Point de vue : lui
Je ne vois rien dehors. J'ai dû rêver, une fois de plus, comme si ça changeait de d'habitude. J'ouvre le frigo pour voir ce que je peux me faire à manger. Il n'y a pas grand chose, il est presque vide. Il y a juste de quoi me faire un sandwich. Ce soir, il faudra que j'aille faire les courses après les cours.
J'ai mal à la tête, ça tourne un peu. Je m'assois à la table de la cuisine, en espérant que ça passe tout seul. Je suis assommé par ma matinée. La douleur se fait de plus en plus intense. Je prends un cachet d'aspirine avant de m'allonger sur le canapé, dans l'obscurité.
Des images défilent dans ma tête. On dirait les morts que j'ai déjà croisés dans ces rêves étranges. Les images passent trop rapidement pour que je puisse le confirmer pleinement. J'essaie de ralentir mes pensées, c'est bien eux. Je les vois bien, maintenant. Je peux les distinguer correctement.
Je prends une grande inspiration. Puis, j'expire lentement. Etrangement, ça ne me répugne plus autant, de voir tout ce sang et ces corps immobiles. C'est assez noir de le dire comme ça mais je crois que je commence à m'y habituer. Peu importe que ce soit dans mes visions, à la télé, dans les journaux ou dans les vidéos que m'envoie l'inconnue. J'aurais largement préféré que ça ne le devienne pas. Je ne veux pas que ça me rende fou. Voir tous ces meurtres et savoir comment ils ont été commis pourrait me donner des idées noires. Ça pourrait devenir une obsession jusqu'à ce que je commette moi-même des crimes sans m'en rendre compte. Je ne veux pas devenir un tueur en séri parce que ça n'est pas moi et que ça ne me correspond pas.
J'ouvre les yeux. Je reconnais ma cuisine. Je pourrais prendre mon téléphone et lui répondre, à cette inconnue pour essayer d'en savoir un peu plus. J'aimerais bien avoir des réponses à toutes ces questions que je me pose. Les messages, les cadavres... Si je lui écrit, elle peut me donner des informations. Ou bien elle déclinera. Mais je ne sais pas comment le lui demander. Ça n'est sûrement pas une bonne idée. Qui ne tente rien n'a rien, après tout. Mais si je ne le fais pas, je suis sûr de ne jamais avoir de réponse claire et nette. Je laisserais tomber la possibilité qu'elle me réponde vraiment. J'essaie de trouver une formule qui pourrait marcher. Bonjour fait trop classique même si c'est de la simple politesse. J'ai pas envie d'écrire ça vu la façon dont elle m'écrit.
J'aimerais savoir ce que signifient ces messages. C'est simple, clair et efficace. Au moins, ça a le mérite d'aller droit au but. C'est difficile d'expliquer comme ça. Je ne pense pas que tu sois prêt à l'entendre et le comprendre. Je ne sais pas pour qui elle se prend pour me juger de cette manière. Qu'en sait-elle si je comprendrai ou pas? Et puis-je savoir ce qui vous fait dire ça ? Une fois que je suis lancé, je suis lancé. Je te connais et je sais ce que tu penses. Tu n'es pas encore tout à fait prêt. Par contre, je peux peut-être t'aider à surmonter tes problèmes avec ton entourage. Je peux écouter ce que tu as à me confier. Je sais que ça te fera du bien d'en parler à quelqu'un d'autre.
Elle a visiblement l'air de bien me connaître. Je ne vois juste pas comment elle peut connaître mes pensées. Elle doit lire dans la tête des gens, ou alors je suis devenu complètement fou et je m'envoie des messages à moi-même. Suis-je schizophrène au point de me foutre la trouille tout seul ? Je préférerais que cette histoire n'aille pas si loin. Atterrir dans un hôpital psychiatrique ! C'est pas le genre d'endroit dans lequel on a envie de passer sa vie !
Je crois que je n'arriverai pas à en savoir plus pour aujourd'hui. La discussion s'arrête là. En ce moment, j'ai l'impression que toutes mes conversations s'arrêtent d'un seul coup. Je n'ai même pas obtenu ce que je voulais savoir. On dirait presque que tout est hors de mon contrôle depuis que mamie est partie. Que, malgré tout ce que j'essaie de faire au quotidien, les soucis ne cessent de s'accumuler en masse et de venir m'envahir jusqu'à me submerger. Je ne peux agir sur rien de ce qui m'arrive. Et ça me dépasse.
Je vais devenir fou. Il faut que j'en parle à quelqu'un. Si ce n'est pas à l'inconnue, alors ce sera avec Sarah. Je vais lui parler de tout ça. On se retrouve devant l'université ? J'aurais préféré que ce soit dans un autre endroit. Ce n'est peut-être pas le meilleur moment pour en parler avec tous les problèmes qu'on a, mais on a pas le choix. On doit le faire ! OK, j'arrive.
Musique dans les oreilles, je marche jusqu'à l'arrêt de bus. Je monte, je m'accroche à ma barre habituelle. Au prochain arrêt, deux personnes montent dans le véhicule. Je me sens de nouveau oppressé par tout ce monde. Ils ne sont pourtant pas si nombreux. J'ai une sensation de claustrophobie malgré les grandes vitres. Je ne sais pas ce qui m'arrive. Le bus s'arrête, je descends.
J'avance jusqu'aux marches de l'entrée de l'université. Je m'assois au même endroit que la dernière fois. Sarah n'est pas encore arrivée, ça m'étonne d'elle. D'habitude, elle est toujours là avant moi. J'espère qu'il ne lui est rien arrivé. J'aurais dû penser à jeter un coup d'œil chez elle sur le trajet. Je l'attends mais elle n'arrive pas. J'entends la sonnerie retentir. Je suis contraint d'aller en cours sans elle. Je croise les doigts pour que ne soit qu'un retard. Je passe devant mon casier. Les messages que je lui envoie restent sans réponse. Une boule se forme dans mon estomac.
C’était un chapitre vraiment très prenant, il me semble que c’est la première fois qu’il y a un véritable échange entre la Mort et Andrew, échange bien amené et bien justifié par l’évolution progressive de son état d’esprit (j’ai véritablement peur pour lui !). J’espère qu’il n’est rien arrivé à Sarah, ce serait la goutte de trop pour Andrew…
J’ai repéré deux coquilles : « tueur en séri » (série*) et « si je lui écrit » (écris*)
Je suis très heureuse da savoir que ce chapitre t'a plu ! (j'en suis flattée). La suite te le dira...
Merci pour les coquilles :)