— Vous faites une sale gueule, Jakes ! Votre chien est mort ?
Arthur dévisagea son supérieur, les traits crispés par l’énervement, il allait répondre quelque chose d’impertinent quand il rencontra le regard de Charlie qui lui intima de faire profil bas.
— Une mauvaise nuit, commissaire, préféra-t-il répondre.
Saint-Di le rejoignit et lui assena une frappe virile sur les épaules.
— C’est une gueule que je préfère, lança-t-il en se dirigeant vers le chalet à quelques pas.
Cette soudaine camaraderie acheva d’exaspérer le lieutenant. Autour de lui, la police s’affairait, ses collègues inspectaient les environs, d’autres parlaient aux voisins qui avaient été conviés comme témoins pour la perquisition. Personne ne paraissait particulièrement angoissé, sauf lui. Ses jambes avaient pris racine dans le sol et l’énergie le quittait, rejoignait la terre meuble. Il fixait l’entrée de la bâtisse avec anxiété : il avait peur de savoir, d’avoir raison.
Charlie fit sauter la serrure et ouvrit la porte en grand. De loin, on ne distinguait que de la pénombre, un cube ténébreux, une bouche des enfers. Saint-Di lui fit un signe impatient.
Ses membres lui obéirent enfin, incertains de leurs capacités, comme une machine rouillée. Chaque pas effectué le menait vers la vérité. Vers la souffrance.
Le lieutenant pénétra dans la maison à la suite de Charlie. L’obscurité l’enveloppa jusqu’à ce qu’il aperçoive la petite fenêtre, recouverte de toile d’araignée et de poussière. Elle diffusait un voile de clarté dans le chalet. Il actionna sa lampe torche et le faisceau lumineux inonda la pièce. Arthur balaya les murs avec la lampe puis s’arrêta sur les traces sombres. Charlie, la mine défaite, s’était agenouillé près des marques.
— Ce n’est pas du sang, Lieutenant.
Il soupira, rassuré, et rejoignit sa coéquipière. Il s’agissait de traces de crayons gras rouges. Quelqu’un avait gribouillé sur le sol cette immense flamme, en appuyant comme un forcené. En dessous de la tache, on discernait des bonhommes bâtons de différentes tailles.
Il croisa le regard de Charlie. Elle devait penser la même chose que lui. La mâchoire de l’inspecteur se serra.
— Alors ? Jakes !
Saint-Di se tenait posté près de l’entrée. Arthur ne comprit pas pourquoi il ne les avait pas suivis.
— Ce sont des dessins d’enfants, Commissaire… déclara-t-il, la bouche asséchée par la découverte.
— Des dessins ? Ici ?
Le commissaire finit par pénétrer dans la maison et inspecta le sol, la lèvre supérieure relevée dans une grimace d’incompréhension.
— Étrange. Très étrange… observa-t-il. Peut-être des enfants viennent-ils jouer ici ? Y a-t-il beaucoup de maisons aux alentours ?
— Seulement celle des voisins qui attendent dehors et ils n’ont pas d’enfants, précisa Arthur.
— Faîtes un relevé des empreintes, prenez en photos chaque recoin. Je vais parler aux témoins.
Le commissaire sortit du chalet. Arthur examina les gribouillages, l’enfant ne devait pas avoir plus de trois-quatre ans. Quatre bonhommes bâtons se succédaient, ils avaient des têtes immenses, des yeux composés de simples fentes verticales et des corps tout fins.
— Ma fille dessinait ainsi, il y a quatre ans, remarqua Charlie sourdement.
— Comment interprétez-vous ces dessins ?
— C’est évident. L’enfant a représenté sa famille. Il y a deux parents, deux enfants, là c’est la fille qui est l’aînée, regardez, l’enfant a dessiné une jupe. Je dirai que le petit garçon est le cadet.
Ils restèrent un instant silencieux.
— Vous pensez que Carla Cole et Justin Cruz ont séquestré un enfant ? Vous la croyez capable de ça ? l’interrogea Charlie.
Arthur se massa le menton, soucieux.
— Cette femme est capable de tout, du bien comme du mal, mais dans tous les cas, elle n’a pas été l’investigatrice, j’en suis sûr.
Charlie hocha la tête et se pencha un peu vers lui.
— Vous vous êtes mis dans une sacrée situation, Lieutenant, dit-elle d’un ton grave.
Arthur la dévisagea sans comprendre.
— Cette Carla, vous l’avez dans la peau. Ça se voit. Ne faites pas de bêtises, le chef vous attend au tournant.
— Je sais.
