Chapitre XXXIV

Point de vue : elle

Il s'inquiète pour Sarah. C'est normal. Je partage son inquiétude. Je pourrais faire en sorte qu'il lui arrive quelque chose de grave pour que sa peine l'emmène au fond du trou et qu'il accepte plus facilement. Mais il ne voudra probablement pas être complice de ça. Puis, je ne peux pas faire ça parce que ce n'est certainement pas le meilleur moyen pour arriver à mes fins. Même si un dicton affirme le contraire. Il y a une règle qui m'interdis d'agir pour mes besoins personnels, de toutes façons.

Deux cours se passent et toujours aucune nouvelle de Sarah. Un troisième et dernier prof à supporter. Il étale encore ses connaissances à ses élèves. C'est long. Andrew essaie de suivre malgré tout. Il essaie de ne pas penser à toutes les choses qui auraient pu arriver à Sarah. Il sort en trombe de la salle. A peine le pas de la porte dépassé, quelqu'un lui attrape le bras. On le tire jusqu'à un renfoncement dans le mur. Une main se pose sur sa bouche. Ses yeux s'ouvrent en grand. Il ne peut pas y croire. Un coquard à l'œil gauche, les lèvres boursouflées et le corps strié de dizaines de bleu... Sarah. Andrew a eu du mal à la reconnaître sous ses meurtrissures. La panique monte en lui.

« - Il avait bu, Andrew, et j'ai rien pu faire pour l'arrêter. Il a trouvé la carte, je ne sais pas comment. Heureusement que les petits n'étaient pas là pour voir ça. »

Elle éclate en sanglots. Il la serre dans ses bras. Il pose une main sur sa tête pour qu'elle se calme et qu'elle se sente plus rassurée.

« - Je suis là. Tout va bien. Respire. On va trouver une solution. On passe d'abord à la pharmacie pour te soigner et après, on va à l'hôpital pour voir ta mère et obtenir des explications. »

Il la traîne jusqu'à sa voiture. Il met le moteur en marche. Il ne lui a même pas demandé son avis. Il ne veut pas lui laisser le choix. Il faut retrouver sa mère parce qu'elle a sûrement des réponses à toutes les qu'elle se pose depuis son départ et une réponse face au comportement de son mari..

« - Tu saurais la reconnaître ?

- Ça fait longtemps, et puis elle s'est refait le visage. J'espère pouvoir y arriver. J'ai peur de l'état dans lequel on va la trouver. Si elle est bien là-bas, du moins. »

Il ouvre la porte en grand et se dirige vers l'accueil. L'hôtesse croit qu'ils viennent pour Sarah et leur propose un ticket pour une entrée. Mais ce n'est pas ce qu'ils cherchent.

« - Pourrions-nous avoir le numéro de chambre d'une femme qui a dû arriver cette nuit s'il vous plaît ? Elle a reçu une balle dans le ventre et elle a perdu un enfant.

- Vous êtes de la famille ? Alors, allez chambre 412. Au troisième, dans une des salles de réveil des urgences. »

Ils font un petit merci de la tête avant de se mettre à courir jusqu'à l'ascenseur. Sarah ne dit pas un mot. Ils s'impatientent. Ils arrivent enfin au bon étage. Des dizaines de blouses blanches défilent devant leurs yeux. Un infirmier passe en vitesse devant eux. On peut lire de la panique sur son visage. Sa blouse est toute tachée de rouge. Il est le seul à être autant affolé et à courir un peu partout dans le service.

Ils parcourent encore quelques couloirs. Il leur faut plusieurs minutes avant de se repérer. Ils y sont enfin. Ils appréhendent tous les deux. Pas le temps pour penser à tout ce qui pourrait se passer de l'autre côté de cette porte. Il toque. Il pousse le battant. Il entre en premier. Sarah ouvre la bouche avant qu'Andrew fasse un geste pour qu'elle la referme.

« - Maman... »

Les larmes les submergent petit à petit, toutes les deux, tour à tour. On sent que Sarah aimerait prendre sa mère dans ses bras mais qu'elle n'ose pas. Ça fait bien trop longtemps qu'elle ne l'a pas fait. Elle serait trop maladroite et risquerait lui briser une ou deux côtes de plus.

« - Je sais, ma chérie. »

Sarah est confuse, peut-être même un peu mal à l'aise, ne sachant pas trop où se mettre. Elle sent la pression des retrouvailles peser de plus en plus lourd sur ses épaules. Un petit sourire nerveux se dessine sur son visage.

