On t’a nourri d’histoires, de contes et de légendes,
Là où les gens s’aiment et où l’amour peut tout,
Mais toi tu n’as jamais su suivre les règles,
Mon petit cœur défaillant.
Te souviens-tu comme tu as étudié la chose,
Observé les amoureux qui t’entouraient,
Comparé les milles témoignages, écrits, chantés, criés, que le monde t’a offert,
Listé chaque symptôme entre les pages de ton carnet à spirale,
Cherchant à en dégager l’essence,
Comme un calcul mathématique ?
Tu t’es acharné pendant des années à vouloir décrypter,
Le tourbillon de tes ressentis,
Cherchant à leur attribuer un sens,
A les faire coller au modèle attendu,
En vain.
A l’adolescence,
Les courbes féminines,
Tu en rêvais la nuit.
Pourtant c’était l’époque de la manif pour tous,
Qui te terrorisait à te hurler sans cesse : brûlez tous en enfer !
Tu ne comprenais pas : qu’avais-tu fait de mal ?
Et pourquoi tant de haine défigurant le monde ?
Pour vivre, tu as voulu te renier,
Ça a faillit te tuer,
Tu as laisser tomber.
Que pensais-tu des hommes ?
Ça tu n’en savais rien.
Tu en rêvais aussi, mais c’était pire encore.
Quand l’un d’eux t’approchait,
C’était la Mort avec, qui te sautait dessus,
Tu ne pouvais que fuir.
Quand quelqu’un te plaisait,
Peu importait que l’autre te veuille ou non,
Cela ne changeait rien : il n’y aurait pas de fin heureuse.
C’était l’euphorie, les frissons au moindre frôlement, la tête dans les nuages.
Accompagnés toujours,
De la morsure de l’angoisse, les craintes venues d’on ne sait où, les questionnements sans fin,
La fuite inévitable.
L’impossibilité d’expliquer ce qui se passe,
Aux autres, mais à toi-même aussi.
Peut-être le couple n’était-il pas pour toi ?
Tu as fini par te demander si l’asexualité ne te concernait pas.
Perdu des heures sur internet à écumer sites, blogs et forums,
A la recherche de témoignages,
Disséqué chaque détail de leurs vies et de la tienne.
Il y avait des échos, des ressemblances,
Tu as appris que la vie pouvait être belle en dehors des chemins.
Pourtant, au final, tout ça ne collait pas.
Si tu fuyais, ce n’était pas faute de désir.
Tu l’as compris plus tard : tu étais juste traumatisé.
Dans tes rêves, les choses ont toujours été différentes.
Là-bas, tu peux aimer homme comme femme,
Suivant ton envie du moment,
Et tout va pour le mieux.
Ensemble, vous êtes heureux,
Personne ne te menace,
Le corps n’est pas à l’agonie.
Tu as une vie ordinaire,
Peuplée de problèmes ordinaires,
Aux résolutions ordinaires.
Mais les rêves ne survivent pas à la réalité.
Alors tu traces ta route en solitaire,
Et tu attends de voir.
Peut-être un jour les choses iront-elles mieux,
Qui sait ?
Tu as dû ressentir beaucoup d'émotions alors que tu n'était encore qu'une adolescente.
J'admire ton courage; tu as su, avec les bons mots, nous raconter la suite de ton histoire.
Au départ, je n'avais pas du tout prévu d'écrire de suite à mon précédent poème, et puis je me suis dit que finalement pourquoi pas, il reste des choses à creuser.