Chapitre XVIII

Par Fidelis

Épiphyte resta surpris, il était persuadé que tout cela était bien terminé et fut en même temps soulagé que cette montagne ne l’ait pas confondu avec l’un de ces ennemis.

— Mais vous en êtes sûr, j’arrive de dehors, il n’y a personne aux alentours ou juste des morts.

Dans le doute il commença à dégrafer son bocle et son épée. L’homme en arme se tourna d’un coup et le lui déclara d’un ton lesté de certitudes.

— Bien sûr qu’ils reviendront, ils reviendront toujours tant que la bastide ne sera pas tombée et j’ai prêté serment de la protéger.

Son regard affichait une détermination sans faille, il s’interrompit un court moment, sembla réfléchir, puis reprit de manière très autoritaire.

— Suivez-moi soldat, nous allons renforcer l’intérieur à présent.

Le jeune homme l’accompagna, lui balbutia avec difficulté qu’il n’était en rien militaire, mais juste un voyageur égaré.

Le géant se retourna une nouvelle fois et exposa un sourire carnassier, comme s’il lui avait révélé détenir sa virginité et travailler dans un bordel.

— Pensez-vous que ce soit le moment de vous confesser ?

Puis il reprit sa course, franchit une porte et monta un escalier qui menait jusqu’à un passage de guet, d’où l’on pouvait dominer l’entrée. Épiphyte le suivit, impressionné par la volonté du guerrier à vouloir tenir son serment. Avant d’observer la cour et de constater avec terreur que les deux lourds battants s’agitaient à présent avec véhémence, mus par une force qui provenait de l’extérieur. Ils finirent par céder pour s’ouvrir avec fracas et permettre l’assaut d’un flot de combattants qui hurlaient de férocité.

 Le jeune artisan tétanisé déglutit avec difficulté, dépassé par la situation. Il se tourna vers le chevalier impassible à ses côtés et lui demanda sur un ton affolé.

— Mais vous êtes tout seul à défendre cette bastide !

Le géant ne l’écoutait qu’à moitié, il laissa échapper un rire, un rire de dément, comme pour lui démontrer avec satisfaction qu’il avait eu raison. Il empoigna alors son glaive et se dirigea vers la première issue.

— Non vous m’accompagnez à présent, restez derrière moi et protégez mes arrières !

À peine eût-il fini sa phrase que trois guerriers débouchèrent devant lui, il se rua dessus en hurlant, fracassa aussitôt le crâne du premier.

Épiphyte tourna la tête sur le chemin de guet et en vit un arriver de son côté. Il s’interposa, para la première attaque, puis comprima sa masse contre son bocle pour venir le rejeter contre le mur pour lui planter la sienne dans la poitrine. Son corps sans vie glissa sur le sol. Un autre se profila, le jeune homme juste derrière le passage eut le temps de lui donner un coup d’épée qui lui transperça ses côtes avant qu’il ne s’aperçoive de sa présence.

Il se retourna, fit face au chevalier qui le regardait, un léger sourire aux lèvres, les trois premiers assaillants gisaient à ses pieds.

Le géant l’invita à l’accompagner.

— Bon travaille soldat, suivez-moi à présent, nous ne devons pas rester ici, allons-nous mettre à l’abri en bas, surtout ne vous éloignez pas de moi je nous ouvre la voie.

Il s’engouffra par l’issue où les trois premiers assaillants étaient apparus. Elle débouchait sur des escaliers en colimaçons qu’ils descendirent. Le géant fracassa le crâne d’un combattant qui voulait monter avant de débouler dans un couloir exigu.

Épiphyte entendit des éclats de voix derrière eux, comme s’ils les pistaient à la trace des cadavres.

Arrivés au milieu du boyau étriqué, des ennemis se présentèrent. Le conduit trop étroit pour s’affronter à plusieurs, donnait l’avantage à son compagnon d’armes déterminé.

Des escaliers par là où ils étaient venus, parvinrent d’autres adversaires que le jeune artisan engagea.

Les bruits des épées qui s’entrechoquent, l’odeur du sang et les râles des blessés emplirent aussitôt l’atmosphère du corridor mal éclairé. Les faibles lueurs des torches vacillantes accrochaient aux murs, le peuplaient d’ombres et de cris bien réels qui rendaient l’endroit cauchemardesque. La situation devint très vite intenable.