Ils se regardèrent un instant puis Charlie se mit à inspecter le reste de la pièce, sans ajouter autre chose. Il la suivit.
Un agent de la criminelle prit en photo les coins, les dessins, les murs. Chaque flash donnait le tournis à l’inspecteur. Chaque flash imprimait sur sa rétine les détails des alentours. Chaque flash lui envoyait une image de Carla tuant un enfant. Il dut fermer les yeux pour effacer les images, noyer les émotions. Il devait se concentrer. Il ne comprenait pas pourquoi il y avait des dessins d’un enfant dans ces lieux. Il s’attendait à trouver le corps d’un dealer, le sang d’un homme. Où était maintenant cet enfant ? Était-il toujours en vie ? En formulant la question, il comprit qu’il détenait déjà la réponse. Arthur sortit son calepin et commença à noter l’ensemble des objets dans la pièce. Une télévision pourrissait contre le mur. Sur de vieilles étagères en fer, on pouvait trouver un réchaud, quelques boîtes de conserve périmées, des fruits en décomposition, de vieux jeux de société et des cassettes vidéo. Dans l’angle, des traces semblaient indiquer la présence d’un lit. Arthur se rappela qu’à l’extérieur, il y avait une structure en fer brûlée. Il s’approcha près du vieux lavabo. Il était brillant de propreté. Pas un cheveu, pas un ongle. Carla l’avait parfaitement nettoyé. Une soudaine fièvre l’envahit, il quitta le lieu pour se rafraîchir à l’extérieur. Sous la charmille, alors qu’il faisait les cent pas, ses pensées se cristallisèrent autour d’un fait : l’enfant devait être enterré dans les environs. Il fit le tour de la maison, explora les lieux, examina les arbres, fureta entre les racines, arracha quelques branches décharnées, souleva avec rage les tapis de feuilles : rien. Pas de traces de terre retournée, de tombes, de trous étranges. Seuls les assassins devaient savoir où se trouvait la dépouille de l’enfant. À moins qu’il ne soit pas vivant ?
Après plus d’une demi-heure de vaine recherche, il revint vers le chalet. L’équipe de police avait installé des rubans rouges et blanc autour de l’habitation. Charlie discutait avec le commissaire et répéta ses phrases lorsqu’il arriva à leur niveau.
— Les voisins assurent qu’ils ont surtout vu Carla Cole et Justin Cruz dans le coin. Lucie Cruz ne serait venue qu’une seule fois alors que cette maison lui appartient. Ils n’ont rien entendu ou vu quelque chose de spécial, sauf de la fumée, la semaine dernière.
Arthur acquiesça et demanda à son supérieur.
— Les analyses d’empreintes reviendront dans combien de temps ?
— Quelques jours, normalement, le renseigna Saint-Di.
Le portable du lieutenant se mit à vibrer. Il s’agissait du brigadier Simon qui remplaçait Stéphane pendant sa convalescence.
— Oui, Simon.
— Lieutenant, vous m'avez dit de vous appeler si un homme se présentait à l’hôpital et qu’il ressemblait au portrait-robot ?
— Oui.
— Et bien, un homme vient de rentrer dans le hall, il ressemble énormément à la description. Je vous envoie sa photo. Il monte à l’étage. Qu’est-ce que je fais, lieutenant ?
— Suivez-le et arrêtez-le s’il a une conduite suspecte. J’arrive.
Arthur fit un signe à Charlie et tous d’eux se ruèrent dans le véhicule. Le lieutenant mit le contact et partit sur les chapeaux de roues. Une réflexion s'imposa à son esprit : l'homme qui avait essayé de tuer Justin et Carla était le père de l'enfant. Il en était persuadé.
Aaaaaah, je comprends mieux le lien avec Halima et toussa toussa, okay, j'ai ma petite idée sur ce qu'il va se passer maintenant, mais je dirai rien en com pour éviter de spoiler mais Gab a deviné aussi ce que je voulais dire, donc je me raccrocherai à son commentaire pour le coup
""Seuls les assassins devaient savoir où se trouvait la dépouille de l’enfant. À moins qu’il ne soit pas vivant ?"" => Ah oui, en effet, c'est un peu bizarre en relisant ...
"Gab a deviné aussi ce que je voulais dire, donc je me raccrocherai à son commentaire pour le coup" => Ok ;)
Bon ça m'embête un peu que tu aies deviné directement pour Malik, si j'enlève la dernière phrase de l'inspecteur peut-être qu'on sera plus dans le mystère^^
"comment il a déjà la description du père"=> Carla lui en a parlé et son collègue mais c'est vrai que c'est sous-entendu, peut-être que je dois rendre ça plus évident !
Merci <3