Elinora venait d’assister à la scène tragique qui s’était déroulée sous ses yeux. Tanwen bondit par la fenêtre et Minos se précipita dans sa direction lorsque Lux l’arrêta en lui attrapant le bras.
— Non, dit-elle. On a plus urgent. Ne rompt pas ton serment maintenant.
Minos hésita un court instant.
— Je suis désolé, finit-il par dire avant de se dégager et de courir à son tour vers la fenêtre.
Les autres Brûlés se regardaient l’air penaud en attendant que Lux leur donne un ordre. Elinora s’approcha de Finn, mais elle ne put que tristement constater que ce dernier était mort sur le coup. Elle s’agenouilla auprès de lui et récita une courte prière. Il est vrai qu’elle n’appréciait pas ses manières, mais Elinora reconnaissait qu’il avait bon cœur. De plus, il lui avait été de précieux conseils dans sa quête.
— Devons-nous nous lancer à sa poursuite ? Demanda Elinora en se relevant.
— Non, il a fait son choix. Ignis reste la priorité.
— Vous savez où il se trouve ?
— Certainement cloîtré dans son temple. Rejoindre son quartier ne sera pas aisé, des soldats de Daélia et des gardes de la Flamme patrouillent dans la haute ville.
— Il faut nous rendre au temple de Pyrel ! S’exclama Elinora. Il existe un passage qui conduit jusqu’au palais. Il a été grossièrement muré par les gardes de Théa et l’on devrait pouvoir le rendre rapidement accessible de nouveau.
Lux acquiesça.
— Très bien, allons-y.
C'est alors qu'un Brûlé accourut.
— Lux, que devons-nous faire de lui ?
Il tenait dans ses bras un jeune garçon paniqué.
— Il s'agit du jeune prince. Emmenons-le au temple, les prêtresses le protégeront. Prenez également le corps de Finn, il mérite d’être enterré convenablement.
Ils quittèrent la villa à toute vitesse en laissant les acolytes de Tanwen continuer à piller les lieux. Ils gagnèrent le temple de Pyrel, toujours enveloppé sous sa barrière lumineuse. Plusieurs soldats et Adorateurs en faisaient le siège en essayant sans succès de pénétrer à l’intérieur du sanctuaire. Anna qui se tenait devant la porte avec d’autres prêtresses les aperçut.
— Sainte-Mère ! Cria-t-elle.
Les gardes se retournèrent dans leur direction et Elinora cria aux Brûlés de fermer leurs yeux. Elle invoqua alors dans le ciel une boule lumineuse qui éblouit leurs opposants. Le groupe se fraya sans difficulté un chemin jusqu’au temple et les prêtresses retirèrent la barrière quelques secondes, juste le temps de les laisser entrer.
— Sainte-Mère ! Je suis si heureuse de vous savoir en vie ! S’exclama Anna en s’inclinant.
— Moi aussi, répondit Elinora. Comment vont les choses ici ?
— Pas terrible. Cela fait plusieurs jours que le temple est assiégé et les jeunes prêtresses sont à bout. Cela nous demandait trop d’énergie pour couvrir l’hôpital et les dortoirs, alors on a décidé de se replier sur l’autel pour le défendre coûte que coûte.
Elinora parcourut le hall du regard, et elle pouvait en effet apercevoir plusieurs jeunes filles inconscientes allongées à l’intérieur.
— On souhaitait vous venir en aide, continua-t-elle, mais il nous était impossible de sortir d’ici. Au fait, puis-je savoir ce que des Brûlés font avec vous ?
— L’on vient rendre un service à votre déesse, dit Lux.
Les deux se jaugeaient avec méfiance et Elinora coupa court à leurs chamailleries.
— Il nous faut emprunter le tunnel sous le temple pour nous rendre au palais. De là, on pourra atteindre Ignis. Il vous faudra encore tenir jusqu’à sa fin.
Anna regarda les Brûlés qui portaient encore leurs amures ensanglantées.
— Je ne leur fais pas confiance, mais je vous crois vous. Le temple ne tombera pas, je peux vous l’assurer.
