Chapitre XXXIV

Par Fidelis

L’ensemble apparaissait enténébré. Le sol se révéla lisse, à l’image d’un marbre sombre et poli avec habileté. Au contact de ses pieds comme auparavant sur la façade extérieure naissaient des cercles bleus. Ils apparaissaient sur la surface avant de s’agrandir de manière démesurée. Éclairage inattendu qui l’aida à se repérer dans l’espace, car les flammes de sa torche ne se reflétaient pas à l’intérieur de la nouvelle galerie. Les parois d’un noir profond du même aspect rappelaient davantage celui d’un métal que du calcaire. Le tout donnait une illusion fantastique qui semblait absorber la lumière et provoquait une sensation de vertige.

Goeri, en reconnaissant les figures familières, eut d’instinct l’idée que leur non-dangerosité au-dehors attestait la sécurité de l’endroit. Il rejoignit son compagnon d’aventure sans crainte, faisant naître des ondes sur le sol à son tour qui se perdait dans le néant.

En silence, ils suivirent chacun une paroi, pour découvrir en même temps des cavités assez grandes creusées à mi-hauteur.

Ce qui leur évoqua des assises.

Épiphyte s’arrêta devant, et tapota du pied afin de l’aider à visualiser le relief, et comprit ce qui le tracassait.

— Cela ressemble à des sièges.

Goeri, de son côté, ne pouvait s’empêcher de partager sa pensée, même si une explication toute simple pouvait y répondre. Il tentait de déchiffrer les inscriptions qu’il découvrait.

Le chevalier continuait à réfléchir à haute voix pour étayer son analyse.

— Qu’est-ce qui peut ouvrir cette porte si ce n’est pas un homme et peut bien se servir de fauteuils aussi grands ? Je n’aime guère l’idée, dis-moi, il y avait marqué quoi d’autre à l’extérieur ?

L’érudit concentré à déchiffrer les runes essaya de minimiser ces ressentis.

— Bien sûr que l’on peut, ou plutôt à deux, puisque nous nous y trouvons à présent. En ce qui concerne les socles ou piédestaux, l’humanité a souvent réalisé dans le passé des sculptures à des dimensions démesurées pour le représenter. Si c’est une tombe, elle doit en posséder, c’est assez fréquent, et de toute façon, je ne pense pas qu’il y ait encore grand monde ici pour en discuter, en dehors de nous deux, bien entendu.

Épiphyte essaya de calculer vite fait la taille d’un individu susceptible de s’installer sur ces sièges, avant d’en conclure qu’en effet, il valait mieux éviter d’en croiser.

Ils continuèrent d’avancer et découvrirent un nouveau passage, plus étroit qui débouchait dans une salle immense. Les ondes bleues montaient à l’infini sur ses murs, leur indiquant que le plafond se trouvait à une distance démesurée. Elle apparut vide, à l’exception du centre où était disposé un caisson rectangulaire aux dimensions assez imposantes qui fit ressurgir l’image du sarcophage et tout ce que cela incluait en trésor dans l’esprit du plus jeune. Guidés par les cercles lumineux et leurs flambeaux, ils se dirigèrent droit dessus, pour se positionner chacun d’un côté, afin de ne pas se gêner.

Il s’agissait bien d’un cercueil ouvert.

Il exposait le squelette d’une créature de grande taille. Elle possédait des membres inférieurs et supérieurs assez longs, mais surtout, un casque ovale qui englobait tout son crâne et lui dissimulait l’entièreté de son visage.

Goeri approcha sa torche sur les gravures qu’il y avait sur le socle, pendant que son compagnon d’aventure inspectait du regard l’intérieur, et en particulier l’ossature. Sa taille paraissait similaire à celle des sièges, conclut-il après avoir parcouru le défunt avec attention. Jusqu’au moment où ses yeux arrivèrent au niveau du bassin. Il laissait apparaître le départ de vertèbres qui, selon lui, ne correspondait en rien à celle d’un humain.

— Ce ne sont pas des Mérovingiens Goeri, c’est sûr à présent.

Il frémit et se souvint des dernières paroles du moine, qui voyait ici une entrée des enfers. Puis il se demanda d’un coup si les démons possédaient un squelette. Ce dont il doutait même s’il ne s’était jamais posé la question.

Le vieil érudit, lui, accroupi, essayait de déchiffrer à haute voix et marmonnait des trucs étranges. Il finit par se redresser, et continuait à se parler tout seul, sur le ton de la confidence, avant de découvrir le visage tendu de son ami, qui tenta d’attirer son attention.

