D’un battement d’ailes, Lyzel sortit de la maison qui était un immense arbre. Ses yeux parcoururent son écorce, un habit de pierre rose et polie.
Les étoiles multicolores parsemaient les cieux rouges comme les amarantes. Lyzel se posa sur une large branche qui s’entremêlait avec d’autres pour former des ponts et des plateaux. Sa roche sinueuse manqua plusieurs fois de la faire tomber. Des feuilles mauves et palmées tourbillonnaient dans le vide. Elles recouvraient les passants qui avaient le malheur de se trouver à l’emplacement de leur chute. Lyzel les évita avec justesse. Certains damorials avaient essayé d’imiter les fénékos en construisant des abris avec, mais n’ayant pas le secret, elles s’étalaient comme des draps.
Lyzel ne remarqua pas ses connaissances et ses amis, focalisée sur son objectif. Elle contenait ses émotions qui désiraient s’exprimer. Elle se sentit de plus en plus lumineuse et accéléra le pas jusqu’à une pente.
Une eau rose coulait dans les sillons de l’écorce. Les arbres étaient glissants, mais Lyzel réussit à grimper. Une fois au sommet, elle s’avança sur les branches qui s’affinaient. Les feuilles battaient comme des ailes au souffle du vent. Malgré leur taille, la damorial pouvait observer le paysage.
Dans la dimension d’Ixarian, savoir où les arbres prenaient racine était un mystère. Ceux qui étaient descendu par curiosité avaient atteint le Cœur. Lyzel connaissait ce chemin qu’elle avait parcouru avec sa mère pour se nourrir de lumière. Depuis qu’elle avait échappé à Mosdrem, elle ne s’était pas recueillie auprès de ce soleil de diamant. L’envie de se ressourcer lui revenait, mais elle n’avait pas le temps.
Lyzel prit de nouveau son envol. Elle se faufila entre les arbres qui s’enlaçaient de leurs branches et qui se penchaient les uns sur les autres pour s’embrasser. En se rapprochant, ils avaient créé un grand lac qui débordait d’eau mauve. Lyzel ne pouvait l’admirer comme à son habitude à cause des fénékos qui se baignaient dedans.
Après de longues minutes de vol, elle aperçut une tour spirale et pointue. Les étoiles faisaient luire sa surface aussi rose que la forêt. Lyzel battit des ailes plus vite et vit enfin ce qu’elle craignait.
La Serre des Os ne ressemblait plus à la cité de ses souvenirs. Elle n’était plus enveloppée d’un épais brouillard noir. Elle se présentait là devant elle, nue et violée. Les maisons sculptées avaient été détruites, les statues créées par les artistes de rue étaient décapitées, les fontaines brisées et vidées de leur eau qui s’était répandue sur le sol. Lyzel atterrit parmi ses décombres. Son cœur s’était pétrifié d’horreur et ses Nebulas illuminaient son corps. La damorial essaya de les bloquer, mais ses pensées se déversaient dans tous les sens, tout comme ses yeux qui parcouraient ce décor chaotique.
C’était dans cette allée qu’elle avait joué étant petite, que des enfants couraient entre les demeures pour échapper à leurs camarades.
Et aux flèches des fénékos.
Lyzel marcha près des fontaines de bois. Des têtes de dragon crachaient des jets d’eau et des passants s’éclaboussaient en frappant dans le bassin ou en lançant des objets lourds…
Ce sont leurs corps sans vie qui sont tombés dans ces fontaines où aucune eau ne coule désormais.
Les rires résonnaient dans ces petites maisons agglutinées au fond de cette ruelle.
Leurs pleurs et leurs cris se sont tus après leur mort.
Lyzel tourna sur sa gauche et descendit de larges marches de pierre. Elle courut, évitant les gens qui circulaient dans les deux sens…
Et qui s’effondraient après s’être pris une flèche dans la nuque.
L’escalier se finissait sur une grande place où se dressait la tour. Quand Oleïd, protecteur de la Serre des Os, sortait sur son balcon, les damorials se regroupaient autour de lui pour l’observer. Même dans sa folie les réfugiés l’appréciaient. C’était grâce à lui qu’ils pouvaient vivre comme dans Camoren, leur monde d’origine. Les gens aimaient s’asseoir sur cette place pour discuter pendant des heures.
Plus personne ne parlait. Ils étaient tous étendus sur ces lieux et les assassins marchaient parmi ce charnier, fiers du résultat.
Lyzel pénétra dans une autre ruelle. Les fleurs se bousculaient sur les façades et sur les bords des fenêtres. Leurs mille arômes parfumaient l’air frais. Les feuilles mauves grimpaient sur les maisons en tentant de trouver une place parmi ces couleurs vives. Certaines s’étalaient à terre et serpentaient entre les pavés.
Non… Plus aucune fleur, plus aucune feuille ne poussait. Il n’y avait que des cadavres. Il n’y avait que du sang sur les murs.
Au bout de la rue, Lyzel l’aperçut enfin. La maison d’Alaïa. La porte gisait sur le sol, en morceaux. La damorial entra doucement et contempla l’unique pièce. Des objets fragmentés, les lits brisés, des draps déchirés et tachetés de sang noir – le sang d’une damorial, des meubles détruits, de la viande pourrie.
