Chapitre XXIII

Par Fidelis

Gidoin avait disparu, il put le voir s’éloigner en marchant à quatre pattes entre les pieds et les jambes des clients.

Il se redressa aussitôt et avertit Hroll.

— Je n’aime pas ça, fini ton vin, on va les laisser régler leur petit différent tout seul.

Hroll n’eut que le temps d’ajouter un « Jà » que la taverne se transforma en une arène meurtrière, où tout le monde semblait se battre contre tout le monde.

Les tables et les chaises volaient, la foule devenue compacte et des hommes apparaissaient encore par la porte.

Hroll avait saisi ses deux haches, Épiphyte, son écu et son épée, puis se colla dans le dos du Viking en lui gueulant pour se faire entendre.

— Hroll fait nous un passage jusqu’à la sortie, je protège tes arrières et évite de traîner c’est pas le moment !

Les corps s’aligner a droit et à gauche autour du viking qui avançait. Les chocs pleuvaient sur le bouclier du suiveur, qui donnait de grands coups de rapière, sans comprendre sur qui il tapait.

Il entendit râler son ami.

— Pour une fois qu’on s’amuse un peu !

Épiphyte grimaçait, la foule était dense, les bruits des armes et des cris couvraient toute la salle.

— Hroll bon sang, le tonneau ! sort nous de là où le feu qu’il contient va nous éparpiller avec tous ces dégénérés. Il ne restera que nos bottes qui vont atterrir devant la roulotte de Morgane !

Le guerrier nordique se souvint de la préparation de l’alchimiste et accéléra. Il se dirigea non pas vers la porte, trop fréquentée, mais en direction d’une fenêtre plus proche, avant de la traversée en l’explosant et créer ainsi une issue, à sa manière.

Giboin qui devait les avoir repérés, les accompagna dans la foulée.

Au moment de les suivre, Épiphyte s’arrêta devant une silhouette couverte d’une grande soutane. Il appâtait à l’aide de morceau de fromage des souris, qui grouillaient sur la corde.

— Mais je vous connais vous ?

L’homme sous sa capuche immense dont il ne pouvait pas distinguer le visage sembla s’adresser à lui.

Le regard chargé d’effroi d’Épiphyte longea le lien tressé pour se rendre compte qu’elle soutenait l’imposante roue de charrue qui servait de chandelier.

« OUI, JE NE REGRETTE PAS QUE TU SOIS TOUJOURS VIVANT EN FIN DE COMPTE, QUAND JE VOIS LE CHAOS QUE TU SÈMES, TU ES UN BON… RECRUTEUR »

Les souris s’attaquaient maintenant aux fibres de chanvre naturel tant apprécié par leurs petites dents.

Le lecteur frémit et fila à son tour par la fenêtre en ayant bien peur d’avoir compris.

À l’extérieur, Hroll l’attendait et Gidoin, lui, retournait dans la mêlée.

Épiphyte leur gueula alarmiste.

— Il faut partir, ça va sauter VIIITE !

Il entendit Gidoin dire un truc comme…

— J’ai oublié mon grimoire !

Épiphyte agrippa Hroll par la manche pour l’entraîner derrière un tas de bûches à proximité de la taverne.

Le Viking le regarda un peu étonnait de se retrouver ainsi à se dissimuler, ce qui ne correspondait guère à son code de conduite.

— On fait quoi là ?

L’explosion répondit à sa question. Ou plutôt un flash vert intense. Suivi d’un souffle qui fit s’éparpiller tout autour d’eux des monceaux de débris et même Gidoin, à deux mètres du sol, les bras et les jambes en arrière.

La puissance du phénomène poussa une bûche sur la tête d’Épiphyte, ce qui déclencha un rire chez son ami qui arrivait lui presque en haut du tas de bois.

Ils se levèrent pour découvrir un feu très actif avec des flammes vertes qui semblaient finir de consumer ce qui restait de la taverne, y compris les pierres. Des silhouettes fantomatiques et fumantes s’éloignaient, sans certitude sur l’issue de cette rencontre.

Gidoin sortit d’un fourré et se rapprocha d’eux. Il lui manquait une dent, sa chevelure à moitié cramée répandait une odeur peu ragoûtante.

Il paraissait déconcerté par ce résultat funeste dont il n’avait pas saisi la causalité profonde.

— Mon grimoire, il doit se consumer avec le reste, c’est une catastrophe, il contenait l’unique exemplaire de la recette du feu grégeois.

Il finit par les saluer. Il précisa qu’il valait mieux ne pas demeurer ici, l’explosion allait attirer du monde, mais qu’il était tout de même content de les avoir rencontrés et espérait les recroiser une fois prochaine.

Point de vue qu’Épiphyte ne partageait pas, mais se garda bien de lui dire pour ne pas le froisser.

Il se tourna vers Hroll qui paraissait un peu décontenancé que la fête soit déjà finie, et lui confia un sourire amusé au coin des lèvres.

— Rentrons, Morgane doit s’inquiéter après ce raffut, et merci pour cette petite détente. C’était, il faut l’avouer, très réussi, en tout cas, je ne verrai plus mon ancien pote Floxel de la même façon.

Par réflexe il glissa une main dans sa poche, pour s’assurer de la présence du livre. Après tout, si tant de gens s’y intéressaient c’est qu’il devait peut-être avoir une certaine valeur, songea-t-il.

Ils retournèrent à la roulotte un peu étourdie. Son vague à l’âme l’avait quitté et ils reprirent la route sans plus traîner.

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Plume de Poney
Posté le 19/03/2025
Le retour de la Mort, un personnage bien sympathique. Il n'a pas tort, le Acelin il facilite le transit vers l'au delà.

Et le feu grégeois c'est toujours festif.

Un chapitre avec de l'ambiance encore une fois, bravo!
Fidelis
Posté le 19/03/2025
Merci, et là, on va enfin savoir, à quoi sert ce livre, et forcément avec Acelin, cela ne se passe jamais comme prévu.
Plume de Poney
Posté le 19/03/2025
Oui je ne crois plus à une vie paisible et tranquille pour lui, mais je ne m'en plains pas!
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