélèrent. Tiraillée par la douleur, elle finit par tout extirper d’un coup sec.
« Talma, ne fais pas ça ! »
Les lames ressortent, visqueuses, dans un bruit de succion. Un torrent écarlate, d’une consistance gluante, s’échappe d’elle aussitôt.
Ses yeux se révulsent. Elle voudrait crier quelque chose mais ses cordes vocales n’y parviennent pas. Les ciseaux tombent, ricochent sur le sol en tintant. Pétrifié, Valère voit Talma s’arroser d’une gerbe de sang ininterrompue, dans laquelle elle finit par chanceler. Étalée sur le dos, ses mouvements se réduisent à quelques saccades… Les deux mains, frénétiques et crispées, retombent en clapotant dans la flaque. Puis le torse se cambre ; les membres se raidissent. Un bruit de gargouillis remonte et la Diamisse crache tout ce que la plaie n’est pas parvenue à répandre.
L’écoulement ralentit, et Valère tombe à genoux. Il n’arrive pas à fermer les yeux.
C’est ainsi que sa tante le retrouve.
Des bruits de pas feutrés l’annoncent sur sa droite :
« Sainte‑Mère ! Tu es sain et sauf », s’écrie‑t‑elle en s’engouffrant dans le corridor.
Il tourne la tête : Céleste vient de se figer devant l’horrible spectacle. Les perles luisent sur ses cheveux décoiffés comme autant de lentes. Une manche décousue lui dénude l’épaule, et le bas de sa robe, noirci, dégage une odeur de cramé. Malgré l’épuisement, sa tante est ressortie intacte du combat. D’une petite voix, elle s’inquiète en découvrant le cadavre qui continue à se vider :
« Bon sang ! Qui lui a fait ça ? »
Pas de réponse ; Céleste l’examine longuement, puis redirige son attention vers les ciseaux ensanglantés, abandonnés. Elle manifeste alors des émotions contraires : incrédulité, angoisse, sévérité… Il vient de tuer l’une des leurs, péché cardinal. Un mètre sépare Valère du corps dégorgé. Ses vêtements se sont tâchés d’écarlate. À l’autre bout du monde, Zébédée et les Dissidents combattent les membres du CSP dans un fracas assourdissant.
Sa tante, qui le surplombe, croise alors ses bras et lui daigne une simple phrase. La pire de toutes : celle pour laquelle il a sué, ravalé ses sentiments, bravé la Loi. Quelques mots qui, aujourd’hui, suffiraient à le tuer.
« Je suis si fière de toi », sourit Céleste.
Valère éclate en sanglots.
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[1] μάλθων – « pleurnichard »
Je peux pas dire que je sois triste pour Talma, parce qu'à ce stade, elle m'inspire des sentiments mitigés, mais j'aurais pas souhaité sa mort non plus. >.< Surtout pas de cette façon... Et pour Valère aussi, ça va être rude à gérer.
J'arrive à comprendre les agissements et les sentiments de Talma, et tout ce qu'elle dit a Valère, c'est pas complètement faux, mais... elle est vraiment très très rude à un moment où il est super vulnérable. x'D Et franchement, dire à Valère qu'il est né avec une cuillère en argent dans la bouche, quand on sait qu'il a grandi dans un taudis avec sa folle de tante hyper toxique..... Je sais pas. On est surement biaisé en tant que lecteur, parce qu'on a vécu les malheurs de Valère avec lui jusque là, alors que les malheurs de Talma, on n'en a eu qu'un récit un peu distant et on peut que l'imaginer.
En tout cas, c'est une grosse perte pour la Dissidence et pour les Diamisses. Non seulement ils perdent une bonne combattante, mais aussi (possiblement) leur dernier mage et avec, toute leur magie. :/ Chaud.
Les voilà dans de beaux draps. Là, franchement, je sais pas comment ils vont faire pour se tirer des griffes du CSP ! Mais c'est sympa de les voir débarquer, j'avais envie de les voir à l'oeuvre un peu, depuis le temps que la menace plane.