Le chevalier qui se battait dans son dos ouvrit une porte qui se trouvait au milieu du couloir. Sans qu’il n’ait eu le temps de le voir faire, l’expulsa dedans avant de la refermer derrière eux.

Épiphyte se rendit compte qu’il était entaillé de toutes parts, couvert du sang de ses adversaires ainsi que du sien. Il s’effondra dans un coin, cela ressemblait à une salle de garde. Son compagnon d’armes posait un solide madrier en travers de l’unique issue, dans l’espoir de les retenir quelques minutes supplémentaires.

Un répit sans illusion.

Ils se retrouvaient acculés dans un endroit clos, leur fin proche commença à se matérialiser dans son esprit, réalisa-t-il désespérer.

Qu’est-ce qui pouvait bien justifier sa présence en ce lieu ? Il l’ignorait, ou peut-être juste se faire tuer dans un combat qui ne lui appartenait pas. La situation avait sombré dans l’absurde, celle de la folie des hommes à vouloir régler leur problème à coups d’épée.

Le grand énervé cherchait à présent quelque chose contre le mur du fond. Il ne connaissait même pas son nom, réalisa-t-il.

— Tu t’es bien battu soldat, tu peux te détendre, je vais te trouver une échappatoire et toi tu vas me rendre un dernier service.

Le jeune artisan soupira, qu’avait-il encore en tête, leur position était désespérée.

— De quoi s’agit-il cette fois, vous voulez tenter une contre-attaque, je suppose. Nous serons bientôt tués tous les deux et je ne sais même pas comment vous vous appelez.

Le géant s’interrompit et se tourna pour le regarder droit dans les yeux.

— Moi oui, mais moi, je suis mort depuis bien longtemps à défendre cette bastide, je me nomme Godomer soldat, et toi tu survivras je connais un passage secret qui te mènera vers l’extérieur.

Pour mieux illustrer ses paroles, il actionna quelque chose contre le mur qui le fit s’entrouvrir avec lenteur.

L’espoir revint à la vision de cette issue providentielle.

— Messire Godomer, ce fut un grand honneur de combattre à vos côtés, bien que j’aie souhaité vous rencontrer dans un moment moins périlleux, moi s’est Épiphyte.

Puis s’exclama.

— Vous avez trouvé !

Et rajouta avec fébrilité.

— Filons sur le champ dans ce cas au lieu d’attendre notre trépas.

Il se leva d’un coup, un regain d’énergie coulait dans ses veines. La porte en bois du couloir se faisait maltraiter, et ne les retiendra plus longtemps. Godomer le regardait d’un air étrange, le jeune homme commença à sentir que quelque chose n’allait pas se dérouler comme il l’espérait.

Le géant fouilla dans ses poches et en sortit un pendentif qu’il lui tendit.

— Moi j’ai prêté serment de défendre la bastide, pas toi.

Il lui prit sa main et lui glissa le bijou dedans.

— Tu vas emprunter ce chemin qui ne peut se fermer que de l’intérieur, et tu iras donner ce pendentif à mon épouse, dame Alberade. Tu lui diras que je l’ai toujours aimé et que je ne l’ai jamais oublié. Tu la trouveras à dix lieux au nord, ne négliges pas l’importance de ton rôle, nous comptons sur toi !

Épiphyte n’eut pas le temps de rajouter quoi que ce soit, le géant le balança sans le ménager dans le souterrain obscur avant que le mur reprenne sa position initiale pour en sceller l’issue.   

 

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Plume de Poney
Posté le 14/03/2025
Il a une sacrée tendance dramatique ce chevalier.
En tout cas s'il a la salamandre comme emblème comme un certain François 1er ça expliquerait sa disproportion...
Fidelis
Posté le 14/03/2025
La salamandre couronnée, pour avoir résisté au feu et pour lancer la mode de la barbe bien taillée, à l'image de notre ami Bladaste.
La renaissance, c'était une ère qui avait son lot de génies, et de symboles et de recherches hasardeuses.
Plume de Poney
Posté le 14/03/2025
Et d'obscurantisme aussi malheureusement...
Fidelis
Posté le 14/03/2025
Ca va toujours de pair, ou disons qu'une période chasse l'autre, c'est toujours le cas à l'heure actuelle.
Vous lisez