Chapitre XXIV

Par Fidelis

Épiphyte somnola une bonne partie de la nuit. Au lever du jour, il se frottait le visage. Il avait froid, la rosée du matin s’était posée sur le paysage. De légères courbatures l’aidèrent à retrouver ses esprits, avant de s’étirer.

Hroll le regarda faire et lui sourit.

— Comment va mon ami Épi ?

Dit-il en lui donnant une tape sur l’épaule, ce qui faillit le faire basculer du siège de la roulotte avant de le rattraper en se marrant et de rajouter.

— Hey tu dois rester avec Hroll toi pour l’escorter n’oublie pas !

Épiphyte ouvrit des yeux énormes en se voyant partir dans le décor avant de sentir la poigne du géant le repêcher in extrémiste. Ce qui eut pour effet de lui déclencher un rire, à nouveau de retour sur le banc en sécurité.

— Du calme l’ami tu as encore besoin de ton garde du corps, le voyage n’est pas terminé.

Le jeune homme regardait autour de lui, la luminosité du matin diluait l’obscurité, les oiseaux se remettaient à chanter, il bâilla une dernière fois en fermant bien sa cape, pressant le livre dans sa poche.

L’astre solaire assez haut dans le ciel, il commença à en feuilleter son contenu. Les passages soulignés et commentés par feu Floxel en priorité, plus faciles à déchiffrer. Il lut à plusieurs reprises des extraits, et butait au même endroit, car le récit ne correspondait pas. Il réalisa très étonné que le manuscrit ne se parcourût pas comme ses semblables, sa lecture s’effectuait de manière non linéaire.

Il devait prendre en compte certaines annotations. Quelquefois laissées par Floxel, ou déposées par les anciens détenteurs, le menant plusieurs pages plus loin, ou à l’inverse, le faisant revenir en arrière. Épiphyte sortit une carte, et tenta d’y griffonner des directions, des axes, comme autant de points de résonances. La journée avançait, Hroll jetait un œil à son ami de temps en temps, mais celui-ci restait concentré sur ce qu’il essayait de déchiffrer.

Il finit par le lui demander d’un ton fébrile.

— Hroll, dit-moi, pourrons-nous arriver avant la tombée de la nuit.

Le Viking fronça les sourcils.

— Ce soir, tu veux dire ?

— Non, avant que le soleil ne disparaisse, c’est très important.

Il parut d’un coup très impatient.

Hroll le regarda avec bienveillance.

— Jà mon ami, nous y serons !

Le géant fit siffler ses longes pour accélérer la roulotte.

Le « Lecteur » finit par sourire, et s’accrocha en serrant sa carte et le livre contre lui pour ne rien perdre, et rit avant de le lui déclarer.

— À nous le trésor Hroll !

Épiphyte semblait de plus en plus excité, il le pressait à rouler toujours plus vite et ils réussirent à traverser aux dernières lueurs du jour, tambour battant les portes de la ville. Sans prendre le temps de se poser, il amena d’un pas rapide son ami sur la muraille de la cité, donnant sur le ponant.

Le soleil continuait de s’incliner sur l’horizon.

Il longea le rempart toujours plus existé jusqu’à trouver une tête de gargouille dans la direction voulue. Il se planta devant et chercha une silhouette noire qui dominait le paysage, ou, pour être plus exact, l’endroit où le dernier rayon émit par l’astre allait terminer sa course avant de disparaître.

Hroll qui essayait de suivre, commençait à s’impatienter.

— Regarde si tu prends l’axe de la citadelle voisine au nord et le mont des brumes à l’ouest non pas celui-là, pardon…

L’explication devenait très confuse sans que cela l’empêche d’être persuadée d’avoir déchiffré quelque chose de très important.

Il indiqua une direction avec un bras, puis une autre avec son deuxième.

— Quand le soleil tombera, il te délivrera la médiane qui désigne le lieu où se cache le trésor, C’EST MARQUÉ !

Il rejoignit d’un coup les deux vers un point de l’horizon.

