Chapitre XXXII

Par Fidelis

Épiphyte était surpris par son ami, autant d’opiniâtreté silencieuse, il avait sans aucun doute préparé son coup depuis bien longtemps. Goeri lui confia un sac qui contenait deux petites torches avec un bocal de graisse pour les alimenter, d’une gourde et d’un piolet au cas où ils auraient besoin d’escalader.

Ils prirent la route peu après la tombée de la nuit.

Goeri était contrarié, car il restait encore un dernier croissant de lune pour les éclairer, lui qui voulait user de discrétion pour s’éloigner du village. Le plus jeune, lui, qui ne connaissait pas le chemin, remerciait en silence l’astre nocturne. Ce qui ne l’empêcha pas de trébucher par deux fois, dont les jurons étaient aussitôt étouffés par son guide qui le pressait pour le faire avancer.

— AIIIIEUUU !

Puis il continuait en chuchotant plaintif.

— Mais je n’y vois rien t’es marrant toi !

Entrecoupé par Goeri, toujours sur le mode de la confession.

— Tu ne peux pas faire attention, on dirait un auroch qui se déplace !

Au bout de deux ou trois heures de route, le paysage changea. La végétation devint moins dense avec un sol de nature rocailleux, et c’est là, dans un vallon encaissé et sinueux qu’ils s’arrêtèrent un instant, pour en deviner les détails. Le jeune homme en profita pour sortir une pomme de ses affaires et l’essuya sur sa manche.

— Ne me dis pas que tu es déjà perdu, je le prendrais mal.

Il laissa échapper un sourire moqueur avant de croquer dedans.

Le jour n’était pas encore levé, l’obscurité encore complète, aussi il fallait bien connaître les lieux pour se repérer au beau milieu de la nuit, réalisa le chevalier. Goeri saisit son incompréhension et lui fit signe de se taire un instant, avant de se tourner vers lui et de lui murmurer.

— J’ai tenu l’entrée en l’état. C’est-à-dire sauvage, pour que personne ne la trouve, du coup, je dois moi-même rester attentif pour en deviner sa trace, bien la preuve que c’est efficace.

Avant de lui indiquer une direction.

— Par ici, viens, continuons.

Épiphyte soufflait, il en avait marre de se promener de nuit, il avait imaginé son séjour moins intrépide. C’était sans compter sur l’obstination de son ami. Il n’osa pas lui demander pourquoi il parlait toujours aussi bas, et constata que sa nervosité grandissait au fur et à mesure qu’ils s’approchaient. Il avait du mal à comprendre les raisons de son appréhension. Les tombes mérovingiennes n’éveillaient chez lui aucune exaltation particulière.

Le vallon sinueux possédé des parois abruptes à certains endroits, la végétation avait pris place là où elle pouvait. C’est derrière un bosquet au pied de celle-ci qu’il le conduisit.

Une fois contre la façade rocheuse, il leur fallut ramper pour s’infiltrer dans un boyau étroit. À l’intérieur, ils allumèrent une torche. Une galerie se dessina, puis deux, puis trois. Un vrai labyrinthe constata le plus jeune, réalisant d’un coup que tout pouvait s’effondrer à tout moment comme un château de sable.

Pour confirmer cette crainte, de la terre s’écoula à leur passage, entre les poutres surannées et suintantes qui étayer les tunnels. Goeri avait fixé une corde, qu’il leur servait de fil d’Ariane pour les aider à s’enfoncer dans les ténèbres.

Mais aussi à sortir plus vite en cas de besoin, ne put s’empêcher de songer le chevalier.

Si dehors il y avait un dernier croissant de lune, ici plus rien. L’obscurité absorbait la lumière de la torche qui créait des ombres inquiétantes et fugaces, pour bien leur faire réaliser la fragilité de leur existence.

Ils descendirent dans les entrailles de la mine sans échanger un mot, comme si l’instant était devenu grave. Leurs pas les menèrent devant un cul-de-sac, Goeri ne put s’empêcher de sourire de satisfaction et leur éclaira la galerie de pierre.

Le jeune homme ne saisit pas tout de suite ce qui pouvait le stimuler de la sorte, avant d’observer plus en détail la paroi. Elle était couverte d’irrégularités à sa surface. Formation géologique lente, puis il se rendit compte que ce qu’il prenait pour des concrétions de calcaire représentait des signes très étranges qui, vu leur complexité s’apparentaient à une forme d’écriture dans un alphabet inconnu.

Il ouvrit de grands yeux surpris parce que son ami lui dévoiler.

Ce n’étaient pas des ruines mérovingiennes, comprit-il, mais beaucoup plus ancien, il interrogea Goeri sans pouvoir retirer son regard de la façade.

— Par tous les dieux Goeri, tu te fous de moi, c’est antérieur aux Mérovingiens !

Il finit par se tourner vers lui tout en fouillant sa besace pour allumer le second flambeau avec fébrilité.

— C’est issu tout droit de l’antiquité, voire même avant.

Il réfléchir un court instant.

— Plus ancien que les premiers récits de l’homme, tu te rends compte !

Goeri goguenard le regardait se consumer par la curiosité, avant de lui délivrer un début de piste.

— Tu as raison, on a trouvé ce type d’écriture en Mésopotamie, elles sont plus vieilles que les pyramides plus vieilles que tout ce qu’on n’a jamais découvert à ce jour, elles représentent un témoignage exceptionnel.

Épiphyte équipé de sa torche approcha son nez contre la paroi afin de poser sa main dessus comme pour l’aider dans sa compréhension. Au moment du contact, une lumière bleue apparue à l’endroit qu’il venait de toucher pour se transformer en un cercle qui s’agrandit sur la surface pour finir par disparaître dans le néant qui les entourait.

De la manière d’une onde qui se propage sur l’eau.

Épiphyte recula d’un bond surpris par la manifestation, ce qui fit s’esclaffer son aîné qui lui expliqua.

— Ces lumières mobiles ne représentent aucun danger tranquillise-toi, elles prennent naissance au moindre impact, tu saisis à présent la peur des moines quand ils l’ont découvert.

— Qu’est-ce dont ?

Questionna Épiphyte qui approcha à nouveau sa main, rassuré par la déclaration.

— Je n’en sais rien, regarde bien la surface. Elle se compose d’une matière différente au reste de la galerie. Je me demande si ce n’est pas une forme de métal, inaltérable si l’on s’en tient aux récits qui les mentionnaient.

Épiphyte s’amusait à présent à créer des ondes en séries, en tapotant du bout des doigts la paroi qui s’animer d’une vie intérieure. Il cessa d’un coup, une idée folle venait de lui traverser l’esprit.

— Tu as réussi à les déchiffrer ?

Le chevalier tendit le bras avec sa torche pour apprécier l’entièreté des inscriptions qui couvraient le tunnel. Le message de son ami lui revint alors en mémoire.

Une palourde en parfait état.

Il était bien loin de s’imaginer quand il en avait pris connaissance qu’il se trouvait si proche de la vérité.

 

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