CONSnectés

Notes de l’auteur : Le téléphone, cette chaîne prismatique, la kryptonite du cœur.

Ça commence souvent comme un cadeau. Un cadeau que l’on s’offre ou que l’on reçoit.
Il est hype, il est dans l’être du temps. Il a des capacités incroyables. Il représente l’ouverture sur le monde, sur la connaissance, sur les autres…

Mais finalement, tout ce que l’on voit sur sa surface noire, c’est son propre reflet.
Narcissisme douteux que d’avoir constamment un miroir dans la main…

Mais quel outil fantastique ! Accès à qui l’on veut, quand on veut, d’où l’on veut… sans se soucier finalement si l’autre le veut.

 

Nous avons tous besoin de notre jardin secret, de notre intimité et pourtant… Consciencieusement, même si inconsciemment, nous exposons tout ça à la vue de tous.
Y a-t-il urgence ? Y a-t-il péril ? A ce que n'importe quel contact sache l'heure à laquelle on s’est couché ?
Y a-t-il un gain ? Y a-t-il un intérêt ? A être sûr que quelqu’un a reçu un message aussi important qu’une photo ou un petit mot fusse-t-il joli ?

Certes, normalement cela n’a que peu d’impact, mais tant qu’il n’y a pas de passion.
La passion connectée est une véritable addiction. Là tout de suite, j’ai envie de savoir si tu as reçu mon message envoyé 10 min auparavant.
Il y a une photo des puces, il y a moi écrivant ses lignes. Pourquoi ? Est-ce primordial ? Ai-je besoin d’un adoubement de ta part ? Est ce que j’attends que tu sois disponible pour moi ?
Ai-je besoin que l’écran s’allume pour ne plus voir le reflet de mon visage qui me fait honte ?

 

Au début, la connexion est douce, c’est un sucre de savoir que l’Être aimé a reçu notre missive. Nous l'avons vécu tous les deux.

Mais parfois, quand le coeur à mal, elle devient un poison. On est addict !
Les notifications qui n’ont rien à voir, ou qui ne sont pas celles que l’on attend, la simple vue d’un téléphone, même celui d’un autre, peut provoquer le manque.
L’heure de la dernière connexion, qui n’est au départ qu'une simple information, un témoignage sympathique, devient source de frustration, de spéculation, voire de suspicion.
Et quand l’écran s’éteint, je vois ma laideur, et je sais de quoi je vais parler à la psy.

Et à quoi bon, bordel, être connecté ailleurs au point de ne pas profiter pleinement des joies de la maison et de l'instant présent, au point de ne pas voir la souffrance de la personne qui partage ma vie ?


Alors que notre toit devrait être un refuge…
La connexion instille les malheurs du monde entier dans nos discussions.
La connexion introduit le travail à l’heure du petit déjeuner.
La connexion apporte l’adultère jusque dans le lit conjugal.


La connexion est une porte ouverte. On s’en sert pour le bien et on finit par l’utiliser pour ne plus être mal, comme pour échapper à son quotidien. Une porte ouverte… pour fuir.
Elle aide à voir ailleurs, pas à voir chez soi, pas à se voir soi…
C’est une dérive. Peut-être une des dérives primordiales de notre couple.
Elle est une annexion du cerveau, un filtre interprétatif insidieux et vicieux, qui nous plonge dans le morbide, les obligations, la jalousie et qui ronge le cerveau tel un cancer.

Notre connexion nous a déconnecté et nous en souffrons. Tous les jours.


Car son opposé, la déconnexion, est une des choses la plus nécessaire à notre équilibre individuel et familial. Elle permet d’écouter sereinement, de s’écouter aussi, et d’être au final en lien DIRECT avec notre environnement, nos proches, nos envies, nos besoins.

 

Là, tout de suite, je rejette tout ça. Même si c’est mon outil de travail, même si j’aime argumenter sur twitter, même si c’est un outil d’apprentissage formidable, j’ai envie de fabriquer de mes mains un très joli support en bois pour y déposer cette outil génial afin qu’il ne dépasse plus l’entrée de la maison.


Laisser au placard mon reflet noir.

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