Confiance

Par Anna

A tous les peuples, nous, Adam, Amaterasu, Ishman, Longmu,

Pères et Mères des Vrais Peuples,

Nous annonçons la venue de deux élues.

Deux Travailleuses ignorant tout de leur nature

Arriverons par l’Arbre des Liens d’Ignis

Quarante-deux jours après la célébration d’Ishman.

 

L’une aura les cheveux blonds comme l’été,

L’autre les yeux rouges comme l’automne.

Elles viendront Libérées, perdues et faibles

Inconscientes de Notre existence.

Elles auront d’abord peur de vous,

Celle aux yeux rouges sera la plus incertaine.

 

Votre tâche sera d’aider la leur

Par un compagnon savant et fort qui les guidera

Et par un équipement adapté.

Celle qui incarne l’été recevra une lance

La deuxième pourra choisir ce qui lui plait.

Que cette prophétie les accompagne également

Pour que, si perdues, elles s'y réfèrent.

 

Avec un compagnon elles quitteront le palais,

Mais avec deux elles quitteront Ignis.

Vers Sakra puis Tianshang elles doivent aller sans tarder,

Et là-bas trouver leurs autres compagnons choisis.

Le voyage sera rude, des épreuves et ennemis les attendent,

Mais cela est nécessaire, pour qu’elles découvrent leur vraie nature.

 

Quand la compagnie sera formée,

Il ne restera qu’une étape.

D’un sanctuaire dans la tour des Dieux,

Là elles invoqueront le Mal

Et au prix de nombreux sacrifices le déferont.

La puissance vile sera purifiée,

Elles seront honorées d’un pouvoir divin

Et reprendront alors la tâche du prophète

Pour qu’enfin l’univers retrouve son équilibre.

 

Prenez garde cependant

Car l’un des adversaires les plus coriaces de ce voyage

Sera le temps.

Les Envoyées auront cinq-cents jour à compter de leur arrivée

Pour atteindre Notre tour et invoquer le Mal

Si la mission venait à outrepasser ce délai,

Le pouvoir maudit à tout jamais règnerait.

 

C’est ainsi que l’avenir sera.

Aidez les enfants du destin

Et demain vous serez récompensés

Bénis pour mille ans et au-delà.

 

Lou ne put réprimer une grimace de désapprobation. C’était une prophétie pour le moins précise. Vraiment trop à son goût. Elle avait un très mauvais pressentiment.

« Pff, c’est trop précis ! Se plaignit Joy. Ça nous gâche la découverte … j’ai l’impression de déjà tout savoir.

-Comme je vous l’ai dit, répondit Gérard en secouant la tête, c’est la prophétie la plus complète que je n’ai jamais vu. C’est troublant, c’est vrai, mais elle vient des Dieux en personne. Qui de mieux placé pour prévoir l’avenir ?

-C’est possible, marmonna Lou, mais j’ai du mal à y croire. Et j’aimerais vous poser une question.

-Allez-y !

-Ce « mal » que nous sommes sensées défaire … Qu’est-ce que c’est au juste ?

-Je comptais vous en parler dans un instant. Patientez quelques secondes, s'il vous plait.»

L'érudit leur tourna le dos et fouilla dans une pile de parchemin. Il en sortit un dont les bords étaient brûlés et qui semblait usé par bien plus que le temps.

« Il y a des milliers d’années, après la grande séparation, c’est-à-dire lorsque des hérétiques choisirent de renier leurs liens et de quitter Gaea pour se libérer, les Dieux ont décidé de faire quelque chose. Ils ont utilisé l’entièreté de leur pouvoir pour créer un être divin qui serait leur prophète. 

-Ne pouvaient-ils pas agir directement ? Demanda Lou.

-Ce n’est pas ainsi qu’ils fonctionnent, répondit doucement Gérard. Très tôt ils ont cessé de s’impliquer dans nos affaires. Le simple fait qu’ils aient envoyé un prophète est un acte incroyable, de leur part.

Il parcouru le parchemin qu’il avait en main avant de continuer.