— Tu avais raison c’est une tombe, mais de quoi, je n’en sais rien.

Il désigna le corps.

— Qu’est-ce que c’est ?

Goeri qui n’avait prêté que peu d’intérêt à la dépouille consenti à s’y pencher sous le regard pressant du chevalier. Il aperçut à son tour la naissance de vertèbres qui débutaient de l’arrière du bassin pour s’enrouler le long de sa jambe, lui faisant lâcher un.

— Incroyable !

De surprise avant de se reprendre, pour lui confirmer.

— Non ce n’est pas une tombe, je réalise m’être trompé. Je pense à présent que c’est un lieu de passage. L’endroit se nomme le puits des âmes, en revanche, pour lui, je ne sais pas quoi te dire, à part, c’est très ancien…

— Où ça vient de très loin ?

Épiphyte déglutit mal à l’aise, il insista.

— Dit, si tu me parlais de tout ça j’ai l’impression que tu es plus informé que tu ne veux le paraître.

Les cercles de lumière azurés se répandaient sans cesse à chacun de leurs contacts. Ce qui commença de manière imperceptible à générer les contours de la salle aux dimensions jusque-là, invisibles. Pour laisser apparaître des liserés aux angles, sur le bord des surfaces de la même couleur bleutée.

Goeri s’expliqua d’un air embarrassé, ne savant pas trop par où débuter, en même temps qu’il appliquait sa main sur le sarcophage à différent endroit, comme s’il cherchait à le déchiffrer.

— Comme je te l’ai dit, il y a de nombreux termes ou tournures que je ne peux qu’interpréter. Une des légendes qu’il y a inscrites ici parle d’un navire qui aurait échoué après avoir essuyé une tempête astrale. Le capitaine s’est alors mis dans un état de sommeil avancé dans l’attente d’être libéré…

Épiphyte le fixa dans les yeux et se demanda si Goeri ne commençait pas à perdre la raison, à force de lire de vieilles histoires écrites dans des livres mités, avant de retourner son regard vers le squelette casqué.

— Très profond le sommeil en effet, enfin, si c’est de lui dont il s’agit, tu voudrais dire qu’il ait comme la palourde qu’il a trouvé un moyen de traverser les âges, c’est ça ?

Goeri oscilla de la tête

— Oui, écoute, il s’est retrouvé échoué ici, il fait mention d’une force primordiale qui lui sert pour tout, et n’en possède plus assez pour repartir.

Le vieil érudit dressa un index en l’air, pour donner un surplus d’intensité à son explication.

— Ou juste pour se mettre en sommeil avant que… le souffle créateur comme tu le nommes ou une autre forme de vie vienne l’aider à le faire plonger dans un… Puits, couloir en verre. Je ne sais comment l’appeler, afin de revenir chez lui, dans le passé.

Ce coup-ci, il en était sûr, son ami perdait en effet la raison.

— C’est la légende ça Goeri, souviens-toi, chasse tes ressentis et tes opinions personnelles, les faits, seul importent les faits, ton yéti fossilisé là…

Il lui désigna l’ossature contre nature dans le sarcophage.

— Même avec la meilleure volonté du monde, on ne pourrait plus grand-chose pour lui dans son état.

Pendant que les deux amis dissertaient sur la poésie astrale, les cercles lumineux continuaient de révéler les surfaces, à chaque fois que bougeait l’un des deux aventuriers. Les liserés rayonnants qui apparaissaient sur les contours de la salle devenaient plus identifiables à chaque onde qui se posait sur eux, réalisa le plus jeune, qui afficha un air méfiant devant le phénomène.

Un fait des plus inattendues se produit alors, était-ce le fond de la mine en piteux état, ou un effet causé par les multiples applications des mains de Goeri. Les deux hommes n’eurent que le temps de regarder le sarcophage disparaître en une fraction de seconde, pour tomber dans le vide.

Sans un bruit, le bloc entier venait de chuter en silence sans prévenir.

La surprise fut complète pour les deux explorateurs. Ils reculèrent d’un bond en ouvrant de grands yeux sur le trou béant qu’il restait à sa place. Ce n’était pas un puits dans la terre, à l’image de toutes les autres galeries ni une salle attenante, non, il n’y avait plus rien.

Le néant astral, un ciel immense parcellé d’étoiles comme celui d’une nuit sans lune. Un vide sidéral s’étalait devant leur pied en lieu et place du socle et du sarcophage l’instant d’avant.

 

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