Elinora acquiesça et lui expliqua rapidement la situation du jeune prince. Anna promit de le garder auprès d'elle aussi longtemps qu'elle le pourrait. Sans attendre, ils se précipitèrent jusqu’au sous-sol. Elle indiqua à Lux où se trouvait le passage et cette dernière leur demanda de s’écarter. Elle replia la chaîne de son arme autour de son poing et cria avant de frapper le mur qui s’effondra sous le regard médusé des autres Brûlés et d’Elinora.
Elle leur fit un bref sourire avant de s’engouffrer dans le tunnel suivi par le reste du groupe. Ils débouchèrent dans les cryptes du palais, un endroit où Elinora n’avait jamais mis les pieds. D’ailleurs, elle doutait que quiconque ne s’y soit rendu, hormis Théa. En remontant à la surface, ils traversèrent un long couloir et elle les guida jusqu’à un jardin situé à l’arrière du palais. De là, le temple des Adorateurs du Brasier n’était plus qu’à quelques centaines de mètres en contrebas.
Au milieu du jardin, se trouvait un kiosque au centre duquel était assise sur une chaise Daélia. Éléon était là lui aussi sur son siège à roulette et plusieurs gardes de la Flamme les encerclaient. Dès qu’ils les aperçurent, un combat commença et celui-ci tourna rapidement à l’avantage des Brûlés. Leurs adversaires avaient beau être insensibles à la douleur, Lux faisait tournoyer son arme avec souplesse, fauchant les gardes sans qu’ils n’aient le temps de répliquer. Finalement, en moins d’une minute à peine, le dernier d’entre eux s’écroula.
Elinora se dirigea ensuite vers le Kiosque depuis lequel Daélia leur jetait des regards horrifiés.
— Allez-y prenez ma vie si cela vous chante ! Mais jamais je ne baisserai la tête devant vous !
— Nous ne sommes pas venues vous tuer, dit-elle. Même si une petite correction vous ferait du bien.
— Pour quels crimes ? Celui d’avoir voulu reprendre ce qui me revient de droit ?
— Vous n’auriez pas dû vous allier avec Ignis, répliqua Lux.
— Ignis ne devait être qu’un pion sacrifiable. À la fin, il n’y aurait eu que Lucio et moi s’il ne nous avait pas trahis tous les deux en me retenant prisonnière ici par ses gardes fanatiques.
— Vous auriez dû écouter Théa sans chercher à tout prix à être reine et les choses auraient pu mieux se passer.
— Taisez-vous, sale sorcière ! Même maintenant, vous continuez à jouer les fausses saintes en soutenant cette tyranne ! Théa se serait débarrassée de moi si je ne m’étais pas débarrassé d’elle avant.
— Et donc, que comptez-vous faire ? Demanda Lux, pour qui ces querelles enfantines commençaient à l’impatienter.
— Lucio va venir me chercher, et alors…
Elle fut interrompue par une série de cris poussés par Éléon.
— Rho, mais quand va-t-il se taire celui-là ! ? Il est aussi insupportable que sa mère !
Ni tenant plus, Elinora s’avança et la gifla.
— Sombre idiote ! Jamais il ne viendra vous chercher. Lucio s’est joué de vous ! Et pour une fois, laissez le roi parler.
Daélia ne répliqua pas et se tint la joue, choquée par son acte.
Elle se tourna alors vers Éléon qui, tout en continuant à pousser des cris, s’exclama.
— Le… Le temple.
Elinora et les autres Brûlés tournèrent la tête juste à temps pour voir une colonne lumineuse rouge émaner du temple des Adorateurs pour grimper vers le ciel. Quelques secondes plus tard, un cri strident retentit et ils se bouchèrent les oreilles en grimaçant de douleur. Puis, d’autres traits lumineux s’élevèrent aux quatre coins de la ville, l’enveloppant peu à peu dans une lueur rougeâtre.
— Qu’est-ce que c’est ? Demanda Daélia terrifiée.
— Le résultat de votre folie, répondit Elinora.