« Les textes qui parlent de lui sont rares. Ils le décrivent comme un être de lumière, capable de prendre toutes les formes, doté d’une puissance et d’une sagesse immense. On le dit capable de donner la vie comme de la reprendre, de manipuler toute chose sans limite, et d’inspirer une adoration divine. L’Ermite Lumineux, La Lumière Divine, Le Prophète … De nombreux noms lui sont donnés à travers l’histoire. J’ai même trouvé une gravure unique qui le représente. »

Gérard s’en fut fouiller à nouveau dans une armoire et en sortit une tablette de pierre grossière. Dessus, on apercevait tant bien que mal une figure gravée. L’homme la mit à hauteur des filles qui purent examiner plus attentivement. De près, on discernait une forme androgyne, avec des cheveux longs comme son corps drapé d’une seule pièce de tissu. Il tenait un sceptre dont les détails avaient disparût avec le temps, mais on voyait clairement les rayons qui s’en échappaient. Le tout avait une aura de majesté rappelant vaguement à Lou les dieux grecs dessinés sur les vases. 

« On dirait une femme, remarqua Joy.

-C’est vrai, dit Gérard en reprenant et rangeant la tablette avec précaution. Les textes ne font pas mention de son sexe, mais le désignent en général au masculin. Si on en croit les écrits, le Prophète pouvait changer d’apparence à loisir, alors je suppose que son genre n’a pas vraiment d’importance.

-Il s’agit donc du Prophète mentionné dans la prophétie ? S’enquit Lou.

-Selon moi, oui. Il n’y a qu’un seul être que les Dieux pourraient nommer ainsi … Bref, revenons à ce « mal » que vous allez affronter. »

Le barbu sembla hésiter, parcourant la pièce des yeux en évitant les filles, consultant sa sœur d’un regard. Celle-ci acquiesça avant de s’avancer vers la fenêtre de la pièce, tournant le dos aux filles.

« Eh bien, dit-il, soudainement enroué, l’Histoire nous informe d’une chose terrible à propos du Prophète. Au fil des siècles, il avait rassemblé toute une armée de fidèle, plus de dix-mille à ce qu’on dit. Pourtant, en un jour, ils ont tous péri.

-Comment ?! S’exclama Joy, tandis que Lou baissait le regard. La suite n'allait pas lui plaire, elle le sentait.

-Il semblerait … que ce soit le Prophète lui-même qui les aurait tués. Il est dit que sa croisade se passait mal, que certains peuples Libérés persévéraient dans la débauche malgré la venue du Prophète. L’être Divin et pur aurait très mal vécu cette réalité, et se serait peu à peu assombri. Souillé par la vilénie des Libérés, il se serait laissé corrompre avant de sombrer dans la folie. Après cela, et bien … on dit qu’il a décimé ses fidèles en quelques instants, avant de passer au rang supérieur et de détruire des planètes entières. »

L'estomac de Lou commencait à se comprimer. Des planètes entières ? C'était impossible ... Elle prit la main de Joy dans une recherche de soutient instinctive. Son amie avait perdu son sempiternel sourire et se contenta de la regarder gravement.

« Face à un tel fléau, reprit Gérard, les Dieux ont tout tenté. Cependant, la création du Prophète avait amoindri leurs pouvoirs, et ils ne purent, même à quatre, en venir à bout. Ils furent contrains de le sceller dans une prison sacrée et profonde.

-Vos Dieux sont extraordinairement faibles" remarqua Lou d’un ton qu'elle voulait cynique mais où on distinguait la peur. La reine et son frère se contentèrent de froncer les sourcils et ne relevèrent pas. L’érudit poursuivi :

« Après cela, atterrés par la souillure du monde et l’échec de leur Prophète, les Dieux ont « quitté » Gaea pour un lieu inconnu. Ils n’ont pas retiré leur bénédiction, mais leur absence se fait sentir … Nos civilisations sont loin de leur âge d’or.

-La terre est toujours fertile, certes, mais les monstres se multiplient et les menaces se font plus pressantes, continua la reine. Certain pays brisent même leur immuabilité en changeant de régime politique. Sans parler des Gardiens qui nous ignorent comme des parasites.

-Le monde ne va pas très bien, c’est vrai, avoua Gérard. Encore moins depuis vingt ans.

-Que s’est-il passé ? » Demanda Joy. De son côté, Lou avait deviné ce dont il s’agissait. C’était évident.

