Comment capturer un gobelin

Notes de l’auteur : J'espère que mon histoire vous plait toujours

Lorsqu’enfin M. Gantzman eut fini de déblatérer sa science sur la physique nucléaire, Julian fut libre de bondir de sa chaise et de ramasser ses affaires à toute vitesse pour se lancer à la poursuite de la fille mystérieuse qui était pour sa part déjà sortie de la classe, cinq minutes avant la fin du cours. Et cela, sans que personne ne l’en empêche ou ne semble même le remarquer. A part Julian qui avait failli se mettre à hurler.

Prétextant une soudaine envie d’aller aux toilettes pour justifier son départ de sprinter professionnel auprès de Lewis qui le regardait d’un air intrigué, il se lança à la poursuite de la jeune fille, le cœur battant d’angoisse de la perdre de vue à nouveau.

Il croisa en courant plusieurs autres élèves qui le regardèrent passer avec la même expression de stupeur que s’il avait été en flamme et manqua de peu de percuter la concierge. Mais il finit par retrouver la trace de la fille, au détour d’un couloir menant à la sortie. Elle se dirigeait tranquillement vers la porte, clairement décidée à repartir sans plus de cérémonie. Un sentiment de panique enfla de manière incontrôlable dans sa poitrine. Heureusement que le couloir était désert lorsqu’il cria :

- Attends !

La fille sursauta et se tourna vers lui alors qu’il lui saisissait un peu trop violement le bras pour pas qu’elle ne lui échappe encore une fois. Il soupira discrètement de soulagement en sentant un corps solide et chaud sous sa poigne, ouvrit la bouche pour s’excuser de sa brusquerie mais les étranges yeux de la jeune fille l’interrompirent sur-le-champs. Il resta un instant à la fixer, la bouche grande ouverte. Ce n’étaient pas ses iris qui étaient grises, mais ces pupilles ! D’un gris si clair, presque blanc, entourées d’un mince cercle noir, elles dévoraient une grande partie de la sclère de son œil. Si chez certains, un tel regard aurait pu sembler vide, chez elle, cela le rendait encore plus vivant.

Julian lâcha le bras de la fille et lui demanda d’une voix étouffée :

- Qui es-tu ?

Cette dernière écarquilla les yeux à cette question, l’incompréhension illuminant son regard. Julian en eut le tournis. La réponse ne fut pas exactement celle qu’il attendait :

- Tu me vois ?

Le jeune homme resta un instant interdit.

- Mais…évidement.

L’inconnue fronça les sourcils et fit alors quelque chose de très étrange. Elle baissa les yeux sur une grosse bague en fer passée à son majeur gauche et la fit lentement tourner vers la droite avec une moue concentrée. Puis elle se redressa et demanda, l’air d’attendre quelque chose :

- Et maintenant ?

C’était sûrement la conversation la plus étrange que Julian ait jamais eu jusqu’à présent. Il ne s’était absolument rien passé lorsqu’elle avait joué avec sa bague. Il ne savait pas s’il devait éclater de rire devant tant de bizarrerie ou applaudir de joie face à cette distraction inattendue. Il finit tout de même par répondre.

- Tu es toujours là.

Et il tendit à nouveau la main pour la toucher et s’assurer que c’était vraiment le cas.

La fille fronça alors tellement les sourcils qui se joignirent au milieu de son front. Elle avait l’air vraiment très agacé. Elle le fixait de son regard troublant, la bouche pincée et les mains sur les hanches. Elle semblait réfléchir furieusement. Julian pouvait presque entendre les rouages de son cerveau s’activer. Elle finit par desserrer les lèvres et demanda prudemment :

- Tu étais dans la classe de physique tout à l’heure.

Ce n’était pas vraiment une question en réalité, mais Julian se sentit obligé d’acquiescer bêtement.

- Tu m’as vue ?

- Ben…oui.

Pour une raison étrange, cela eut l’air de profondément la contrarier. Puis, sans prévenir, elle le saisit brusquement par le col de sa chemise, l’obligeant à se pencher pour être à sa hauteur. Il était plus grand qu’elle d’une vingtaine de centimètre au moins.

- Quelqu’un d’autre que toi a remarqué quelque chose d’inhabituel ?

Troublé par le proximité soudaine, Julian prit le temps de déglutir avant de répondre.