Elle s’adressa ensuite à Éléon.
— Je sais qu'elle t'a fait souffrir et qu'elle ne t’aura apporté que misère, mais l'enfant mérite d'avoir une mère. Prenez le tunnel dans les cryptes jusqu’au temple de Pyrel, le jeune prince est là-bas. Dites que je vous y envoie, vous y serez à l’abri.
Éléon sembla comprendre, car il acquiesça tandis que Daélia était pétrifiée de panique.
Elinora jeta ensuite un regard entendu à Lux et les Brûlés reprirent leur route vers le temple en accélérant le pas. Elle savait qu’en temps normal, elle n’aurait pas été capable de suivre un tel rythme, mais plus elle s’approchait du temple des Adorateurs et plus elle sentait une chaleur grandir à l’intérieur d’elle. Chaleur qui la soulageait tout en augmentant également sa force ainsi que sa perception.
Ils coururent vers le temple, mais plusieurs lignes de gardes se tenaient devant les portes. Les Brûlés encerclèrent aussitôt Elinora et Lux, puis chargèrent la ligne adverse. Tous les gardes avaient les yeux en feu et criaient comme des bêtes sauvages. Malgré tout, les Brûlés tinrent bon et continuèrent d’avancer. Une fois devant les portes, ils réussirent à dégager un étroit passage pour qu’elles puissent entrer. Elles s’y faufilèrent en évitant aisément les coups que tentaient de leur assener les gardes et pénétrèrent dans le bâtiment en laissant la mêlée derrière elles.
À l’intérieur, elles débouchèrent dans un large hall. Le symbole ésotérique qu’Elinora connaissait bien désormais était dessiné à même le sol à l’endroit où se trouvait l’immense brasero. Tout autour, des Adorateurs en transe, les bras écartés, psalmodiaient des vers incompréhensibles. Au milieu, juste au-dessus du brasier et flottant dans les flammes, se tenait Ignis. Dès qu’il les aperçut, il leur fit un sourire glaçant et lévita dans les airs avant de se laisser délicatement retomber au milieu du hall.
Elinora l’observait attentivement sans ressentir la moindre peur. Au contraire, elle ne ressentait que cette tendre chaleur inondant tout son corps. Elle refluait à la surface de sa peau et formait une légère robe de flammes blanche et douce.
— Cela ne sert à rien, ma sœur, dit Pyra au travers du corps d’Ignis. Ni tes adeptes, ni les Brûlés et encore moins cette demi-déesse ne peuvent m’arrêter désormais.
— Au contraire, c’est terminé, ma sœur. Je vais te stopper ici moi-même, comme j’aurais dû le faire, il y a bien longtemps, répondit Elinora avec assurance. Sa propre voix l’étonna et elle crut entendre celle de Pyrel émaner d’elle.
Pyra éclata de rire.
Lux n’attendit pas la suite et lança son arme en avant tout en fonçant vers Ignis qui venait de faire apparaître des flammes dans la paume de ses mains.
*
Sirius était dans sa tente en pleine discussion avec Gladius sur la suite des opérations lorsque des légionnaires accoururent en panique.
— Votre Honneur ! Vous devriez venir voir cela.
Intrigué, Sirius déposa la carte qu’il avait sous les yeux et les suivit à l’extérieur. Un immense rayon rouge s’élevait de Dérios pour monter vers le ciel.
— Nous ne pouvons plus attendre. Lancez le début des opérations ! Déclara-t-il.
— Mais, tous les radeaux ne sont pas encore prêts.
— Nous irons avec ceux disponibles. Allez !
Les hommes obéirent et l’agitation reprit dans le camp alors que d’autres rayons de lumière montaient vers le ciel. Sirius retourna dans sa tente pour enfiler son armure au plus vite. Puis il se dirigea vers la rive et grimpa sur l’une des embarcations déjà prêtes à partir. Quelques secondes plus tard, Gladius accourut et grimpa à son tour.
— Ainsi donc nous commençons ? Lui demanda-t-il.
Sirius hocha la tête.
