Mais sur sa route, elle remarqua que quelque chose n’allait pas. Plusieurs hommes la suivaient à bonne distance en se rapprochant de plus en plus rue après rue. N’y tenant plus, elle tourna brusquement dans une ruelle et se mit à courir aussi vite que possible. Au bout de celle-ci, l’attendaient deux femmes portant des tuniques décrépies ainsi que des bottes et des brassards en cuir. Elles sortirent des dagues et lui crièrent de s’arrêter. Sans leur répondre, Elinora fit apparaître une barrière lumineuse autour d’elle en continuant sa course. Les deux femmes furent brutalement repoussées et plaquées contre les maisons de part et d’autre de la ruelle.
Elinora continua sa course sans se soucier de la direction qu’elle prenait. Après avoir traversé tout un quartier en trombe, elle dut rapidement s’arrêter et s’appuyer contre un mur pour reprendre son souffle. Des éclats de voix raisonnaient derrière elle et, à ce rythme, il n’était qu’une question de secondes avant qu’ils ne la rattrapent. Elle pouvait utiliser les pouvoirs de Pyrel pour se défendre, mais cela ne lui permettrait pas de s’enfuir éternellement.
Alors qu’elle arrivait à court d’options, elle entendit un chuchotement sur sa droite.
— Hey, psssst, vient par ici.
Une silhouette lui faisait signe d’entrer à l’intérieur d’une habitation en bois à moitié en ruine. Cela pouvait très bien être un piège, mais n’ayant pas d’autres idées, Elinora pénétra à l’intérieur et la personne referma la porte derrière elle.
Ses yeux mirent quelques secondes à s’habituer à l’obscurité des lieux. L’espèce de grand cabanon en bois ne comportait qu’une seule pièce. En son centre, étaient posées de petites bougies qui servaient de maigre éclairage. Par terre, allongée sur de la paille tressée, se trouvait une dizaine d’enfants de tout âge cherchant désespérément le sommeil. Il n'y avait presque aucun meuble, à l'exception d'une table et de quelques chaises. Dans un coin, un grand seau en fer était recouvert d'un couvercle en bois dont émanait une odeur nauséabonde.
À l’extérieur, les bruits de pas et les cris de ses poursuivants se firent plus intenses avant de s’apaiser et d’entièrement disparaître.
Elle se tourna vers la personne qui l’avait sauvé et vit qu’il s’agissait d’une femme plus âgée qu’elle. Elle avait les traits du visage tiraillés par la fatigue et était terriblement maigre, presque chétive. Elinora ressentit aussitôt de la pitié à son égard, pourtant la femme lui lança un sourire chaleureux avant de lui faire signe de s’asseoir sur l’une des chaises en bois.
— Je vous remercie de m’avoir aidé, dit Elinora en chuchotant pour ne pas réveiller les enfants qui dormaient.
— Il n’y a pas de quoi, c’est ce que font les Déris pour s’aider. Est-ce que tu sais qui en avait après toi ?
— Surement, des Kléptars, répondit-elle.
Elle ne voyait pas d’autre groupe qui aurait des raisons de s’en prendre à elle et ils étaient trop bien organisés pour un simple gang de quartiers.
— Évidemment, répondit-elle. Depuis le départ de la reine et sa mort dans cette fichue guerre, ils croient que la ville entière leur appartient.
— Cela pourrait bien être le cas, dit Elinora en soupirant.
— Que voulez-vous dire ?
Elinora lui raconta alors toutes les dernières nouvelles sur l'armée de Daélia ainsi que le lien entre cette dernière et Lucio.
— Mais comment êtes-vous au courant de tout cela ? Demanda-t-elle une fois qu’elle eut terminé ses explications. Se pourrait-il que vous soyez une noble ?
— Je suis la matriarche des Enfants de Pyrel, se contenta-t-elle de répondre.
La veille femme écarquilla les yeux.
— Je… Pardonnez-moi. Je n’avais pas reconnu votre robe de prêtresse et j’ai cru que vous étiez du quartier.
— Cela ne fait rien, répondit Elinora en souriant.
Elle porta son regard sur le reste de la pièce et les enfants qui dormaient.
— Ce sont tous les vôtres ? Demanda-t-elle en regardant dans leur direction.
— Oh non ! S’exclama-t-elle en souriant à son tour. La plupart d’entre eux n’ont plus de famille, ou bien il vaut mieux pour eux qu’ils ne la voient pas. Je m’assure simplement de leur offrir de quoi manger et un toit pour dormir. En fait, oui, je les considère comme les miens.