- Je ne crois pas…

La fille poussa un juron. Enfin, Julian supposa que c’était un juron puisqu’il ne comprit pas le mot. Était-ce une langue étrangère ? Toujours est-il qu’elle continua de marmonner dans ce dialecte d’un air contrarié. Julian jugea bon de ne pas l’interrompre dans son monologue furibond, de peur qu’elle ne lui mette un coup de pied pour le faire taire. Elle finit par refixer son attention sur lui.

- Bon, puisque tu es capable de Voir, tu vas peut-être pouvoir m’aider.

Julian en doutait sérieusement et se demandait ce qu’elle sous-entendait par le fait qu’il pouvait « voir » quelque chose en particulier. Mais encore une fois, il se dit qu’il ferait mieux de se taire.

- Tu n’aurais pas vu un tout petit bonhomme ? Bleu ? Avec des ailes et des oreilles pointues ?

Julian resta un instant interdit devant une question aussi absurde. Personne à l’institut Victor Hugo ne pourrait correspondre à une telle description. A part peut-être M. Liter, le professeur de musique, après son cinquième verre de crème cassis. Le jeune homme avait beaucoup de mal à accepter la situtation comme étant réelle malgré son amour pour la magie et le mystère. Mais il y avait un monde entre vouloir de tout son coeur que quelque chose arrive et le vivre en vrai. Une part de lui-même continuait de hurler que ça ne pouvait être qu'un rêve. Il faillit répondre à la fille qu’il n’en savait rien et qu'il ne comprenait absolument pas ce qu'elle voulait dire.lorsqu’il surprit un mouvement par-dessus l’épaule de son interlocutrice. Il ouvrit la bouche d’un air éberlué et resta coi pendant quelque seconde.

- Un petit homme bleu, tu as dit ? finit-il par demander.

- Oui.

- Avec des petites ailes genre libellule ?

- Exactement.

- Et des oreilles pointues ?

- Oui, répondit-elle entre ses dents serrées, montrant clairement des signes d’agacement, agrippant plus fermement le col de sa chemise, le froissant sans ménagement.

- Un truc dans ce genre-là ? dit-il sans se laisser démonter, en pointant quelque chose derrière elle.

La fille se retourna et croisa elle-aussi le regard de scarabée d’une créature à la peau indigo et au corps replet, grande comme un enfant de cinq ans. Des petites ailes transparentes et irisées encore plus fines qu’une feuille de papier dépassaient de derrière ses épaules. Ce dernier les fixait avec un air amusé et un sourire un peu effrayant car il laissait entrevoir une rangée de dents aussi pointues que celles d’un requin. Dans le couloir, il n’y avait plus un bruit, on aurait pu entendre une mouche voler.

Ce fut le drôle de petit personnage qui rompit le silence. Julian sursauta en entendant sa voix fluette et chantante :

- Lull, lull…Ul tabullyan duyal tan ourous el varral ?

Le jeune homme ne comprit pas un traître mot de ce que venait de dire la drôle de créature mais l’intonation était clairement moqueuse et la fille n’eut pas l’air d’apprécier ce qu’il avait dit. Elle inspira un grand coup pour se calmer et finit par lâcher Julian pour se concentrer sur l’espèce de…de lutin ? Gnome ? Nain ? Il n’en savait rien.

- Twellowyn, tall’em el em swyll.

Julian sursauta une nouvelle fois en attendant la fille se mettre à parler cette langue étrange avec autant de facilité. Sa voix s’envola élégamment dans l’air comme une chanson joyeuse qui contredisait clairement son expression agacée. Le sourire du…machinchose s’élargit encore davantage et il laissa s’échapper un son aigu que Julian interpréta comme un rire narquois. Ses dents de requin étincelèrent dans la lumière de l’entrée.

Son attention fut attirée par un mouvement discret de la jeune fille. Avec d’infini précautions pour ne pas les faire tinter, elle sortit d’une de ses poches une paire de petites menottes médiévales qui scintillaient doucement. Surprenant son regard, elle lui fit signe de se taire par un geste sec du menton. Julian serra les lèvres pour lui montrer qu’il avait bien compris. Elle lui fit signe de ne pas bouger et se mit en mouvement. Dissimulant les menottes dans son poing serré, elle fit un pas discret en direction de la créature bleue qui gloussait toujours près de la porte et de sa main libre, elle chercha quelque chose dans la poche de sweat-shirt.