-Il y a vingt ans, le Prophète a quitté sa prison. On ignore où il se trouve, mais sa liberté est une menace constante pour l’univers entier. Nous ne savons s’il a recommencé à tuer, comment il s’est échappé … C’est pour cela que les Dieux vous envoient. Votre tâche est de venir à bout du Prophète, le Mal qui attend dans l’ombre… Et de prendre sa place.»

Joy recula lentement avant de se laisser tomber sur un sofa qui ne croulait pas encore sous les parchemins. Lou resta stoïque, encaissant le coup sans un mot. Elle avait compris depuis le début de cette histoire sur le Prophète. Et bien que son estomac plein menace de se vider sur le sol, elle se sentait … présente. Connaître la nature de cette « quête » permettait au moins de se préparer à la suite. Elle essaya de résumer froidement la situation : deux gamines sans pouvoir devaient combattre une entité que les Dieux eux-mêmes, soi-disant, n'avaient pas pu détruire. Non. 

C'était impossible, objectivement ridicule. Si la situation n'était pas si sérieuse, Lou aurait volontiers continué de croire à une farce. Comment pouvait-on attendre d'elle la moindre chose ? Comment imager qu'elle et Joy soient en mesure de faire ... quoi que ce soit ?

Le pire, c'était cette histoire de "prendre la place du prophète. Est-ce que cela voulait dire qu'on attendait qu'elles partent dans une sorte de croisade galactique après avoir détruit l'ancien prophète ? Il fallait que, totalement arbitrairement, elles se fassent porte-paroles de Dieux en lesquels elles ne croyaient même pas ? C'était tellement insensé, tellement injuste, que Lou sentait la rage monter en elle. Elle jeta des regards sanglants sur la pièce croulant sous les parchemins, puis sur la reine et son frère, immobiles et silencieux, à l'expression indéchiffrable. Après un instant d'hésitation, Lou craqua.

Elle renversa les tables, pris des livres et les jeta sur les étagères. Elle brisa les instruments rutilants, déchira des parchemins, et se laissa aller à toute sa violence contenue contre les fauteuils. Elle attrapa même une table basse et la lança par la fenêtre, détruisant la vitre et rependant une pluie de fragment de verre dans la pièce. Sa colère mit longtemps à se calmer, car elle la sentait redoubler dès qu'elle voyait l'air placide de l'érudit, le visage désolé de la reine, et le regard effrayé de Joy. 

Finalement à bout de souffle, elle se laissa tomber à terre, ignorant les morceaux de verre qui lui lacéraient les genoux. Pourquoi était-elle la seule à se rebeller contre cette situation ridicule ?! Pourquoi tout ne s'arrêtait pas maintenant, tout de suite ? Pourquoi elle, pourquoi Joy ? Le visage entre ses mains, elle ne vit pas la reine s'approcher. Celle-ci s'accroupi à sa hauteur et parla d'un ton calme, sans altération aucune.

 « Êtes-vous calmée ?

-Non, murmura Lou, un relent d'animosité dans la voix. 

-Votre réaction est tout à fait compréhensible. Tout cela nous dépasse tous. Je vous en prie, croyez-moi quand je vous dis que je préfèrerais être à votre place.

-Qu'est-ce qui vous empêche de la prendre alors ? Vous êtes la reine, rien ne vous retient !

-Bien sûr que si. Je suis reine justement, j'ai des obligations, des devoirs envers mon peuple. Et puis, c'est vous, et personne d'autre, que les Dieux ont choisis. Nous ne pouvons en aucun cas contredire un ordre direct émanant d'eux.

-Mais pourquoi nous ? répliqua Lou, retenant des larmes amères. Pourquoi Joy et moi ? Qu'est-ce que nous possédons de si spécial pour que les Dieux veuillent de nous ? 

-Je ne saurais vous le dire, déclara Gérard en se raclant la gorge. Je ne suis pas théologien, encore moins devin. Les Dieux ne l’ont jamais expliqué. Mais il y a forcément une raison, c’est vrai. Vous la découvrirez sans doute par vous-même une fois le moment venu.