— Et cela fait longtemps que vous… Survivez-ici ?
— Quelques jours. On avait une plus grande maison dans le quartier des Tisserands avant que les Kléptars n'y mettent le feu récemment.
Rien que le fait d’entendre le nom du quartier des Tisserands suffit à l'impressionner. Elinora n’osait imaginer le nombre d’horreurs qu’ils avaient subies en vivant dans ce quartier.
— Comment faites-vous pour tenir toute seule ?
— Lorsque la vie d’une autre personne est entre nos mains, l’on se trouve une force que l’on avait toujours ignorée, dit-elle. Nous poussant parfois à faire des choses que l’on ne se serait jamais cru capable de faire, pas toujours pour le mieux d’ailleurs.
Elinora se contenta de cette réponse vague tant elle était époustouflée par le courage de cette femme.
— Je vous aurais bien proposé du thé, mais malheureusement, toutes mes plantes ont brûlé dans l’incendie, s’excusa-t-elle.
— Ce n’est pas grave, dans tous les cas, je ne peux pas rester. Il faut que je me remette en route.
— En pleine nuit ? Les rues ne sont pas sûres, vous devriez au moins attendre le lever du soleil.
— Je ne voudrais pas déranger.
— Pensez-vous ? L’on vous fera une place sur la paille, ce n’est peut-être pas le genre de confort auquel vous êtes habitué, mais on s’y fait, croyez-moi.
Les Brûlés allaient certainement s’inquiéter de son absence, mais son hôte n’avait pas totalement tort, sortir maintenant était bien trop risqué.
— C’est d’accord, je partirai à la première heure demain matin.
— Excellent. Vous pouvez m’appeler Marta au fait, dit-elle en lui tendant la main.
— Elinora, répondit-elle en la serrant.
— Très bien Elinora, je suppose que vous n’avez jamais eu d’enfant, n’est-ce pas ?
— Si, avoua-t-elle. Même si c'était, il y a bien longtemps.
— Vraiment ? Je croyais que les prêtresses renonçaient à enfanter en prêtant serment.
— Il y a quelques exceptions, et c’était avant que je n’en devienne une.
Elinora soupira. C’était un sujet qu’elle n’aimait évoquer avec personne, pas même avec Pyrel. Pourtant, elle se sentait naturellement en confiance avec Marta, comme une fille qui s’adresserait à sa mère.
— Je faisais partie d’une caravane marchande autrefois, commença-t-elle. Je venais de donner naissance à un fils lorsqu’un groupe de mercenaires s’en est pris à nous. J’ai été laissé pour morte et à mon réveil, l’enfant avait disparu. Surement sauvagement massacré comme tout le reste de mon groupe.
— Je suis désolé, répondit Marta. Moi aussi, j’ai perdu des fils et je sais ce que cela fait. C’est un poids que l’on porte jusqu’au restant de nos jours. Et qu’est-il advenu du père ?
— Le père… Je lui en ai longtemps voulu de n’avoir rien fait pour empêcher cela avant de me rendre compte qu’il avait été la première victime. Il s’appelait Aurel et fut le dernier roi de Spyr.
— Aurel ! Celui qui a été exécuté avant que Spyr ne devienne une République ?
— Lui-même.
— Est-il vrai ce que l’on dit à son sujet ? Que c’était un tyran sanguinaire ?
— Pas du tout ! Protesta Elinora. C’était un homme bon. Il est vrai qu’il était quelque peu excentrique et fier et qu’il aimait passer son temps avec les femmes. Mais c’était un bon père qui aimait vraiment ses enfants. Malgré notre différence de statut et les autres hommes que je fréquentais, il venait souvent me rendre visite à l’époque. Après la guerre contre Dérios et la naissance de mon fils, il fit tout pour que nous ne manquions de rien. Évidemment, cela contrariait beaucoup de nobles à Spyr. J’étais jeune à l’époque et jamais je n’aurais pu réaliser que les choses pouvaient se passer ainsi. Il fit son possible pour assurer notre sécurité, mais cela n'a pas suffi. La dernière fois que je l’ai vu, il venait offrir un cadeau à notre enfant. C'était un petit pendentif en bois grossement taillé. Quel genre de roi offre des bijoux en bois ? Dit-elle pour elle-même en souriant. Il disait l’avoir dérobé aux Déris et qu’il ferait de lui un puissant guerrier…
Elinora s’arrêta net en réalisant ce qu’elle venait de dire. Le médaillon ! Non, cela ne pouvait pas être réel. Impossible ! Et combien même, elle n’avait eu aucun contact avec lui depuis vingt-cinq ans et il devait sûrement être mort à l’heure qu’il est. À moins que… Elle se remémora une discussion qu’elle avait eue avec Théa, l’informant qu’un nouveau prétendant au trône se réclamant être le fils d'Aurel était apparu à Spyr. Un certain Sirius qui avait été sacré roi. Elle n'avait pas voulu y croire, préférant se focaliser sur la tâche que Pyrel lui avait confiée. Plus elle y pensait et plus Elinora se disait qu'il pouvait bel et bien être son fils. Celui qu'elle avait considéré comme perdu pour toujours.
