Cher Lasfalt

Cher Lasfalt,

 

      Pardonne-moi mon insolence de ne pas avoir respecté ta demande et de risquer par cette nouvelle lettre ton courroux à tout jamais.

 

      Mais rassure toi, cette missive sera la dernière de ton dévoué frère.

      Tu as donc fait la rencontre de ta vie... de ton éternité devrais-je dire.

 

      Cela me comble de joie que de te voir heureux. Je respecterai ta demande à l'avenir et je te promets de ne pas entacher ton bonheur tout neuf par une quelconque autre interaction.  

 

      Tu connais donc ce tourment qui comble tout en provoquant maints maux lancinants pour l'esprit, le cœur et le corps.

 

      C'est interrogateur que de se dire que l'on aime souffrir et se sentir dépendant du bon vouloir de la personne qui compte plus pour nous que la vie même et l'éternité entière, cela m'a toujours intrigué...

 

      Quelle bienheureuse insouciance et bêtise que cela !

 

      L'amour est une ineptie de mortel.

 

      Je ne connais pas ce sentiment si vain qui rythme leur vie. Tu diras, je suis presque tombé dans ce piège grotesque, exception faite que je l'ai retourné à mon profit et bien être, faisant de mon bourreau ma victime.

 

      Sa beauté exquise et son esprit vif m'ont séduit sans retour.

 

      Si tu voyais ses yeux pailletés d'azur et d'or, sa chevelure soyeuse aux reflets chauds parsemée de poussière d'étoiles et son petit nez mutin qui se retrousse lorsqu'elle relève ses lunettes d'un geste élégant.

 

      J'ai usé de mon apparence surnaturelle plusieurs  fois pour la rencontrer lors de son stage de secrétaire dans une société réputée, Eurocopter. Je me suis travesti en un certain Xavier qui lui a d'ailleurs fait beaucoup d'effet.

 

      Il semble qu'elle a un goût très prononcé pour ce prénom et pour les pâtisseries dont elle est très friande. Aujourd'hui son goût va à d'autres arômes plus musqués.

 

      Pour lui parler, maintes ruses se sont offertes à mon arc, me faisant passer même pour un employé d'agence de voyage, un certain Philippe.

 

      Ma voix douce l'hypnotisait lors de nos conversations téléphoniques, la poussant dans ses retranchements.

 

      Elle a quelqu'un dans sa vie, un pâle infirmier aussi blanc que sa blouse professionnelle, rien à voir avec mon panache mystérieux et ténébreux.

 

      Elle a résisté au moment ultime.

 

      Mais l'ardeur que je lui ai instillée par ma force psychique l'a vaincue. Sous un pont de Paris lors d'une soirée glacée,  elle fut mienne.

 

     Je lui ai dérobé son dernier souffle, sa dernière goutte de son sang frais au léger goût chocolaté, son dernier battement de cœur et lui ai insufflé cette immortalité tant recherchée par le genre humain...

 

     Une question vient à mon esprit.

      L'espèce humaine est encore en quête de son Graal, de sa pierre philosophale alors que nous, espèce supérieure, nous l'avons conquis depuis bien des millénaires.        Durant combien de temps comptes tu garder auprès de toi ta douce dans son plus bel attrait ?

 

      Sais tu que vous êtes tous les deux sur une corde raide, entre l'immortalité et la mortalité ?

 

      Tu souffriras mille morts le jour où elle ne sera plus et peut être même bien avant, lorsque sa beauté se flétrira.

 

      Ta belle est vouée à la putréfaction si tu ne t'occupes pas d'elle comme tout bon buveur de sang le ferait.  Mon bon Lasfalt, dans quelle galère t'es tu embarqué ?  

Ton dévoué immortel  

Florian de Ghissignies

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Vous lisez