-Ce n'est pas une réponse, ça ... maugréa Lou. Juste un moyen de nous faire obéir, en agitant une hypothétique révélation ou explication dans un futur incertain. Je ne me contenterais pas de ça. 

-Lou ... ça suffit. »

Joy avait parlé si bas, si faiblement que toute l’animosité de Lou fut balayé. Joy, son amie que rien n’ébranlait jamais, était désespérée. De voir ses joues rebondies souillées de larmes, son nez rouge, ses lèvres tremblantes, Lou se sentit désemparée. Quelle idiote. Au lieu de passer ses nerfs sur de pauvres objets qui n’y étaient pour rien, il aurait mieux valu soutenir son amie.

« Ça ne sert à rien … de tergiverser, continua Joy, ses cheveux bouclés collés à son visage humide. Nous n’avons pas le choix … ni la possibilité de fuir. Alors, nous ne pouvons que … accepter. »

Un long silence suivit cette déclaration. Elle fit l’effet d’une pierre dans l’estomac de Lou. Car c’était vrai, sa petite colère n’avait servie à rien. Rien de ce qu’elle pourrait dire, pourrait faire ne servirait à quoi que ce soit dans cette situation injuste et ridicule. Lou vint près de son amie et posa son front contre le sien. Dès fois, elle se demandait qui était la plus réfléchie des deux.

« Bon … fit la reine, après toutes ces émotions, je crois qu’il est temps pour vous d’aller vous reposer. Jackob vous conduira dans votre chambre. Et demain … vous partirez, et mon frère vous accompagnera.

-Je vous aiderais de mon mieux, déclara Gérard. Je sais que vous ne voulez pas de cette quête mais autant faire en sorte que tout ce passe bien, n’est-ce pas ? Je vous apprendrais plus de chose sur ce monde, sur les Dieux, et vous verrez que bientôt vous aurez envie de nous aider à propager leur enseignement. »

Lou lui lança un regard plein de doute. Il lui semblait impossible, en cet instant, de vouloir un jour véritablement accomplir cette fameuse mission. Cependant, l’homme avait au moins pour lui qu’il était rassurant, et évidement plus instruit sur ce monde qu’elles. Ce serait un allier précieux, à n’en pas douter.

 

« Merci » dit Lou, avant de poursuivre en son for intérieur : même si je ne devrais pas remercier des gens qui viennent de détruire ma vie. 

Cela dit, la reine fit mander Jakob, qui conduisit Lou et Joy en silence jusqu’à leur chambre. Là, elles mirent des chemises de nuit et se couchèrent dans le lit à baldaquin, sans un mot. La nuit était calme, les draps doux, mais elles étaient trop angoissées pour dormir. Comment ne pas être terrifié par ce que l'on attendait d'elles ?  Elles qui avaient été choisies par ce qui semblait être un pur hasard, disposaient de tout juste cinq-cents jours pour devenir de vraies « héroïnes ». Pour devenir ce que l'on voulait qu'elles soient. Lou se sentait vide, incapable d'avoir une seule pensée complète sur ce qu'il allait leur arriver. Par habitude, elle se tourna vers Joy en espérant une pensée positive, un encouragement où même une plaisanterie. Mais cette fois, Joy paraissait dans un état de torpeur encore plus profond que celui de Lou. Cette dernière hésita. Elle ne savait pas comment formuler cette angoisse qui l'étranglait, encore moins comment aider son amie dans un moment pareil. Elle tenta une approche simple, à tout hasard.

« Joy, ça n’a pas l’air d’aller.

-Parce que ça devrait ?

-Non, fit la brune, troublée par le ton abrupt de son amie. Mais ... tu es si positive d'habitude ! C'est idiot de ma part mais j'ai toujours cru que quoi qu'il puisse arriver, tu trouverais un moyen de passer outre les aspects sombres. Que même maintenant tu ... 

-Je ne suis pas incapable de ressentir autre chose que de la joie ! Assena Joy. Je pensais que toi, au moins, tu le savais. »

Lou se tut, ne sachant pas quoi dire de plus. Joy reprit après s'être redressée sur le lit. 

« Comment pourrais-je voir le positif alors que ... tout est de ma faute ?! »

Sa rancœur se mua en sanglot.