Complètement subjugué, incapable de ne serait-ce que fermer la bouche, Julian la regarda sortir une étrange sphère bleu saphir pas plus grosse qu’une gomme et la laisser tomber par terre. Dès qu’elle toucha le sol, la petite boule roula sur les dalles et libéra un puissant flash bleu dans un grésillement. Le scintillement se solidifia, s’élargit, les enveloppant tous les trois dans son halo bleuté. Ils étaient maintenant enfermés dans une cage de lumière azur qui vibrait doucement.

Fasciné, Julian tendit la main pour s’assurer que ce n’était pas une illusion et ses doigts rencontrèrent une surface aussi solide qu’un mur de brique. Il posa sa main à plat et appuya un peu plus fort. La lumière ne frémit même pas.

Derrière lui, la créature avait cessé de rire. Il se retourna pour s’en assurer et vit qu’elle était même très en colère. A contrario, la fille semblait maintenant beaucoup plus détendue et brandissait ses menottes comme un avertissement. Calmement, elle répéta sa phrase :

- Twellowyn, tall’em el em swyll. Sen meanllian, ajouta-t-elle.

Cela eut l’air de plonger la créature bleue dans un état de fureur intense. Il se jeta brusquement sur elle en courant avec un cri si aigu que Julian s’étonna de ne pas voir les vitres aux alentours exploser. Mais peut-être que cette étrange lumière solide bloquait également les sons ?

Avec une agilité que Julian ne lui aurait jamais soupçonné, la fille l’esquiva habilement. Emporté par son élan, le drôle de petit lutin – ou quoique qu’il puisse être – s’écrasa contre la paroi luminescente avec un grand bruit mou. Julian eut mal pour lui. Sans se laisser démonter, alors que n’importe qui d’autre serait tombé évanoui après un tel choc, le gnome (Julian avait officiellement décidé que c’était un gnome) se redressa en titubant tout de même légèrement et fixa ses petits yeux noirs sur lui.

Julian eut juste la présence d’esprit de s’écarter avant le gnome ne lui saute dessus, toutes dents dehors dans l’objectif très clair de lui dévorer le visage. Déséquilibré, il atterrit sur les fesses dans un cri et recula à toute vitesse sans se relever, les yeux fixés sur l’horrible gnome bleu, prêt à rouler sur le côté s’il faisait mine de réitérer son attaque. Il buta contre les jambes de la fille qui s’était rapproché sans qu’il ne la remarque. Elle lui adressa à peine un regard avant de s’adresser à nouveau au gnome furieux :

- Pax, Twellowyn. Pax. Werram nh’ian dynspalb.

- Ej nyian el retian ! hurla soudainement le gnome en déployant ses ailes.

Julian n’aurait jamais cru qu’un être aussi lourd d’apparence puisse s’envoler. Et pourtant, le petit être décolla du sol avec une facilité déconcertante, dans un nuage de poussière arc-en-ciel. Il voulut passer par-dessus les murs bleus et translucides mais se heurta à une cinquième paroi qui se matérialisa brusquement lorsqu’il voulut fuir par les airs. Il poussa un cri de rage et de douleur avant de se réfugier dans le coin le plus éloigné de la cage en les fusillant du regard. Il croisa les bras, montra les dents en feulant comme un chat et s’accroupit pour se faire tout petit. De loin, on aurait pu croire qu’il boudait.

Incapable de passer outre le surréalisme de cette situation, Julian resta assis par terre contre les jambes d’une fille dont il ne connaissait toujours par le nom, à fixer le gnome d’un air ébahi. Se demandant encore si tout cela n’était pas en fait que le rêve le plus alambiqué qu’il n’ait jamais fait. Il craignait de finir par se réveiller en sursaut au milieu de la classe ou de se faire surprendre par l’un de ses professeurs en train de roupiller.

- Quelle est cette…chose ? finit-il par demander dans un murmure.

- C’est un gobelin. Un petit génie malicieux que je suis sensée ramener chez lui. Mais comme tu peux le voir, il fait preuve d’une mauvaise volonté incroyable.

Julian jeta un coup d’œil vers le haut, ne s’attendant pas vraiment à une réponse. La fille ne quittait pas non plus le gnome (non, le gobelin) des yeux, semblant chercher la meilleure façon de l’approcher sans se faire déchiqueter. Voyant qu’elle semblait disposée à lui répondre, il continua sur sa lancée, brûlant de la submerger de questions.

- Ça fait longtemps que tu lui cours après ?

- Deux bonnes semaines au moins. Il a de la chance de ne pas encore s’être fait repérer par la Garde.