Leur domicile n’était que de ruines, mais les souvenirs demeuraient. Alaïa était en train de faire des origamis quand elle rentrait. Elle lui demandait si elle avait passé une agréable journée, si tout allait bien. Elle lui servait un steak saignant qu’elle avait tranché. Elle lui montrait ses nouveaux travaux et souriait à chaque compliment.
Alaïa était une damorial à la peau rouge. Aussi doux que les pétales d’une rose, son corps se vêtait d’une robe blanche. Ses boucles noires encadraient son visage comme un nuage et s’étendaient jusqu’à ses trois queues d’os. Discrètes, ses cornes se réfugiaient dans sa chevelure. Alaïa tenait Lyzel de ses mains squelettiques pour diffuser sa chaleur. Ses odeurs de lavande et de patchouli embaumaient la pièce. L’ambre de ses yeux était une mer de miel, suave, rêveur. Son rire cristallin résonnait dans la maison. Lyzel lui livrait quelques rumeurs sur leurs voisins. Elles discutaient ainsi toute la soirée puis allaient se coucher en se souhaitant une bonne nuit.
Alaïa était comme une mère et une sœur. Alaïa…
Alaïa est morte, Lyzel. Les fénékos l’ont tuée.
Non, ils ne l’avaient pas tuée. Ils l’avaient massacrée, violée.
La souffrance de son amie hurla dans sa tête alors que Lyzel ne l’avait jamais entendue. Elle vit les fénékos lui mettre de violents coups de poing. Alaïa s’était relevée, s’était défendue du mieux qu’elle le pouvait, évitant les manifestations nébuliennes qui brisaient les meubles. Elle avait fini par s’écrouler et un des meurtriers l’avait traînée dans un coin en lui arrachant sa chevelure rose. Il l’avait plaquée au sol puis…
Lyzel tomba à genoux et éclata en sanglots. Ses mains se crispèrent sur son crâne. Son imagination se déchaînait. Ses lamentations se mêlèrent à celles d’Alaïa et résonnaient dans la Serre des Os. Sous ses jambes, une mare de cristal se forma. Ses Nebulas se bousculaient, la secouaient. Lyzel sentit son sang se glacer, comme si sa souffrance la changeait en pierre. Sa lumière blanchit les ruines et brûla son âme. Elle ne pouvait se retenir plus longtemps.
Dans un cri de désespoir, Lyzel laissa éclater sa rage et sa tristesse. Un ouragan de clarté balaya la cité. Des millions d’épines translucides s’abattirent sur les maisons et les emprisonnèrent dans du cristal. Des quartz transpercèrent le sol et les murs comme des griffes. Des objets, des restes de meubles s’envolèrent et détruisirent les façades fragiles en morceaux.
Ses muscles se détendirent et Lyzel bascula en arrière. Un sentiment de vide régnait dans son âme alors que la tempête hurlait. Elle n’entendait rien. Son corps se recouvrait de cristal tandis qu’elle sombrait dans un sommeil sans fin.
Par contre, j’ai un peu de mal à comprendre la scène que tu décris. Lyzel parcourt les rues désertes de la ville en se remémorant l’attaque, c’est ça ? Et donc les gens qu’elle décrit et qu’elle croise sont le fruit de son imagination (ou plutôt de ses souvenirs) ? Ou alors il y a encore des gens à vivre dans les ruines ? Ou des cadavres restés sur place ?
J’ai beaucoup aimé aussi ta description d’Alaïa, les images sont très belles !
Dans la description de l’arbre du début, quand tu expliques que les feuilles recouvrent les gens sur lesquels elles tombent, tu devrais juste rajouter quelques mots, pour montrer à quel point elles sont gigantesques. Parce que tu dis seulement que l’arbre est immense, mais ce n’est pas très précis (un séquoia aussi c’est grand, par exemple), et on est obligé de déduire cette information à partir de ta description
-« Ceux qui étaient descendus » → « descendu »
- « elle aperçut une tour spirale et pointue » → tu devrais juste ajouter « en spirale »
- « C’était dans cette allée qu’elle avait jouée étant petite » → « joué »
- « Leurs pleurs et leurs cris se sont tus » → « se sont tu ». Et ensuite, je mettrais plutôt « après leur mort », ou « quand ils sont morts » (il y a quelque chose qui cloche avec la concordance des temps si tu mets « une fois qu’ils sont morts »).
- « plus feuille ne poussait » → il manque un mot, je crois ;)
- « Sa souffrance hurla dans sa tête alors qu’elle ne l’avait jamais entendue. » → tu parles de la souffrance de Lyzel ou de celle d’Alaïa, ici ? Si c’est celle d’Alaïa, il faudrait le préciser, pour rendre cette phrase plus claire
- « Ses lamentations se mêlèrent à ceux d’Alaïa » → « à celles »
Très bien décrite, la fin ! On s’imagine bien la scène, et c’est très impressionnant ! Et puis on s’inquiète un peu pour Lyzel, aussi… ^^’
Alors, en effet, les phrases en italique sont des pensées de Lyzel qui imagine comment l'attaque s'est déroulé. Elle, elle marche et se remémore à la fois les bons moments de cette cité, comme les mauvais.
Concernant l'arbre, il me semble avoir précisé que Lyzel marchait sur de l'écorce semblable à de la roche. Mais je me relirai et je modifierai si besoin ^^
Merci pour ton commentaire, j'espère te revoir bientôt !