« Je suis tellement cruche, à m’imaginer toujours le meilleur ! Comme si la vie était un conte de fée … Juste parce que je veux y croire … Mais cette histoire n’a rien d’un conte, elle est sanglante et terrifiante. Je pensais, je ne sais pas, qu’on allait devenir comme des super-héroïnes tout d’un coup, qu’on vaincrait des démons et puis ... Mais voilà, tout n'est pas si simple ... et aujourd'hui la réalité m'a frappé sans prévenir. 

-Ne dit pas ça, Joy. D'abord, ce n'est pas ta faute si on en est là. Tu ne pouvais pas prévoir qu'il y aurait un trou menant à un arbre menant à ... ici ! Ensuite, ce n'est pas un défaut de voir toujours le côté positif, au contraire ! Sans toi, je passerais mon temps à me lamenter, incapable de profiter ce qu'il y a de beau dans le monde. Alors, s'il te plait, ne te sens pas coupable d'être ce que tu es.

-Mais, parce que j'ai stupidement insisté pour qu'on vienne voir l'endroit de ton abandon, nous nous retrouvons dans une situation complétement ahurissante. Prendre la place d'un prophète déchu, c'est ... 

-Tu sais, coupa Lou, on n’est pas obligées de faire ce que dit cette foutue prophétie. Si après avoir vaincu le Prophète on a vraiment ses pouvoirs, on pourra faire ce qu’on veut ! Personne ne pourra nous empêcher de rentrer à la maison et d’avoir la vie que nous choisirons. Moi non plus, ça me charme pas de faire une croisade, alors crois-moi, je ferais tout pour qu’on puisse l’éviter.

-Et si l’une de nous venait à mourir ? La prophétie parlait de sacrifice … Je ne veux pas que tu risques ta vie parce que j’ai été stupide …

-Nous allons risquer nos vie ensemble, Joy. Elles sont liées, maintenant plus que jamais. » Lou prit l’index de son amie avec le sien. « On se fait une promesse ? Comme quand on était petites, tu te souviens ? Tu m’avais poursuivie partout pour devenir mon amie jusqu’à ce que je cède. Et tu m’avais promis, en tenant nos doigts comme ça, d’être mon amie pour toujours. Dix ans plus tard, nous voilà ici, encore ensemble.

On est peut-être dans le pétrin jusqu'au coup ... injustement trainées jusque ici sans raisons valables, obligées de croire à une prophétie, d'obéir à des dieux hypothétiques, de s'en remettre à des gens qu'on vient de rencontrer ... mais on est ensemble, Joy. Ça, c'est un aspect positif que je ne peux pas ignorer. Alors, ne pleure pas. »

 Joy laissa échapper quelques larmes avant de sourire. C’était un de ses sourires radieux, de ceux qui réchauffaient le cœur. Lou fut définitivement rassurée : quoiqu’il arrive, même si tout leur faisait défaut, elles pourraient compter l’une sur l’autre.

La nuit leur parût très courte. Jackob les réveilla en ouvrant les rideaux de leur chambre, laissant passer une lumière dorée. Elles se débarbouillèrent, mirent les mêmes robes que la veille au soir, et dégustèrent le copieux petit-déjeuner que le majordome avait apporté. Rassasiées, elles le suivirent jusque dans une partie inexplorée du palais, une sorte de cour intérieure. Elle était protégée par le couvert naturel des arbres orangés qui y poussaient. Bordant les murs couleur ambre, des fleurs exotiques aux senteurs inconnues retinrent l’attention de Joy. Cette dernière était plus calme depuis la veille, elle ne souriait plus en permanence ni ne courrait partout. Cependant, en voyant ces fleurs, elle sembla oublier le malheur de leur condition pendant quelques instants, et se précipita devant les plantes pour les sentir. Lou soupira, soulagée. Son amie ne changerait heureusement jamais totalement.

La cour se révéla ne pas être qu’un jardin, mais aussi une salle d’entrainement. Là, les attendaient la reine, Gérard et l’ancien, qui semblait encore plus faible qu’avant. Il toussa un salut alors que la reine, en armure, se montra froide et révérencieuse. Lou remarqua la présence de plusieurs membres de la famille royale et de quelques enfants qui espionnaient les Envoyées Divines depuis une galerie qui surplombait la cour. Voilà qui expliquait le comportement … royal de la reine. Quand Joy eut finit sa contemplation florale et retrouvé son sérieux inhabituel, la souveraine prit la parole.