Voyant qu’elle s’était tue, Marta s’exclama :
— C’est une sacrée histoire que vous me racontez là. Bien loin de ce que l’on dit de lui à Dérios. Pourquoi être devenue une prêtresse dans ce cas ?
— Des Brûlés m’ont sauvé la vie et m’ont dit que ma survie relevait du miracle. N’ayant nulle part où aller et personne vers qui me tourner, j’ai donc suivi leurs conseils en essayant de rejoindre les Enfants de Pyrel.
— Décidément, cet ordre est moins mystérieux que ce qu’il ne laisse penser.
— Vous les connaissez ? Demanda-t-elle surprise.
— Une de mes filles a eu affaire à eux. Je préférais qu’elle ne se mêle pas de tout cela, mais elle a toujours été du genre à n’en faire qu’à sa tête. Enfin bon, j’ignore pourquoi les Kléptars vous traquent, mais vous êtes en sécurité ici. Vous devriez aller vous reposer, je monterai la garde ce soir.
Marta se leva et Elinora fit de même.
— Encore merci pour votre aide, dit-elle. Dès que tout cela sera terminé, je ferais en sorte que l’on vous vienne en aide, à vous et vos enfants. Je vous le promets :
Marta sourit :
— Merci, vous aussi, vous êtes quelqu’un de bien, Elinora.
Elle lui souhaita une bonne nuit et alla se coucher dans la paille. Effectivement, ce n’était pas le lit le plus confortable qu’elle ait connu, mais c’était suffisant. Les dortoirs dans le Temple étaient également rudimentaires et la rusticité ne les dérangeait pas. Elle finit par trouver le sommeil, même si son repos fut de courte durée, car une voix grave la réveilla au beau milieu de la nuit.
— Tenez-la !
Elle fut violemment mise debout par un groupe d’hommes qui la tenaient fermement. L’un d’entre eux lui fit face en la regardant avec mépris.
— Tu es douée pour t’enfuir, mais Lucio veut te parler, dit-il. Alors tiens-toi tranquille, pas le moindre sort et tout se passera bien, compris !
Sans attendre sa réponse, il fit signe à ses hommes et on la tira de force vers la sortie. Du coin de l’œil, elle aperçut tous les enfants terrifiés regroupés dans un coin de la pièce. Les plus vieux s’étaient mis devant eux en adoptant une posture protectrice, les bras écartés. Elle croisa également le regard attristé de Marta dans sa direction.
— Je suis désolé, dit-elle la voix brisée. Ils ont ma petite Licia ! Ils ont menacé de lui faire du mal si je ne les aidais pas. Je pense que tu comprendrais si tu avais toi aussi voulu revoir ton fils.
Elinora se laissa traîner dehors stupéfaite, sans détourner les yeux de Marta qui retenait ses larmes sur le pas de la porte.
ça sentait quand même le piège avec marta même si jusqu'au bout j'ai voulu que tout se passe bien ahaa
D'abord content qu'ils soient tous en vie et forcément déçu de ce qu'il se passe à la fin. Même si on peut pas en vouloir à la pauvre femme.
En tout cas un bon chapitre. Hâte de voir ce qui va arriver à Elinora (Allez les brûlés) Oh ça sent Tanwen tout ça ahaa
Quelques petits retours :
"Mais comment êtes-vous au courant de tout cela, demanda-t-elle une fois qu’elle eut terminé ses explications ?" -- encore le soucis de ponctuation
"contact avec lui depuis vingt-cinq" -- manque le "ans"
"Dès que tout cela sera terminé, je ferais en sorte que l’on vienne en aide à vous et à vous, enfants, je vous le promets :" -- un peu trop de vous aha et un point plutôt à la fin.
A plus :)
A plus ^^
Scrib.