— J’espère que vous savez ce que vous faites, utiliser des brûlots est un pari risqué.
Ils regardèrent la dizaine de navires vides et remplis d’explosifs qui s’élançaient déjà vers Dérios au travers de la nuit.
— Ils ne serviront qu'à couler leur flotte. Une fois que les onagres seront suffisamment proches, il nous faudra simplement tenir la position pendant qu’ils bombarderont la cité.
— Sans embarcations et piégés sur leur île, les habitants n’auront aucune échappatoire. N’est-ce pas un peu excessif, mon garçon ?
— C’est le seul moyen, Gladius.
— Vous n’allez conquérir que des ruines. Et les survivants vous maudiront jusqu’à la fin de leurs jours.
— Je préfère devenir un roi maudit plutôt que d’être encore l’esclave d’une déesse.
Gladius ne répondit pas, mais Sirius savait qu’il n’approuvait pas sa décision. Cela n’avait aucune espèce d’importance. Tous les soldats pouvaient bien penser ce qu’ils voulaient, ils n’étaient là que pour obéir. Il s’était enfin trouvé une mission, un destin à accomplir. Et celui-ci était d’en finir une bonne fois pour toutes avec les dieux. C’était regrettable pour Aydan, mais Sirius s’assurerait qu’il meurt en martyr.
Il contemplait Dérios désormais entièrement recouverte par un halo rougeâtre tandis que l’embarcation quittait la berge.
*
Aydan se frayait tant bien que mal un chemin au travers d’une foule paniquée. Lui aussi avait entendu le hurlement strident et avait vu la cité tout entière progressivement virer au rouge. Les habitants couraient dans tous les sens, se bousculant sans ménagement et piétinant ceux qui avaient le malheur de tomber à terre. Certains rassemblaient leur famille avant de gagner les quais dans l’espoir d’embarquer à bord d’une barque malgré la surveillance des gardes de la Flamme. D’autres souhaitaient gagner la haute-ville pour rejoindre l’un des deux temples en quête de protection ou de pardon. Au fond, nul ne savait vraiment ce qu’il se passait et s’il s’agissait d’un maléfice divin ou d’un autre tour des Spyriens. Les soldats de la couronne se retrouvèrent bien vite dépassés par ce flux constant de villageois en panique, auquel il fallait ajouter les nombreux réfugiés venus à Dérios dans l'espoir d'y trouver un abri. Même l’appui des gardes ne permit pas d’éviter les affrontements qui éclatèrent un peu partout dans la cité.
Aydan continuait son ascension en se rapprochant ruelles après ruelles un peu plus du sommet. Il n’avait eu aucune nouvelle de Liam et ne savait même pas si son ami était encore en vie. Mais s’il était là, il devait forcément se trouver dans la Haute-ville, à proximité du temple des Adorateurs et là où s’étaient rassemblés la plupart des gardes de la Flamme. J’arrive, Liam, pensa-t-il tout en serrant contre lui le médaillon en bois.
Voyant que les artères principales de la cité étaient impraticables, Aydan regagna un quartier plus calme et plus excentré. De là, il vit une habitation un peu plus grande que les autres. S’il arrivait à grimper jusqu’à sa toiture, il pourrait envisager de sauter et d’atterrir sur les remparts qui marquaient la délimitation avec la partie haute de la cité. Le saut était périlleux, mais avec la force que lui conférait le médaillon, il savait qu’il pouvait y arriver.
Aydan se dirigea donc vers cette demeure et se positionna contre l’un de ses murs pour l’escalader. C’était plus éprouvant qu’il ne l’avait imaginé, il perdit ses appuis à plusieurs reprises et manqua de perdre l’équilibre. Finalement, il atteignit le sommet. Il prit alors soin de ne pas trébucher sur les tuiles en terre cuite en avançant sur la toiture pour venir s’arrêter face aux remparts. Il retint son souffle et recula autant qu’il le put avant de se jeter en avant. Le saut fut un peu court, et il parvint de justesse à s’agripper à une irrégularité dans la pierre. Au prix d’un effort surhumain, il réussit à garder l’équilibre et escalada les quelques centimètres qui lui manquaient. Une fois en haut du mur, il s’allongea quelques secondes pour reprendre son souffle.
