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18 septembre 1986. Une nouvelle année scolaire a commencé. Vanouché commence à s’habituer à sa vie de collégienne française. Sa première année de cinquième s’est bien passée. Ses sœurs aussi se débrouillent bien. Les parents sont fiers de leusr filles. Bella est passée au lycée, mais cela n’a pas entraîné beaucoup de changement, heureusement, puisque le lycée se trouve dans les mêmes murs que le collège. Vanouché a commencé son année de quatrième avec tranquillité. Elle a retrouvé Lilli dans sa classe. Elle se désespère cependant de devoir apprendre une nouvelle langue étrangère, une nouvelle langue chaque année, c’est beaucoup trop ! L’anglais en sixième en Iran, le français l’an dernier, l’espagnol maintenant… elle sature et ne parvient pas à comprendre quoi que ce soit en espagnol.
Elle s’est faite au temps pluvieux de la région parisienne. Elle se demandait l’an dernier pourquoi tout était si gris, maintenant elle n’y pense plus.
C’est par un jour de pluie que la catastrophe est arrivée. Elle ne s’attendait pas aux regards hostiles qu’elle découvrit en entrant dans la classe : un petit groupe de filles la dévisageait ostensiblement avec méfiance. Il comprenait des élèves qu’elle n’avait pas l‘habitude de fréquenter, mais qui, du moins, depuis la rentrée, ne semblaient pas ne pas l’apprécier. Vanouché décida de ne pas les remarquer, et Lilli se mit à parler fort et à rire à grand éclat, comme si elle cherchait à détourner l’attention. Pourtant, à la récréation, la bande de filles s’approcha de Vanouché et se mit à l’interpeller :
- Alors c’est pour tuer les Français que tes parents sont venus chez nous ?... Qu’est-ce que tu fais ici, retourne dans ton pays, on veut pas de toi.
- Casse-toi !
- On va dénoncer tes parents à la police !
Vanouché resta bouche bée, incapable de comprendre ce qu’il se produisait. Lilli la prit par l’épaule et l’entraîna au CDI, tout en insultant la bande, dont quelques filles éructaient leur colère, sans oser entrer dans les bâtiments.
- C’est des connes, t’inquiète pas. Personne d’autre qu’elles pensent ça ,Vanouche, la rassura Lilli
- Mais pourquoi elles me disent ça ? demanda Vanouché, mal à l’aise
- C’est à cause des attentats ! T’en as pas parlé chez toi ? Ça fait plusieurs fois que des Iraniens font des attentats à Paris, et hier après midi, ils ont fait plein de morts avec une bombe dans la rue. Mais on sait bien que c’est pas tous les Iraniens qui sont comme ça. Y’a que les cerveaux fêlés d’Anne Laure et Sophie qui croient ça !
Jamais les parents n’en avaient parlé aux filles. Jamais elles n’avaient su ce qu’il se passait en France depuis deux ans. Et voilà que Vanouché apprenait à être détestée parce qu’elle était de nationalité iranienne. C’était bien tout ce qu’elle partageait avec ces terroristes, mais celles, puis ceux qui l’insultaient (les garçons ayant pris part aux brimades) n’en avaient rien à faire. Elle incarnait pour eux l’ennemi public numéro un. Et pas moyen de discuter avec eux. Ni avec ses propres parents, elle ne voulait pas leur causer de peine, pressentant que s’ils n’en parlaient pas devant leur fille, c’est qu’ils considéraient le sujet comme tabou. Elles ne voulaient pas les ennuyer en leur contant l’hostilité dont elle était victime.