Chrono 18.3 – Ouragan

Notes de l’auteur : Bonne lecture à tous :) merci pour vos retours sur les premiers chapitres, ils m'aident beaucoup à avancer ! J'ai travaillé ce chapitre en même temps que le suivant, donc la suite suivra sûrement très vite :D

— Yo, K’da.

Je réponds à Alice d’un hochement de tête.

La chaleur sur le plateau est déjà écrasante. Le ciel est d’une limpidité extrême, pas l’ombre d’un nuage en vue. À l’horizon, le sol miroite, tel un océan de lave. Le désert de Feu s’est paré de son habituelle beauté, immuable et brutale. Parfois mortelle. Une expédition dans cet enfer se prépare toujours avec concentration et attention, dans un silence feutré que j’adore, silence qu’on ose à peine briser de nos salutations et nos questions.

— On part quand tu veux, ajoute ma co-pilote.

Effectivement, un regard alentour me confirme que tout est prêt, y compris le traineau d’appoint, avec les bidons d’eau supplémentaires. Je pourrais pousser l’inspection mais c’est inutile. Alice est d’une perfection à tomber. Je ne l’ai jamais vu se tromper ou commettre le moindre oubli. Dommage qu’à côté, elle soit d’une gentillesse abusée et d’une indécision déplorable en cas de stress. Deux faiblesses qui ne manquent jamais de la desservir en mission.

— Et la team ? je demande.

— Ils sont tous là. Allume ton moteur et ils rappliquent.

— Même Charybde et Scylla ?

— Les appeler comme ça n’aide pas ta cote de popularité. Déjà qu’ils te détestent…

— Je m’en bats les steaks de ma cote de popularité, surtout auprès de ces deux là.

— Ils sont partis en éclaireurs parce qu’ils font la gueule, comme d’habitude.

Ma moue dubitative ne passe pas inaperçue. Alice grince :

— Je sais que tu ne leur fais pas confiance mais Charlie est plus fiable que n’importe quelle boussole et Lila est littéralement née dans le désert, elle le connaît comme sa poche. Donc ils viennent. Je ne vais pas au Feu sans eux.

Je tourne les talons et j’agite la main en l’air, en mode cause toujours. Ils peuvent bien avoir tous les skills qu’ils veulent, ils me détestent et je leur rends bien la pareille. Hors de question de m’appuyer sur eux en cas de besoin. De toute façon, pour l’instant, tout ce qui m’intéresse, c’est de monter dans ma caisse. Elle m’attend à la sortie de son garage, un hangar camouflé dans un renfoncement de roche. Par habitude, avant de prendre place dans le cockpit, j’en fais le tour, pour m’assurer que tout va bien. Peut-être un peu par superstition aussi. Saluer, c’est une question de respect. Et celui qui race sans respecter sa voiture ne peut pas gagner une course. Quand je longe l’aile avant droite, mes doigts frôlent la peinture finement rayée par le sable. Je sens comme un courant magnétique naître entre l’engin et moi. Je ferme les yeux. Je connais par cœur les courbes, les creux et les bosses de la carrosserie. Le parfum du métal rutilant au soleil m’apaise. J’imagine le bruit du moteur résonner dans l’habitacle, vriller le calme hiératique du désert…

— Ma parole, t’es pas prête de te trouver un mec, K’da. Arrête de baver sur de la ferraille, la ferraille ça finit toujours à la benne.

— Les mecs aussi ça peut finir à la benne… J’ai croisé Alpha en sortant du village.

Alice grimace. Sujet sensible. Pour débrayer de cette discussion, on vérifie ensemble les deux mitrailleuses sur le toit. Les munitions sont OK. Les courroies et toutes les mécaniques aussi. Propreté impeccable. On reconnaît le passage des doigts de fée de ma co-pilote.

— Tu kiffes vraiment trop cette bagnole, marmonne Alice.