De fins flocons commençaient à tomber sur la basse-ville de Dérios qui s’étendait sous ses yeux. Il se dit qu’en temps normal l’endroit aurait sûrement été magnifique, mais pour l’heure, ce n’était plus qu’un vaste chaos. Des cors retentirent alors au loin et Aydan aperçut une flotte de guerre qui s'approchait de la ville. Les navires dont l’ombre imposante se dessinait dans la nuit avançaient doucement en direction du port où plusieurs trières appareillaient à la hâte. Visiblement, Sirius avait décidé de passer à l’action et Aydan savait qu’il ne lui restait que peu de temps.
Il reprit sa route dans de somptueuses rues totalement désertes. Les gardes n’avaient pas jugé utile de défendre cette zone, car ils ne s’attendaient sans doute pas à ce que l’on puisse y pénétrer comme Aydan venait de le faire. Néanmoins, en se rapprochant du sommet, il commença à entendre des éclats de voix et le bruit métallique familier de glaives s’entrechoquant. Il déboucha alors sur un large escalier de pierre à quelques mètres à peine du temple des Adorateurs. Au sommet, des Brûlés étaient en train de lutter contre des gardes de la Flamme dans un combat acharné. Aydan accourut dans leur direction lorsque le corps de l’un d’eux fut projeté dans les airs et dégringola le long des marches jusqu’aux pieds d’Aydan. Il contempla un bref instant son corps sans vie avant de relever la tête. Debout, en haut des marches, se tenait Liam. Il avait les yeux en feu et le visage en sang. Son visage était tellement déformé par la haine qu'il en était méconnaissable, pourtant, Aydan sut que c'était lui.
— Liam ! Cria-t-il, alors que son ami lui tournait déjà le dos, prêt à repartir dans la mêlée.
En entendant son nom, il se retourna et lui lança un regard étonné. Il fronça les sourcils et il lui fallut de longues secondes avant d’enfin reconnaître son ami.
— Aydan ?
— Me reconnais-tu ? Demanda Aydan en commençant à grimper les marches.
— Bien sûr, tu es le traître qui s’est allié aux Brûlés, puis avec ce bâtard.
— Je l’ai fait pour nous sauver, Liam. Luke avait raison, nous ne sommes plus nous-mêmes.
— Balivernes ! Atrius est mort par ta faute et Spyr est entre les mains de Sirius. Mais Pyra nous sauvera et vous fera payer votre orgueil.
Liam commença à descendre les marches à son tour.
— Au contraire, elle ne te condamne qu’à la servir pour toujours ! Ne vois-tu donc pas que tu n’es rien d’autre qu’un pion pour elle ?
Mais Liam ne l’écoutait pas. Il s’arrêta à proximité du cadavre d’un garde et il récupéra sa flamberge avant de la lancer aux pieds d’Aydan.
— Tu étais un garde autrefois. Ramasse donc le peu d’honneur qu’il te reste et fait moi face.
Aydan soupira et ramassa l’arme. Il s’était juré de ne plus manier cette épée qui ne lui inspirait qu’horreur et dégoût. Mais il allait devoir la brandir encore une dernière fois.
Il leva son arme et se mit en garde.
— Liam ! Je vais te ramener à la raison par la force !
— Jusqu’à l’embrasement des cieux ! Cria Liam.
Ils hurlèrent tous deux en se jetant l’un sur l’autre. Un projectile enflammé illumina le ciel au-dessus d’eux avant que leurs lames ne se percutent avec fracas.