Julian n’avait aucune idée de ce que pouvait bien être cette « garde » mais quelque chose lui disait que ça n’avait pas grand-chose à voir avec Scotland Yard. Il préféra néanmoins rebondir dans une autre direction, s’inquiétant du sort du petit gobelin malgré le fait que celui-ci ait voulu le tuer quelques secondes plus tôt.

- Il n’a pas vraiment l’air de vouloir venir avec toi.

- C’est bien normal. Pour lui, je suis un obstacle à sa mission. Mais s’il savait ce qui l’attendait s’il restait ici plus longtemps, il m’accueillerait comme l’Esprit de l’Arbre en personne.

C’était fantastique. Plus il posait lui de questions, moins il parvenait à comprendre ce qu’elle voulait dire.

- L’Esprit de l’Arbre ?

La fille ne se donna la peine répondre, ayant compris que davantage d’explications risquaient de nuire gravement à la santé mentale de Julian.

- Tu veux bien m’aider à l’attraper ?

D’abord trop choqué pour répondre, le jeune homme sentit une excitation nouvelle se répandre dans ses veines. Essayer de capturer un gobelin volant en compagnie d’une jeune fille mystérieuse ? Lui qui trouvait que sa journée avait mal commencée...

Il se redressa sur ses deux pieds et lui adressa un regard malicieux.

- Ok. Comment on fait ?

La fille le jaugea du regard, observa sa posture et hocha finalement le menton d’un geste sec, comme pour l’approuver.

- Prends sur la gauche, je me charge de la droite. Il faut essayer de le bloquer au sol. Ça devrait suffire à le déstabiliser assez longtemps pour que je lui passe les menottes. Je me chargerai de la suite. Fais juste attention à ses dents, elles sont venimeuses.

Pas vraiment rassuré, mais grisé par l’aventure qui se profilait, Julian demanda tout de même :

- C’est quoi ton nom ?

La fille le regarda d’un air halluciné, comme si elle n’arrivait pas à croire qu’il puisse lui poser la question maintenant. Elle finit tout de même par répondre, laconique :

- Artilius.

Ce n’était sûrement pas son prénom, plutôt un nom de famille. Mais il décida de s’en contenter pour le moment et se reconcentra sur le problème le plus urgent, non sans avoir rapidement lancé :

- Moi c’est Julian. Julian Clever.

Elle ne réagit pas, complètement concentrée sur le gobelin. Il comprit que le temps de la discussion était terminé.

Julian se déplaça sur le côté sans faire de geste brusque. Le gobelin le suivit des yeux avec l’attention d’un prédateur avant de revenir sur la fameuse « Artilius » qui s’était elle-aussi mise en mouvement de son côté avec toute la souplesse d’un chat. Le gobelin focalisa aussitôt toute sa concentration sur elle, oubliant totalement Julian, allant jusqu’à presque lui tourner le dos. Dans un chuintement feutré, des griffes acérées jaillirent du bout de ses huit doigts. Il feula et cracha en montrant les dents, ayant parfaitement compris que la plus grande menace émanait d’elle. Julian ne s’en formalisa pas. C’est en sous-estimant un adversaire qu’on lui offre une opportunité de l’atteindre. C’était le bon moment pour vérifier la théorie.

Profitant du fait que les yeux du gobelin ne quittaient pas les menottes que tenait sa coéquipière, il s’approcha lentement, avec une discrétion qui l’étonna lui-même. Il ne faisait aucun bruit en marchant. Ses pieds glissaient silencieusement sur les dalles lisses de l’entrée malgré ses semelles en caoutchouc couinant. Il remarqua que les oreilles pointues du gobelin, décorées de très nombreuses boucles et autres piercings, étaient amovibles et tournaient à 360 degrés dans toutes les directions. Et les deux étaient désormais orientées vers lui. S’il suivait Artilius des yeux, il ne le quittait pas de l’oreille.

Julian força sa respiration à se calmer doucement et essaya de compter mentalement jusqu’à cent pour apaiser les battements anarchiques de son cœur. Il ne savait pas à quel point le sens de l’ouïe de cette créature était développé mais si elle se permettait de se fier uniquement à ses tympans pour le localiser, c’était soit qu’elle ne le considérait absolument pas comme une menace (ce qui était profondément vexant), soit qu’il n’était vraiment pas assez discret. Il redoubla d’effort pour disparaître de la vision auditive du gobelin. Sa respiration se réduit à un souffle et lorsqu’il ne fut plus qu’à un mètre de la petite créature, son rythme cardiaque ralentit soudainement. Sa vision devint étonnamment claire et précise. Il put apercevoir les frémissement des mains de la créatures, les tics nerveux de son visage, ses ailes tremblantes, et sa respiration précipitée. Le petit gobelin était complètement terrifié. Julian eut presque pitié de lui.