Oui, Talma est très très très dure avec Valère dans cet extrait mais... elle perd complètement ses moyens, aussi. Il faut dire que c'est quelqu'un qui prend énormément sur elle et cache ce qu'elle pense/ressent vraiment en permanence ; parce qu'en tant que recruteuse, elle doit jouer un rôle. Y compris envers les autres jeunes Diamisses avec qui elle peut être vache également : on a bien vu qu'elle trouvait Olibée trop timoré, et elle s'est permise de virer Ino de la Dissidence pour des motifs assez discutables... Bref, c'est une rageuse. Sa violence contenue explose d'un coup.
L'ironie de la situation, c'est que finalement Valère lui ressemble énormément. Deux métisses dont la situation est encore compliquée par la pression qui pèse sur eux en tant que mages et les isole au sein même de leur communauté. Et qui en ont gros. C'est débile de sa part de considérer Valère comme un "privilégié" mais comme elle a des marques de lacération sur le dos (cf chapitre XV), elle a techniquement un passé encore pire que le sien.
Quant à sa magie... Effectivement celle-ci est perdue, vu qu'elle n'avait a priori pas d'apprentis. Sauf que... est-ce que Valère, malgré leur relation difficile, n'a pas finalement compté comme un apprenti et absorbé une partie de ses pouvoirs ? Talma a quand même participé à son éducation occulte : c'est elle qui l'a emmené dans la tombe au chapitre XXV et l'a conduit à rencontrer son premier revenant, par exemple. Donc une partie de l'Ichor de Talma s'est peut-être déversée en lui...
Et oui, on voit bien les parallèle avec Valère. Ça rend tout ça d'autant plus tragique. 😢 Dans d'autres circonstances, je crois qu'ils auraient pu devenir très bons amis.
Ah ben je me demandais si Valère n'allait pas récupérer son ichor avant qu'elle rende l'âme. Mais comme on n'a pas eu d'explications sur le procédé, c'est dur de faire des spéculations. De base, j'imaginais qu'il fallait peut-être faire un genre de rituel. Un pacte, un échange de sang, ce genre de choses. Mais donc, il faut comprendre que la transmission des pouvoirs se met toute seule en place à partir du moment où il y a un échange de savoir ? Est-ce qu'il faut que celle/celui qui donne ait simplement la volonté de transmettre ? À ce stade, c'est encore un vrai mystère. Ça peut valoir le coup d'expliquer le processus plus tôt dans l'histoire. À moins que tu veuilles conserver le flou et un effet de surprise.
Céleste et Valère parlent un peu de ce procédé au chapitre XIV : le mage se choisit un ou plusieurs apprentis et commence à leur enseigner de manière soutenue des choses sur les démons, les mondes parallèles, les fantômes, etc. Au bout d'un moment, organiquement et si tout se passe bien, ces élèves arrivent peu à peu à lancer des sorts mineurs en puisant dans la force magique de leur maître via l'Ichor. Puis, s'ils arrivent à trouver leur propre originalité, à développer un rapport réellement personnel au surnaturel, ils atteignent l'Éveil et peuvent à leur tour prendre des apprentis. Mais il n'y a aucune garantie de réussite.
Je peux au moins confirmer que Talma essayait effectivement de transmettre, subtilement, certains de ses pouvoirs à Valère. L'Éveil d'un jeune sorcier qui maîtrisait les sortilèges de deux traditions magiques différentes aurait constitué un atout de taille pour la Dissidence. Par ailleurs Talma avait vraiment besoin d'un apprenti. Comme son propre maître était mort, il devait vraiment commencer à transmettre ses pouvoirs au risque qu'ils disparaissent définitivement, à sa mort.
Il y a évidemment derrière l'Ichor tout un tas de métaphores sur lesquelles j'entretiens du flou. Les sorciers peuvent être comparés à certains grands artistes qui galèrent lorsque leurs propres enfants veulent eux aussi se lancer dans la création. Est-ce que le talent se transmet ? Oui et non.