*
Tanwen ne voyait rien. Elle n’entendait rien. Perdue dans un tourbillon d’émotion où s’y mêlaient tristesse et rage, elle courait à en perdre haleine afin de ne pas se laisser distancer par la silhouette de Lucio devant elle. Par moments, elle se sentait faiblir, mais le visage souriant de Finn revenait alors dans son esprit et la poussait à continuer et à ne surtout pas s’arrêter. Elle bousculait tout le monde sans aucun ménagement, se frayant un chemin au travers des villageois paniqués et des soldats désemparés. Rien ne semblait pouvoir stopper la course vengeresse de sa lame, celle de Hilda, qu’elle tenait hargneusement dans sa main droite. Sa rage lui monta tellement à la tête que toute la cité lui apparut rougeâtre, comme pour l’inciter à faire couler le sang.
C’est alors qu’un cri strident la força à s’arrêter pour se boucher les oreilles. Elle remarqua alors que cette vision ne provenait pas seulement d’elle, la cité était bel et bien rougeoyante. Sa course l’avait menée dans la basse-ville. Les villageois s’y regroupaient par milliers en essayant d’accéder aux quais dans l’espoir d’embarquer sur l’un des derniers navires encore amarrés. Une porte de sortie loin de cet enfer. Des soldats avaient pourtant reçu l’ordre de ne laisser personne accéder aux quais, mais face à la tournure que prenaient les événements, ils avaient pour la plupart abandonné leur poste. Les habitants se ruaient alors comme des bêtes vers les embarcations dans le désordre le plus complet.
Elle aperçut Lucio. Fort heureusement, ce dernier ne lui avait pas échappé. Il s’extirpa de la foule et s’engouffra dans une ruelle un peu moins animée. Tanwen joua des coudes et fit de même. Elle criait son nom avec rage en serpentant derrière lui dans les rues de la cité. Ils sortirent des murs et arrivèrent sur l’un des quartiers construits en pilotis. Les habitations communiquaient toutes entre elles au travers de ponts et de cordes. Au niveau de l’une d’elles, trois hommes s’affairaient à mettre à l’eau une barque. Lucio en attrapa un par l’épaule et la pointa du doigt. Les hommes lâchèrent aussitôt la barque qui s'écrasa sur le lac quelques mètres en contrebas et sortirent des lames. Lucio les écarta sans ménagement et commença à descendre une petite échelle menant à l'eau.
Emportée dans sa course, Tanwen glissa sur le bois mouillé du pont et plongea, lame en avant, sur le premier homme qui ne fut pas suffisamment rapide pour esquiver son attaque. Il mourut sur le coup et son cadavre tomba dans le lac. Elle se releva en vitesse et les deux autres l’attaquèrent immédiatement sans discontinuer, si bien que Tanwen eut du mal à répliquer. Elle devait se dépêcher, du coin de l’œil, elle aperçut Lucio grimper à bord de l’embarcation. Après un ultime échange, elle fit une feinte et réussit à porter un coup d’estoc dans le ventre de l’un d’eux. L’homme grogna avant de s’effondrer, mais son compagnon en profita pour riposter. Tanwen n’esquiva pas suffisamment vite et sa lame se planta dans sa cuisse, la faisant hurler de douleur. Elle s’écroula et recula sur son coude tout en gardant sa lame devant elle. L’homme ricana et la désarma d’un geste ample de son bras. Son glaive retomba derrière elle. Il leva alors son arme pour l’achever lorsqu’un couteau vint se figer droit dans son visage. Il afficha une expression de surprise avant de s’écrouler à son tour.
