Chevalier du lundi matin

Bidididip... Bidididip...

Le chevalier écrasa son réveil d'un mouvement lourd de la main. Il grogna, enfouit sa tête dans son oreiller et s'accrocha à sa couette. Comme si cela pouvait retarder le temps.

Allez. Il fallait se lever. Il se dirigea mollement vers sa salle de bains, s'aspergea le visage d'eau, décida qu'il avait la flemme de prendre une douche, qu'il se laverait ce soir, et il enfila un jogging par-dessus son caleçon. Puis il remplit la bouilloire, appuya sur le bouton et, en attendant que l'eau chauffe, ouvrit sa boîte mail.

Tiens, un message d'un magnat du pétrole.

Sa fille avait été enlevée par un dragon.

La bouilloire bipa et le chevalier versa l'eau chaude dans sa tasse sur un sachet de café instantané. Il but une gorgée, puis ouvrit Instagram et tapa le nom de la princesse dans la barre de recherche. Elle avait posté une story quelques minutes auparavant, depuis la caverne du dragon, et sa géolocalisation était activée. Tant mieux, elle lui facilitait le travail. Le chevalier termina son café, enfila ses rangers, attrapa son flingue et descendit les escaliers de l'immeuble.

Quelques minutes plus tard, il filait sur la départementale vers la princesse à sauver. « Dans cinquante mètres, tournez à droite », l'informa le GPS. Il activa le clignotant, inclina sa moto et, en un gros VROUM, prit la direction indiquée.

Par malchance, il y avait des bouchons sur le périf'. En plus, le klaxon magique de sa moto, supposé faire disparaître les voitures devant lui, était tombé en panne. Finalement, lorsqu'il sortit des embouteillages, il était déjà onze heures. Fichue circulation.

Finalement, le GPS lui indiqua qu'il était arrivé. Il se trouvait au milieu de nulle part, sur une petite route de campagne entourée de champs qui puaient l'engrais. C'était bien la peine de passer par le périf' si c'était pour arriver dans un bled pareil. Peut-être le GPS l'avait-il perdu ? Non, pour une fois, l'endroit indiqué était exact. Il s'en rendit compte à peine trois secondes plus tard, quand un puissant rugissement déchira ses tympans. Le dragon était là, grand, noir, l'air méchant. Il ouvrit la bouche pour cracher un jet de flammes...

Le chevalier fut plus rapide. Il évita les flammes, qui mirent le feu au champ derrière lui, mais ce n'était pas grave, le paysan avait sûrement une assurance ; il évita donc les flammes, dégaina son pistolet, tira. Mince ! Trop à gauche. C'est ça qui arrive quand on ne vous laisse pas le temps de prendre votre café tranquillement. Il recommença et cette fois-ci, toucha le monstre en pleine tête. Bingo.

La princesse l'attendait un peu plus loin. Elle était plutôt sexy avec sa minijupe, ses bottes de cuir et son débardeur à dentelles. Le chevalier l'invita à prendre place sur sa moto - et se rendit compte seulement à ce moment qu'il avait oublié de lui prendre un casque. Tant pis, il lui prêta le sien et croisa les doigts pour ne pas se faire contrôler.

Ils s'arrêtèrent à un fast food pour déjeuner. Les hamburgers étaient vraiment mauvais, mais bon, on faisait avec ce qu'on avait. Le chevalier essaya ensuite de draguer la princesse, mais celle-ci lui conseilla d'aller se faire foutre et préféra plutôt envoyer un SMS à sa marraine. Celle-ci arriva quelques minutes plus tard sur son aspirateur volant. C'était une petite vieille aux cheveux blancs qui, au vu de sa tronche, devait probablement vivre seule avec ses chats. La vieille fée et sa filleule décollèrent, laissant le chevalier payer l'addition.

Il était dix-huit heures quand le chevalier regagna enfin son appartement. Il s'affala sur son canapé, alluma la télé et se commanda une pizza. Dur boulot d'être chevalier. Un de ces quatre, il démissionnerait et prendrait un job de bureau.

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