Artilius fit un mouvement un peu plus brusque et agita le menottes qui tintèrent d’un son clair. Julian sentit l’instant exact où le gobelin cessa de l’épier pour se concentrer uniquement sur Artilius. Sans réfléchir, il bondit en avant en tendant les bras. Il atterrit sur le dos du gobelin qui poussa un cri de surprise. Julian le ceintura de ses deux bras avant qu’il ne puisse se débattre vraiment, bloquant fermement ses ailes de libellule contre son torse. Le gobelin poussa un cri paniqué. Il gigota, frappa des pieds et tenta de lui lacérer le visage et les bras de ses longues griffes mais Julian ne céda pas. Artilius se précipita vers eux et le cliquetis des menottes résonna entre les cris de rage. Les coups de griffes cessèrent au plus grand soulagement de Julian qui relâcha légèrement sa prise.

Grossière erreur. Le gobelin en profita pour lui mordre sauvagement le bras.

Une douleur cuisante lui paralysa tout le membre comme une piqure de méduse. Il hurla et lâcha le gobelin qui s’enfuit à quatre pattes, les poignets toujours ligotés.

La vision de Julian se troubla, les couleurs fusionnèrent en un tableau abstrait qui tourbillonnait autour de lui, lui donnant la nausée. Il eut l’impression de tomber en chute libre. Sa tête heurta violement le sol et il entendit des cloches folles résonner sous son crâne. Pourtant, il avait toujours l’impression de chuter du haut du toit d’un immeuble malgré la dureté du marbre sous sa nuque.

 Quelqu’un le secoua par le bras et l’appelant :

- Hey ! Reste avec moi…tu m’entends ? He ho, debout là-dedans !

Il eut l’impression de voir les sons danser devant ses yeux mais reconnu tout de même la voix d’Artilius bien qu’elle lui parvienne curieusement déformée. Il parvint tout de même à comprendre ce qu’elle lui disait :

- Le venin des gobelins n’est pas mortel pour les humains. Tu ne risques rien, tu ne vas pas mourir ! Tu m’entends ? Alors ne panique pas !

Julian n’avait jamais imaginé qu’il puisse mourir de la morsure d’une créature magique. Mais il fut tout de même rassuré, bien qu’il soit certain d’avoir vu une licorne aux yeux laser traverser son champ de vision. Il fut soudainement pris de tremblements incontrôlables et une sueur froide lui coula le long de la colonne vertébrale. Son cœur s’emballa et il commença doucement à douter de la véracité des propos d’Artilius.

Puis soudainement, son corps se relâcha. Sa respiration s’apaisa mais il salivait beaucoup et manqua de s’étouffer. Il toussa, roula sur le côté et sentit que quelqu’un lui tapait dans le dos. Sa vision commença à s’éclaircir, son cœur ralentit et il eut l’impression de devenir léger. Très léger.

Il se redressa très lentement. La tête lui tourna et une nausée atroce le prit. Il crut qu’il allait vraiment vomir mais il sentit une pilule se glisser entre ses lèvres. Il l’avala par réflexe. Elle fondit un peu sur sa langue avec un goût d’orange sucrée. Il se sentit tout de suite beaucoup mieux.

- Respire…doucement.

La voix de la fille le berça, l’apaisa. Sa respiration se synchronisa avec les battements de son cœur et les points de couleur cessèrent de danser devant ses yeux. Il put enfin se redresser et la regarder dans les yeux sans avoir l’impression qu’il allait lui recracher son petit-déjeuner au visage.

La fille lui saisit le bras mordu et se pencha pour l’examiner. Julian baissa les yeux lui aussi et sa nausée revint encore plus vivement.

Sa blessure n’était vraiment pas belle à voir. Une rangée de coupures petites mais profondes en arc de cercle décoraient son avant-bras. Les lambeaux de sa chemise blanches qui pendaient misérablement au niveau de son coude étaient taché de sang et d’un liquide noir. En dessous, sa peau avait bleui du coude jusqu’au bout des doigts et commençait doucement à virer au violet. Sous l’action fulgurante du venin, les tissus avaient enflés jusqu’à presque doubler de volume, les veines saillaient tel d’immondes vers enfouis sous sa peau, ses ongles étaient noirs, sa main tremblait de manière incontrôlable et ses doigts ne pouvaient plus se plier. Si la jeune fille ne lui avait pas assuré quelques secondes plus tôt que ce venin n’était pas mortel, Julian aurait bien cru voir sa dernière heure arriver.