À l’endroit précis où l’astre se décida à terminer sa course, il laissa échapper un cri libérateur pour souligner toute la complexité de cet exercice quotidien et pourtant ancestral.

— C’EST LÀ !

Hroll scruta le coucher, fronça les sourcils et arracha le grimoire des mains de son ami, qu’il commençait à trouver trop agité.

— Non tu te trompes, c’est ici.

Il lui indiqua une autre direction.

Épiphyte le regarda interloquer et explosa d’indignation devant sa proposition et surtout vexé de se l’être fait subtiliser.

— Mais il y connaît quoi le viking à la courbure des cucurbitacées, les vikings même s’ils découvraient un nouveau continent, y s’en rendraient pas compte !

L’islandais commençait à être agacé par ces paroles.

— Le dernier rayon ne se trouve pas là, tu es trop PETIT pour le voir !

Il tenta de récupérer le bouquin à Hroll, qui ne le lâchait pas. Les deux se retrouvèrent nez à nez à se grogner de manière très inquiétante.

Ils continuèrent à tirer chacun de leur côté.

— GRRRR !

— GRRRR !

Jusqu’à ce que l’inévitable se produise, déchirant le livre en deux morceaux, libérant une nuée de pages qui voletèrent autour d’eux. Elles semblaient les observer. Hroll ne bougea pas d’un cil pendant qu’Épiphyte atterrit sur son séant.

Les deux se figèrent, entourés de cette nuée de feuillets qui paraissaient les regarder.

C’est à ce moment-là que le lecteur comprit.

Le grimoire de Floxel, apportait ce que la personne désirait le plus, mais lui n’était pas attiré par l’or ou les bijoux, non, sa plus grande richesse à lui, c’était l’amitié.

Il se redressa d’abord, observant un instant les pages qui finirent par se disperser du haut de la muraille. Il enfonça ses mains au fond de ses poches, penaud, puis fixa la pointe de sa chausse, avec laquelle il semblait dessiner, avant de rompre le silence.

— Hum et pis de toute façon, qu’est-ce que j’aurais fait d’un trésor, et concernant les Islandais, en vérité, se sont les meilleurs navigateurs. S’ils ne savent pas tout à fait où ils se trouvent, c’est juste qu’ils soient trop grands, ils ne voient pas leurs pieds.

Leurs regards se croisèrent et ils échangèrent un sourire complice.

— Toi, tu es peut-être petit, mais tu as une imagination démesurée, trop pour un si petit corps !

Ils finirent par rire ensemble de bon cœur.

— Hey ça te dirait une bière ?

Proposa Épiphyte.

Ils marchèrent vers les rampes de descente comme si rien ne s’était passé.

— Tu veux mettre le feu à une taverne une nouvelle fois ?

— Un truc à toi ça, en attendant, je vais me méfier des roues de charrettes suspendues au plafond, ça oui.

La nuit était bien tombée cette fois-ci, le livre avait terminé sa quête aux lecteurs et nos deux amis, eux, je suis sûr, le sont toujours.

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Plume de Poney
Posté le 21/03/2025
Belle conclusion pour cette épopée alchimiste.

Pas mal la référence aux continents découverts par des vikings :)

Une ou deux coquilles : "sa lecture ne s’effectuaient de manière non linéaire." => la négation est inutile là
"Épiphyte semblait de plus en plus excitait, ils le pressaient à rouler toujours plus vite et réussirent à traverser aux dernières lueurs du jour, tambour battant les portes de la ville" => "excité" et il faut un "ils" avant "réussirent".
Sinon champion pour ce nouvel épisode. Pas de Salamandre mais un copain de boisson c'est déjà pas mal
Fidelis
Posté le 21/03/2025
Merci pour les coquilles, oui il a pas eu de bol ce bouquin, il a fallu qu'il tombe sur le seul lecteur qui ne cherchait pas la richesse, parce qu'il l'a possédé déjà.

Rassure toi, ça y est, on y arrive au manoir, bon de façon indirecte, à la manière d'Epiphyte, mais ce coup ci, c'est la bonne.

Merci pour encouragements.
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