« Il est temps de vous confier les armes et armures que nous avons préparé à votre attention. »

Elle présenta du bras les râteliers d’armes et d’armures entreposés derrière elle.

« Je rappelle à L’Envoyée de l’été que la lance est l’arme que les Dieux lui ont choisie. Nous vous en présentons un assortiment. Quant à vous, Dame aux Yeux de Rubis, le choix s’offre à vous. Il y a tout ce que nous pouvons forger ; je vous laisse décider. » 

Lou faillit lever les yeux au ciel en entendant ces surnoms pompeux, mais il fallait s’y faire. Elle s’attela à examiner les armes et armures, gardant en tête l’importance que ce choix pourrait avoir pour la suite. Devant elle, une grande variété d’arme, en effet. Des dagues effilées comme des aiguilles et d’autres courbes, des épées de toutes tailles et formes, des claymores, des flamberges, mais aussi des boucliers dont l’épaisseur rassurante plut à Lou. Il y avait aussi des arcs, des arbalètes, des lances bien entendu, et des sceptres. Quand elle désigna ces derniers, Gérard lui expliqua qu’ils servaient à canaliser la maitrise du feu pour réaliser des manipulations complexes.

Pour ce qui était des armures, la reine avait eu l’intelligence de ne pas leur proposer une panoplie lourde. Au contraire, il y avait là des armures faites dans une sorte de cuir durci mais souple, des tuniques de lins doublées de côtes de mailles légères, et des robes dans la même matière flamboyante que celle de la reine au repas de la veille. L’érudit anticipa la question et déclara qu’il s’agissait d’une matière rare capable de résister au feu. Impressionnant.

Perplexe face à tant de choix, Lou piétina sur place. Elle se voyait bien en mage, mais elle ne savait pas si en tant que Libérée, elle pourrait manier le feu. Un bouclier et une épée, c’était simple et polyvalent, plus sécurisant qu’un sceptre, mais aussi plus lourd et demandait de l’entrainement. Les armes à deux mains étaient aussi meurtrières qu’impossibles à soulever. Quant aux dagues, c’étaient des armes de courtes portées qui supposaient de la discrétion de leur propriétaire. Les arcs, enfin, permettaient de porter des coups mortels en restant à couvert, mais se révéleraient inutiles en cas d’embuscade.

La brune jeta un œil sur son amie : celle-ci n’hésitait jamais bien longtemps. En effet, Joy avait choisi une lance de taille moyenne dont la pointe rappelait un celle d’un trident, ainsi qu’une côte de maille. La blonde lança un regard à Lou, lui montra ses choix en levant les pouces.

Lou finit par se décider au prix d’une violente réflexion : armure de cuir, dague, bouclier et arbalète. Un assortiment qui lui permettrait de palier au plus grand nombre de situation.

Les filles allèrent se changer dans leur chambre et revinrent, ressemblant enfin des aventurières. Elles avaient parachevé leur panoplie avec les manteaux d’érables donnés par l’ancien. Lou trouvait que Joy ressemblait à une mercenaire, avec cette lance menaçante. Quant à elle, oh, elle se faisait de la peine. Son attirail était lourd, et si pour l’instant, avec ses armes rangées, elle faisait illusion, ce serait une autre paire de manches au combat …

La suite lui parût irréelle. Il y eut une parade devant le palais, où on les fit avancer, avec Gérard, face à de pauvres gens ignorant tout de ce qui se tramait vraiment. Après un autre discours grandiloquent de la reine et une bénédiction de l’ancien, après avoir reçu trois chevaux à six pattes chargés de vivres, après avoir salué la foule … quoi, maintenant ? Tout se passait si vite !

 Lou et Joy se consultèrent du regard, unies mais apeurées, tenant tant bien que mal sur leur monture, suivant Gérard jusqu’à leur première destination : Automnale.

Non loin au-dessus d’elles, planait un oiseau gris argenté, avec un masque plus foncé autour des yeux. Et il les suivait.