« - Maman, je te présente Andrew. »

Elle glisse une mèche derrière son oreille droite, laissant apparaître une petite boucle ronde et dorée.

« - Enchanté.

- Pareillement. Qu'est-ce qui vous amène ?

- Écoute... Papa s'en est pris à moi quand il a découvert la carte. J'aimerais avoir des réponses, maman. Savoir sur ce qui s'est vraiment passé et avec les détails si possible.

- C'est une histoire bien trop longue et compliquée.

- Je n'en doute pas une seule seconde maman, mais j'ai besoin de savoir. Je dois faire disparaître cette peur que j'avais de t'avoir perdue à jamais, mettre fin à ces questions qui m'ont tourmentée pendant toutes ces années. »

J'ai l'impression que Sarah a repris du poil de la bête. Il était temps. Peut-être est-ce l'effet de voir sa mère ? Aujourd'hui, elle est prête à entendre ce qu'elle est venue chercher dans cet hôpital.

« - Tu sais Sarah, j'ai pas eu de très bonnes fréquentations dans ma vie. Je ne sais même pas comment définir ma relation avec ton père. Des gars que j'avais rencontré dans une soirée ont commencé à me suivre. Ils me menaçaient, Sarah. Ils me menaçaient de vous enlever si je ne faisais pas ce qu'ils voulaient. Je ne pouvais pas rester à la maison parce que c'était devenu trop dangereux pour vous. Dieu sait ce qui aurait pu vous arriver si je n'étais pas partie. J'ai fait ce qu'ils voulaient. Voler, leur trouver de l'argent et d'autres choses plus horribles les unes que les autres. Ils en demandaient plus chaque jour. J'ai rencontré un type qui était de passage dans le coin. On a bien sympathisé. On a entamé une relation. On s'est pris un appartement tous les deux. Il m'a promis de me sortir de ce pétrin et il l'a fait. ll m'a notamment aider pour la chirurgie esthétique au visage. On pensait que tous les gars étaient en prison parce qu'on avait aidé les flics à les coffrer. Mais il en restait une qui était avec eux. On ne savait même pas qu'elle existait. Et je suis tombée enceinte il y a cinq mois. Je n'ai pas voulu revenir pour ça. Ton père et moi n'aurions pas pu surmonter ça. Puis, j'ai compris cette nuit-là. Je ne sais pas qui elle est mais ça s'est vu dans ses yeux. Ils étaient remplis de haine et de vengeance. Elle a réussi son coup. Il s'est occupé d'elle pendant que je partais. J'ai appelé l'hôpital. Deux infirmières sont venue me chercher. Arrivées là-bas, elles m'ont soignée. J'ai pu t'écrire après m'être réveillée. »

Quelques larmes coulent le long de sa joue au fur et à mesure qu'elle parle. Elle cherche ses mots. Elle est hésitante. Elle bafouille de temps à autre. Il semblerait qu'elle ne dit pas tout. Ce n'est pas qu'elle ment, elle laisse quelques parts d'ombres plâner sur la vérité. Elle n'a pas dévoilé tout ce qu'elle a dû faire pour eux, par exemple. Il doit bien y avoir autre chose, dans cette histoire.

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Niels
Posté le 06/03/2022
Un chapitre qui marque un nouveau tournant avec toutes ces révélations par rapport à la mère de Sarah. A voir les tenants et aboutissants relatifs à ces mauvaises fréquentations et à cette femme cherchant vengeance…Qui est-elle ? J’ai une petite idée mais j’attends de voir la suite avant de l’exprimer !

Des petites coquilles :

- Il y a une règle qui m’interdis (interdit*)
- De toute façon*
- Dizaines de bleus*
- Toutes les questions* (mot manquant)
- Des gars que j’avais rencontrés*
- Deux infirmières sont venues*
- Il semblerait qu’elle ne dise* pas tout (l’incertitude exprimée me pousserait à utiliser le subjonctif).

A bientôt !
InTheKiosk
Posté le 06/03/2022
Eh bien j'espère que la suite ne te décevra pas !
Merci encore une fois pour les corrections, ça m'aide beaucoup (et merci pour tous tes commentaires de façon générale).
A bientôt (je suis ravie que tu sembles vouloir continuer l'histoire) !
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