Etonnamment, il ne ressentait plus aucune douleur et il avait les idées plus ou moins claires. Visiblement le drôle de médicament qu’elle lui avait donné, en plus d’être anesthésiant, le rendait un peu stone. Il se sentait beaucoup trop léger pour que ce soit naturel et il avait une étrange envie de rire sans raison apparente. Lorsque les murs autour de lui commencèrent à se liquéfier pour former un tourbillon dansant, il comprit qu’il hallucinait et qu’il n’allait pas tarder à s’évanouir. Mais l’effet calmant de la pilule l’empêcha de s’en inquiéter.

- Bon, je ne peux pas te laisser comme ça…Tu vas venir avec moi.

Julian redressa la tête mais la fille se tourna vers le gobelin, toujours retranché dans le coin le plus éloigné d’eux, qui se battait furieusement contre ses menottes en leur jetant des regard écœurés de temps à autres.

- Vous allez tous les deux venir avec moi.

Sa voix était chantante, aiguë et caressante comme la lame d’un rasoir. Le gobelin feula sauvagement en montrant les dents. Juste avant de s’évanouir, Julian comprit avec stupéfaction que la fille avait parlé dans cette langue mystérieuse du gobelin et qu’il l’avait comprise.

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Natsunokaze
Posté le 15/05/2020
Re,

Je suis étonnée de voir à quel point Julian se montre sceptique vis à vis de cette fille quand elle lui demande s'il la voit bien et quand elle lui parle du gobelin. Je veux dire... que quelqu'un d'autre la prenne pour une droguée ou une cinglée, je pourrais comprendre. Mais Julian ? Le gars qui est prêt à voir des créatures surnaturelles dans le moindre effet d'ombre ? Lui la prend pour une folle ? J'aurais plutôt pensé qu'il allait être tout excité en comprenant que la fille est vraiment étrange et qu'il ne s'est pas trompé. Son scepticisme est compréhensible mais en même temps, il ne lui ressemble pas.

Sinon, que d'action dans ce chapitre ! Le gobelin n'avait aucune intention de se laisser capturer et Julian, dans tout ça, a plus fait office de boulet que d'aide xD Mais bon, on ne peut pas lui en vouloir ! Heureusement quand même que la miss était là pour prendre les choses en main.

Maintenant, je me demande si le fait d'avoir été mordu et d'avoir été atteint par un poison surnaturel n'a pas réveillé une part de lui qui était enfouie jusqu'à présent. Ça expliquerait pourquoi il peut maintenant comprendre ce que le gobelin et la fille disent. Mais ça voudrait aussi dire qu'il a un ancêtre surnaturel ? Genre, une fée ou loup-garou ? x) Je pars peut-être trop loin mais je ne pense pas que Julian soit 100% humain.

Bref, c'était un petit chapitre sympa =) J'ai hâte de voir le monde d'Artilius (c'est un drôle de nom pour une fille mais pourquoi pas ? x) et surtout, j'ai hâte de voir Julian le découvrir !

Sur ce, je te laisse !

À tout bientôt !

Natsunokaze
Zoju
Posté le 14/05/2020
Me revoilà pour un autre commentaire ! Chapitre d'action cette fois-ci. C'était bien, on ressentait bien les différents éléments du combat. C'était comique de voir Julian complètement perdu dans tout ça. Il s'habitude drôlement vite. La fin laisse un bon suspense. On est curieux de connaitre la suite. Si j'avais une petite remarque, ce serait pour évoquer les répétitions. Je te donne deux exemples ici : "brusquerie mais les étranges yeux de la jeune fille l’interrompirent brusquement" et "elle lui fit signe de se taire par un geste sec du menton. Julian serra les lèvres pour lui montrer qu’il avait bien compris et elle hocha la tête en lui faisant signe de ne pas bouger". Ce n'est pas trop dérangeant, mais je pense que cela allégerait un peu. En tout cas, j'attends la suite. Courage :-) PS : Je pense que tu as publié deux fois le même chapitre.
Alice Janes
Posté le 14/05/2020
Décidément je patauge un peu avec ce site ^^' merci beaucoup de me prévenir à chaque fois et pour tes conseils précieux, ça m'aide beaucoup :) j'espère que la suite te plaira.
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