Tanwen ne prit pas le temps de voir qui l’avait sauvé. Elle sautilla jusqu’à son arme et courut autant que possible en direction de Lucio. Ce dernier était déjà à bord de la barque et s’apprêtait à s’éloigner de la berge. Elle n’avait pas le temps de descendre l’échelle et il devait bien y avoir cinq mètres entre le pont où elle se trouvait et la barque sur le lac en contrebas. Bien que la douleur irradiait sa jambe droite, elle saisit sa lame à deux mains, inspira profondément et sauta sur l’embarcation en hurlant. Lucio leva la tête avec surprise et contra le coup en se servant de l’une des rames. Le choc fut néanmoins violent et il manqua de perdre l’équilibre. Tanwen se redressa en laissant échapper un cri de douleur. Elle ne pouvait pas faiblir maintenant, sa cible était juste devant elle. Elle se mit à l’asséner de coups et Lucio ripostait tant bien que mal en se servant de sa rame. Mais Tanwen était à bout de force et ses attaques ralentissaient. Lucio en profita pour la frapper au visage, puis la désarma d’un coup de rame sur le poignet. Sa vision devint trouble, mais elle repéra une dague accrochée à la ceinture de Lucio. Dans un ultime effort, elle se jeta en avant et l’agrippa à la taille. Il ne fut pas assez rapide et les deux tombèrent à la renverse sur la barque. Tanwen dégaina la dague avec sa main droite et entreprit de le frapper au visage. Lucio l’attrapa par le poignet et mit toutes ses forces pour bloquer la lame à quelques centimètres de son visage. L’espace d’un instant, leur regard rempli de haine se croisèrent. Puis, avec une dextérité remarquable et un calme étonnant, Tanwen fit glisser la lame dans sa main gauche et frappa Lucio directement dans son œil. Il hurla de douleur et desserra sa prise. Elle en profita pour le frapper encore et encore tout en hurlant à son tour. Le temps sembla comme s’arrêter et elle ne saurait dire combien de temps elle le roua de coups alors que Lucio avait rendu l’âme depuis longtemps. C’est alors qu’on lui attrapa le poignet et qu’elle sentit une étreinte se refermer autour d’elle. Elle commença instinctivement à se débattre jusqu’à reconnaître la voix de Minos.
— C’est fini. Tout est fini.
Tanwen cessa peu à peu de lutter et éclata en sanglots dans ses bras.
— Lucio… Il… Il est mort, articula-t-elle avec peine. Je n’ai pas réussi à… Finn…
— Tout ira bien… Partons d’ici, je connais un endroit où l’on sera en sécurité. L’Ordre nous y retrouvera.
C’est alors qu’une immense explosion retentit devant la cité. Toute la flotte de Dérios venait d’être anéantie par des brûlots. Le feu se propageait rapidement de navires en navires et certains d’entre eux dérivaient avant de s’écraser sur les quais ou les contours de la cité. Il se nourrissait alors des habitations en bois entourant la ville pour former progressivement une ceinture de flammes autour de celle-ci. Ce n’était qu’une question de temps avant que leur quartier ne soit incendié. Derrière, elle pouvait apercevoir les troupes de Spyr sur de larges radeaux commencer à armer des catapultes.
Minos attrapa les rames et se mit à s’éloigner doucement du ponton. Tanwen se blottit sous sa cape pour se protéger de la neige qui commençait à tomber. Affalée contre son épaule, elle regardait peu à peu les flammes envelopper Dérios.
Moitié du dernier chapitre très intéressant.
Je vais essayer de faire dans l'ordre aha Donc Elinora et les brûlés se battent contre Ignis, rien de spéciale à dire, c'était sympa. Daélia s'en sort bien, en même temps y a plus préoccupant.
Du côté de Sirius, je m'attendais pas forcément à cette stratégie, j'ai même l'impression que ça pourrait jouer en faveur de Pyra mais on verra :)
Aydan, qui a le collier, va devoir essayer de sauver Liam (j'y crois moyen mais sait-on jamais, s'il sait le pouvoir du collier).
D'ailleurs mention spéciale : "— Jusqu’à l’embrasement des cieux ! Cria Liam.
Ils hurlèrent tous deux en se jetant l’un sur l’autre. Un projectile enflammé illumina le ciel au-dessus d’eux avant que leurs lames ne se percutent avec fracas." -- cinématographique, tout ce que j'aime aha
Et enfin Tanwen. Sûrement ma partie préférée je l'avoue. Même si j'ai l'impression qu'on la reverra peut-être pas pendant le reste du combat. A voir. Au moins lucio à eu ce qu'il méritait.
Juste un retour :
"Allez, y prenez ma vie si cela vous chante !" -- juste une petite erreur de ponctuation entre "Allez-y"
"Certainement cloîtrée dans son temple." -- ça parle d'ignis donc plutôt "cloîtré" je crois.
A plus ^^