— Cabine légère et insonorisée. Full roues motrices. Excellente adhésion au sol, ne dérape pas dans les virages…

— Je suis ton co-pilote de mission, tu te souviens ? Je la connais la caisse, réserve ton laïus pour les parieurs des courses OFF…

Elle s’interrompt et me jette un regard inquiet, consciente de sa bourde. Il n’y aura plus de courses OFF au village. Je ne servirais plus jamais ce baratin aux clients. J’évite de relever et je continue, un peu pour l’énerver, beaucoup parce que j’aime trop sortir le CV de cette bagnole :

— Caisse baisse avec pare-buffle pour les obstacles gênants. Coffres de côté pour le petit matériel et plateforme à l’arrière pour munitions, roue de secours et tireur d’appoint.

— Et craftée à partir de rien vu les pièces de shit qu’on se tape ici…

— Elle est simple, elle est parfaite. Sortie de la ferraille comme un phénix renaît de ses cendres. Je la kiffe si je veux.

— C’est ça mon lapin, allez en route !

Elle s’installe à son poste. Je l’imite. Verrouillage du loquet de la portière. J’ai des frissons dans le dos. J’en ai gagné des courses avec cette bagnole. J’en ai fait des missions. Quand je me glisse sur le siège conducteur, j’ai l’impression d’enfiler une seconde peau. Alice lève les yeux au ciel devant mon air extatique.

J’enclenche la clef.

Le moteur démarre au quart de tour et, comme toujours, la perfection de son grondement me fait entrer en transe.

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Svenor
Posté le 14/06/2020
J'ai beaucoup aimé ce chapitre, on sort de l'ambiance solitairo-contemplative-introspective des deux chapitres d'avant avec Alice (personnage qui a l'air très très cool). Je suis très curieux au sujet de Charlie et Lila (j'adore le prénom Charlie pour les filles) et de leurs histoires. On sent que notre héroïne ne les aime pas, mais Alice permet d'en avoir une vision plus subjective et j'aime beaucoup !

Seule petite remarque :
"les pièces de shit" : j'ai passé quelques secondes à me demander comment on pouvait faire une voiture avec du shit avant de comprendre ce que tu voulais dire, et je trouve toujours ça pas très naturel, dans le sens où "shit" est plus ou moins rentré dans le jargon français, mais pas du tout au sens général qu'on lui prête en anglais...
LianeSilwen
Posté le 14/06/2020
"l'ambiance solitairo-contemplative-introspective des deux chapitres " excellente description haha ! j'ai beaucoup aimé les deux premiers chapitres, ils permettent d'introduire les persos, l'ambiance, l'univers... mais clairement le vrai rythme de l'histoire commence maintenant ^^

je comprends ce que tu veux dire pour shit, je vais réfléchir à une alternative, tu as raison. Merci beaucoup pour ce retour :)
Kieren
Posté le 13/06/2020
Aah, ce n'est pas un vaisseau spatial, c'est un bolide à roues. Serait-ce un parfin de Jak 3 que je sentirais là ?

Ravi de savoir que K'da travaille avec des types qu'elle n'aime pas, cela rend les discussions intéressantes, surtout que ça n'a pas l'air forcé.
Avoir un contre point avec Alice qui a l'air plus douce que la narratrice promet d'être rafraîchissant.

Je n'ai pas à dire grand chose en terme de coquille, peut être une seulement :
"J’évite de relever et je continue, un peu pour l’énerver, beaucoup parce que j’aime beaucoup trop sortir le CV de cette bagnole "
La répétition de ''beaucoup'' est lourde pour moi, j'aurais remplacé par "J’évite de relever et je continue, un peu pour l’énerver, surtout parce que j’aime (beaucoup trop) sortir le CV de cette bagnole"
Même le ''beaucoup trop'' n'est pas nécessaire, la simplicité parle d'elle même.

J'attends la suite avec plaisir.
LianeSilwen
Posté le 13/06/2020
Merci Kieren ! je ne connais pas Jak 3 je vais aller voir un peu :) Et bien vu pour la répétition du beaucoup, effectivement elle m'avait échappée et je la valide pas !!
LianeSilwen
Posté le 13/06/2020
c'est corrigé ^. ^
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