 

 

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sidmizar
Posté le 12/06/2017
Salut Anna, 
Je me décide enfin à respecter notre triptyque (désolé...).
J'ai eu la même réaction que nos deux héroïnes, cette prophétie est vraiment très précise. On a presque tous les détails de leur aventure. Néanmoins, le fait qu'elles le dise fait plus facilement passer la pilule. C'en est moins gênant.
Le reste, à savoir ce prophète qui sombre dans la folie, quatre dieux affaiblis se contentant de l'enfermer puisque ne pouvant le vaincre, la résignation plus que l'acceptation de cette mission par Joy et Lou me plaît vraiment. Ça sent vraiment la grande aventure épique !
Le choix final de Lou pour son équipement est plutôt bien pensé. Même si un bouclier est vraiment très lourd... quelque soit sa taille. Une targe ou un bocle serait plus approprié (ce sont de petits boucliers de 15 à 45 cm de diamètre en fer ou bois...)
Et cet oiseau à la fin, pose question...
Et quelques petites remarques et suggestions :
-fouilla une pile de parchemin > parchemins
-armée de fidèle > fidèles
-soutient instinctive > soutien
-froncèrent les sourcils et ne relevèrent pas > mais ne relevèrent pas (je trouve que ça coule mieux, mais c'est toi qui décide.)
-sans parler des gardiens qui nous ignorent comme des parasites > soit "qui nous considèrent comme des parasites" ; soit "qui nous ignorent."
-Tout cela nous dépasse tous > Cela nous dépasse tous 
-On est peut-être dans le pétrin jusqu'au coup > cou
 Voilà, à bientôt ! Promis, je m'y mets sérieusement...
Rimeko
Posté le 25/07/2016
Bon, c'est le dernier commentaire que j'ai en stock pour l'instant... mais je me demande si je ne vais pas tenetr de me mettre à jour sur ton hisotire avant le début du PaCNO ! ^^
 
Coquillettes (oui je changerai de dénomination à chaque commentaire) :
"Pour que, si perdues, elles si (s'y) réfèrent."<br /> "Bénis pour milles (pas de -s) ans et au-delà."<br /> "mais le désigne(nt) en général au masculin"<br /> "Et se serait peu à peu assombrit (assombri)."<br /> "La création du Prophète avait amoindrit (amoindri) leurs pouvoirs"<br /> "C’est pour cela que les Dieux vous envoie(nt)"<br /> "Ils vous ont choisi(es), guidé(e)s jusqu’ici."<br /> "pour vous apporter tout mon soutient (soutien)"<br /> "Ta bonne humeur à disparût (a disparu) si vite !"<br /> "je ferais tous (tout) pour qu’on puisse l’éviter"<br /> "Tu m’avais poursuivi(e) partout pour devenir mon amie"
 
Jolie cette prophétie ! Et incroyablement détaillée, c'est original ça :P Mais en même temps, que pour une fois les Dieux arrêtent de jouer aux énigmatiques, c'est pas plus mal !
Oh, mais je viens enfin de comprendre vraiment le sens du trailer pour Les Yeux Rouges, le jeu vidéo que tu avais tenté de faire ! Et c'était cool d'avoir les deux versions <3
Mow, le moment avec Joy est tellement mignon ! C'est marrant que ce soit Lou qui entame la conversation cette fois et qui rassure son amie, ça inverse un peu els rôles et ça c'est super, ça montre bien que tes personnages ne sont pas figés dans un rôle caricatural ! Puis cette conversation sonnait juste, et elle était si touchante...
Le moment où tes héroïnes choisissent leurs armes m'a tellement fait penser à un jeu vidéo xD Mais c'est cool moi je trouve, c'est pas du tout négatif, au contraire ! Cela rend le truc plus épique en plus, et ça nosu rapproche de tes personnages parce que les hésitations de Lou par rapport à son équipement, c'est exactement celles qu'in auraient en commençant une partie ! (Du coup, je vois bien pourquoi tu voulais effectivement en faire un jeu vidéo...)
L'oiseau, c'est un tanuki !! (Oui, je suis très fière d'avoir compris ça xD) Par contre, je me demande bien ce qu'il peut leur vouloir...
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